Leadership

mercredi 24 août 2011, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que sur son site de campagne www.cheminade2012.fr.


François Hollande affirme que les Français doivent pouvoir élire un homme « normal » . Il se trompe totalement de moment historique. Le pire est que cette manière de se dérober face au défi est la marque que portent tous les candidats. Alors que le contexte appelle un Roosevelt, un de Gaulle, un Jaurès ou un Mendès-France, c’est-à-dire un cheval qu’on n’attelle pas, tous se situent au sein d’un système qui a signé son arrêt de mort par son incapacité d’assurer un avenir aux générations futures.

Les quelques mesures proposées par les socialistes ne s’inscrivent dans aucun horizon à long terme. Que celles assénées par Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse soient pires ne tient pas lieu de circonstance atténuante. Ces derniers veulent inscrire dans la Constitution la « règle d’or », comme si un texte fondateur de dynamique sociale devait comporter une règle de comptabilité financière paralysante. Ils rappellent les règles actuelles du pacte européen de stabilité et de croissance, qu’ils ont eux-mêmes violées. Enfin, ils entendent atteindre l’objectif de 3% de réduction du déficit budgétaire par rapport au Produit intérieur brut d’ici à 2013. Et c’est là que le bât blesse. Car Martine Aubry et François Hollande ont, eux aussi, adopté cette même échéance ! On voit dès lors le piège se refermer : François Fillon appelle à une « unité nationale » en faveur de cette politique d’austérité destructrice à laquelle tous ont consenti.

L’impératif est au contraire de faire sauter le garrot du système financier. Or aucune voix politique cohérente ne s’élève en France pour mener le combat, à l’exception de la mienne. On peut le déplorer, mais c’est ainsi.

Certes, le Parti socialiste, ses dirigeants et leurs collègues communistes appellent à une « spécialisation des banques en banques de dépôt et banques d’investissement, dans l’esprit du Glass Steagall Act, aboli en 1999 » , comme vient de le faire Henri Weber dans sa Nouvelle Frontière. Mais ils n’y voient pas un acte politique fondateur. Ils se dérobent au combat contre la City, Wall Street et leurs complices en France, comme Alain Minc ou Michel Pébereau. Ils refusent de considérer qu’une réelle séparation entre banques d’affaires et celles qui servent l’économie implique la banqueroute organisée des banques d’affaires qu’on cessera de renflouer. Le nez plongé dans les préjugés du système, ils ne peuvent concevoir qu’un Etat inspirateur doit reprendre les rênes, promouvant de grands projets de développement à l’échelle européenne et mondiale, dans un monde sans Wall Street, sans la City et donc libéré de la finance folle.

Ils refusent de se battre pour cette Europe-là et ce monde-là, car ils sont installés dans celui d’aujourd’hui. Ils ne comprennent pas le lien entre développement économique et social et densité de flux d’énergie, comme le permet le nucléaire, et passent donc des compromis avec le faux écologisme vert, qui repose sur l’illusion autodestructrice de technologies « douces », de flux d’énergie de moins en moins denses et d’un localisme malthusien.

Il est temps qu’apparaisse un réel esprit de leadership qui rétablisse l’espérance et libère de la peur. A une heure où Norbert Walter, l’ancien chef des services économiques de la Deutsche Bank, reconnaît que ce qui se passe sur les marchés n’est pas une correction mais le début d’une crise finale, les hommes « normaux » doivent goûter à l’âpre joie d’être responsables : créateurs, c’est-à-dire prêts à changer la règle du jeu dominante, courageux, jusqu’à risquer leur vie et leur honneur, et déterminés à tenir la distance. Le lecteur de ce texte qui ne se pose pas la question de sa propre « normalité » se laissera fatalement mener au chaos puis à l’abattoir financier que préparent nos ennemis.