Brèves

Un démocrate progressiste américain ouvre un dialogue avec Jacques Cheminade

mercredi 18 avril 2012

Aux États-Unis, il n’y a pas que Lyndon LaRouche pour accuser Barack Obama d’avoir trahi ses promesses. Bien que boudé par la grande presse, le démocrate progressiste Darcy Richardson défie le président Barack Obama dans plusieurs États dans la course à la présidentielle. Car, même si le barnum ultradroitier des républicains l’a occulté, il n’en reste pas moins que le Parti démocrate organise lui aussi un processus de désignation de son candidat.

Ancien collaborateur du candidat démocrate progressiste Eugene McCarthy, Darcy Richardson mène lui aussi campagne pour rétablir la séparation des banques d’affaires des banques de dépôt (retour au Glass-Steagall Act). Pour lui, le bilan du mandat d’Obama est plus que calamiteux : «  ?Il n’a accompli aucune des choses dont il a parlé en 2008. L’administration Obama est un cas d’école de l’influence corruptrice de l’argent de Wall Street dans la politique américaine. Le président a abandonné sans mener le combat.? »

Ce n’était donc guère surprenant que Richardson s’est trouvé en phase avec les idées défendues en France par Jacques Cheminade dont le livre-projet s’intitule Un monde sans la City ni Wall Street. Le 17 avril, Richardson a posté sur son site Uncovered Politics un entretien avec Jacques Cheminade sur l’incontournable réforme du système financier international qui s’impose.

Extraits :

Le candidat qui mène la guerre contre l’oligarchie financière

Tout en prenant en compte le fait que le rétablissement de Glass-Steagall et la mise en place d’un système de banque ou de crédit national font partie de vos priorités, pouvez-vous décrire brièvement les « cinq piliers » de votre programme ? Vu le fait que plusieurs autres candidats à l’élection présidentielle, incluant Jean-Luc Mélenchon et le candidat du Parti socialiste François Hollande, ont aussi pris position en faveur d’une politique de type Glass-Steagall qui séparerait les banques commerciales des banques d’investissement, en quoi votre programme diffère-t-il de ceux de vos rivaux ?

Jacques Cheminade : Ma candidature n’est pas qu’une liste d’éléments visant à attraper certains électeurs comme le font les autres, mais une plate-forme politique pour vaincre la City de Londres et ses affiliés de Wall Street et restaurer un monde de développement mutuel entre les peuples et les nations. Des deux côtés de l’Atlantique, les comptes bancaires sont remplis de dettes sans valeur qui doivent être liquidées dans le contexte d’une mise en redressement judiciaire ; c’est la seul manière de nous protéger de ce qui serait autrement un effondrement inévitable du système financier. Séparer les banques est la clé pour établir un système de crédit publique qui fournirait des fonds pour de l’investissement à long terme dans les services publics, la science et l’infrastructure.

Pensez-vous que les médias français et internationaux couvrent votre campagne de manière équitable ?

Cheminade : Absolument pas. (…) L’oligarchie financière n’a pas peur de moi en tant que tel, mais de l’émergence potentielle d’un mouvement populaire qui casserait les liens avec l’empire monétariste de la City, ainsi que de mon association avec l’économiste de la tradition américaine Lyndon LaRouche.
(…)

Qu’est-ce qui a été l’aspect le plus satisfaisant de votre campagne ? Y a-t-il des incidents amusants que vous aimeriez partager avec nos lecteurs ?

Cheminade : (…) Les médias voulaient m’amener à répudier mon amitié avec LaRouche en montrant sa campagne sur la « moustache » d’Obama, prétendant qu’il est un extrémiste attaquant un président bon et progressiste. Ceci a fini par devenir une excellente opportunité d’exposer comment le fascisme financier est à l’œuvre aux Etats-Unis avec Obama et sa bande de Wall Street, organisant le renflouement des banques, des coupes dans les services publics et sociaux, une politique de santé excluant les pauvres et les souffrants, une politique d’assassinats ciblés et de kidnappings (NDAA), etc., qui sont toutes des questions qui avaient été soigneusement évitées par les médias français !
(…)

Vous aviez prédit avec justesse en 1995 la crise financière globale actuelle. Qu’est-ce vous aviez dit en particulier à l’époque et jusqu’à quel point le « capitalisme de casino » est-il responsable de l’effondrement financier ?

Cheminade : Peu importe la valeur associée à un actif monétaire, il reste un actif monétaire, c’est-à-dire un actif fictif. De ce point de vue, toute société où l’argent n’est pas créé comme instrument politique pour nourrir la croissance de l’économie physique, basée sur les pouvoirs créatifs de l’esprit humain dans les arts et dans la science, est condamnée à s’effondrer. Ainsi, j’avais dit en 1995 que la priorité de la politique publique devrait être d’empêcher que le « cancer spéculatif » dans l’immobilier, les produits dérivés et le blanchiment de l’argent dans les zones offshore nous conduise à l’effondrement de nos sociétés.
(…)

Quelles sont vos vues personnelles sur Nicolas Sarkozy et pourquoi pensez-vous que ce serait une erreur désastreuse de voir les Français lui accorder un second mandat ?

Cheminade : Sarkozy n’est rien et tout à la fois. Il est fait de caoutchouc ; il n’a aucune force interne et n’a par conséquent ni la capacité ni la volonté de combattre les élites financières dont il est la propriété. Il est, dans ce sens, comme le Président Obama.
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Avertissant que des coupes seraient nécessaires si la France devait éviter le type de difficultés frappant actuellement l’Espagne, le Président Sarkozy a récemment promis de trancher quelque 40 milliards d’euros dans les dépenses sociales, tout en augmentant les recettes de 13,5 milliards d’euros en créant de nouvelles taxes pour effacer le déficit public d’ici 2016. Comment ces coupes affecteront-elles les citoyens ordinaires et les pauvres ? De plus, face à la dépression économique mondiale, pourquoi tant de dirigeants européens sont-ils obsédés par les déficits et les coupes dans les dépenses ?

Cheminade : L’austérité, comme vous le savez bien, est une recette pour le désastre. J’ai été attaqué à propos de l’« Obamoustache », mais ici en Europe, les Grecs plus âgés qui ont combattu le fascisme pendant la Deuxième guerre mondiale ont dénoncé la politique de la troïka UE-FMI-BCE comme étant similaire à l’occupation nazie. Ceux qui sont obsédés par l’équilibre budgétaire n’osent pas mener l’offensive contre l’ennemi financier.
(…)

En 2007, vous avez soutenu la candidate socialiste Ségolène Royal. Qu’est-ce qui vous a conduit dans cette direction ? Selon les nouvelles récentes, madame Royal et François Hollande ont récemment enterré la hache de guerre. Considéreriez-vous l’idée de soutenir M. Hollande contre le Président Sarkozy si vous deviez manquer de vous qualifier pour le deuxième tour ?

Cheminade : Comme j’ai dit publiquement et de manière répétée, je voterais personnellement pour Hollande seulement s’il devait démontrer une intention réelle et un engagement personnel à combattre la City de Londres et Wall Street. Sinon, je voterai blanc. Peux importe qui gagne, je serai son pire opposant s’il ne prend pas les mesures nécessaires contre les intérêts financiers, et son plus grand soutien s’il a le courage de le faire.
(…)

Je suis certain que vous seriez d’accord avec moi pour dire que les mesures d’austérité qui sont imposées à la Grèce par l’élite financière, incluant ceux qui battent les cartes sur Wall Street et à Londres – les mêmes qui sont responsables pour cet effondrement financier global en premier lieu – sont draconiennes jusqu’à l’extrême. Le Portugal, l’Espagne, l’Italie sont les prochaines victimes. A l’exception de l’Allemagne peut-être, aucun pays européen ne sera épargné. Qu’est-ce que les citoyens de la Grèce et des autres nations européennes peuvent faire pour résister à ces mesures d’austérité imposées par la BCE et le FMI, et que feriez-vous en particulier comme Président de la France pour mener l’Europe hors de la crise ?

Cheminade : Nous devons confronter le fait que cette crise n’est pas le résultat d’une malchance mais bien la conséquence directe de la soumission à l’empire financier et monétariste centré sur la Grande-Bretagne. Ainsi, en tant que Président de la France, je me rendrais en premier lieu à Bruxelles pour annoncer l’intention française de mettre en redressement judiciaire le système bancaire et de créer un système de crédit public. Ou bien certains des principaux pays européens répondent et nous le ferions ensemble, ou bien je romprais avec le consensus européen comme un rebelle. Ensuite je me rendrais à Washington, Moscou et Pékin pour créer une alliance eurasiatique pour vaincre cet empire monétariste et promouvoir des projets transcontinentaux et des partenariats scientifiques pour le développement à l’échelle mondiale. Je suis sur que c’est ce que de Gaulle aurait fait aujourd’hui, comme il le fit en 1963 lorsqu’il rejeta le système oligarchique britannique hors de l’Union européenne.

Merci monsieur Cheminade.