Un monde sans la City ni Wall Street - Un grand chantier pour demain (transcription)

samedi 29 octobre 2011, par Jacques Cheminade

Transcription du discours de lancement de campagne de Jacques Cheminade, le 15 octobre 2011 à Saint-Ouen. www.cheminade2012.fr
La vidéo est disponible ici


Je vais commencer par des paroles lourdes. Nous sommes en guerre. Elle n’est pas visible, mais elle est déclarée, insidieuse, et elle est destructrice. Un conglomérat d’intérêts financiers opérant depuis la City de Londres et Wall Street domine aujourd’hui le monde. Sa loi est le profit à court terme, la possession, la cupidité, le saccage social et la manipulation des esprits.

Nous sommes à un tournant de l’histoire dans le monde et en Europe. Ou c’est eux, ou c’est ce que nous défendons. Le féodalisme financier combattu par le programme du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944, et l’outrage fait au travail humain, dénoncé par la déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944, sont de retour.

Par ses dimensions mondiales, notre crise dépasse celle de 1929 et aboutira à des orages bien pires encore, si nous ne lui portons pas immédiatement un coup d’arrêt. Nous savons, depuis Goya et la guerre d’Espagne de Napoléon, que le sommeil de la Raison engendre des monstres.

Je veux aujourd’hui vous présenter un projet de combat et de reconstruction, un combat que l’on doit gagner, pas pour le plaisir de gagner, mais pour pouvoir reconstruire. Car il est possible de s’en sortir par le haut, en mobilisant nos meilleures ressources pour rendre à nouveau vivant ce que notre histoire a pu porter de meilleur.

Aujourd’hui, on ne mobilise pas ces ressources. C’est la raison pour laquelle je rentre en scène pour tenter de réorienter la dynamique de l’élection présidentielle, en y apportant un défi qui puisse en changer le cours, à condition que vous m’aidiez. J’ai peu de moyens, peu de moyens financiers, peu de réseaux constitués. Mes moyens, c’est vous, ce que chacun d’entre vous pourra mobiliser.

Avant de tracer des pistes en partant de la réalité, en reconnaissant le caractère tragique de la situation actuelle, avant que nous puissions nous rassembler sur les moyens de nous mobiliser, il faut d’abord mesurer ce que les autres ne font pas. Pour commencer, replaçons-nous à des moments déterminants de notre histoire, qui vont nous éclairer aujourd’hui :

* Le 14 juillet 1790, à la fête de la Fédération, où la Révolution française avait encore une dernière chance d’être politiquement réussie, à condition qu’une vaste entreprise d’éducation nationale fût entreprise dans tout un pays où près de 80% des français d’alors ne savaient ni lire ni écrire, et où les élites, même généreuses comme un Lafayette, n’avaient aucun sens de ce que signifiait cette entreprise d’ « élever chaque être humain à la dignité d’homme . » Les conditions du drame étaient alors nouées, au cœur d’un enthousiasme aveugle.

* Le 18 juin 1940, alors qu’une poignée d’indignés rejoignait Londres et que nos élites jouaient le jeu de Vichy. « Les possédants sont toujours possédés par ce qu’ils possèdent » disait alors un général apparemment isolé, illégal, condamné à mort, mais au fond légitime.

Aujourd’hui, rétrospectivement, il paraît facile de jauger la gravité de l’événement et de savoir ce qu’il aurait fallu faire ou ce que l’on aurait fait soi-même.

Tout paraissait joué pour le pire le 18 juin 1940 ; tout paraissait prometteur en cet éveil des choses, le 14 juillet 1790, et les deux fois, on le sait aujourd’hui, ont été de grandes dates de notre histoire nationale.
Eh bien, les mêmes qui reconnaissent aujourd’hui l’enjeu décisif que représentaient ces dates, mais qui ne seraient probablement pas intervenus alors, les mêmes sont aujourd’hui paralysés ou tentent de se tirer individuellement d’affaire, dans une France, une Europe et un monde qui sont en train de s’effondrer sur eux-mêmes. C’est toujours une poignée d’hommes qui, aux heures décisives, font face aux circonstances. Nous y sommes, vous y êtes, et c’est pourquoi nous sommes ici ce matin. Cependant, avant de parler et d’agir, il est nécessaire de comprendre pourquoi les autres parlent souvent beaucoup trop et n’agissent pas.

Pourquoi ce déni de réalité dans lequel nous vivons affecte autant notre classe politique et le plus grand nombre ? Car, après tout, c’est bien le plus grand nombre qui a élu cette classe politique, par défaut ou en votant pour elle.

La gauche cultive les humiliations en donnant l’illusion qu’on peut changer la vie en les corrigeant. La droite cultive les peurs, comme toujours, comme s’il fallait faire avec et comme si changer le système était impossible. L’extrême-droite caricature le gaullisme en l’habillant du rejet de l’autre. L’extrême-gauche se complaît dans l’idée de l’anéantir et la haine de ceux qui le représentent, la haine des personnes. Aucun parti n’offre d’alternative, car ils sont comme ce Figaro de Beaumarchais qui critique justement son maître, mais en réalité veut prendre sa place, sans abolir l’esclavage ou le servage. Aujourd’hui, on dirait : sans changer le système.

Ce déni de réalité vient d’une sorte de relation incestueuse au sommet de notre pays. Celle des courtisans plus ou moins châtrés qui se sont arrogé les mœurs ou plutôt l’absence de mœurs et des vrais puissants qui leur ont jeté le monopole de la culture et de la mode comme on jette un os à ronger.

En effet, il existe chez nous une élite de l’élite qui entretient une connivence malsaine entre la grande banque, le monde des affaires et des intermédiaires affairistes – le monde des valises et des mallettes – la haute administration, la politique, la justice, le journalisme du haut trop souvent, les arts et les lettres et l’édition. Il s’agit d’un milieu imprégné par le culte de l’avoir, de la possession, de l’instinct et de l’instant que propagent ceux qui opèrent à court terme sur les marchés. Oui, cette « élite de l’élite » est l’émanation de la mondialisation financière – elle dégrade les êtres humains en flattant leur instinct de posséder et en tourmentant leurs anxiétés.

Cet univers « d’en haut » est rejeté par la majorité des français. Ils veulent autre chose. Mais ils ne savent pas dire quoi ou en ont perdu l’espérance. Ils se sentent joués, mais ils ont perdu trop souvent l’estime de soi et le sens des solidarités collectives qui leur permettraient de rompre avec la règle du jeu.

Ils savent que les États renflouent les casinos financiers qui ont fraudé et fauté et imposent l’austérité aux peuples victimes. Ils savent qu’ils s’efforcent de piller leur épargne et l’économie productive.

Ils sont cependant dépourvus, et s’ils rejettent souvent le système des partis établis – plus de la moitié, selon les sondages ou en incluant ceux qui votent avec leurs pieds – ils ne disposent pas des ressources intérieures pour monter eux-mêmes sur la scène.

Il y a deux raisons majeures à cela, qui les touchent, mais qui nous touchent aussi nous-mêmes, deux raisons auxquelles nous devons faire face :

Illustrons la première par une image qui est une métaphore de ce qui nous arrive : une mise en condition.

Un rat est dans une cage. Il obtient de la nourriture en appuyant sur un levier. Il s’y habitue et jour après jour, il continue à appuyer sur ce levier : ce comportement relève de ce qu’on appelle, au sein de l’école comportementaliste qu’on a également vue se développer dans l’économie avec M. Jean Tirole de Toulouse, « le renforcement positif ».

Maintenant, suivez le rat. Il continue à appuyer sur le levier. Cependant, il obtient à chaque fois moins de nourriture. C’est la crise ! Et il continue, espérant manger. C’est « l’accoutumance au milieu ».

Finalement, arrive un moment où, lorsqu’il appuie sur le levier, la nourriture a disparu. A ce moment-là, soit le rat affaibli se couche, déprime, et ne met plus son bulletin dans l’urne – pardon, sa patte sur le levier. Soit, il bondit dans tous les sens comme un mouton indigné – pardon, enragé.

Dans tous les cas, on l’a rendu dépendant : on a réussi un apprentissage programmé avec renforcement, accoutumance et façonnement.

Car on ne lui a pas dit de faire quelque chose. On a simplement contrôlé, manipulé son environnement pour le rendre « prévisible » et « adapté ».

Je viens de resservir la thèse et l’expérience d’un des pères du behaviorisme – ou comportementalisme – Burrhus Frederic Skinner. Le premier à avoir utilisé le mot est John Broadus Watson, en 1913, explicitement contre les approches fondées sur la mentation créatrice du comportement humain.

La deuxième raison est, associée à la première, la corruption. Prenons trois rendez-vous. Le premier, dans le café du coin avec ses Rapidos, son PMU, ses gratte-gratte et ses lotos – et regardons la tête des consommateurs-joueurs. Le second, dans les back, middle et front offices – les salles de jeu des traders d’une grande banque d’investissement, les banques d’affaires comme on les appelle. Le troisième, partout dans les villes et les villages où la publicité exhibe les prix du jeu : une femme, un parfum, une plage, un mec, une banque qui promet de vous materner. Regardez bien, et vous avez compris comment cette élite de l’élite corrompt naturellement un peuple après l’avoir mis en condition. Le pire est qu’aujourd’hui, ce jeu, fondé sur le désir irrationnel de gagner contre les autres, a gagné jusqu’aux foyers avec les jeux en ligne sur ordinateur, livrés par Nicolas Sarkozy à ses copains et à ses coquins.

Vous pourrez constater que dans ces jeux, tous les dés sont pipés : la possession du gagnant, sans fondement social, crée chez lui un sens supplémentaire d’isolement – il devient à son tour déprimé ou prédateur – de plus, dans ces jeux, on triche – et comme le magistrat Jean de Maillard l’a montré, l’arnaque est le fondement même de tout le système. Un détail révélateur : les mouvements de bourse, qui quelques minutes avant la clôture, bouleversent le jeu, ou les buts, de plus en plus marqués dans les dernières minutes des matchs de football, en particulier en deuxième division, qui changent le résultat pour le plus grand bénéfice d’initiés qui ont parié. Le système est donc basé sur l’illusion, la mise en condition, l’arnaque et la désocialisation – ou la socialisation par le bas.

De plus, le système scolaire de notre pays détruit la confiance en eux des enfants. Depuis la petite école, il décourage la participation. La peur de l’échec ronge les enfants. On le voit quand on compare les enfants norvégiens et allemands aux enfants français. A force de s’entendre répondre « On ne parle pas pour ne rien dire » ou « Réfléchis avant de parler », l’élève, rendu peu sûr de lui, préfère se taire plutôt que répondre en s’exposant à un jugement négatif. Le système note pour sélectionner et non pour former ou élever. Il tend ainsi à créer d’une part des conformistes habiles en nombre réduit qui réussissent, d’autre part une majorité en révolte, ou plus généralement convaincue de sa « nullité » et qui elle aussi déprime. Cette majorité se trouve confirmée dans son jugement par un marché du travail qui fait d’elle sa variable d’ajustement. Pour sélectionner les meilleurs, on disqualifie les autres. L’école n’exerce plus sa fonction intégratrice sur des élèves assaillis par les jeux vidéo, la publicité, les marques, la musique réduite à un rythme et le sexe réduit à une marchandise.

Imaginez ces enfants et ces adolescents qui, à partir de ce système éducatif en crise, ont été jetés dans cet environnement depuis plus de dix à quinze ans, dans ce monde de la mise en condition et de la corruption. Ils ont très peu de défenses, car ils ont perdu l’estime de soi et de la société où ils vivent – avec pour résultat, 75% des abstentions chez les moins de 25 ans, 60% entre 25 et 35 ans aux dernières élections, et des parents qui ne croient plus que leurs enfants et petits-enfants puissent mieux vivre qu’eux.

Alors ? Alors notre mission devient claire : il faut combattre l’ennemi qui a créé ces conditions, mais sans se tromper de cible. Il ne faut pas confondre ce qui est à la base de cela : un système impérial monétariste – l’Empire britannique de Wall Street et de la City, l’Empire anglo-américain qui défend un réseau, des possessions – et un État-nation fort qui peut avoir une mauvaise politique, mais qui défend un territoire et un peuple. L’ennemi principal est cet empire. Il nous faut donc combattre l’ennemi et remoraliser dans le combat ceux qui ont subi les conséquences du système, ceux qui s’indignent et se révoltent. Car ils ont un sens de la justice, mais n’ont pas de projet, car ils ont été dépourvus de culture et se sont laissé mettre en condition et un peu corrompre. Leur projet, ce doit être nous.

Cela suppose de se réveiller et d’être heureux de se réveiller parmi les premiers, sans attendre de récompense sociale ou d’argent, comme les soldats de l’an II, les Français libres et les résistants, des gens qui ont fait ce qu’il faut faire et qui ont relevé le défi.

Voici donc mon projet : c’est un grand chantier pour demain, un monde sans la City ni Wall Street. Pour cela, il faut tarir à la source ce monde de la City pour créer un monde où l’équipement de l’homme, de la nature et le travail humain redeviennent la priorité. La France a besoin d’un projet mobilisateur qui réoriente l’argent vers l’investissement productif dans l’éducation, la recherche, la santé, l’équipement public, créant ainsi des emplois qualifiés.

Ce projet doit conjuguer une politique intérieure fondée sur l’essor des capacités créatrices de chacun, et une politique internationale de développement de tous les pays et de tous les peuples. Pour cela, nous avons un premier atout : mettre à profit la faiblesse intrinsèque de nos ennemis. L’Empire monétariste britannique et anglo-américain, avec ses complices en Europe continentale et en particulier en France, est en bout de course. Son seul recours est la pompe à phynances du père Ubu – Père Juncker, amène-moi la pompe à phynances ! Van Rompuy, amène-moi l’argent de la fripouille ! Voilà où on en est avec Trichet, qui part après avoir fait valoir son nom.

Cet empire est en bout de course car cette pompe à phynances crée les conditions de l’hyperinflation. Pour les créer et pour les maintenir, il lui faut une dictature financière supranationale en Europe. Et c’est là que, si on a l’oreille fine, sous le mot fédéralisme, on entend « féodalisme ». Et c’est l’austérité, la rigueur, c’est-à-dire la destruction des bases d’une société. C’est cette austérité appliquée par le Chancelier Brüning entre 1930 et 1932 qui a créé les conditions pour la montée au pouvoir d’Adolf Hitler, financée par l’ancêtre de la famille Bush.

Deuxième atout : ceux que nous pouvons réveiller en France, ceux qui nous attendent et ceux que notre histoire porte au fond d’elle-même :
Le socialisme républicain, celui de Jean Jaurès et de Charles Tillon,
Le christianisme social, celui de Simone Weil, de Marc Sangnier, des abbés démocrates bretons et de Jean XXIII,
Le radicalisme de progrès, celui de Jean Zay, de Jean Moulin et de Pierre Mendès-France
Et le gaullisme patriote avec tous ceux qui arrivèrent à Londres ou prirent le maquis en laissant leur patrimoine derrière eux,
Et puis, les jeunes épris de justice, qui attendent des références, des horizons et des hommes politiques prêts à se battre sans hypocrisie ni arrivisme.

Ceux-là se diront : « Mais quelle est notre arme, comment peut-on se battre contre cet Empire qu’on considère si loin... (et qui est en fait si près) ? »

Eh bien, c’est d’abord le Glass-Steagall global, la séparation des banques d’affaires qui jouent sur les marchés d’une part, et d’autre part les banques de dépôt et de crédit qui servent les déposants et financent ou devraient financer l’économie.

Ce n’est pas une mesure technique, c’est un choix, une arme politique : elle vise à déposséder les banques d’affaires de la capacité à créer de la monnaie qui leur a été livrée par la loi du 3 janvier 1973, ensuite par le Traité de Maastricht et enfin par l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Il s’agit de faire sauter le verrou financier qui bloque les grands projets économiques à long terme, en détournant l’argent qui va aujourd’hui vers les spéculations et les investissements à court terme et les paris. C’est la clef de la porte de sortie du système actuel.

On a pu voir les candidats socialistes défendre cette même mesure, mais visiblement sans en comprendre la portée ni le sens.

Car Ségolène Royal, Arnaud Montebourg ou Martine Aubry, les plus « en avant » sur cette question, affirment tous que Barack Obama est allé dans ce sens aux États-Unis – alors qu’il bloque, au contraire, le projet qui, à la Chambre des représentants américaine, vise à réinstituer là-bas la règle de Glass-Steagall : c’est le projet de loi HR 1489, de Marcy Kaptur, qui a obtenu l’appui de 46 congressistes américains. Il est là, mais contre Obama, et le Parti socialiste européen, qui transmet ses informations au Parti socialiste français, est directement branché sur ce que le Parti démocrate représente de pire aux États-Unis : Dodd et Frank, les gens qui ont conçu une pseudo-loi qui ne fait que créer, comme l’ont dit certains, un gruyère plein de trous pour les banques.

De plus, il faut ajouter que séparer les activités de dépôt et de crédit d’une part, des activités de marché d’autre part, en les laissant sous un même toit bancaire est une illusion ou une escroquerie. Car on ne peut établir une muraille de feu entre les deux, que si l’on institue des banques différentes, avec des dirigeants différents. En effet, peut-on imaginer Michel Pébereau sous le même toit que Pébereau Michel ? Ou Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France – tous ennemis du Glass-Steagall, car eux voient bien ce que les candidats socialistes ne veulent pas voir :

Glass-Steagall signifie que les états soutiendront – en les contrôlant – les banques de dépôt et de crédit, mais ne renfloueront en aucun cas les banques d’affaires, qui devront s’arranger avec leurs propres dettes ! On n’a pas à renflouer ces banques qui spéculent. Autant dire qu’on ira très vite vers leur faillite – et mieux vaut qu’elle soit ordonnée et civilisée plutôt que chaotique, comme celle vers laquelle on s’oriente aujourd’hui en ne faisant pratiquement rien. Ne rien faire nous achemine vers un drame bien pire que celui d’opérer à vif.

Glass-Steagall signifie aussi la fin de l’argent facile que les banques d’affaires peuvent puiser pour jouer sur les produits dérivés en utilisant des effets de levier sur les dépôts – c’est la plaie du système dont M. François Morin vous parlera cet après-midi, et qui menace d’entraîner tout le système financier mondial dans sa chute à n’importe quel instant.

Glass-Steagall est donc un assainissement, le nettoyage des écuries d’Augias. Pour le mettre en place, il sera nécessaire d’organiser une vraie commission d’enquête parlementaire, avec des pouvoirs de juridiction et de réquisition, et de vrais débats publics – transmis par la télévision nationale, pour que chacun puisse comprendre comment est arrivée la crise, quels en sont les responsables et comment on peut en sortir. Il faut faire vite, très vite, car les heures sont comptées. C’est dans ce sens qu’en 1933, l’Administration Roosevelt fit fonctionner la commission Pecora aux États-Unis.

Ici, nous devons organiser le tri public des dettes légitimes des banques, liées à la production et à l’échange de biens réels et de services à maintenir, même s’il faudra des rééchelonnements, et des dettes illégitimes, les véritables dettes de jeu, que ce soit les ETF, les trackers, les CDO, les CDS, toutes ces initiales dont on nous remplit les oreilles – qui ne sont toutes que le fruit de paris, le plus souvent à nu et à vue, c’est-à-dire sans sous-jacent physique, de purs instruments de jeu qui représentent plusieurs dizaines de fois la production mondiale de biens.

Bien entendu, il faudra interdire d’acheter et de vendre tous les produits dérivés virtuels qui ne constituent que des paris, et interdire aussi l’émission des produits d’assurance sur les dettes souveraines des états, les fameux CDS, Credit Default Swaps. Pour éviter les spéculations incessantes, il faudra abolir les cotations en continu qui permettent de jouer tout le temps et sur les différences en fin de séance, et revenir à une seule cotation par jour.

Ce système est donc en faillite virtuelle. Il faut le constater, prendre les dispositions nécessaires pour que nous ne sombrions pas avec lui, et mettre immédiatement en place une autre vision du monde, je ne dirai pas d’un autre système, car il ne s’agit pas d’un système, mais de quelque chose d’ouvert qui nous porte vers l’avenir.

Il s’agit en effet de financer les grands projets. Or, le grand nettoyage du Glass-Steagall ne laissera pas assez de moyens – d’institutions bancaires solvables et de liquidités disponibles — pour le faire.

Il sera donc nécessaire de le faire par un système de crédit productif public. En effet, la mise hors-jeu des spéculateurs ne sera pas mécaniquement remplacée par la loi des producteurs.

Il ne s’agit pas ainsi de « crédit », au sens de faire payer les prix de l’argent dans le temps. Il s’agit de crédit comme un pari sur la création humaine pour créer les conditions de l’avenir. L’État doit être de retour et pouvoir ainsi lancer de grands projets créant l’environnement propice à l’essor d’entreprises ayant recours à des technologies de production avancées. C’est la solution pour éliminer le chômage en suscitant la création d’emplois qualifiés dans la recherche, dans le développement et la production.

Le système de crédit productif exige un changement absolu de la manière de penser hors de la matrice monétariste libérale actuelle de la société de l’avoir et de la possession.

La forme est simple : la banque nationale – la banque de la nation – renoue avec la possibilité de faire des avances, des prêts au Trésor public pour financer des projets à long terme, à un horizon de 10 à 50 ans.

Il s’agit, répétons-le, d’un pari sur l’avenir, c’est-à-dire sur le propre de l’homme qui est de créer. Ce système de crédit est un système qui est le propre de l’homme, car capable d’organiser les conditions de son avenir. Il est par nature anti-oligarchique et anti-impérial, car il respecte la personne humaine.

En mettant le vecteur scientifique au poste de commandes, il parie que l’homme découvrira des principes universels nouveaux qui, appliqués sous forme de technologies, permettront alors de peupler davantage l’univers, d’être plus créateurs et d’ouvrir la participation de tous à la réalisation du bien commun. Création et justice sociale sont ici les deux faces d’une même chose.

Le crédit s’insère ainsi dans un processus de développement portant sur plusieurs générations. Il protège, en l’étendant, une capacité créatrice qui nous a été donnée. Il est le garant du développement humain.

Pour transformer et améliorer activement l’environnement humain, ce crédit doit nourrir des formes d’intervention de l’homme de plus en plus denses, de plus en plus efficientes et de plus en plus étendues.

Ce sont elles qui permettront de peupler davantage l’univers et de protéger l’humanité contre des risques futurs, qu’ils soient de nature humaine – les prédateurs financiers – ou qu’ils relèvent de la situation de la Terre dans le système solaire et galactique.

L’alternative, c’est-à-dire l’investissement massif dans des énergies ou des technologies « douces » ou « vertes », n’est que l’organisation d’un dépérissement anti-égalitaire, anti-démocratique et en fin de compte, destructeur pour l’homme.

Nos ennemis de l’oligarchie financière ne s’y trompent pas. Ils promeuvent la dépopulation dans la logique d’un malthusianisme général – un malthusianisme vert. Jonathon Porritt en Grande-Bretagne, ou John Holdren, conseiller scientifique d’Obama ou encore Paul Ehrlich aux États-Unis ne se cachent pas de ce projet ; seulement la presse américaine n’en parle pas et lorsqu’elle ne parle pas, ce n’est pas répercuté en Europe.

J’ai un souvenir qui est celui de mon engagement politique. C’était le 5 janvier 1975, un dimanche, à New York. J’avais reçu le supplément du dimanche du New York Times et dessus il y avait ceci : « Ceux qui pourront survivre, ceux qui doivent mourir ». C’était pendant la famine en Éthiopie et on disait : « C’est comme dans les tranchées de la Guerre de 14. On devra en sacrifier certains pour que les autres puissent survivre. On doit faire la même chose en Éthiopie et dans le monde ». C’est la fameuse éthique du canot de sauvetage : le canot de sauvetage Terre est trop surchargé, il faut que certains acceptent de limiter leur reproduction, que d’autres acceptent de s’écarter gentiment, sans quoi on va être obligé de les faire passer par-dessus bord. C’était écrit en toutes lettres : qui doit naître, qui doit mourir. C’est ce monde-là qui est devant nous, si nous ne faisons pas quelque chose.

C’est pour cela que je défends le nucléaire – non comme une chose en soi — mais comme le moment d’un processus de découverte humaine qu’il faut insérer dans cette dynamique de progression continue.

En France, nous avons l’EPR qui est le modèle Westinghouse amélioré par des conditions de contrôle et de sécurité, mais qui est en fait un vieux modèle. On presse le citron de ce qu’on a. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille démanteler Areva, comme on le fait aujourd’hui avec l’ami de M. Djouhri, Henri Proglio, qui est à la tête d’EDF.

Ce qu’il faut, c’est aller vers les réacteurs de l’avenir, à haute température, à sécurité intrinsèque et à neutrons rapides, qui sont des réacteurs qui permettront d’éliminer les déchets et d’amener des densités d’énergie plus fortes en utilisant moins de matière. On vous dit partout qu’il y en a pour 60 ou 80 ans d’uranium. C’est vrai pour les réacteurs existants, c’est absolument faux pour ceux qu’on peut concevoir, où l’on passera à une échéance de 200 voire 400 ans.

L’idée, c’est qu’on ne s’arrête pas à un certain moment. On doit promouvoir la création humaine dans ce qu’elle est capable d’engendrer et de développer. C’est pour cela qu’il faudra arriver à la fusion thermonucléaire contrôlée. Or, qu’a-t-on fait ? On a mis tous les œufs dans le même panier d’ITER, le confinement magnétique. On a négligé le confinement inertiel, la fusion par laser. Or, la fusion par laser est plus prometteuse. Notre ami Jean Robieux pourrait bien l’expliquer ; elle permettra de faire des moteurs pour les voyages dans l’espace, situant la Terre à huit à quinze jours de Mars.

Vous direz : c’est de la science-fiction ! Mais non, c’est quelque chose qui pourra être fait, mais seulement dans deux générations, car les rayonnements cosmiques posent problème. On doit y ajouter le problème de la gravité artificielle qui doit être recréée. Tous ces problèmes demandent dès aujourd’hui qu’on s’engage pour donner une vision de l’avenir.

Cette vision, c’est aussi avoir une interférométrie qui permette de réduire à pratiquement rien la lumière des étoiles, pour mieux pouvoir découvrir par-delà la possibilité de nouvelles terres dans notre galaxie. Et les chances sont très fortes, puisqu’il y aurait deux cent milliards d’étoiles dans notre galaxie et qu’on a déjà découvert plus de 500 systèmes planétaires.

Si l’on pense à cet avenir, on n’est plus coincé dans un présent où la mise en condition, la déprime, ce qu’on y voit, vous font rétrécir, vous replier sur vous-mêmes. C’est cette ambition que nous devons remettre en place. Vous savez que Constantin Tsiolkovski, un des anticipateurs de l’école cosmique russe publia, en 1903, L’exploration de l’espace cosmique par des engins à réaction où il écrit : « La Terre est le berceau de l’humanité. Peut-on passer sa vie entière dans un berceau ? » C’est cela qu’on doit jeter comme défi aujourd’hui.

Pascal nous disait, « Le silence éternel des espaces infinis m’effraye. Mais ce n’est pas de l’espace que je dois chercher ma dignité, c’est du règlement de ma pensée… Par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends ».

Si nous pensons de cette façon, nous penserons aussi qu’il est absolument indispensable de développer le Tiers-Monde, que cette capacité de penser qu’on peut avoir en regardant le cosmos, chacun doit pouvoir l’avoir. C’est la qualité de l’homme et nous devons développer l’Afrique. Cette vision de la France sur l’Afrique exige de jeter la Françafrique à la rivière une bonne fois pour toutes ! Tout le monde dit qu’il va faire, mais que personne ne fait. Regardez la visite de M. Sarkozy à M. Bongo et l’élection de M. Bongo que personne n’a contestée, alors qu’elle était bien plus contestable que ce qu’a dit M. Gbagbo en Côte d’Ivoire ! Mais M. Bongo est notre ami et il a beaucoup de propriétés à Paris…

Il faut développer l’Afrique en sortant de ce monde des mallettes, des serviettes et des valises ! Pour cela, il faut concevoir entre nous autres et l’Afrique une politique de développement qui opère avec des allées et venues ; il faut une immigration qui sera nécessaire pour nous, pour le XXIe siècle. Elle est d’autant plus nécessaire en Europe où il y a moins de naissances. Mais cette immigration doit être éduquée et formée. Il faudra créer des titres qui permettront de sortir et de rentrer pendant cinq ans, pour ceux qui font des études ou pour les regroupements familiaux.

Les grands projets, c’est la remise en eau du Lac Tchad pour donner un poumon d’eau au Centre de l’Afrique. On dira : oui, mais ça coûte très cher, et de toute façon, ces gens-là se débrouilleront avec des petits projets. C’est cela, le savoir-faire africain… C’est le savoir-faire colonial, oui ! Un grand projet, ce n’est pas pour faire beau, ce n’est pas un grand stade ou un grand palais présidentiel ! C’est construire pour l’avenir des gens, c’est créer un milieu de vie et de développement. Le projet du Lac Tchad doit rassembler les énergies, de même que le projet Paumier/Roudaire, le projet de mise en eau de chotts tunisiens et algériens.

On a célébré la Révolution des jasmins, mais qu’est-ce que cela veut dire pour les tunisiens ? Que les touristes ne viennent plus et qu’on ne leur donne rien d’autre à la place. On les laisse tomber après avoir pleurniché ou regardé avec admiration ce qu’ils faisaient.
Pensons plutôt au canal de Jonglei au Soudan. Nous avions une roue-pelle de fabrication allemande que la France avait utilisée au Pakistan et qu’on avait fait revenir de là-bas. Cette roue-pelle aurait pu construire le canal de Jonglei qui allait faire de cette partie de l’Afrique un centre de développement extraordinaire, alors qu’aujourd’hui tout est rouillé autour d’une petite ville qui s’appelle Kanal, où sévit une guerre civile entretenue par des réseaux britanniques et anglo-américains pour empêcher un développement économique dans la région.

Lac Tchad, projet de chotts tunisiens et algériens, canal de Jonglei, cela doit constituer un tout pour lequel on doit pouvoir mobiliser la diaspora africaine afin qu’elle mette la pression ici et qu’on puisse enfin développer ce pouvoir de changer là-bas, sans mallettes ni serviettes.

Développement du Tiers-Monde, politique de l’espace, cela forme aussi une unité. Les découvertes effectuées en allant dans l’espace ont permis sur Terre tout ce que vous utilisez tous les jours, les ordinateurs et les portables. C’est la nécessité physique d’opérer en temps réel qui a fait qu’on a développé tout cela, avec un retour sur investissement de 10 pour 1. Pourquoi ne le continue-t-on pas ? Parce que les banques et les institutions financières préfèrent un retour sur investissement de 10 pour 1 en quelques mois plutôt que sur une génération. Mais cet investissement des institutions financières ne rapporte rien et détruit la société, alors que l’autre construit notre avenir. C’est de cette façon-là qu’il faut voir les choses et je ne vois personne, aucun homme politique en France développer cette vision du monde.

Pour cela, il faut une autre éducation, une éducation systématique des facultés créatrices des femmes et des hommes prêts à relever le défi du projet. C’est pour cela que j’appelle mon projet d’éducation une Nouvelle Frontière, parce que la nouvelle frontière est certes dans l’espace, dans le développement du Tiers-Monde, mais elle est surtout dans l’esprit de chacun.

Cela suppose un enseignement qui obéisse à ce qu’un jour écrivait Pasteur : « On peut alors adopter dans leur exposition deux méthodes différentes : l’une qui consiste à énoncer la loi et à la démontrer promptement dans son expression, sans s’inquiéter de la manière dont elle s’est fait jour ; l’autre, plus historique, rappelle les efforts individuels des principaux inventeurs, adopte de préférence les termes mêmes dont ils se sont servis, indique leurs procédés toujours simples, et essaie de reporter par la pensée l’auditeur à l’époque où la découverte a eu lieu. La première méthode » – celle qui est avant tout utilisée aujourd’hui dans nos écoles – « voit avant tout le fait, la loi, son utilité pratique. Elle masque aux yeux des jeunes gens la marche lente et progressive de l’esprit humain. Elle les habitue aux révolutions subites de la pensée et à une admiration sans vérité de certains hommes et de certains actes. La seconde méthode illumine l’intelligence. Elle l’élargit, la cultive, la rend apte à reproduire par elle-même, la façonne à la manière des inventeurs ».

C’est la main à la pâte. On donne aux jeunes certaines choses et ils constituent une pile, par exemple. Ils arrivent à un résultat et ils doivent l’établir. Après quoi, ils doivent l’écrire sur un bout de papier, ils doivent prendre conscience de ce qu’ils font. Ils découvrent un principe physique de l’univers à travers quelque chose qu’ils effectuent eux-mêmes dans une découverte et on arrive ainsi à rendre très bons des élèves qui étaient très mauvais en science. Pierre-Gilles de Gennes le disait, et il avait raison.

Quelqu’un comme Max Planck touche directement à cela, à cette éducation des facultés créatrices qui permettent d’agir sur l’univers, de développer ses émotions, d’avoir l’émotion appropriée qui corresponde à la découverte. Ce n’est pas le raisonnement, ce n’est pas une pensée logique, déductive ou inductive qui permet d’arriver à ce résultat.

Max Planck dit, et c’est très important pour concevoir l’éducation de ce point de vue, afin qu’enseignants, élèves et étudiants retrouvent un sens à cette éducation : « Tout homme s’étant engagé dans un travail scientifique sérieux sait que sur les portes d’entrée du temple de la science, il doit être écrit : nous devons avoir la foi. C’est une qualité dont les scientifiques ne peuvent se passer. L’homme qui traite un ensemble de résultats obtenus à partir d’un processus expérimental doit avoir une image de la loi qu’il tente d’établir. Et c’est son imagination seule qui peut la lui fournir. Il doit l’incorporer dans une hypothèse imaginaire ou imaginée. Les facultés du simple raisonnement ne l’aideront pas à franchir un seul pas, pas un seul pas, parce qu’aucun ordre ne peut émerger de ce chaos des éléments, sauf si une qualité constructrice de l’esprit bâtit cet ordre par un processus d’élimination et de choix. Encore et encore, le plan imaginaire sur lequel on tente de bâtir cet ordre s’effondre et on doit en essayer un autre, et un autre et encore un autre ; cette vision de l’imagination constamment en éveil, cette foi dans le succès ultime est indispensable. Le rationalisme n’arrivera jamais à un résultat en tant que tel ».

Kepler est un magnifique exemple de cela, nous disent Einstein et Planck, parce qu’il avait une profonde foi, pas dans le résultat même qu’il espérait atteindre, mais dans sa propre science, dans l’existence d’un plan présidant à toute la création. Et c’est ce sens de l’harmonie du monde qu’on doit reproduire et réintroduire chez les jeunes. La musique et l’art jouent un rôle fondamental parce qu’ils sont à la source de l’inspiration émotionnelle. Einstein le dit de façon très simple. Il dit qu’il y a une conception musicale absolument élémentaire dans laquelle une note est reliée à une autre note et où le raisonnement déductif suffit. Seulement, ce n’est pas quelque chose d’humain ; un animal un peu domestiqué peut aussi apprécier cela. Mais cela ne marche plus quand il s’agit de l’interprétation d’une fugue de Bach qui présente une causalité plus haute, un changement dans la disposition de l’univers qui transforme la façon dont on voit le monde et aussi la façon dont on voit le passé et qui fait entrer dans un temps de tous les temps de la création humaine.

Nous devons donner ce sens à l’enseignement, pour sortir du berceau... En parlant de cela, il faut rétablir tout de suite la maternelle à deux ans, dont on veut écarter aujourd’hui les enfants. En France, on investit beaucoup moins dans le primaire ou le secondaire que dans les autres pays européens. Donc, il faut au moins un milliard pour rattraper ce retard et lutter contre le décrochage scolaire.

Aujourd’hui, on a supprimé des postes dans les Rased, les Réseaux d’aide et de soutien, ce qui est criminel. A l’école, on dit que les maîtres doivent suivre les élèves, mais ils n’ont pas le temps de faire de suivi individualisé. On dit que les écoles de la deuxième chance, c’est très bien, mais on fait très peu pour elles. Il en faudrait deux ou trois au moins par département, pour récupérer ceux qui ont décroché du système. Mais en même temps, il faudrait faire décrocher le moins possible les enseignants eux-mêmes. Personne ne parle des SEGPA dans lesquelles on doit recréer un soutien aux instituteurs qui y font souvent un travail magnifique.

Il faut aider les familles qui en ont besoin. Il faut une politique d’intégration dans l’école lorsque les enfants rencontrent des problèmes. Supprimer les allocations familiales aux parents dont le fils a manqué quatre fois les cours est une absurdité. Dans les lycées techniques, dans les lycées professionnels, le taux d’absentéisme est souvent de 30, 40, 50, ou 60%. Qu’est-ce que veut dire cette mesure sarkozyste ? C’est une injure inadmissible !

Ce qu’il faut, c’est soutenir les parents, faire des écoles de parents. A Lille, on a fait des choses pas mal sur ce plan. Les parents doivent être incorporés, y compris dans l’enseignement du français… On dit qu’il faut savoir parler le français pour venir en France, pour être immigré. Mais une fois que les gens sont en France, on ne fait rien, pratiquement rien pour apprendre le français aux familles et les intégrer. Cet effort doit être fait !

Un autre problème se pose, c’est celui du parler croquant, comme disait Claude Duneton. Ce qu’on a aujourd’hui à l’école, c’est une langue qui est une vraie machine à exclure. Les programmes scolaires sont totalement coupés de la vraie langue, celle qui sert à communiquer et à imaginer. Il faut retrouver par la langue et par l’image quelque chose de vivant, l’équivalent de ce que Rabelais et Villon ont essayé de faire dans notre histoire, mais pour aujourd’hui. Là est un défi, un défi d’ensemble.

Il faut donner confiance à nos enseignants en les payant mieux. Un enseignant débute pratiquement au salaire médian des français, à savoir 1500 à 1600 euros. En fin de carrière, il peut espérer 2400 à 2600 euros. C’est moins que partout ailleurs en Europe. En plus, les conditions de l’enseignement, à l’exception de la Finlande et de la Norvège, ne sont pas merveilleuses, loin de là.

En même temps, il faut recréer une petite république dans le lycée. Il faut redonner confiance aux groupes qui se rassemblent dans un lycée. Il faut redonner une autonomie plus grande aux chefs d’établissement, en même temps encourager le rassemblement des enseignants et créer, avec les élèves responsables, une sorte de république dont l’exécutif sera le chef d’établissement et le parlement, le groupe des élèves, des parents d’élèves et des enseignants qui seront le moteur.

Et là, on apprendra ce que c’est que participer à la vie publique. Beaucoup parlent de référendum participatif, de démocratie participative ; ça ne veut rien dire si on ne commence pas dans le primaire et à l’école.

Et on arrive à nos grandes écoles où on forme des administrateurs ou des grands patrons. Il ne reste personne pour la recherche. Le jeune polytechnicien qui fait de la recherche après dix ans, est payé cinq fois moins que celui qui va dans la banque ou dans l’entreprise. C’est quelque chose qu’il faut pouvoir bouleverser.

Il faut bouleverser l’ENA. On dit qu’il faut supprimer l’ENA. Je ne crois pas qu’on puisse la supprimer d’un coup. Mais il faut créer les conditions de ce qu’Hippolyte Carnot voulait faire : une école d’administration basée sur les connaissances les plus avancées de l’époque. Il ne s’agit pas de former des champions d’examens de dossiers ou des champions de connaissances juridiques. Mais des hommes qui connaissent les réalisations de la science. On est épouvanté d’entendre Jean-Luc Mélenchon vous dire qu’avec la géothermie, on pourra faire la société de l’avenir. Ça montre une formation scientifique nulle ! Voilà un homme qui a de bonnes réactions sur certaines choses que je partage, comme la critique sociale. Mais quand il s’agit de donner le fondement, rien ne vient. Cela revient à parler pour ne rien dire, parce que trop souvent, on a dû se taire en salle de classe... Sauf lorsqu’on a eu des professeurs exceptionnels, ce qui arrive parfois.

Il faut faire cette République en petit. Revenir à ce que Carnot et Monge voulaient faire de Polytechnique au départ. Alors peut-être fera-t-on ce que disait Freyssinet quand il lançait sa polémique contre l’enseignement pur des mathématiques qui ne conduit à rien. L’on a besoin de l’imagination créatrice ! Les mathématiques ne font que l’enfermer dans une cage. Les mathématiques sont utiles mais ne doivent pas être le moteur. Voilà ce que disait, dans la revue Travaux de juin 1854, Eugène Freyssinet, créateur du béton précontraint : « Mon passage à l’école n’a pas fait de moi un polytechnicien au sens ordinaire du terme, c’est-à-dire un homme qui croit dur comme fer aux vertus et à la puissance du raisonnement déductif, particulièrement sous des formes mathématiques […] Il n’existe pour moi que deux sources d’information : la perception directe des faits et l’intuition en laquelle je vois l’expression et le résumé de toutes les expériences accumulées par la vie dans le subconscient des êtres, depuis la première cellule. Il faut, bien entendu, que l’intuition soit contrôlée par l’expérience. Mais quand elle se trouve en contradiction avec le résultat d’un calcul, je fais refaire le calcul, et mes collaborateurs assurent qu’en fin de compte, c’est toujours le calcul qui a tort. Qu’on me comprenne bien : je ne nie pas la grandeur et la beauté des mathématiques. (…) Mais nous ne devons jamais oublier qu’elles ne nous fournissent que des moyens de changer la forme des données que nous possédons déjà, et quels que puissent être l’intérêt et l’utilité de telles transformations, nous ne retrouvons jamais à la fin d’un calcul, que ce que nous y avons mis à l’origine ».

Et parlant de béton précontraint, je pense que pendant la guerre 40-45, le mur de l’Atlantique était un instrument d’enfermement, plus que d’opposition à une invasion ou à un débarquement des nazis. Aujourd’hui, les mathématiques sont devenus non pas un instrument associé à la création, mais hélas, trop souvent un instrument d’enfermement, un véritable mur pour la pensée. Voilà comment on doit avancer dans cette société, en bouleversant certains préjugés et tous les privilèges.

Alors pourquoi l’urgence ? Parce que tout est en train de sombrer sous nos yeux. Il faut faire face à une situation dramatique et réunir nos forces. D’abord, il faut arrêter la contre-révolution européenne qui est en train de détruire complètement les fondements de notre société.

L’Europe se détruit elle-même parce qu’elle a porté en elle le vice de l’euro. L’euro se fait hara-kiri, il se détruit lui-même. Il faut refonder. Aujourd’hui, on essaye par tous les moyens de créer de la monnaie de singe, de la monnaie de confettis pour renflouer les banques et sauver un système financier au détriment des peuples. On n’investit pas pour la Grèce. On investit pour les banques qui détiennent des obligations grecques sur le marché secondaire et qui ramassent l’argent que leur fournissent la BCE, le Fonds européen de stabilité financière et bientôt le Mécanisme européen de stabilité.

Vous savez ce qui est prévu ? On a fait revoter les slovaques jusqu’à ce qu’ils votent bien, comme les irlandais. D’ailleurs, voilà ce que Tommaso Padoa-Schioppa, l’un des fondateurs de cette Europe monétariste, a déclaré : « L’Europe n’a pas été faite de façon démocratique, nous sommes une dictature aussi molle que possible ». On veut faire garantir au FESF les obligations lancées par les états membres. Ces garanties permettraient, comme dans le programme TARP de renflouement aux États-Unis, de multiplier par cinq ou dix la puissance de feu du fonds. On produirait un effet multiplicateur de capital fictif.

Ceux qui veulent défendre l’euro ne font en réalité que défendre le système monétaire d’oppression existant que j’ai décrit. Beaucoup disent : « L’euro, c’est la source de tous les maux ! ». Certains déchirent un euro en public. Ça me paraît simpliste ; il faut montrer que l’euro est le relais du système de la City et de Wall Street. Ceux qui vous disent qu’il faut attaquer l’euro sans attaquer la City et Wall Street, sont insensés.

Il faut cependant attaquer l’euro et voir comment on peut en sortir. Pour en sortir, ce que je pense, c’est qu’il faut rassembler très vite les autres dirigeants européens. Un Président de la République française digne de ce nom devrait le faire et dire : « Il n’y a plus d’euro unique ! Comment parler d’euro unique, alors que pour un euro grec, les taux d’intérêts explosent. Ils ont même atteint plus de 50% pour les prêts à deux ans ! En revanche, les taux allemands sont à peine au-dessus de 2% ! » Ça veut dire qu’il n’y a pas un euro, mais un euro grec et un euro allemand.

Parler de solidarité européenne dans le système actuel est une escroquerie. Parler d’eurobonds, c’est essayer de trouver un autre moyen d’alimenter le système monétaire et financier !

Dans la réalité, les pièces de monnaie de la zone Euro ont, pour chaque état, une face nationale ; les billets, eux, ont un code national. Comme celles des autres pays membres, notre monnaie, bien que nommée euro, a donc gardé un ancrage national. Ça facilitera la mise en place ordonnée d’un autre système, orienté vers les projets physiques, vers le développement productif, vers une culture commune, vers des bourses Erasmus, Leonardo, pour l’apprentissage, pour le secondaire, pour l’université.

Il faut orienter l’Europe vers quelque chose de réel ! Cette Europe-là a été orientée vers une austérité financière contrôlée du haut par la BCE, dans un système de l’euro où les salaires ont servi de variable d’ajustement. Ce système de l’euro est, par sa nature même, et à l’origine, quelque chose qui ne sert pas l’homme. Prétendre que l’euro a permis de faire la paix, le développement, etc..., est une escroquerie absolue.

Les pièces et les billets portent des dénominations nationales. De plus, l’euro n’est pas un euro métallisé, il n’est pas rattaché à un étalon. Par conséquent, dans la pratique, le passage d’un euro unique à des euros nationaux pourrait se faire sans contrainte ni contrepartie. Il n’y a aucune clause de change qui garantisse l’Euro. On pourrait repasser à la dénomination nationale. On pourrait dire : « Voilà, nous passons à l’euro-franc polytechnique, les allemands à l’euro-Deutsche Mark ». Je propose un franc polytechnique, parce que je veux attacher ce franc à un développement, à une croissance, à l’esprit de l’École Polytechnique de Monge et de Carnot au départ.

Vous pouvez très vite rétablir la souveraineté des États sur leurs monnaies, en rouvrant dans chacun d’eux la possibilité d’emprunter et obtenir des avances auprès de sa Banque nationale. L’Allemagne n’aurait plus à supporter une Europe des transferts financiers qu’elle craint légitimement, car elle serait la dernière à payer dans le système actuel. Et comme on l’a vu, on pourrait adopter très vite une monnaie de référence pour tous, à condition d’avoir ces grands projets, à condition d’avoir cette ambition culturelle.

Il est probable, possible que cela ne marche pas. A ce moment-là, il faudra faire très vite. C’est une question de jours, une question de semaines, à peine. Il y aurait la possibilité d’un référendum que certes, un jour il faudra faire. Mais je crois qu’en France, nous avons quelque chose qui nous permet d’intervenir plus vite, et Jacques Sapir partage avec moi cette conception : en cas d’urgence, le Président de la République peut s’adresser au peuple et selon l’article 16 de la Constitution, invoquer la gravité extrême de la situation, la menace pesant sur l’existence même de notre souveraineté nationale, pour prendre des mesures exceptionnelles pour une durée de 6 à 8 mois. C’est ce que le Général de Gaulle a fait pendant la guerre d’Algérie. Dans ce cadre, j’exigerai la réquisition de la Banque de France, avec la nomination d’une nouvelle équipe de direction et la suppression, au moins temporaire, de toute autonomie, l’abrogation de la loi du 30 janvier 1973 et, bien entendu, le changement des responsables qui sont à la tête des principales institutions bancaires. Je prendrai des mesures de contrôle des capitaux, des marchandises et des services à nos frontières, sous l’autorité éventuelle de Tracfin.

Je pense que l’urgence justifie absolument qu’on mette sur la table cette mesure décisive, parce qu’il faut arrêter cette contre-révolution européenne, il faut arrêter la machine infernale.

Mais il y a plus grave encore. Il faut arrêter la contre-révolution qui menace les États-Unis. Les États-Unis sont menacés d’un véritable coup d’état fasciste. Beaucoup s’écrieront : « Ce que vous dites est excessif ! Comment cela se pourrait ? Qu’est-ce qui se passe ? ».
Il faut voir deux choses, ce qui suppose une meilleure compréhension de ce qu’a signifié le 11 septembre. Si vous regardez simplement la situation actuelle, deux choses réapparaissent : Premièrement, Northcom, un commandement pour le Nord des États-Unis, mis en place par Cheney en 2002, visant à créer une force militaire qui n’est pas orientée vers l’ennemi extérieur mais qui est liée à la Homeland Security. C’est ce qu’on appelle en France la Direction de la sécurité intérieure qui, fondée sur le modèle de la Homeland Security américaine, est dirigée par les Péchenard et les Squales...

Ensuite, il y a le Patriot Act que Perben a prolongé chez nous. Ça a été une des raisons de mes malheurs à Lyon. En mai 2010, Obama a prolongé différents aspects du Patriot Act pour quatre ans. Puis, sous l’administration Obama s’est créée l’IPAB, une administration opérant en dehors des organismes élus, qui va contrôler les dépenses de santé, en particulier celles qui concernent les maladies chroniques, les dialyses ou les cancers du sein. Il y a eu également la création d’une commission au-dessus du Sénat et de la Chambre des représentants, comptant 6 représentants et 6 sénateurs, pour sabrer les dépenses de l’État à la hauteur de milliers de milliards et faire la même politique d’austérité que Brüning en 30 et 32 et Laval en France en 1935. On a vu ce qui a suivi après...

Et voyez aussi cette utilisation scandaleuse des drones pour tuer des citoyens américains, sans jugement, parce qu’on dit qu’on est en guerre et qu’on a donc le droit de tuer ces gens, alors que lorsqu’il s’agit de déclarer la guerre contre la Libye, on ne demande pas au Congrès américain de l’approuver, car là, on n’est pas en guerre, on effectue simplement des opérations aériennes de contrôle par le haut ! Dans le même esprit, certains ont suggéré que Pearl Harbor n’était pas une opération de guerre, mais un bombardement par le haut...

Je veux vous montrer combien on n’est pas habitué à mettre ensemble toutes ces choses et à ne pas voir comment, dans des réseaux parallèles militaires, déjà mis en place par le père Bush, se développent peu à peu aux États-Unis les conditions de ce coup d’état militaire qui peut éclater à n’importe quel moment. Car, je vous l’ai dit, l’ennemi, ces forces anglo-américaines, ce conglomérat d’intérêts financiers, se trouve au bout du rouleau et ne peut plus opérer par les méthodes habituelles. Il passe donc à des méthodes destructrices, des méthodes à la fois manipulatrices et directes, physiques.

Cette armée parallèle se met en place, une armée de répression qui vise la population. Vous savez que le grand-père de George W. Bush, Prescott Bush, a financé Hitler avec Averell Harriman qui était un démocrate et qui s’est livré à la même opération avec Montaigu Norman de la Banque d’Angleterre et tous ceux qui, en Angleterre, ont poussé les nazis au pouvoir, en se disant que mieux valait Hitler que Moscou. On est à nouveau dans ce type de situation, où ces gens se disent : « Mieux vaut une dictature que perdre le contrôle de notre pouvoir sur les marchés financiers ». C’est comme cela que vous devez comprendre le moment de l’histoire où l’on est : cette contre-révolution européenne, la contre-révolution américaine et en même temps, notre engagement dans une guerre absurde en Afghanistan, une guerre destructrice et démoralisante pour nos propres soldats, qui n’ont pas l’équipement adéquat. Pendant longtemps, ils n’ont même pas eu de gilets pare-balles dignes de ce nom, pas de Rangers. Ils devaient les acheter eux-mêmes. J’ai des tas de lettres de soldats de là-bas qui nous ont écrit et qui le disent.

On a envoyé ces gens là-bas se faire tuer dans des opérations militaires absurdes. L’automne dernier, j’étais à l’Institut des hautes études de défense nationale pour une conférence qui portait sur l’Afghanistan. On y disait que la priorité était de s’en prendre aux talibans ; éradiquer le trafic de drogue était une question qui paraissait secondaire. J’ai levé la main et j’ai demandé : « Mais si on s’occupe des talibans sans s’occuper du trafic de drogue, qui va garder le trafic de drogue alors ? » Il y eut un grand froid dans la salle. Pas de réponse... Comme le Monde vient lui-même de l’avouer – je vous le lis, parce que c’est très frappant – « La production d’opium en 2011 assure 60% du produit intérieur brut afghan ». Et où les progrès les plus importants ont-ils été enregistrés ? Dans la province de Kapissa où sont stationnées les troupes françaises ! Intéressant, si vous mettez les choses ensemble !

Entre la contre-révolution européenne, la contre-révolution aux États-Unis et la guerre sur place en Afghanistan, avec des troupes américaines et européennes, en ajoutant à cela les britanniques qui ont toujours participé à ce trafic de drogue et qui en ont été la tête chercheuse, on en arrive là où on est. Selon l’ONU elle-même, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, les talibans ne tirent que 10 à 15% de leurs revenus du trafic de l’opium. Le reste… On prétend que c’est le gouvernement afghan qui en bénéficie... Mais qu’on ne nous fasse pas croire que le gouvernement afghan a la capacité et la puissance de garder tout cela pour lui-même !

Face à cette situation, il faut une politique étrangère qui soit en accord avec cette politique intérieure dont je vous ai donné quelques éléments plus tôt. Pour ce qui concerne la politique étrangère dans le monde, l’espoir va vers le Pacifique. Il y a un développement en Chine, en Russie et aux États-Unis, que l’on espère sans Obama, sans Bush et sans Cheney. Là est la chance d’une puissance suffisante pour affronter cet empire financier et monétaire, l’empire anglo-américain ou britannique. Et j’espère que l’on trouvera des alliés dans le peuple anglais lui-même, qui est la première victime directe ou indirecte de cet empire.

La France ne peut rien faire seule, bien sûr, mais elle peut être catalyseur. Elle peut être catalyseur d’une Europe des projets et des patries, très différente de l’actuelle, et branchée sur le développement du monde pacifique. De Gaulle parlait d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, ce qui voulait dire la Russie européenne. Mme Zepp-LaRouche, qui est là aujourd’hui, est allée défendre, dès le début des années 90, une Europe de l’Atlantique à la Mer de Chine, en vue de fonder et de travailler dans ce nouvel ensemble Pacifique. Et rappelez-vous, de Gaulle a été le premier à reconnaître officiellement la Chine – et pourtant c’était celle de Mao – et à concevoir ce qu’était réellement la Russie. Il faut revenir à ce type de politiques et en finir avec ces projections impériales « hors zone » en Afghanistan ou en Libye. La France et l’Allemagne – pas celles de Merkel et de Sarkozy, mais celles que représente Helga Zepp-LaRouche et que je m’efforce de représenter – , doivent faire quelque chose vis-à-vis de cette évolution vers le Pacifique, en soutenant ce que fait Lyndon LaRouche aux États-Unis.

On m’a souvent dit en France : « Vous devriez être plus indépendant. Lyndon LaRouche est un boulet pour vous ». Je réponds : « J’ai quelque chose de très particulier que vous ne comprenez pas. Je comprends la politique américaine de l’intérieur et nous avons un levier sur elle grâce à LaRouche. Nous tenons ce levier ensemble, comme groupe, surtout aux États-Unis à travers la proposition de Marcy Kaptur sur Glass-Steagall. » Il y a même des républicains qui la soutiennent, comme John McCain. Et peu à peu, de plus en plus de démocrates progressistes se rallient contre Obama ; ils voient qu’il les a escroqués.
Ainsi, il se crée dans le monde une capacité d’agir. Mais il faut aller vite. Dans le court terme, je pense que les choses ne peuvent dépendre directement de nous, car elles vont très vite, mais c’est à nous de prendre des responsabilités pour que d’autres en aient l’inspiration et soient capables d’agir. D’où l’importance de cette élection présidentielle en France. Je serai candidat. Bien entendu, dans les conditions actuelles, je ne peux pas gagner l’élection présidentielle. Mais je peux réorienter le débat politique vers ces questions fondamentales dont je vous ai parlé, et ensuite redéfinir les frontières politiques. Parce que lorsque vous voyez Manolo (Manuel Valls) et Nicolas Sarkozy, vous vous demandez qui est qui ? Vous me direz : « L’un est catalan, l’autre est hongrois... ». Je plaisante. J’aime beaucoup les catalans et les hongrois. Mais c’est la façon dont les choses sont dites aujourd’hui, hélas ! En tout cas, tous deux servent ces intérêts financiers.

Par-dessus le marché, Sarkozy prépare un nouveau show à Cannes, après ceux de Londres et de Pittsburg. Tout ce qu’on a envie de dire, c’est « Dehors l’artiste ! Tu as déjà fait ton show ! »
Et puis, il y a Martine Aubry et François Hollande. Martine Aubry, la gauche du Parti socialiste ! Sa traversée du désert avec Fourtou et la banque ? Son amitié avec Alain Minc ? Sa prudence sur l’affaire Guérini à Marseille ? Sa préface d’un livre de Tony Blair, faite il y a quelques années ? C’est ça, la gauche du Parti Socialiste ? On peut rire cinq minutes ! François Hollande a une extrême admiration, je lis ici, « pour un conservateur qui dérangeait, Winston Churchill »... Et ce pauvre Mélenchon qui défend la géothermie.
J’ai vu un document du NPA sur la Bretagne. On y voit un agriculteur qui, n’utilisant pas les machines modernes, reste chez lui avec ses deux chevaux, ses quatre vaches qu’il connaît par leur nom, va trois ou quatre fois par an à la sous-préfecture et qui est présenté comme la résistance moderne à la destruction ! NPA, Maréchal nous voilà ! C’est quand même étonnant ce qui se passe dans ce pays ! Il est quand même temps de se réveiller !

Ce retour à l’esprit pétainiste m’avait beaucoup frappé lors de la campagne de Mitterrand, lorsqu’il avait dit : « Mes valeurs sont les valeurs de la société pastorale. » Maintenant, tout le monde sait que son affiche de campagne de 1981 (très différente de celle de 65 d’ailleurs) avait été faite – et on m’avait traité de fou lorsque je l’avais dit à l’époque – sur le modèle de celle que Jacques Séguéla avait conçue pour le Maréchal Pétain : « La France éternelle ». Mitterrand l’avait reprise, avec son petit village, le soleil, jouant sur ce qu’il y a de pire dans ce pays. Mitterrand, l’admirateur de Jacques Chardonne, l’écrivain de la collaboration... Dans ses Mémoires, Danielle Mitterrand mentionne une conversation très révélatrice avec son mari : « Je disais à François : « Puisque tu as le pouvoir, pourquoi est-ce tu ne t’en sers pas pour changer le pays ? » Il répondit : « Je n’ai pas le pouvoir. La France, comme tout le monde, est assujettie à une dictature financière qui gère tout. » Mitterrand s’est soumis et on sait aujourd’hui comment il a imposé, avec Margaret Thatcher, ce régime brutal à l’Europe et à l’Allemagne avec l’euro qui s’est avéré, si j’utilise un terme de la Renaissance, un « mal français »... Mon projet et ma démarche, qui seront bientôt plus complets, sont une réponse au cynisme désabusé de François Mitterrand et, pour ne pas seulement parler de lui, de tous les présidents de la République depuis Georges Pompidou, y compris Pompidou.

Pour vous engager aujourd’hui, dans ces conditions, il faut du courage, c’est vrai. Mais ne pas vous engager serait un aveuglement irresponsable, un consentement vraiment autodestructeur aux prédateurs de la City ou de Wall Street, ou simplement à l’ignorance satisfaite de votre voisin qui a peur. « N’ayez pas peur ! » comme disait quelqu’un d’autre. C’est le moment de ne pas avoir peur, comme l’on disait dans la résistance. Gandhi disait : « Soyez vous-même le changement que vous voulez voir dans le monde. » Cette façon de changer, d’être, est le défi de l’époque. C’est dans ce sens que l’on est dans une période révolutionnaire, pas pour couper des têtes ou faire couler le sang, bien entendu, mais pour accomplir une révolution de la non-violence organisée.

Pour finir, je voudrais reprendre quelque chose que disait Jaurès et qui correspond très bien à mon sentiment aujourd’hui. Jaurès, pour qui la nation est le seul bien des pauvres. C’est ce qu’a répété Marine Le Pen, mais en le détournant complètement de son objet. Ce que disait Jaurès, c’est qu’« il y a dans notre France, sur les problèmes vitaux, une inertie de la pensée, une somnolence de l’esprit qui nous expose à toutes les surprises. Jusqu’au jour où se produisent ces lumineux réveils qui viennent heureusement, quoiqu’à de trop longs intervalles, sauver notre pays. » Vous me direz que Jaurès et Gandhi ont été tous deux assassinés. Je répondrai : « Mieux vaut mourir debout, ayant légué à l’avenir une part d’immortalité, que de mourir en ayant vécu à peine plus longtemps, parce que la vie est courte, et en ne léguant aux générations futures qu’un estomac sur pattes » comme disait Léonard de Vinci. La victoire, c’est notre part d’immortalité que nous devons défendre, et c’est notre don aux générations à naître. Voilà le combat.

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