Déclarations de Jacques Cheminade

L’Italia la faremo noi !

mardi 9 août 2011, par Jacques Cheminade

Déclaration de Jacques Cheminade


Paris, le 9 août 2011 – Lorsqu’un voisin se trouve menacé ou attaqué par des bandits, même si sa morale n’en fait pas un sujet très recommandable, on court à son secours car les atteintes à sa personne physique, à ses enfants ou à son logement ne sont pas tolérables. De même aujourd’hui, lorsque la Banque centrale européenne (BCE) exige le démantèlement de l’Etat italien, même si Silvio Berlusconi le dirige, nous ne pouvons qu’exprimer une violente indignation. C’est d’ailleurs à son peuple que l’on veut faire payer la note et non pas à celui qui l’a égaré.

L’outrecuidance de MM. Trichet et Draghi, l’actuel et le futur dirigeants de la BCE, est proprement incroyable. Dans une lettre qui devait être théoriquement secrète, car ces hommes jouent sous la table, ils entendent imposer à l’Italie un véritable programme de gouvernement ultra-libéral, équivalant à la mise sous tutelle d’un Etat souverain, comme le faisait l’Empire britannique au XIXe siècle. L’on croît rêver, mais c’est un cauchemar de banquier central rendu fou par la drogue financière : l’on trouve dans la lettre non seulement la liste de mesures de "libéralisation de toute la structure de l’économie italienne", mais le calendrier pour leur application et même les outils législatifs à utiliser. Le gouvernement est invité à agir par décrets, un mode "plus raide et efficace" que le débat parlementaire. Comme Obama aux Etats-Unis, la BCE s’assoit ainsi sur le principe républicain de consentement aux dépenses par les élus du peuple. Parler de coup d’Etat permanent n’est plus une image.

Sur le fond, la BCE exige une réforme du marché du travail, avec "moins de rigidité sur les contrats à durée indéterminée... et une modification d’un système fondé sur l’extrême flexibilité des jeunes et des précaires, face à une totale protection des autres" – bref, un alignement systématique par le bas, y compris l’assouplissement du droit de licenciement ! En outre, la BCE veut que les mesures d’austérité votées par le Parlement italien pour 2014 soient appliquées dès 2013 et que les sociétés municipales qui gèrent la collecte des déchets, les transports publics et la distribution de l’électricité et du gaz soient privatisées. Pire encore, après qu’un référendum ait décidé que la gestion de l’eau serait municipalisée, la BCE implique que l’on fasse le contraire ! Enfin, les banquiers centraux européens imposent l’inscription de l’équilibre budgétaire comme règle d’or au coeur de la Constitution.

Après avoir protesté, le gouvernement italien se trouve obligé de s’incliner. Il s’agit donc bien d’une dictature financière imposée à l’Europe par des hommes comme Mario Draghi, sans foi ni loi, qui a dirigé Goldman Sachs alors que cette banque organisait toutes les fraudes de la Grèce, et a dèjà présidé en personne, comme directeur du Trésor italien, au dépècement de son propre pays. Les pires bandits sont ceux qui sautent à la gorge de leurs anciens complices. Les dirigeants européens ont par ailleurs déclaré que l’implication des banques privées dans l’assistance à la Grèce, pour aussi limitée qu’elle soit, resterait un cas unique et ne saurait donc en aucun cas constituer un précédent. En clair, ce sont les victimes qui doivent payer, et non les coupables.

L’indigence et le manque de courage politique des dirigeants européens sont ainsi prouvés. Ils ne sont que les supplétifs des banques d’affaires et de leurs représentants au sein des banques centrales, c’est à dire de tout le système qui de proche en proche remonte à la City et à Wall Street. Il faut de toute urgence arrêter leur folie financière, qui est devenue un crime contre les peuples et contre les économies, c’est à dire contre le futur de nos sociétés.

Nous devons faire un autre monde, dans lequel la justice sociale et la croissance économique réelle, proclamées après la victoire de 1945 sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, soient de nouveau respectées. Le fascisme financier dont j’ai dénoncé le chantage lors de la campagne présidentielle de 2006-2007 est aujourd’hui au pouvoir. Il faut nous battre pour l’arrêter, en appliquant les textes constitutionnels et législatifs existants. Car ce sont nos ennemis qui les violent, comme ils violent le principe même de notre Constitution, le "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple".

Quant à la nation italienne, l’heure est venue pour nous tous de la défendre, ne serait-ce que par intérêt bien compris, puisqu’après elle c’est notre pays dont les mêmes veulent mettre la tête sous le billot.

La France doit retrouver sa place dans le monde comme idée. Sa mission immédiate est de sauver notre voisine, l’Italie. L’on disait hier "l’Italia fara da se" ; disons aujourd’hui "l’Italia la faremo noi".