Mario Draghi, même pas peur

vendredi 24 novembre 2017

Si je vous le dis, madame la marquise ! Soyez tranquille, vous pouvez retourner danser et vous amuser ! Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE) s’en porte garant.

Hier, répondant aux questions des membres de la Commission économique et monétaire du Parlement européen, M. Draghi a assuré qu’il ne voyait ni bulles ni risques systémiques. A la question, « qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ? », en référence aux risques pesant sur la stabilité financière mondiale, il a répondu : « Est-ce que vous voyez des bulles ? On n’en voit pas. » Pour lui, les bulles du marché des actions, de la dette des entreprises et de l’endettement des ménages – sans parler des produits dérivés, la mère de toutes les bulles – n’existent pas. « Nous voyons des situations locales où des valeurs sont quelque peu surévaluées, principalement... dans le marché immobilier, » a affirmé le président de la BCE. Mais, même ces valeurs « tendues » sont selon lui parfaitement normales, si on les compare aux valeurs d’il y a quelques années, qui étaient basses en raison de la dépression. Ainsi, « les risques pour la stabilité financière sont localisés... Ils ne sont pas systémiques, » a-t-il conclu. Difficile de voir une bulle, lorsqu’on vit dedans…

L’Union Européenne envisage le gel des dépôts

Comme nous l’avons rapporté cet été, l’UE envisage sérieusement l’éventualité d’une confiscation temporaire des dépôts des comptes, y compris de moins de 100 000 euros, et ceci dans le cadre du mécanisme de « résolution bancaire » (bail-in). Preuve que Mario Draghi est plus conscient du danger de krach qu’il ne le prétend, la BCE s’est dite favorable à la mesure, dans un document du 8 novembre rapportant les « opinions » de la banque centrale, à l’attention de la Commission européenne et du Parlement.

La mesure, nommée « instrument moratoire de pré-résolution », consiste à geler les dépôts en ne permettant aux épargnants de ne retirer qu’une petite somme d’argent pour les dépenses courantes. Il s’agit bel et bien de l’aveu que les comptes bancaires de moins de 100 000 euros ne seront pas garantis, contrairement aux promesses faites par les dirigeants européens suite à la crise de 2008. Dans son document, la BCE estime que cet instrument donnera plus de « flexibilité » à la banque. Mais, consciente de la nature brutale de la chose, elle « espère que ces pouvoirs étendus ne seront exercés que dans des circonstances extrêmes », et que « la durée maximale de ce moratoire ne dépassera pas cinq jours ouvrables au total, une limitation qui est également nécessaire compte tenu des graves conséquences d’un tel moratoire sur les droits des épargnants. La BCE met en garde contre le fait que les périodes prolongées au cours desquelles les déposants n’ont pas accès à leurs dépôts sapent par nature la confiance dans le système bancaire et pourraient en fin de compte créer des risques pour la stabilité financière ».

Comme les lecteurs de S&P le savent, de nombreux experts pensent que ces « circonstances exceptionnelles » ne sont pas une projection hypothétique dans un futur lointain ; ces dernières semaines, les mises en gardes se sont multipliées concernant le risque aigu d’un effondrement à court terme du système financier.