11 septembre : lorsque Jacques Cheminade exigeait la déclassification des 28 pages en 2012

samedi 23 avril 2016

Un article du 21 avril signé Taïké Eilée sur AgoraVox rappelle, tout à fait à-propos, le fait que Jacques Cheminade, candidat présidentiel en 2012, avait abordé, dans l’émission Des paroles et des actes de France 2, l’existence des fameuses « 28 pages », jusqu’ici classées secret-défense, du rapport de la Commission bi-partisane du Congrès sur le 11 septembre, qui mettent en émoi les États-Unis ces derniers jours.

Selon l’ancien sénateur Bob Graham, qui a co-présidé cette commission d’enquête, ces pages mettent en cause le rôle de l’Arabie Saoudite dans ces attentats, et notamment celui de l’Ambassadeur de ce pays à Washington à l’époque, le Prince Bandar Bin Sultan.

Or, le Prince Bandar était si proche de la famille Bush, qu’on l’appelait « Bandar Bush » ! Plus récemment, le 7 mars, l’hebdomadaire Marianne révélait aussi les relations très proches entre la France et ce Prince saoudien, accusé même d’avoir sournoisement manipulé la diplomatie française.

Nous reproduisons ci-dessous les échanges édifiants entre Jacques Cheminade et les journalistes qui animaient ce grand oral des candidats en 2012 : Nathalie Saint Cricq, David Pujadas et Fabien Namias, sur ce sujet on ne peut plus sensible. C’était il y a 4 ans !

Élection verrouillée ?

On voit là toute l’importance pour la caste cannibale qui dirige actuellement le pays, d’éviter que des candidats « farfelus » comme Jacques Cheminade ne s’invitent à la campagne présidentielle. Et surtout l’importance d’assurer qu’ils n’aient pas le même temps de parole que les candidats du sérail qui eux se sont compromis avec des puissances féodales du type Arabie Saoudite.

C’est de ce point de vue qu’il est parfaitement dramatique que le Conseil Constitutionnel ait validé le 21 avril la « loi sur la modernisation des règles de l’élection présidentielle », imposée par Jean-Jacques Urvoas et son vieux comparse Bruno Le Roux. Cette loi rendra plus difficile l’accès à la présidentielle pour les candidats ne faisant pas partie du système des grands partis et réduira considérablement leur temps de parole.

Sans surprise, ce n’est pas Laurent Fabius qui se retrouve désormais à la tête du Conseil Constitutionnel, qui aurait pu opposer son véto à cette loi, après avoir été le ministre des Affaires étrangères qui a construit l’alliance privilégiée entre l’Arabie Saoudite et la France qui nous déshonore !

Lorsque Cheminade évoquait les 28 pages en 2012

Lors de l’émission « Des paroles et des actes » sur France2, le 12 avril 2012

Extrait cité par Taïké Eilée dans son article :« 11 septembre, 28 pages embarrassantes pour Riyad et un chantage à 750 milliards de dollars »

En France, les grands médias tarderont à se pencher sur ce dossier, dans une indifférence déroutante. Le 12 avril 2012, lors du grand oral des candidats à l’élection présidentielle, dans Des paroles et des actessur France2, le sujet est abordé avec Jacques Cheminade, mais les journalistes Nathalie Saint-Cricq, Fabien Namias et David Pujadas ne semblent pas franchement intéressés. Saint-Cricq ira même jusqu’à dire que ces informations sont déjà connues, qu’il n’y a rien de secret dans cette affaire, que les États-Unis et Israël sont innocents (hors-sujet complet, puisque son interlocuteur ne lui a parlé que de l’Arabie saoudite) :

J. Cheminade : Hormis en France où l’on ne fait pas de recherches de façon rigoureuse, on sait que dans le rapport Shelby [1], fait par des parlementaires américains, il y a 28 pages qui n’ont jamais été rendues publiques sur le 11/9. Obama avait promis aux victimes de les rendre publiques, il ne l’a jamais fait. (...) Ce qui m’étonne le plus, c’est que le prince Bandar, ambassadeur de l’Arabie saoudite aux États-Unis, avait deux agents officiels qui ont entretenu certains des pirates qui ont procédé à l’attentat. Chose curieuse quand même, l’Arabie saoudite a toujours été mêlée à ces affaires là. Pourquoi on ne poursuit pas l’enquête sur l’Arabie saoudite ? Pourquoi on ne va pas plus loin ?

N. Saint-Cricq : Mais cela a été dit aux États-Unis, dans le rapport Shelby. Les 28 pages dont vous parlez sont des pages qui ont effectivement été classées secret défense, et dont les journalistes américains ont expliqué et mis le point sur la relation entre l’Arabie saoudite et certains pirates de l’air. Donc ce n’est plus un secret.

J. Cheminade : On continue a avoir d’excellentes relations avec l’Arabie Saoudite et même dans l’affaire de Syrie ce qui est un désastre.

N. Saint-Cricq : Pour la Syrie, c’est une autres histoire. Sur le 11/9, la presse américaine a enquêté. Personne ne pense que les États-Unis et Israël ont organisé le 11/9.

J. Cheminade : Moi non plus.

Fabien Namias ira, quant à lui, jusqu’à poser cette question ahurissante, face à un invité qui n’avait jamais rien suggéré de tel : « La thèse de l’attentat, "des avions dans les tours", reste donc encore à démontrer ? » No comment.

Même type de réaction chez Caroline Fourest face au même Cheminade dans son documentaire Les Obsédés du complot, diffusé le 5 février 2013 sur France 5. Alors que le politicien évoque le prince Bandar, le possible ou probable agent du renseignement saoudien Omar al-Bayoumi et l’aide logistique et financière apportée à plusieurs terroristes, la journaliste blasée rétorque : « Qu’il y ait eu des mécènes de terroristes du 11 septembre liés à l’Arabie saoudite, non mais, ça c’est établi ! »

Peut-être Caroline Fourest, trop peu informée, n’avait-elle pas percuté sur les fonctions éminentes de Bandar pour réagir de la sorte. On ne parle pas ici, en effet, du financement d’obscurs mécènes anonymes... Une simple visite sur Wikipédia aurait pu lui permettre de se renseigner un peu :

« Bandar [...] est un membre de la famille royale saoudienne, fils de l’ancien prince héritier Sultan. Ambassadeur aux États-Unis de 1983 à 2005, il est secrétaire général du Conseil de Sécurité National d’Arabie saoudite et, depuis juillet 2012, responsable des services de renseignement, succédant au prince Miqrin ben Abdel, le demi-frère du roi, avant d’en démissionner le 6 mars 2014. Bandar ben Sultan et ses proches sont considérés avoir eu une influence décisive sur la politique étrangère et sécuritaire de l’Arabie Saoudite pendant des décennies. (...) Il a, lors de ses missions aux États-Unis, établi des liens personnels avec George Bush père puis Bush fils, ainsi qu’avec Dick Cheney. Il est surnommé Bandar-Bush, pour ses liens avec le président des États-Unis. Lors de la guerre civile syrienne, il est un appui important des extrémistes sunnites. »

« Bandar-Bush » était d’ailleurs un fervent partisan d’une action militaire contre l’Irak en 2003, comme le rapporte le journaliste au Washington Post David Ottaway dans son livre The King’s Messenger : Prince Bandar bin Sultan and America’s Tangled Relationship With Saudi Arabia (p. 258).

Selon Bob Woodward, en janvier 2003, il était informé des plans de guerre américains avant même le secrétaire d’État de l’époque, Colin Powell. Il apporta son soutien au projet de Dick Cheney, l’ancien vice-président des États-Unis, pour un « Nouveau Moyen-Orient », qui appelait à des « programmes pro-démocratiques » tant en Syrie qu’en Iran.


[1Le Sénateur Shelby a été vice-président de la Commission conjointe du Congrès américain, co-présidée par Bob Graham, dont le rapport contient les désormais célèbres 28 pages.