L’histoire de l’IDS et ses implications pour aujourd’hui

samedi 30 mars 2013

Discours de Jeffrey Steinberg, rédacteur de l’Executive Intelligence Review, lors de la conférence de l’Institut Schiller célébrant le trentième anniversaire, le 23 mars dernier, de l’annonce de l’Initiative de défense stratégique par le président Reagan.

Merci Helga. C’est un plaisir et un honneur d’être ici aujourd’hui, à l’occasion du 30e anniversaire du discours de Reagan sur l’IDS.

Il y a trente ans aujourd’hui, le président Ronald Reagan changea le monde en prononçant le bref message suivant à la fin de son allocution télévisée nationale :

Au cours de ces derniers mois, (...) mes conseillers (...) ont souligné la nécessité de rompre avec un futur reposant seulement sur des représailles offensives pour notre sécurité. Tout au long de ces discussions, j’ai acquis la conviction que l’esprit humain doit être capable de s’élever, lors de négociations avec d’autres nations et d’autres êtres humains, au-dessus des seules menaces à leur existence. (...) N’est-il pas préférable de sauver des vies plutôt que de se venger ? Sommes-nous incapables de démontrer nos intentions pacifiques en appliquant toutes nos capacités et notre ingéniosité à l’avènement d’une véritable stabilité ? Je crois que nous le pouvons, et même que nous devons le faire !

« Après avoir consulté mes conseillers, incluant le chef de l’état-major, je crois qu’il y a un moyen. Laissez-moi vous faire part d’une vision de l’avenir offrant un espoir. Celle où nous nous engageons dans un programme pour contrer la formidable menace des missiles soviétiques par des mesures défensives. Faisons appel aux mêmes atouts technologiques qui ont donné naissance à notre grande base industrielle. (...) Qu’en serait-il si les peuples libres pouvaient vivre en sécurité, tout en sachant que cette dernière ne repose pas sur la menace de représailles instantanées pour empêcher une attaque soviétique ; si nous pouvions intercepter et détruire les missiles balistiques stratégiques avant qu’il n’atteignent notre propre sol et celui de nos alliés ? (...) Cela ne vaudrait-il pas tous les investissements nécessaires pour libérer le monde de la menace d’une guerre nucléaire ? Nous savons qu’il en est ainsi ! (…)

« Je reconnais clairement que les systèmes défensifs ont leurs limites et soulèvent certains problèmes et ambiguïtés. S’ils sont couplés à des systèmes offensifs, ils peuvent être vus comme favorisant une politique agressive et personne ne voudrait que ce soit le cas. Ayant ces considérations à l’esprit, j’appelle la communauté scientifique de notre pays, celle qui nous a donné les armes nucléaires, à mobiliser maintenant ses grands talents au profit de l’humanité et de la paix ; à nous donner les moyens de rendre ces armes nucléaires impuissantes et obsolètes (…) Nous ne cherchons ni la supériorité militaire ni l’avantage politique. Notre seul objectif – un de ceux que tout le monde partage – est de chercher les moyens pour réduire le danger de guerre nucléaire.

« Mes chers compatriotes, ce soir nous lançons un effort pouvant nous assurer un changement dans le cours de l’histoire humaine. Il y aura des risques, et les résultats mettront du temps à venir, mais je crois que nous pouvons le faire. Pendant que nous franchissons ce pas, je vous demande de prier et de soutenir cet effort. »

LaRouche : fier d’être américain

Le jour suivant cette annonce, le 24 mars 1983, l’économiste et stratège américain Lyndon LaRouche publiait une déclaration depuis Wiesbaden, en Allemagne, adressant ses félicitations et offrant son soutien au Président pour cette action audacieuse. Il fit également part de ses prévisions concernant les difficultés à venir, ainsi que de l’incertitude du résultat final. Son message disait :

Les démocrates ne devront plus jamais se mettre au lit dans la peur de vivre en permanence sous la menace de la terreur thermonucléaire balistique. Les années qui viennent seront probablement les plus difficiles de toute la période d’après-guerre ; cependant, pour la première fois depuis la fin de la crise des missiles de Cuba de 1962, il y a, enfin, un espoir que le cauchemar thermonucléaire puisse prendre fin d’ici la fin de la présente décennie (…).

« Seuls des responsables gouvernementaux de haut niveau, ou des citoyens aussi bien informés que je le suis des détails de la situation stratégique et politique internationale, peuvent commencer à entrevoir l’impact sans précédent de ce message présidentiel pour toute la planète à l’avenir. Personne ne peut prévoir les conséquences exactes des actions du président ; nous ne pouvons prévoir combien féroce et obstinée sera la résistance à la politique du Président, venant tant de Moscou que des partisans du gel nucléaire [maintien de la doctrine MAD en l’état, ndlr] en Europe et aux Etats-Unis mêmes. Indépendamment de ces réactions et de l’influence qu’elles auront, les paroles prononcées hier soir par le Président ne pourront jamais être remises dans la bouteille. Le monde apprendra bientôt et n’oubliera plus jamais ce discours politique. Par ces paroles, le président a changé le cours de l’histoire moderne.

« Je suis aujourd’hui plus fier d’être américain que je ne l’ai jamais été depuis le premier pas sur la Lune. Pour la première fois depuis vingt ans, un président des Etats-Unis a contribué à une action publique de grande envergure, posant les bases d’un nouvel espoir pour le futur de l’humanité, au-delà d’un monde agonisant et démoralisé. La vraie grandeur d’un président américain a touché le président Ronald Reagan hier soir ; c’est un moment de grandeur qui ne devra jamais être oublié. »

Nous sommes donc ici aujourd’hui pour commémorer le trentième anniversaire de ces messages. Je pense qu’en réfléchissant aux récents discours présidentiels, tant ceux d’Obama, des Bush, et même de Bill Clinton, n’importe lequel d’entre vous reconnaîtra que rien n’a été comparable aux paroles prononcées par le président Reagan ce soir-là, rien qui se soit approché d’une idée visionnaire et personne qui se soit prononcé dans des termes aussi honnêtes sur le besoin et l’idée d’un changement de paradigme garantissant un avenir meilleur à l’ensemble de l’humanité.

Pourtant, seule une petite poignée de décideurs politiques dans les principaux pays du monde avait une infime idée de l’importance de cette décision du président Reagan d’annoncer ce qui allait être connu comme l’Initiative de défense stratégique. Un nombre de personnes encore plus restreint – Lyndon LaRouche, le président Reagan, le Dr Edward Teller, le conseiller à la sécurité nationale, le juge William Clarke, et son adjoint Richard Morris, l’amiral Bobby Ray Inman, le conseiller de la Maison Blanche Edwin Meese – avait une idée du processus de mobilisation politique, représentant une demi-décennie d’efforts, qu’il avait fallu pour arriver à cette décision.

La décision de Moscou (Andropov) de rejeter l’offre de partenariat

De l’autre côté du monde, à Moscou, l’on reconnaissait non sans surprise, après avoir entendu ce discours, que les discussions à huis clos conduites au cours des deux années précédentes, impliquant la Maison Blanche, certains responsables de la communauté du renseignement américaine, un groupe restreint de délégués soviétiques et Lyndon LaRouche, avaient finalement porté leurs fruits. Durant la période où se déroulaient ces discussions à huis clos, un agent britannique, Youri Andropov, était arrivé au pouvoir en Union soviétique et avait délivré à LaRouche un message à l’intention du président américain, par l’intermédiaire de son interlocuteur soviétique M. Shershnev, lui annonçant que Moscou rejetterait l’offre de collaboration pour construire un nouveau système de défense antimissile global, utilisant des technologies basées sur des principes physiques nouveaux que l’Union soviétique et les Etats-Unis exploraient tous deux depuis plus d’une décennie.

Effectivement, l’effort ayant conduit au discours du président Reagan, avait été lancé par LaRouche, entre autres, au cours de la seconde moitié des années 1970, après que l’ancien dirigeant des Services de renseignement de l’armée de l’air américaine, le général George Keegan, eut révélé, dans un article de la revue Aviation Week du 2 mai 1977, que des scientifiques soviétiques avaient accompli des avancées révolutionnaires dans des lasers alimentés par le nucléaire, pouvant déboucher sur une révolution dans la défense stratégique contre les armes nucléaires. L’article, écrit par Clarence Robinson, s’intitulait tout simplement : « Les Soviétiques travaillent sur des armes à faisceaux dirigés. »

Après avoir réussi à entraver les tentatives de l’administration Carter (alors fortement sous l’influence de la Commission trilatérale) pour lancer une guerre nucléaire contre l’Union soviétique, LaRouche fut alors contacté par d’anciens cercles du renseignement américain, parmi lesquels des anciens de l’OSS au cours de la seconde Guerre mondiale, en vue d’une collaboration dans les efforts pour éviter la guerre.

Fort de ce soutien, LaRouche commanda alors la publication immédiate d’un rapport, Spoutnik des années 70 : la science derrière les armes à énergie dirigée des Soviétiques. Une mobilisation internationale en faveur de la défense à énergie dirigée fut alors entamée, culminant avec le discours du 23 mars du président Reagan et l’annonce du programme IDS.

Je n’ai pas le temps d’entrer dans les détails des nombreuses rencontres de LaRouche et des représentants du Conseil national de sécurité américain, avec des diplomates soviétiques, avant et après l’annonce du 23 mars. Une documentation sera rendue disponible sur le site de l’Institut Schiller avec les discours de cette conférence.

A première vue, le rejet par Andropov de l’offre de collaboration faite par Reagan en vue de construire un système pour la survie mutuelle assurée – remplaçant la doctrine de chantage thermonucléaire de Bertrand Russell, connue sous le vocable de Destruction mutuelle assurée (MAD) – n’avait rien à voir avec les prétextes invoqués par les représentants soviétiques à leur retour de Moscou en février 83. Ceux-ci étaient d’ailleurs profondément déçus de voir l’Union soviétique refuser le type de coopération envisagée avec les Etats-Unis au cours de ces longs mois de discussion privées, et officiellement approuvée par la Maison Blanche.
Ce refus n’avait rien à voir avec les déficiences du système économique soviétique, ni avec la promesse de certains alliés soviétiques au sien des mouvements environnementalistes radicaux, tant démocrates que républicains, aux Etats-Unis, de tuer tout programme de coopération pour « une guerre des étoiles ».

Effondrement de l’Union soviétique

Andropov a longtemps été un pion au service des Britanniques, comme son successeur Mikhaël Gorbatchev ; la faction impériale britannique, dont la politique était entièrement vouée à une dépopulation massive à l’échelle du monde entier ainsi qu’à l’arrêt de tout progrès scientifique, avait par ailleurs décidé de tuer l’IDS, comme elle avait fait assassinerle président Kennedy pour avoir osé lancer le programme Apollo et rejeté les plans de guerre contre l’Indochine. Jamais un intérêt stratégique américain ou soviétique légitime n’a été mis en danger par cette proposition pour une survie mutuelle assurée. Les avancées scientifiques et technologiques qui auraient émergé d’une coopération entre les deux pays dans le cadre de l’IDS auraient été, au contraire, dans l’intérêt vital des deux pays, ainsi que de leurs alliés respectifs partout dans le monde.

Cet effort coordonné de recherche scientifique avait été élaboré par LaRouche et ses associés dans une série d’articles et de conférences, publiés et organisées sur une période de plusieurs années, en parallèle avec les réunions à huis clos conduites par les deux camps.

Le refus d’Andropov, confirmé par Gorbatchev en octobre 1986, lors du sommet de Reykjavik en Islande avec le président Reagan, a en réalité scellé le sort de l’Union soviétique, une situation qu’avait prévue LaRouche en 1984 et 1985. Conséquence des tensions découlant d’une course à l’armement défensif et de son enlisement militaire en Afghanistan jusqu’à la fin des années 80, le Pacte de Varsovie s’effondra en commençant par la Pologne, puis l’Allemagne de l’Est, jusqu’à la chute de l’Union soviétique elle-même au début des années 90.

A mi-chemin du second mandat du président Reagan, l’Initiative de défense stratégique élaborée à l’origine par LaRouche, Teller et Reagan avait été sabotée et même fondamentalement altérée, en grande partie grâce aux efforts des factions associées à Wall Street au sein du complexe militaro-industriel américain. Celles-ci ont cherché à réduite l’IDS à un système de défense antimissile fonctionnant sur de vieux principes cinétiques, incapables d’assurer la défense stratégique. Elles ont également cherché à extirper l’essence même de l’IDS, à savoir la collaboration stratégique entre les Etats-Unis et l’Union soviétique un vue de l’intérêt commun de l’humanité, qui constituait même le noyau dur de l’engagement de LaRouche et de Reagan. L’esprit même de l’IDS était ainsi d’éviter la guerre par une coopération mutuelle au profit de l’humanité.

Aussi n’est-il pas surprenant de constater que si le Pacte de Varsovie et l’Union soviétique allaient s’effondrer rapidement, les économies de la zone transatlantique, incluant les Etats-Unis, étaient vouées à subir un sort similaire, celui d’un long processus de désintégration économique et physique, accompagné d’une hyperinflation monétaire. Ce processus arrive aujourd’hui à son terme, ce dont nous allons discuter dans la session de cet après-midi.

Une Initiative de défense de la Terre

L’effort concerté, de type Projet Manhattan, pour développer et déployer un bouclier global contre les armes thermonucléaires comme celui imaginé par LaRouche et Reagan, ne s’est jamais concrétisé. Au cours des trois décennies suivantes, des avancées dramatiques ont cependant été accomplies dans tous les domaines de la science touchant à la défense stratégique, conséquence des efforts de LaRouche, Teller et Reagan : un bouclier de défense stratégique comme celui imaginé au départ est aujourd’hui à notre portée. Les technologies constituant le cœur de l’IDS sont celles dont nous aurons besoin également pour défendre la Terre contre les objets cosmiques géocroiseurs. Les événements récents (le passage de l’astéroïde 2011 DA14 et la météorite de Tcheliabinsk) ont montré que c’est une question de survie urgente pour toute l’humanité.

Le thème de cette conférence est l’urgence d’un changement de paradigme vers une manière de pensée conduisant à la prospérité et à la paix pour plusieurs siècles. Regardez autour de vous : course aux armements pouvant conduire à une guerre thermonucléaire au nord de l’Asie ; menace d’affrontement autour d’une prétendue prolifération d’armes nucléaires dans le golfe Persique ; grave conflit d’intérêt entre Washington et Moscou concernant le déploiement américain d’un bouclier de défense unilatéral en Europe, exactement à l’opposé de ce qu’avaient souhaité LaRouche, Reagan et Teller, ainsi que d’autres.

Les responsables politiques et militaires russes comprennent bien que ce programme est dirigé contre leur force de dissuasion nucléaire, ce qui signifie une menace d’affrontement thermonucléaire plus grande que jamais depuis la crise des missiles de Cuba.

Sommes-nous condamnés à nous acheminer vers un conflit certain et peut-être même l’extermination, ou pouvons-nous encore, même à cette heure tardive, revenir à ce moment d’opportunité d’il y a trente ans, lorsque la perspective d’une survie mutuelle assurée offrait à l’humanité une alternative à la descente aux enfers ? Pouvons-nous toucher ce qu’il y a d’humain chez certains dirigeants actuels, à Washington, à Moscou et ailleurs dans le monde, et raviver ce grand dessein présenté par un président américain il y a trente ans aujourd’hui ? Le pouvoir des idées et les principes associés à la créativité de l’esprit humain peuvent-ils amener un nouveau paradigme, alors que nous en avons tant besoin aujourd’hui ?

Je crois que la réponse est oui, et qu’il faudra un immense effort pour y arriver. Mais nous sommes à un moment critique, où le futur de la civilisation est en jeu et dépend de notre capacité à démontrer ce principe de manière convaincante. Merci.