Krach à l’Ouest, nouveau système à l’Est

lundi 6 novembre 2017

Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, les tensions entre le monde transatlantique d’un côté et la Russie et la Chine de l’autre ne reflètent pas les rivalités géopolitiques « habituelles », mais le clash entre un empire financier à son crépuscule et un nouveau paradigme basé sur le développement mutuel.

A l’Ouest, en dépit de l’arrogance et de la suffisance affichée de partout par les élites, une certaine fébrilité se manifeste parmi ceux qui réalisent aujourd’hui (mieux vaut tard que jamais) que le système financier peut sauter à tout instant. C’est ainsi que le journal La Croix a publié la semaine dernière une série d’articles sur la situation alarmante des marchés financiers. Dans un article publié le 31 octobre et intitulé « Un krach financier imminent ? », Michel Ruimy, professeur à l’ESCP-Europe et à Science-po, fait une rétrospective des trois précédents krachs boursiers (1929, 1987 et 2008), rappelant qu’ils ont tous été précédés d’une hausse massive des valeurs des actions. « Aujourd’hui, si, au plan macroéconomique, la croissance semble être là [précisons que 60 % de cette croissance est générée par les pays des BRICS] (…) et si les scénarii monétaires ne sont pas remis en cause, il semble qu’au plan financier, nous soyons entrés dans une ’exubérance irrationnelle’ ».

Nous assistons aujourd’hui à une nouvelle phase où les marchés boursiers atteignent des sommets historiques, notamment aux États-Unis où ils sont presque deux fois supérieurs aux niveaux atteints juste avant le krach de 2008. Mais le plus inquiétant pour Michel Ruimy, c’est que les marchés semblent totalement anesthésiés, tant ils sont inondés par les programmes d’injections monétaires des banques centrales : « Oubliés les ouragans, le Brexit, la Corée du Nord et la Catalogne, l’excès de confiance est partout – l’indice Vix, mesure de la volatilité, appelé fréquemment ’l’indice de la peur’ a rarement été aussi bas – et cela finit par inquiéter car il y a de grandes analogies avec les périodes antérieures de crise ! (…) Le pire serait ainsi de considérer que ’cette fois-ci, c’est différent’ et de croire que l’ensemble des cours boursiers peuvent effleurer le ciel ».

Dans l’édition de L’Obs de cette semaine, Daniel Cohen titre sa chronique « La prochaine crise financière est annoncée ». L’économiste explique que face à cela, les banques centrales se retrouvent piégées dans un terrible dilemme : « Remonter les taux fait courir le risque d’un krach financier. Maintenir les taux faibles, c’est alimenter la bulle financière ».

Bye-bye, dollar !

Le monde ne devrait pas être dominé par une seule monnaie, a lancé le Premier ministre russe Dmitry Medvedev, lors de son dernier voyage à Beijing. La Russie a en effet développé son propre système national de paiement, la carte bancaire Mir, suite aux sanctions qui lui ont été imposées par l’Union Européenne et les États-Unis en 2014, dans le contexte de la crise ukrainienne. À Beijing, Medvedev a déclaré que la Russie et la Chine envisageaient de relier leurs deux systèmes de paiement. « En ce moment, les autorités financières des deux pays travaillent à la prolongation pour trois ans de l’accord bilatéral d’échange de devises », a affirmé le vice-premier ministre russe Sergei Prikhodko, à la veille du départ du Premier ministre vers la Chine.

Les Russes et les Chinois avaient en effet signé en 2014 un accord d’échange de devises équivalent à 25 milliards de dollars, leur permettant de libeller les montants de leurs échanges de biens et services en monnaies nationales, rouble et yuan, sans passer par le dollar ou l’euro. Selon Prikhodko, la part des échanges commerciaux de la Russie libellée en roubles augmente de manière continue. Entre 2016 et 2017, elle est ainsi passée de 13 % à 16 % pour les importations et de 16 % à 18 % pour les exportations. Le site de la télévision russe RT rapporte que « les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint l’équivalent d’environ 70 milliards de dollars. Mais les deux pays se sont fixés pour but de porter ces échanges à 80 milliards dès 2018 et 200 milliards d’ici 2020 ». Ce résultat pourrait être atteint grâce à l’intégration de l’initiative chinoise de développement stratégique Une ceinture, Une route (BRI) avec l’Union économique eurasiatique (UEE), comme l’a laissé entendre le premier vice-premier ministre russe, Igor Chouvalov. Autant pour ceux qui prétendent que la BRI de la Chine et l’UEE de la Russie sont en concurrence...

Comme vous le savez, dans cette histoire, les Français sont à l’Ouest. Cependant, ne commettons pas l’erreur de penser que l’Occident est « perdu pour la science », et que le salut est de l’autre côté du mur... Des forces politiques, dont S&P, se battent pour mettre en banqueroute organisée le système financier transatlantique, se libérer de l’emprise de la City et de Wall Street, et saisir la main que nous tendent les Russes et les Chinois pour bâtir avec eux un nouvel ordre économique plus juste dans le monde, basé sur la détente, l’entente, la coopération et le développement mutuel.