Les États-Unis marchent sur la dette

jeudi 25 avril 2024

Soutien sans faille au gouvernement Netanyahou en Israël, rejet de la reconnaissance de la Palestine à l’ONU, aide de 95 milliards de dollars pour l’Ukraine, Israël et Taïwan, …
Les États-Unis semblent lancés dans une fuite en avant tout azimut, entraînant avec eux leurs « alliés » français et britanniques, et faisant exploser les dépenses militaires et la dette publique, pendant que l’économie réelle s’effondre et que les ménages et les services publics sont soumis à une cure d’austérité.

Fuite en avant

Le 18 avril, les Etats-Unis ont opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité reconnaissant la Palestine comme membre de plein droit de l’ONU. La Palestine n’en est encore, pour l’instant, qu’« État observateur non membre » (le même statut que celui détenu par le Saint-Siège). 140 pays reconnaissent déjà la Palestine comme un État. Par ce véto, les États-Unis ont signifié qu’ils continuaient de soutenir la guerre de Netanyahou visant à dépeupler la Palestine.

Deux jours plus tard, le Congrès américain votait en faveur d’une aide de 95 milliards de dollars supplémentaires de dette fédérale américaine en dépenses militaires pour l’Ukraine, Israël et Taïwan. Après avoir été approuvé samedi par la Chambre, le projet de loi a été adopté mardi soir par le Sénat, par un vote écrasant de 79 voix contre 18.

Le président Biden, qui a travaillé avec les dirigeants du Congrès pour gagner du soutien, devrait rapidement signer le texte de loi et lancer le processus d’envoi d’armes à l’Ukraine, en état de décomposition avancée de sa ligne de front contre la Russie. Le texte prévoit également d’envoyer 26 milliards de dollars d’aide en temps de guerre à Israël et d’aide humanitaire aux citoyens de Gaza, ainsi que 8 milliards pour contrer les menaces chinoises à Taïwan et dans la région indopacifique.

Dans la foulée, le Congrès a ré-autorisé la surveillance, sans mandat judiciaire, des Américains communiquant avec des contacts étrangers. Pour justifier cette mesure, qui outre-passe le Quatrième amendement de la Constitution américaine, le sénateur républicain Lindsey Graham a déclaré dimanche sur Fox News : « Nous sommes en guerre ! Ils viennent tous pour nous tuer ! »

Comme le montrent les éloges intarissables des médias américains, saluant le fait que le Congrès a fait preuve d’un « bipartisme responsable » en ce qui concerne les dépenses militaires, les milliardaires qui financent leurs élections approuvent. Pas sûr que les millions d’électeurs fassent de même…

Une dette hors de contrôle

Où Washington emmène-t-il l’Amérique et son peuple en équipant et en finançant un état de guerre permanent ? Le républicain de l’Arizona Paul Gosar, qui s’est opposé au vote du budget militaire au Congrès, s’indigne : « Je suis en colère parce que le Congrès et Joe Biden n’hésitent pas à trouver 60 milliards de dollars supplémentaires pour un pays corrompu, mais ne se soucient pas du fait que l’inflation a augmenté de 19 % depuis que Biden a pris ses fonctions, que le prix de l’essence oscille autour de 4 dollars le gallon (3,9 litres), que 11 millions d’étrangers illégaux ont afflué dans notre pays, que les taux d’intérêt pour un prêt immobilier sont à 8 %, que nos routes et nos ponts sont en mauvais état, que notre dette nationale atteint 34 000 milliards de dollars et que les salaires réels sont en baisse... »

Les États-Unis ont tort de croire qu’ils peuvent accumuler de la dette fédérale sans provoquer une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt dans le monde, entraînant à son tour la contraction des prêts et de l’aide au développement pour les pays les plus pauvres, la hausse de la pauvreté et par ricochet, l’émigration de millions de personnes en quête d’un travail sous-payé en Europe et en Amérique.

En outre, il est de plus en plus difficile pour le Trésor américain de financer la dette américaine (32 900 milliards de dollars), une dette désormais hors de contrôle. Exprimée en pourcentage du PIB, la dette des États-Unis dépasse actuellement les 125 % (contre environ 111 % pour la France).

Dans son récent rapport, au titre quelque peu rabat-joie : « Des fragilités financières dans le dernier kilomètre de la désinflation », le FMI estime que le marché des bons du Trésor américain pourrait constituer une menace systémique à l’échelle mondiale.

Un rapport à examiner à la lumière du fait que la Chine se détourne de plus en plus des bons du Trésor américain. Fin février, elle n’en détenait plus que 775 milliards de dollars, soit 22,7 milliards de moins que le mois précédent. Or, en août 2017, elle en comptait plus de 1146 milliards de dollars, soit près de 20 % du total de bons du Trésor américain détenus par l’ensemble des États étrangers, ce qui faisait de Beijing à l’époque le premier créancier des USA, devant le Japon. Aujourd’hui, c’est de nouveau le Japon qui arrive en tête et la Chine est sur le point d’être devancée par le Royaume-Uni.

Ensuite, constatant que les fonds spéculatifs ont pris le contrôle de la dette, le rapport du FMI explique qu’« une concentration de vulnérabilité s’est accumulée, car une poignée de fonds à fort effet de levier représentent la plupart des positions courtes sur les contrats à terme sur les bons du Trésor ».

Dépenses militaires et effondrement économique

En extase suite au vote du budget de financement militaire par le Congrès, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a déclaré que tout cet argent allait « rester ici » — c’est-à-dire bénéficier à l’économie américaine. Et en effet, tous ces milliards vont bénéficier aux grands fabricants d’armes tels que Raytheon ou Boeing. Mais où sont les bénéfices pour la société lorsque le budget militaire atteint 1000 milliards de dollars par an et que le déficit budgétaire annuel, tout compris, dépasse les 2000 milliards de dollars ? La réalité est que les profits faramineux du complexe militaro-financier ont pour corollaire la destruction des moyens d’existence de la population.

La situation de la majorité des États américains reflète cette dynamique. Dans l’Iowa, État agricole par excellence, le seul et unique secteur en plein essor est l’usine de munitions de l’armée, près de Burlington, dopé par les fonds du ministère de la Défense, tandis que les revenus du secteur agricole devraient baisser de 40 % en 2024. Les hôpitaux, les maisons de retraite et autres services publics sont en difficulté et ferment leurs portes, les écoles manquent d’enseignants, les ponts sont en piteux état. Pour toute réponse politique, la gouverneure de l’Iowa, Kim Reynolds, vient de signer un projet de loi autorisant les enseignants et les administrateurs des écoles publiques à porter sur eux une arme à feu, pour se protéger contre des élèves et des citoyens en proie au désespoir et à la folie, souvent abrutis par des jeux vidéo violents et des addictions diverses.

Bien sûr, cette gangrène ronge aussi les économies des principaux pays occidentaux. En France, le président « docteur Folamour » Macron, s’applique à imposer l’austérité partout, tout en s’engageant chaque jour davantage dans la guerre à l’extérieur, pour le plus grand bénéfice des profiteurs de guerre « français ». En effet, le budget militaire a augmenté de 3 milliards en 2023 – une hausse historique – et le gouvernement prévoit de le porter de 44 milliards en 2023 à près de 70 milliards en 2030, pour atteindre plus de 400 milliards en sept ans.

Il est urgent d’inverser la vapeur avant de franchir le point de non-retour. Le danger actuel n’est pas sans rappeler le « jeu des alliances » diplomatiques et militaires ayant conduit la France et l’Allemagne à s’entre-massacrer en 1914. Car le risque de dérapage stratégique est aujourd’hui au plus haut, en particulier dans un contexte où « les trois puissances nucléaires occidentales [États-Unis, Royaume-Uni et France] comptent parmi les principaux sponsors du régime criminel de Kiev et les principaux organisateurs de diverses provocations », comme l’a souligné le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, lors de la conférence de Moscou sur la non-prolifération nucléaire. Rappelons que la présence de militaires français en Ukraine, hors du cadre de l’OTAN, en fait des cibles légitimes pour l’armée russe.