La grenouille au fond du puits croit que le ciel est rond

jeudi 26 octobre 2017, par Karel Vereycken

La grenouille au fond du puits croit que le ciel est rond.

C’est en évoquant ce vieux conte chinois (lire ci-dessous) que la presse chinoise a répondu avec ironie aux commentaires occidentaux empreints de mépris, d’arrogance et surtout d’incompréhension.

Dans la grande presse, en effet, l’aveuglement prévaut. La réélection, lors du XIXe Congrès du parti communiste chinois de Xi Jinping, fait même dire au sinologue français François Godement, de l’European Council on Foreign Relations (ECFR) que l’ambition du président chinois « dépasse Orwell »...

A vous donc chère lectrice et cher lecteur, de ne pas rester comme cette grenouille, au fond du puits...

La grenouille dans le puits

Il était une fois, il y a de cela fort longtemps, une grenouille qui vivait au fond d’un puits. La pauvrette connaissait du vaste monde uniquement ce puits : elle y était née, elle y avait grandi, elle y était restée. Elle n’avait pas la moindre idée de la vie au bord d’une mare comme la connaissent les grenouilles d’aujourd’hui.

Pourtant, elle vivait fort heureuse, même si c’était au fond d’un puits.

Elle y recevait beaucoup d’invités surprise. Tout particulièrement des oiseaux qui se retrouvaient inopinément coincés au fond de son abri. Comme elle était la seule résidente permanente, elle appréciait fort les discussions avec ces convives de dernière minute.

Un jour, elle eut un échange fort intéressant avec un oiseau qui, voyant la place tranquille, avait décidé de se reposer sur la margelle de son puits :

— Bonjour, charmant petit oiseau, qui es-tu ? Je ne t’ai encore jamais rencontré.
— Bonjour, excusez-moi, Monsieur ou Madame Grenouille, je suis un oiseau migrateur.
— Un oiseau migrateur ? Mais, c’est quoi ? Et d’où viens-tu ?
— Je viens du Nord.
— Du Nord ? C’est quoi le Nord ? Pourquoi ne t’ai-je pas vu avant ? Le ciel est tout petit pourtant.
— Tout petit ? Que dis-tu ? Le ciel, tout petit ?

L’oiseau ouvrit grand les yeux … et le bec de surprise :

— Le ciel est immense. Il est impossible d’en voir la fin ou le commencement. Essaie de sortir de ton trou. Quant à moi, je te promets de te faire découvrir l’immensité du ciel dès mon retour en ton pays.

Évidemment, la grenouille n’avait jusque là admiré le ciel que depuis le fond de son puits, autant dire qu’elle croyait qu’il se réduisait au petit rond bleu qu’elle en apercevait.

Quand le printemps fut de retour, l’oiseau, fidèle à sa promesse, s’arrêta à nouveau près du puits. La grenouille sortit du fond en profitant d’un voyage du seau ramené à la surface rempli d’eau. L’oiseau était accompagné d’un autre de ses congénères. Pour respecter l’engagement pris, il leur fallait maintenant mettre au point une tactique pour rendre possible le vol de la grenouille.

C’est la grenouille elle-même qui trouva la solution. Avisant une branchette d’arbre abandonnée dans la cour, voici ce qu’elle suggéra aux deux oiseaux :

— Prenez les deux extrémités de cette brindille dans vos becs, moi, je vais m’accrocher au milieu et me tenir à l’aide de ma bouche.

Avant de décoller, les deux oiseaux avertirent la grenouille du risque qu’elle prenait :

— Tu ne dois absolument pas ouvrir la bouche sinon tu tomberas. En d’autres termes, tu connaîtras une mort certaine.

La grenouille acquiesça et les trois partenaires s’envolèrent pour l’aventure.

Bien entendu, la grenouille s’aperçut bien vite que le ciel était effectivement immense. Elle avait l’impression qu’ils étaient seuls là-haut. Elle vit des arbres, des animaux et même de drôles de bêtes à deux pieds.

Quand leur trio passait au-dessus du sol, tous levaient la tête et les regardaient en s’exclamant :

— Oh ! Regardez ! Une grenouille qui vole !

En les entendant, la grenouille ne se sentait plus de fierté. Elle avait grande envie de laisser éclater sa joie. Mais elle gardait à l’esprit la recommandation de ses deux partenaires.

Cependant, quand elle entendit :

— Une grenouille qui vole ! Quelle merveille ! Qu’elle est intelligente !

Elle fut alors incapable de se retenir et ouvrit grand la bouche pour se vanter :

— Oui ! C’est moi, oui ! C’est moi qui ai eu l’idée de m’accrocher ainsi !

C’est alors qu’elle se sentit tomber, attirée irrésistiblement par l’appel du sol. Elle ferma les yeux, sans illusion, s’attendant au choc fatal avec la terre. Pourtant, elle devait être née sous une bonne étoile car, contrairement à son attente, elle termina sa chute sans tragédie … au beau milieu d’un lac.

C’est depuis ce jour qu’on ne retrouve plus de grenouilles au fond des puits et qu’elles vivent toutes au bord des mares, des étangs et des lacs.