L’avenir de l’Italie passe par la Renaissance du Mezzogiorno

jeudi 19 juillet 2012

[sommaire]

Cet article fait partie de notre dossier :
Pour sauver l’Europe et la France, reconstruire l’espace méditerranéen

Voir aussi la vidéo : Il y a une vie après l’euro - les grands projets pour l’Italie

par Claudio Celani

Lorsqu’on parle d’un « Plan Marshall » pour l’Europe du Sud, l’on pense naturellement au Plan Marshall originel qui apporta le crédit urgemment nécessaire pour la reconstruction de l’Europe. L’Italie doit sa reconstruction à ce crédit, mais également aux compétences de sa classe dirigeante de l’époque, qui l’utilisa en faveur de politiques et d’institutions inspirées des meilleurs aspects du New Deal de Franklin Roosevelt.

En 1950, le fonds mis en place pour le développement de l’Italie du Sud (Cassa per il Mezzogiorno) fut peut-être l’expérience la plus proche du New Deal en Europe. La Cassa reste encore aujourd’hui un modèle pour le développement de l’Italie du Sud ainsi que pour d’autres régions sous-développées de la zone méditerranéenne.

Le Mezzogiorno italien, avec une population de 20 millions de personnes, comprend les régions de la Molise, la Campanie, la Basilicate, les Pouilles, la Calabre, et les îles Sicile et Sardaigne.

Cette région a connu un fort développement de 1950 à 1965, puis un développement plus faible jusqu’en 1975. Si ce développement n’avait pas été brutalement interrompu cette année-là, l’Italie aurait aujourd’hui le plus haut taux de productivité d’Europe ; en effet, le Nord du pays est aussi productif que l’Allemagne, tandis que le Sud l’est quatre fois moins. De même, alors que le taux de chômage est d’environ 10 % au Nord, il est de 25 % au Sud. La renaissance du Mezzogiorno signifie la renaissance de l’Italie.

Les raisons de l’arriération historique du Mezzogiorno se trouvent dans les longs siècles de domination étrangère, en commençant par les Byzantins, les Normands, les Français, et la terrible domination des Espagnols, qui avec l’influence britannique post-napoléonienne, facilitèrent la croissance de la Mafia comme principale force de police au service de l’aristocratie des propriétaires terriens, et plus tard comme instrument de déstabilisation terroriste.

Grâce à la Cassa, le développement du Mezzogiorno fut lancé et, pour la première fois, au cours de la décennie 1950-1960, le revenu des familles du Sud a augmenté au même taux que celui des familles du Nord.

L’idée de « l’agriculteur indépendant » apparut en Italie du Sud en 1950, lorsque la réforme agraire De Gasperi [1] distribua 30 % des terres aux agriculteurs. La Cassa fut fondamentale pour assurer que les nouveaux agriculteurs obtiennent le crédit et les moyens nécessaires à la production, l’irrigation, les semences, les machines, le bétail, etc.

Dans les années 1950-1960, la Cassa était associée à l’entreprise publique IRI, chargée de construire les infrastructures et les industries à travers l’Italie, et à la compagnie pétrolière publique ENI, qui fournit de l’énergie bon marché grâce à la découverte de grandes réserves de gaz dans la plaine du Pô dans le Nord. Il en résulta un miracle économique : l’inflation fut vaincue, et pendant une courte période, elle devint même négative. La Lire est stable, et en 1959, le plein emploi est atteint.

En 1975, alors que le rôle de la Cassa fut brutalement réduit par la mise en place de gouvernements régionaux qui s’octroyèrent la juridiction des investissements à long terme, elle avait créé 2 millions d’hectares de terre irriguée, construit 62 barrages, 52 aqueducs, de nombreux systèmes d’épuration d’eau ; elle avait refait 20.000 km de routes et construit 6000 de nouvelles, électrifié les voies ferroviaires et ouvert de nombreux centres industriels. Cependant, seule la moitié du travail avait été réalisée.

Tout comme son modèle, la Tennessee Valley Authority et des projets du New Deal pour la région des Appalaches, la Cassa bénéficia de compétences et de puissances techniques sans précédent, ainsi que de la capacité d’élaborer et de mettre en œuvre le financement d’un programme sur dix ans pour le Mezzogiorno.

Au-delà de ces projets, que les dirigeants de la Cassa conçurent selon une approche intégratrice, de nouveaux furent rapidement lancés en fonction de l’évolution de la situation. La structure de la Cassa permettait d’utiliser des fonds ayant été affectés à un projet pour un autre, s’il se trouvait que les priorités changeaient en chemin. Les autorités locales étaient obligées de collaborer avec la Cassa et de mettre leurs compétences à sa disposition.

Comme le disait souvent Gabriele Pescatore qui fut longtemps son président, l’objectif de la Cassa était de créer « un processus d’accumulation de capital d’autosuffisance. »

Le retour au régionalisme fut synonyme de la fin d’une approche intégrée pour le développement infrastructurel de l’ensemble du Mezzogiorno, en faveur de considérations locales et du clientélisme.

Aujourd’hui, l’approche originelle de la Cassa per il Mezzogiorno doit être réactivée si nous voulons susciter une renaissance de l’Italie du Sud, et en faire une locomotive pour l’ensemble de l’économie italienne, ainsi que pour la Méditerranée.

Un tremplin pour le développement de l’Afrique du Nord

Considérons le rôle que le Mezzogiorno peut jouer compte tenu de sa position géographique au centre de la Méditerranée, comme point de connexion terrestre potentielle entre l’Europe occidentale et l’Afrique.

S’étendant sur 1,29 km du Nord au Sud, située à 170 km des côtes tunisiennes et à 200 km des côtes siciliennes, l’île de Lampedusa forme un « pont » naturel entre Afrique et Europe. Il existe des projets visant à creuser un tunnel sous-marin sur au moins l’un de ces deux intervalles.

L’Italie est le seul pays d’Europe du Sud à avoir une capacité industrielle auto-suffisante, c’est-à-dire qu’elle est capable de produire plus que pour sa seule population. Son secteur industriel est le plus grand après l’Allemand. Le problème est que cette base industrielle est concentrée sur le Nord de l’Italie et partiellement le centre, tandis que le Sud est sous-développé.

Le potentiel industriel italien est actuellement bloqué par sa perte de souveraineté. Le système de l’Euro oppose son véto à toute création de crédit pour le développement et force les industries à délocaliser leur production. Ces deux problèmes seront éliminés grâce au rétablissement de la souveraineté sur la monnaie et le crédit et à des mesures protectionnistes pour le commerce.

L’Italie pourra alors revenir à l’approche d’inspiration rooseveltienne mise en œuvre lors de la reconstruction d’après-guerre et raviver son immense potentiel scientifique et industriel pour développer le Sud du pays, tout en participant au développement de ses voisins, tels la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Afrique du Nord.

En étendant ses capacités dans le Mezzogiorno, l’industrie d’Italie du Nord bénéficiera de l’avantage unique de sa proximité, qu’aucun concurrent sur le marché extérieur ne pourra égaler. Le Mezzogiorno italien doit devenir un lieu de production de biens pour lui-même et pour l’ensemble de la région Méditerranéenne.

La tradition Mattei

Dans les années 1950, l’Italie a développé une politique indépendante d’amitié avec certains de ces pays, grâce aux travaux d’Enrico Mattei, un grand industriel et leader politique. Alors que les cartels anglo-américains et belges exploitaient les ressources naturelles laissant peu en échange, non seulement Mattei laissait à ses partenaires la plus large part de ces ressources, mais il offrait également l’éducation de la force de travail qualifiée pour participer à un processus d’industrialisation.

Ayant été l’un des leaders de la résistance italienne contre le fascisme, Mattei fut chargé de mettre en liquidation la compagnie pétrolière d’Etat, Agip. Il comprit assez vite qu’étant donné la pauvreté en matières premières de l’Italie, Agip devrait devenir un instrument pour accéder à l’indépendance énergétique. Il décida alors de désobéir : au lieu de liquider Agip, il mit en scène une fausse découverte de pétrole dans la plaine du Pô, dans le Nord de l’Italie et avec le soutien du premier ministre Alcide De Gasperi, il commença la réalisation de son plan visant à faire d’Agip un puissant instrument pour le développement.

En 1953, l’industriel Enrico Mattei fondateur du groupe pétrolier italien ENI, devient très gênant pour la City de Londres et Wall Street. Ici, Mattei (à gauche) avec le Président egyptien Gamal Abdel-Nasser.

Mattei força le gouvernement à accorder à Agip des concessions sur l’ensemble du territoire national, excluant les compagnies étrangères. Il ne trouva pas de pétrole, mais suffisamment de gaz pour fournir de l’énergie bon marché à la reprise industrielle. En quelques mois, Snam, la compagnie sœur d’Agip, construisit un grand réseau de pipelines de gaz dans le Nord de l’Italie, et alimenta en gaz naturel chaque foyer.

Quand il réalisa que les prix élevés des engrais, à cause de l’influence de producteurs privés organisés en cartel, entravaient le développement du secteur agricole italien, Mattei fit bâtir à Ravenne une usine de production d’engrais.

En 1953, Mattei créa le trust public ENI et lança une offensive internationale contre les Sept Sœurs, formule par laquelle il désignait les sept compagnies formant un puissant cartel pétrolier international. Excepté Esso, qui exploitait le pétrole d’Arabie Saoudite, les Sept Sœurs représentaient les mêmes intérêts anglais et hollandais s’étant partagés entre eux le contrôle sur les pays producteurs de pétrole. [2]

Les Sept Sœurs exploitaient le pétrole selon la formule 75/25 : 75 % pour la compagnie et 25 % pour le pays producteur. Les compagnies américaines offraient un meilleur traitement : 50/50. Mattei offrit 25/75 : 25 % pour ENI et 75 % pour le pays producteur, avec en plus, des emplois pour la force de travail locale, une formation professionnelle et des infrastructures.
Mattei passa des accords avec la Perse (l’Iran), la Libye, la Tunisie, la Jordanie et le Maroc. Il signa également d’importants contrats commerciaux avec la Russie et avec le leader nationaliste égyptien Gamal Abdul Nasser ; il ouvrit également des négociations avec la Chine. En 1962, la présidence Kennedy créa une situation nouvelle rendant possible un accord avec les compagnies américaines. Le Foreign Office Britannique y vit un casus belli.

Cette même année, à la veille de sa visite aux Etats-Unis, où il devait rencontrer le président John F. Kennedy, Mattei est tué par une bombe placée dans le train d’atterrissage de son jet privé. Toutefois, ses successeurs continuèrent sa politique, avec le soutien de la plupart des gouvernements, jusqu’à ce que le système politique italien soit soumis au coup pro-euro de 1992.

Mattei a façonné une image de l’Italie moderne qui trouve encore un écho parmi certains pays africains et asiatiques. Son approche fut solidement soutenue par le président Giovanni Gronchi, ainsi que par des Premiers ministres tels Amintore Fanfani et Aldo Moro.

L’ENI devint la carte de visite d’une Italie moderne anticoloniale et traça la voie pour le puissant trust d’Etat, l’IRI, qui construisit des barrages, des routes et des voies ferrées partout dans le monde. Bonifica, une société d’ingénierie du groupe IRI, conçut le grand projet Transaqua pour le développement de l’Afrique centrale (voir les autres articles de ce rapport).

En finir avec les mercenaires environnementalistes

Tout programme de développement pour l’Italie implique de faire face à la force d’occupation qu’est le mouvement environnementaliste. A partir de 1987 et pendant deux décennies, ils ont réussi à y saboter toute construction infrastructurelle, répandant dans la population une psychose antiscience et anti-technologie. En 2001, la tentative par le gouvernement central de contourner cela avec une loi intitulée Legge Obiettivo (loi objective), ne fut qu’un succès partiel. Un programme de reprise de l’économie italienne doit donc impliquer une guerre contre cette force d’occupation étrangère, dirigée depuis Londres. Elle doit être menée au niveau culturel et redonner de l’optimisme à la population en faisant revivre les véritables valeurs de sa culture ancrées dans l’héritage de la Renaissance du XVe siècle. Elle doit également être menée au niveau du renseignement politique, en exposant et détruisant les réseaux de renseignement étrangers contrôleurs des environnementalistes.

Venons-en aux principaux projets à réaliser

L’énergie :

L’énergie est la principale cause du déficit de la balance commerciale italienne.Le pays importe 78 % de l’énergie qu’elle consomme, autant en électricité qu’en carburant à usages industriel et domestique. 12 % de son électricité (43 TWh) est importée de France, de Suisse et de Slovénie. En ce qui concerne les importations de combustible, le gaz naturel représente 66 % (230 TWh), le charbon 18 %, et le pétrole 16 %.

Ceci a pour conséquence des prix de l’énergie environ 30 % plus élevés que chez ses concurrents industriel. Afin de se maintenir dans les marchés de l’absurde système actuel de libre-échange et de mondialisation, les producteurs sont forcés de réduire les coûts du travail. A cause de cela et des impôts élevés (environ 50 % du salaire brut), les salaires des italiens sont parmi les plus bas d’Europe.

C’est le résultat du démantèlement de son nucléaire civil qui était en 1966 le troisième plus important au monde après les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. En 1987, quand cette capacité fut détruite, l’Italie était encore parmi les meilleurs dans cette technologie en Europe. Une des solutions pour résoudre son problème énergétique consistera en un retour massif à l’énergie nucléaire.

Sa tradition nucléaire remonte à Enrico Fermi, père du premier réacteur nucléaire, construit en 1942 à Chicago. Enrico Mattei fit construire le premier réacteur commercial italien en 1958. A la suite de la crise pétrolière de 1973, l’Italie disposant de quatre centrales nucléaires en activité, le gouvernement prépara un plan pour construire six nouveaux réacteurs. Une offensive économique et politique d’origine britannique fut lancée contre le pays, en utilisant des groupes environnementalistes nouvellement créés ; le programme nucléaire italien fut d’abord suspendu, puis complètement arrêté, suite à un référendum national en 1987, sous le choc émotionnel de l’accident de Tchernobyl.

Quand le gouvernement a remis le nucléaire à l’agenda, prévoyant la construction de huit centrales afin de produire 25 % de l’électricité, les mêmes forces firent organiser un autre référendum en 2011. Le destin voulut que ce référendum coïncide avec l’accident de Fukushima qui suivit le tsunami japonais de février 2011. La propagande médiatique de type Goebbels qui se déchaina fit que ce fut à nouveau un plébiscite contre l’énergie nucléaire et le programme du gouvernement fut annulé.

Ayant rétabli le nucléaire, de nouveaux réacteurs pourront être construits en Italie du Sud ; au début, un par région : la Campanie, la Basilicate, les Pouilles, la Calabre, la Sicile et la Sardaigne.

Des systèmes mixtes d’EPR (European Pressured Reactor) et d’HTR (High Temperature Reactor) permettront d’atteindre une production d’environ 10 GW avec cette première série de réacteurs.

En même temps, quatre centrales pourront être construites en Italie centrale et du Nord, à Trino Vercellese, en Latina, à Caorso et à Montaldo di Castro, sur les sites des vieilles centrales, procurant ainsi une capacité d’environ 16 GW. Lors de la seconde phase, cette capacité pourra être doublée.

Malgré le fait que le référendum de 1987 ait empêché l’industrie nucléaire de construire de nouveaux réacteurs, des entreprises comme ENEL, ENI et Ansaldo (du groupe Finmeccanica) ont continué à participer aux consortiums internationaux, et le savoir-faire a ainsi été préservé. Ce qui signifie que l’Italie pourra commencer à exporter sa technologie nucléaire dès que la première phase de son propre programme nucléaire sera terminée.

Les réseaux de transport

Carte 1
Corridor 1 : un chemin de fer reliant Palerme (Sicile) à Berlin (Allemagne) pour le transport du fret et des personnes.

Une révolution dans le transport de fret est indispensable en Italie car elle apportera un nouveau souffle à la production.

Actuellement, seuls 10 % des biens sont transportés par le rail, 0,1 % par péniches et 0,6 % sur les eaux côtières, malgré le fait que le pays dispose de 7750 km de côtes. Le reste est transporté par camion, ce qui implique une surconsommation de pétrole et un trafic routier saturé.

Les producteurs n’utilisent pas le réseau ferroviaire en raison de sa lenteur et de son inefficacité. Il est moins long pour une cargaison d’aller de Milan à Berlin que de Palerme à Rome. Résoudre ce problème implique d’améliorer l’ensemble du réseau ferroviaire, afin qu’il soit plus rapide et plus efficace.

Carte 2
Le Corridor 24 reliant Lyon et Gênes avec Anvers et Rotterdam.

L’Italie est actuellement en train de terminer la construction de trois corridors transeuropéens pour TGV, établissant une connexion entre la majorité des principales villes du pays : le Corridor 6 (Lyon-Kiev), le Corridor 1 (Berlin-Palerme) et le Corridor 24 (Gênes-Rotterdam).

La partie Milan-Salerne du Corridor 1 (Carte 1), qui a nécessité d’importants travaux d’ingénierie sur la portion Bologne-Florence, dans les Apennins, en raison du tunnel de 73 km, fonctionne déjà. La section Turin-Venise du Corridor 6 vient d’être terminée. La section Milan-Gênes du Corridor 24 est en cours de construction (Carte 2).

Carte 3
Le corridor 6 doit relier par chemin de fer Lyon à Kiev en passant par Turin et Budapest.

Les sections italiennes des Corridors 6 et 24 suscitent l’opposition de groupes environnementalistes souvent violents et bénéficiant de couvertures médiatiques. La mobilisation environnementaliste contre la section Turin-Lyon et son tunnel de 57 km a provoqué de violents affrontements avec la police (Carte 3).

Les enquêteurs ont récemment arrêté à Turin 24 leaders des insurgés, parmi lesquels deux anciens membres des Brigades Rouges. Ce sont les mêmes groupes qui s’opposent au projet de TGV Gênes-Milan.

Mais ces trois lignes ne sont pas suffisantes. L’Italie dispose de 55,4 km de voies par 1000 km², à peu près deux fois moins qu’en Allemagne (94,5 km).

Cela représente 238 km de voies par million d’habitants, comparé à 481 km en France et 412 en Allemagne, et 13 km de lignes à grande vitesse par million d’habitants, contre 16 en Allemagne, 30 en France et 35 en Espagne. De plus, la moitié seulement des 22 900 km de lignes conventionnelles est électrifiée et 9200 km sont des lignes à une seule voie. Ce dernier cas est dominant en Sicile.

Cependant, ces chiffres, fournis par la société des chemins de fer italienne, ne montrent guère qu’une grande partie des lignes secondaires est en plein délabrement. Cela concerne aussi bien les liaisons entre petits centres urbains que les navettes de banlieues.

L’effort de modernisation du système ferroviaire impliquera le doublement des voies, l’électrification de la moitié restante du réseau actuel et la construction de nouvelles lignes en vue de doubler le réseau national.

Dans le Mezzogiorno, il faudra quadrupler le réseau et étendre les voies pour TGV au-delà de Salerne, terminus actuel, jusqu’à la pointe de la « botte » et Palerme, via le futur pont de Messine. Depuis Palerme, la voie sera prolongée jusqu’à la petite ville de Pizzolato, dans la province de Trapani, d’où partira le tunnel sous-marin assurant la liaison avec le Cap Bon, en Tunisie.

La construction d’un pont sur le détroit de Messine sera une œuvre d’ingénierie majeure. Ses 3,3 km en feront le pont suspendu le plus long au monde (Carte 4). Il permettra la jonction entre les villes de Messine et Reggio Calabria, formant un grand ensemble urbain de plus de deux millions d’habitants. Ce centre urbain sera connecté par voie rapide à l’Italie centrale et du Nord, puis à l’Europe centrale ; de l’autre côté, la même voie rapide emmènera jusqu’en Afrique du Nord, via le tunnel Sicile-Tunisie.

Ce centre urbain comprend, côté calabrais, le port en eaux profondes de Gioia Tauro qui pourrait devenir l’un des principaux ports réceptionnant les cargos en provenance du canal de Suez. Actuellement, 30 millions de conteneurs transitent annuellement par la Méditerranée, dont moins de 4 millions pour l’Italie ; 3 millions d’entre eux accostent à Gioia Tauro.

Au moins 20 millions traversent le Détroit de Gibraltar, contournent la péninsule ibérique, et accostent à Rotterdam de façon à être transportés en Europe Centrale. Il serait plus simple de décharger la marchandise à Gioia Tauro et de la transporter par rail vers le Nord, si la liaison ferroviaire n’était pas aussi inefficace.

Une fois que Gioia Tauro sera effectivement accessible par rail - ne serait-ce qu’en rénovant la voie actuelle, pendant que se construira une voie rapide jusqu’à Salerne - le fret ne mettra plus qu’une trentaine d’heures pour atteindre Berlin, alors que cela prend une semaine actuellement.

Carte 4
La construction d’un pont sur le détroit de Messine sera une œuvre d’ingénierie majeure. Ses 3,3 km en feront le pont suspendu le plus long au monde

L’extension de la voie rapide à travers le pont de Messine jusqu’en Afrique sera réalisée grâce au projet de construction d’un tunnel sous la mer, joignant la Sicile à la Tunisie, conçu par l’agence de recherche nationale italienne, l’ENEA. Les 155 km seront franchis par cinq tunnels construits entre quatre îles artificielles intermédiaires fabriquées à l’aide de matériaux excavés. Deux tunnels fonctionneront dans les deux directions, plus un tunnel de service.

Cet ensemble offrira une voie commerciale rapide pour les exportations de biens dans le cadre du développement de l’Afrique du Nord, non seulement depuis l’Italie, mais également depuis l’Europe Centrale (Carte 4).

Le Maglev

L’industrie ferroviaire italienne se trouve affaiblie par le manque de demande résultant du ralentissement du progrès au cours des deux dernières décennies. Ainsi, Fiat a dû vendre sa filiale Fiat Ferroviaria au groupe français Alstom, laissant au seul Ansaldo-Breda (du groupe Finmeccanica) la capacité de produire des locomotives modernes. De plus, le gouvernement actuel prévoit de privatiser Ansaldo-Breda, son bilan étant dans le rouge. Ansaldo-Breda produit actuellement la gamme de TGV italiens, l’ETR 500, conçu dans les années 1980.

La nouvelle entreprise privée franco-italienne NTV a été autorisée à faire circuler sur les voies rapides italiennes la version la plus moderne du TGV français, plus performant que l’ETR 500. L’avenir de l’industrie ferroviaire italienne est donc plutôt sombre.

Toutefois, les Italiens pourraient remédier à ces problèmes en développant les trains à lévitation magnétique (Maglev), en s’inspirant du modèle chinois. Ces derniers ont obtenu la licence pour produire le Transrapid, une technologie Siemens, à condition de ne pas le vendre à l’étranger.

Le fluvial

Carte 5
Un projet de canal à grand gabarit permettrait de relier la Mer adriatique avec le grand axe de trafic fluvial que forme l’ensemble Rhin-Danube qui connecte la Mer du nord avec la Mer noire.

L’Italie dispose d’un système fluvial totalement désuet. En tout et pour tout, seul le Pô est partiellement navigable, à quoi on peut ajouter un réseau de canaux dans les régions d’Emilie Romagne et du Veneto, mais datant de l’époque de la république de Venise.

La région lombarde étudie un projet visant à rendre le Pô entièrement navigable, de la côte Adriatique jusqu’à Milan. Il serait également possible d’ouvrir une nouvelle voie reliant l’Adige et l’Inn, créant ainsi une voie navigable allant de Venise à Passau et faisant la connexion entre le réseau fluvial italien et l’ensemble du système fluvial d’Europe centrale (Carte 5).

Le projet, développé par l’entreprise Tyrol-Adria AG, prévoit la construction d’un tunnel-canal de 78 km entre l’Inn en Autriche et l’Adige en Italie ; son gabarit serait suffisant pour permettre le passage de péniches de classe UE V. L’eau pompée dans le tunnel créant un courant artificiel entraînant les péniches, ceci évitera la pollution du tunnel par les moteurs. L’énergie pour pomper l’eau sera fournie par des centrales hydro-électriques le long de l’Inn.

La prévention des tremblements de terre

La péninsule italienne est soumise à une importante activité sismique. Les fréquents tremblements de terre de forte intensité, avec leur lot élevé de perte en vies humaines et de destructions matérielles, constituent une tragique réalité permanente. Toutefois, ils cesseront d’être une menace si une stratégie en deux volets est mise en œuvre :

a) une remise à niveau générale des bâtiments existants, selon les normes de construction antisismiques les plus modernes. Bien que de récentes lois obligent les nouvelles constructions de bâtiments à se conformer à ces normes, les constructions anciennes ne sont pas conformes. De plus, l’Italie est riche en constructions anciennes, en monuments et châteaux très vulnérables aux chocs. Un effort devrait au moins être réalisé pour les lieux stratégiques comme les écoles, les hôpitaux et les bâtiments administratifs. Il a été calculé qu’il faudrait pour cela 100 millions d’euros.

b) créer un système multi-paramètres efficient pour détecter les signes précurseurs des tremblements de terre, afin de les prévoir. La recherche sur les tremblements de terre est très avancée en Italie. Il existe plusieurs équipes de physiciens et géologues étudiant les signes précurseurs, qualifiées pour intégrer un système multi-paramètres.

Le professeur Pier Francesco Biagi de l’Université de Bari affirme qu’un réseau de cinquante capteurs sur Terre et dix satellites géostationnaires serait suffisant pour mettre en place un système capable de prévoir, avec 90 % de probabilité et 10 à 15 jours à l’avance, des tremblements de terre de plus de force 6 sur l’échelle de Richter. Biagi est connu pour avoir collecté d’impressionnantes données comme étant autant de précurseurs du tremblement de terre japonais de Tohoku de 2011, en utilisant des relevés GPS.

La prévention des tremblements de terre devrait elle-même être intégrée au sein du plus large programme de Défense Stratégique de la Terre (SDE), proposé par le gouvernement russe.

L’espace

Le projet SDE a d’importantes implications pour le secteur aérospatial. L’Italie a une longue tradition aérospatiale, à commencer par les études de Léonard de Vinci sur le vol des oiseaux, plus récemment avec l’école d’aérodynamisme des années 1930 et enfin avec la participation aux premières étapes des programmes spatiaux des années 1960. En 1964, l’Italie fut le troisième pays au monde à envoyer son propre satellite en orbite, après l’URSS et les Etats-Unis. Depuis une plate-forme construite dans les eaux internationales de l’Océan Indien, sur l’Equateur, l’Italie a lancé les cinq satellites du projet San Marco, grâce aux vecteurs fournis par la NASA.

Le père de ce projet était Luigi Broglio, fondateur en 1956 du département d’ingénierie spatiale à l’Université de Rome. L’Italie a depuis lors développé sa propre industrie aérospatiale, au sein de l’entreprise publique Finmeccanica et a créé, en 1988, sa propre agence spatiale, l’Agenzia Spaziale Italiana. L’ASI a contribué, avec d’autres, à construire de nombreuses parties de la Station Spatiale Internationale. Les astronautes italiens participent aux programmes de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), et ont participé à de nombreuses missions de la navette spatiale américaine.

L’ESA a récemment mené à son terme le projet de lanceur européen VEGA, destiné à placer des petits satellites en orbite terrestre basse à prix très compétitifs, financé à 63 % par la société italienne ELV, couronnement de la vision originale de Luigi Broglio. VEGA, qui est capable d’emmener une charge utile de 1500 kg en orbite basse, est actuellement l’un des trois lanceurs disponibles en Europe, avec Ariane 5 (France) et Soyouz (Russie).

L’Italie est donc tout à fait prête à jouer un rôle majeur dans le cadre d’un effort européo-russo-américano-chinois pour explorer et développer la Lune ainsi que les régions plus éloignées de l’espace.


[1Alcide De Gasperi (1881-1954) fut Premier ministre du gouvernement italien de 1945 à 1953, après avoir été ministre des Affaires étrangères et ministre de l’Intérieur.

[2Voir l’article du Dr. Nino Galloni, The Sicily-Tunisia Tunnel : Link to Africa, paru dans le magazine EIR du 25 février 2011.