Me Hélène Féron-Poloni : Le combat contre Dexia et les emprunts toxiques aux collectivités

mercredi 5 décembre 2012

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Interview réalisée par Karel Vereycken, de Solidarité et Progrès.

Bonjour Maître Hélène Féron-Poloni. Merci de nous recevoir. Vous êtes avocate associée au Cabinet Lecoq Vallon & Associés et vous assurez la défense de plusieurs communes et syndicats intercommunaux victimes des « emprunts toxiques ». Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit et comment ce scandale s’est développé ?

La question des emprunts toxiques, c’est vraiment le scandale des années 2000. C’est le problème de la finance qui s’invite dans le quotidien des administrés, des villes, de nous tous en tant que citoyens.

Cela a commencé de manière simple. Les communes étaient auparavant aidées pour leur financement par la CAECL, la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales. Cette banque était publique et son objet était simple : permettre aux communes de financer leurs investissements. Le Conseil municipal votait la construction d’un stade, il sollicitait de la CAECL le prêt permettant de le financer.

Cependant, dans le cadre d’un développement mondial favorisant la recherche de rentabilité avec l’industrie financière, la CAECL a été privatisée en 1987 pour devenir le CLF (Crédit local de France). Le CLF a continué à prêter aux communes afin de leur permettre de financer leurs dépenses d’investissement : salle des fêtes, crèche et autres. Le CLF est devenu Dexia en 1996. A partir de là, nous avons eu un rapprochement entre Dexia France et Dexia Belgique, le Crédit communal. Au cours des années 1990, début 2000, Dexia a constaté que, mécaniquement, les communes se désendettaient en finissant par rembourser leurs équipements : on ne va pas bâtir trois ou quatre salles des fêtes, on en fait une, elle est remboursée et c’est terminé. On fait un seul stade, il est remboursé, c’est terminé.

Dexia s’est mis alors en tête de faire du neuf avec du vieux et de restaurer sa rentabilité en vendant aux communes ce qu’ils ont appelé de la « gestion de la dette ». C’est-à-dire qu’une commune qui devait encore, par exemple, trois millions d’euros à la banque Dexia, et qui aurait pu continuer sur un contrat de prêt prenant fin dans les dix années suivantes, a été poussée par Dexia à refinancer ces trois millions d’euros dans un nouveau prêt, présenté comme devant lui permettre de faire des économies, c’est-à-dire avec diminution de l’intérêt d’emprunt. Le souci, quand vous souscrivez un nouveau prêt avec un capital restant dû d’un ancien prêt, c’est que, dans ce nouveau prêt, vous partez sur des échéances qui sont très longues ((20 ou 30 ans). Ainsi, alors que dans l’ancien prêt vous finissez au cours des dernières années par ne rembourser que du capital, lorsque vous prenez un nouveau prêt, les premières années vont vous amener à régler beaucoup plus d’intérêts que de remboursement de capital à la banque qui vous prête. Simplement parce que celle-ci fait passer le gros du remboursement des intérêts avant celui du capital !

Il y a eu une deuxième phase de prospection commerciale de Dexia auprès des communes, qui a consisté à dire : « Il y a encore mieux à faire. Vous pouvez faire des économies plus importantes sur le taux d’intérêt de vos prêts en participant activement aux marchés financiers. En faisant de vous un acteur des marchés financiers – je ne vous explique pas bien comment, mais ne vous inquiétez pas, on s’occupe de tout, on a la solution, et au lieu de vous endetter à environ 4 %, je vais vous permettre d’avoir 3,50 % de taux d’intérêt annuel. » Les communes et les maires sont évidemment soucieux du coût des intérêts d’emprunts et ont nécessairement été séduits par la proposition, bien que, dans le fond, on constate aujourd’hui qu’ils n’ont rien compris à ce qu’ils ont signé. Dexia a ainsi fait signer, au cours des années 2000, de très nombreux prêts qu’on appelle des « prêts structurés », qui sont devenus ce qu’on appelle aujourd’hui des prêts « toxiques » parce que les communes sont dans l’incapacité de les rembourser. Ce sont des prêts structurés qui comportent un élément purement financier, une option de change sur devises que la commune va vendre à Dexia. En contrepartie, Dexia va « bonifier » les taux – on appelle cela la bonification des taux. Elle va accorder à la commune un taux d’intérêt moins élevé que le prêt précédent et la commune part ainsi avec un prêt pour lequel elle a fait le pari que l’option qu’elle a vendue sur les marchés ne va pas se retourner contre elle.

Les communes ont donc été amenées à devenir des acteurs des marchés financiers ?

Absolument. En vendant une option de change sur devises à Dexia, la commune devient l’assureur d’un pari selon lequel le cours de change considéré (très fréquemment, c’était la parité euro/franc suisse) ne va pas se retourner contre elle. C’est-à-dire que la commune dit « je souscris ce prêt en faisant le pari que l’euro ne vaudra jamais moins que 1,44 franc suisse », et pendant ce temps-là, sur les marchés financiers, il y a des établissements financiers, bien mieux placés que la commune pour savoir ce que vaut ce pari, qui font le pari contraire selon lequel, en raison de la crise financière commencée au moins en 2007, le franc suisse va s’apprécier par rapport à l’euro et qu’il faudra moins de 1,44 franc suisse pour acheter 1 euro. En souscrivant le prêt, la commune s’est engagée à deux choses : d’une part, à rembourser à Dexia les intérêts du prêt et le capital, bien sûr, mais aussi, d’autre part, à garantir à un interlocuteur, à un intervenant sur les marchés financiers qu’elle ne connaît pas, que dans le cas où le franc suisse s’apprécierait par rapport à l’euro, elle lui paierait la différence du cours de change. La conséquence pour cette commune, c’est qu’elle emprunte auprès de Dexia à 3,5 %. Il lui est garanti que ce taux d’intérêt de 3,5 % n’augmentera pas pendant les deux premières années, mais si, la troisième année, son pari sur le change entre l’euro et le franc suisse se retourne contre elle, le taux d’intérêt flambera. Et c’est ce qui s’est passé pour de très nombreuses communes en France.

Y a-t-il eu des mises en garde, à un moment donné, contre de tels procédés ?

Il n’y a pas eu d’alerte. Une fois que la maison est en feu, les « experts » répondent aux maires qui se plaignent qu’ils ne leur auraient jamais conseillé de s’engager là dedans. « Je vous l’aurais déconseillé », disent même ces « experts », sans craindre de déjuger les conseillers de leur propre établissement ! Si les communes avaient eu conscience du fait que d’un prêt tout à fait classique, avec un taux peut-être plus élevé mais limité à 4,5 ou 5 % d’intérêt long, elles allaient passer, avec la « carotte » d’une baisse de leur taux d’intérêt au départ, à un risque illimité, elles auraient réfléchi avant de transformer leur dette. Mais personne ne les a informées au départ ! Car il ne s’agit pas seulement d’une question de taux d’intérêt, mais de ce qu’elles vont devoir payer à l’établissement financier ayant racheté leur option de change sur devises dans le cadre de la souscription du prêt, ce qui les expose à un risque pratiquement illimité. On ne leur a parlé que de « bonification des taux », c’est-à-dire des économies qu’elles allaient faire sur le taux d’intérêt, dans l’hypothèse où les taux de change ne bougeraient pas !

Et puisque les maires raisonnent en terme de budget mensuel…

Exactement. Les communes raisonnent de manière budgétaire. L’idée, c’est de ne pas augmenter les impôts locaux. C’est une démarche tout à fait louable. Mais de manière insidieuse, Dexia est arrivée en disant : « Moi, je comprends votre souci budgétaire de ne pas augmenter les impôts. Alors je vous vends la bonne solution, à savoir ce prêt structuré qui vous permet de continuer à vous financer avec le même budget annuel. » Mais ce qu’elle n’a pas dit, ce qu’elle n’a pas mis clairement en évidence, c’est que cela représentait un risque financier énorme que les communes ne pouvaient en aucun cas maîtriser. Ainsi, on a même des exemples où certaines, qui avaient souscrit en 1990 des prêts qui auraient dû se terminer en 2010, sont encore endettées jusqu’en 2030 voire 2040, pour la même masse empruntée à l’origine et avec des pertes financières énormes.

Comment avez-vous été amenée à prendre la défense des communes, en particulier celle de Sassenage ? Pouvez-vous nous exposer brièvement comment son taux a explosé et comment la défense s’organise ? Aujourd’hui, il existe 57 communes ayant assigné Dexia en justice. Où en est-on avec leur défense ?

J’ai été contactée par la commune de Sassenage en 2011. Cette commune avait et a toujours deux prêts en cours, l’un qui date de 2009 et l’autre de 2010. Ces deux prêts, d’un peu plus de 4 millions chacun en capital emprunté, sont « structurés ». L’indice, c’est la parité euro/franc suisse et effectivement, le pari était que, pour que les taux restent à leur niveau d’origine – 3,50 % l’an pour l’un et 3,70 % pour l’autre­ – il fallait plus de 1,44 franc suisse pour acheter 1 euro. C’est-à-dire que l’euro ne tombe pas sous les 1,44 franc suisse. Cette barrière a été franchie en 2011. La commune a donc pris contact avec moi pour voir quelles étaient les solutions possibles. Les taux d’intérêts auxquels elle était exposée approchaient les 15 % annuels. Bien sûr, elle avait contacté Dexia auparavant pour trouver des solutions. La première solution, quand on est dans un prêt à taux variable qui flambe, c’est de réfléchir à son remboursement de manière anticipée. Or ici, la structure du prêt fait que l’indemnité de remboursement anticipé est supérieure au capital restant dû !

Sassenage, pour rembourser son prêt de 4 millions d’euros, doit en fait verser plus de 8 millions d’euros : les 4 millions de capital restant dû et 4 millions minimum correspondant à l’indemnité de remboursement anticipé. Pourquoi ? Parce que, comme on l’expliquait tout à l’heure, le prêt est « structuré », c’est-à-dire qu’il y a eu la vente d’une option de change sur devises sur les marchés financiers : un établissement financier a acheté à la commune cette option et réclame la contrepartie de son achat en proportion de l’enchérissement du franc suisse par rapport à l’euro. Pour sortir du prêt, la commune doit donc payer la contrepartie de cette vente d’option qui a eu lieu quelques mois voire quelques années auparavant.

Est-ce Dexia elle-même qui vend les options ou s’agit-il d’une autre institution financière ?

Le mécanisme n’a jamais été expliqué par Dexia. Elle n’a jamais dit à la commune : « C’est moi qui vous achète l’option de change. » Mais on sait aujourd’hui, parce que des experts financiers se sont penchés sur ces prêts structurés, que c’est bien Dexia qui a acheté les options de change pour les revendre ensuite. C’est là qu’elle a gagné de l’argent dans sa commercialisation de ces contrats de prêts. Elle a acheté des options de change pas très cher aux communes et les a revendues avec une belle plus-value sur les marchés financiers.

De surcroît, nous ne sommes même pas certains, puisque c’est l’achat de l’option de change qui permet à la commune de voir bonifié son taux d’intérêt, qu’elle ait obtenu la réelle bonification du taux dont elle devait mécaniquement bénéficier. On ne sait pas ce que Dexia a aussi gagné sur les taux eux-mêmes ! Dexia lui a payé tant pour cette option, en lui disant ça vous fait donc un taux de 3,50 au lieu d’un 4,05, mais on est incapable de savoir si c’est vrai, si la répercussion à la baisse a été honnête, puisque la commune ne sait pas quand l’option a été vendue ni dans quelles conditions. Elle était et demeure incapable de l’analyser. Tout ceci se fait à l’insu de l’emprunteur, c’est-à-dire de la commune.

La commune, on peut le dire, avait une confiance aveugle en Dexia. Donc, à chaque fois qu’il y avait un souci avec l’achat de prêts, Dexia intervenait pour voir comment « améliorer » la situation. Bien qu’à l’origine, elle soit totalement responsable de la situation dramatique dans laquelle se trouvait la commune avec la flambée des taux qui s’annonçait, puisque c’est elle qui lui avait vendu ces prêts, Dexia arrivait chaque année avec la solution miracle pour éviter à la commune, qui croyait s’en tirer avec 3,50 % d’intérêt annuel, d’avoir à payer 10, 12 ou 15 % l’année suivante. On lui faisait miroiter un lissage relatif des conséquences. Et c’est comme ça que Sassenage s’est retrouvée en 13 ans avec 15 réaménagements de son endettement. Or aujourd’hui Dexia dit que le maire avait la folie des grandeurs, une appétence particulière pour les prêts structurés et que c’est la raison pour laquelle tous ces prêts ont été souscrits, alors que c’est complètement faux. C’est Dexia qui, à chaque fois, a vendu une nouvelle solution à la commune pour lui éviter de payer des intérêts faramineux. Mais dans ces solutions vendues par Dexia chaque année, le seul moyen pour la commune de ne pas payer trop d’intérêts, c’était de prendre toujours plus de risques sur les marchés financiers ! Comme un joueur qu’on incite à jouer davantage pour « se refaire » ! Chaque prêt était en fait, de par l’indice choisi par Dexia et non par la commune, toujours plus risqué pour cette dernière. De sorte qu’en 2011, la commune de Sassenage a décidé de ne plus payer les intérêts d’emprunts, en expliquant qu’en fait Dexia avait abusé de son ignorance en matière de souscription de prêts structurés, qu’elle avait utilisé ce qu’on appelle juridiquement des « manœuvres dolosives ». Qu’entend-on par manœuvres dolosives ? C’est le fait pour un co-contractant (c’est vrai pour un contrat de prêt comme pour tout type de contrat) de cacher à l’autre partie contractante un élément qui, s’il avait été connu d’elle, l’aurait amenée à ne pas souscrire.

C’est ce qu’on appelle une escroquerie !

C’est une tromperie. Je prends l’exemple de l’achat d’une maison, avec un terrain qu’on vous dit constructible, donc avec des extensions possibles. Cela vous tente car la maison est en fait minuscule. Cependant, on ne vous dit pas qu’il y a un plan local d’urbanisme qui est en voie d’adoption, prévoyant que le terrain ne sera plus constructible dans trois mois. Et on vous vend quand même cette maison en vous disant que le terrain est constructible. Eh bien, on commet un « dol » qui va entraîner l’annulation de cette vente immobilière. Aujourd’hui, la commune de Sassenage demande l’annulation des prêts structurés pour dol parce que Dexia ne l’a pas informée sur la réalité des risques, elle ne lui a fourni aucune information sur les mécanismes financiers régissant la bonification du taux. Vous ne trouverez pas un seul document contractuel ni commercial par lequel Dexia explique à une commune qu’elle devient vendeuse sur les marchés financiers d’une option de change sur devises basée sur la parité euro/franc suisse. Cela ne figure nulle part et de plus, Dexia a affirmé, et là on dispose des documents commerciaux, que le franc suisse était une monnaie particulièrement stable parce qu’une monnaie refuge. Alors que le principe même des monnaies refuges, c’est qu’elles deviennent volatiles et partent à la hausse. Dexia a donc affirmé le contraire de la réalité ! Et si elle a si bien revendu l’option de change sur devises euro/franc suisse que la commune lui avait vendue au départ (car c’est comme cela qu’elle a fait son profit dans le cadre des prêts structurés), c’est parce que sur les marchés financiers, pendant que Dexia disait à ladite commune que le franc suisse était une monnaie particulièrement stable, il y avait quantité d’établissements financiers qui faisaient le pari en sens contraire et jouaient le franc suisse à la hausse ! Vu la manière dont tournaient les choses depuis 2007, et vu leurs engagements pris en francs suisses, ces établissements devaient absolument se couvrir de l’écart de change entre l’euro et le franc suisse. Et cela tombait bien : Dexia vendait à la pelle des options de change euro/franc suisse. En fait, on peut dire que les communes non informées ou même trompées prenaient le risque de change face aux établissements financiers parfaitement conscients de la situation, Dexia jouant le rôle d’entremetteuse.

On peut parler en outre de la quasi-faillite de Dexia, qui n’a évité la faillite en droit que grâce au renflouement de l’Etat français et de l’Etat belge. C’est une banque en quasi-faillite mais cela n’a rien d’étonnant : quand on voit ce qu’elle fait faire à ses propres clients, on ne peut pas dire que par ailleurs, elle est correctement gérée.

Tout cela a conduit la Chambre régionale des comptes à se prononcer sur son cas. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Déjà, le point de départ, en droit français, c’est que les contrats signés entre deux personnes constituent la loi entre ces deux personnes. C’est-à-dire que vous ne pouvez pas décider, de votre propre chef, de cesser d’exécuter vos obligations au titre d’un contrat de prêt, de cesser de payer les intérêts ou le capital, voire les deux. Vous ne pouvez pas le décider unilatéralement. Vous êtes obligé. Les communes ne peuvent donc faire autrement que de rembourser Dexia. Mais il y a une exception à cela. Si vous considérez que le contrat est nul, qu’il est vicié dès le départ à cause du comportement du banquier, de Dexia en l’occurrence, vous pouvez solliciter l’annulation du prêt en question. Alors le juge entre en jeu et il peut autoriser une commune à ne pas exécuter ses obligations à l’égard de la banque. C’est comme ça que nous avons décidé d’assigner Dexia devant le Tribunal de grande instance de Nanterre en nullité des contrats de prêts qu’elle a fait souscrire à la commune de Sassenage. Parallèlement, la commune de Sassenage a cessé de payer les intérêts d’emprunts dus à Dexia au titre de ses contrats de prêts. Que ce soit bien clair cependant : elle continue à rembourser le capital emprunté. Mais sur chaque échéance annuelle, elle ne paye plus les intérêts des emprunts. Et c’est normal car au taux où ils sont, elle ne pourrait pas les payer, cela ferait complètement basculer son budget communal. Devant cette situation, Dexia a demandé au préfet d’intervenir. Celui-ci a convoqué le maire de Sassenage et lui a dit : « Vous allez payer les intérêts d’emprunts à Dexia. » Le maire a refusé et le préfet a alors saisi la Chambre régionale des comptes dont dépend la commune, afin de faire déclarer la dépense d’intérêts comme une dépense obligatoire. Ce qui, en fonction des règles de finance publique française, aurait amené la commune à payer à Dexia les intérêts d’emprunt, en dépit du procès qu’elle a engagé par ailleurs devant le Tribunal de grande instance de Nanterre. Or, contrairement à toute attente pour Dexia, la Chambre régionale des comptes a considéré, dans un avis du 31 mai 2012, qu’eu égard aux griefs formulés par la commune de Sassenage quant aux conditions dans lesquelles Dexia lui a fait signer les contrats de prêt, cette commune pouvait ne pas payer les intérêts d’emprunt jusqu’au jugement qui sera rendu par le Tribunal de grande instance de Nanterre sur l’ensemble des réclamations faites par la commune, notamment sur la nullité des prêts. C’est la première fois qu’une Chambre régionale des comptes prend une telle décision. Or, venant d’une juridiction de finance publique spécialisée dans ces questions de financement d’investissements communaux, cette décision a donc un poids réel, qui dépasse le cas particulier de Sassenage.

Cela a donc donné du courage à d’autres communes pour tenter de se défendre de la même façon ?

Il est indéniable que cette décision a donné une bouffée d’oxygène à nombre de communes, et aussi de l’espoir. Notamment parce que dans tous les procès, Dexia prétend que ce sont les communes qui sont venues la chercher en demandant à souscrire absolument du prêt structuré. Ce qui est évidemment complètement faux. Qu’une juridiction de finance publique vienne dire qu’il y a effectivement un problème à l’origine des contrats de prêts est donc une chose très importante et positive.

Avec tout ce que vous venez de dire, vous ne pouvez qu’être d’accord avec ceux qui, comme nous, affirment qu’il faut totalement séparer d’un côté les banques de dépôt, qui financent les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales, à qui on interdit de s’engager sur les marchés financiers, et de l’autre, les banques d’affaires et d’investissement qui, elles, doivent assumer pleinement leurs pertes lorsqu’elles interviennent sur les marchés, sans être renflouées par les Etats.

Ces affaires de prêts toxiques sont vraiment l’illustration que, depuis une vingtaine d’années, les produits financiers, que ce soient des contrats de prêts ou les produits qui sont commercialisés par des établissements bancaires, sont conçus pour garantir une rentabilité à l’établissement bancaire mais absolument pas à ses clients. Que l’on soit dans l’investissement, le placement de l’épargne ou les emprunts comme pour les communes, le client, qui pense faire une affaire, qui espère gagner de l’argent et, pour une commune, réaliser des économies, n’a pas conscience que la rentabilité n’est prévue qu’en faveur de l’établissement bancaire, même si c’est au détriment de ses clients. C’est un peu comme les casinos : pour y gagner de l’argent, il ne faut pas y jouer mais en posséder un.

Oui, mais si on livre toute notre société à un casino, on ira droit dans le mur

C’est sûr que ce n’est pas souhaitable et que, quitte à se mettre d’un côté ou de l’autre de la barre, je préfère être du côté des clients des banques et non du côté des établissements bancaires.

Merci.