Sommet « BRICS-Plus » : Il y a une vie après la City et Wall Street !

mardi 31 juillet 2018

Pendant que le feuilleton du « Benallagate » tournait en boucle dans les médias français, se déroulait du 25 au 27 juillet le 10e sommet des BRICS à Johannesburg, en Afrique du Sud.

Les BRICS représentent aujourd’hui 23 % du PIB mondial (contre 11 % en 2001) et contribuent à plus de 40 % de la croissance mondiale. À l’initiative de la Chine, qui a accueilli le sommet de 2017, ce groupe de nations se qualifie désormais de « BRICS-Plus », dans un esprit d’ouverture et d’inclusivité.

La majorité des chefs d’État invités assurent une double qualité, en tant que présidents d’organisations, continentales ou régionales, ce qui démontre que le partenariat entre les cinq grands pays émergents que sont le Brésil, la Russie, l’Inde, et l’Afrique du Sud, s’ouvre à une forme de coopération plus élargie.

Dans la journée de ce 27 juillet, chaque chef d’État a ainsi pu exposer les problématiques auxquelles font face leurs pays respectifs, mais également l’organisation qu’ils représentent ; ils ont saisi l’opportunité de ce dialogue pour proposer des axes de collaboration.

  • Le Président Hery Rajaonarimampianina est ainsi intervenu au nom de de la République de Madagascar, mais aussi en tant que Président du COMESA, et comme porte-parole des États insulaires de la région de l’océan Indien.
  • Le chef de l’État rwandais, Paul Kagamé, Président en exercice de l’Union Africaine, a mis en relief la volonté de collaborer avec les pays des BRICS, et l’engagement de l’Afrique dans ce sens.
  • Quant au président de la Turquie, en tant que représentant de l’Organisation de Coopération Islamique (OCI), il a mis en avant la crise que traverse la Syrie, et l’investissement dans l’aide humanitaire.
  • Le Président de l’Argentine, Mauricio Macri, qui dirige également l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) a fait valoir la volonté de participer activement au renforcement de cette gouvernance globale ; il a notamment indiqué que les pays de l’UNASUR sont directement affectés par l’instabilité économique et les mesures unilatérales prises par les États-Unis.
  • Le Président de l’Ouganda, Yoweri Museveni, à la tête de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (CAE) regroupant six pays, le Président du Togo, Faure Gnassingbé, et la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO), le Président du Gabon, Ali Bongo, et la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), ainsi que les représentants de la SADC, tous voient en cette réunion au sommet, une opportunité pour un partenariat gagnant-gagnant dans les domaines de l’économie, du commerce, du développement, et d’autres nouvelles sphères de coopération.

Coopération Sud-Sud

Le communiqué officiel du sommet proclame que « la raison d’être de ce concept BRICS-Plus est de créer une plateforme permettant une plus grande intégration et des partenariats entre les pays du Sud, afin de façonner des changements majeurs dans l’économie mondiale ». Les discussions se sont concentrées sur la paix par le développement, les « BRICS-Plus » comme cœur de nouvelles relations Sud-Sud – ou « Global South » –, et la vision des Nouvelles Routes de la soie comme base pour les « nouvelles forces motrices pour le développement ».

La Nouvelle banque de développement (NBD) des BRICS, fondée en 2015, va également monter en puissance. Le montant des prêts accordés par la Banque, de 6,4 milliards d’euros en 2018, devrait doubler en 2019 ; une branche régionale a été ouverte à Johannesburg, et une autre doit voir le jour l’année prochaine à São Paulo, au Brésil, avec pour objectif de s’ouvrir à d’autres pays en développement.

La coopération entre les BRICS-Plus et l’Afrique a constitué le fil rouge du sommet, dans le contexte du 100e anniversaire de Nelson Mandela. De plus, le président chinois Xi Jinping et le Premier ministre indien Narendra Modi ont chacun effectué une tournée de plusieurs jours sur le continent, le sommet des BRICS formant un point d’orgue.

« Quelle que soit l’évolution de la situation internationale », a déclaré Xi, « la Chine continuera à défendre sa politique africaine et ses principes de sincérité, de résultats concrets, d’affinité et de bonne foi, à défendre la justice et partager des intérêts, à bâtir une communauté sino-africaine plus étroite dont l’avenir sera partagé, afin de mettre en œuvre une coopération gagnant-gagnant et un développement commun ». Et d’ajouter que la coopération « BRICS-Plus » offre « l’opportunité de construire un partenariat ouvert, inclusif, coopératif et gagnant-gagnant, et de créer une plateforme pour approfondir la coopération Sud-Sud ».

De son côté, le président russe Vladimir Poutine a proposé à plusieurs pays africains, notamment l’Angola, le Mozambique et le Gabon, de les aider à développer leur secteur énergétique national, par la « réalisation de projets pétroliers et gaziers », mais également par le développement de l’industrie nucléaire, domaine dans lequel la Russie est leader technologique.

Un nouveau monde se dessine – L’Occident devra choisir

Enthousiaste, le président sénégalais Macky Sall, qui se trouvait à Johannesburg, a affirmé : « un nouveau monde se dessine, et ce nouveau monde ne peut plus être gouverné par des règles anciennes. Nous voulons une gouvernance mondiale, plus juste, plus équitable et plus inclusive ».

« Nous assistons à une nouvelle orientation des pays émergents et en développement qui, inspirés par la Chine, se tournent vers un ordre économique mondial basé sur des principes entièrement nouveaux », écrit Helga Zepp-LaRouche, la présidente internationale de l’Institut Schiller, dans son éditorial du 28 juillet. « Alors que l’Occident s’accroche à un vieux paradigme fondé sur le système économique néo-libéral, de plus en plus de nations coopèrent avec les BRICS, avec l’Organisation de la coopération de Shanghai (OCS) et avec d’autres organisations régionales. Cette collaboration, qui a lieu dans le cadre de l’Initiative des Nouvelles Routes de la soie et sur la base d’une coopération gagnant-gagnant, démontre que le monde peut être bien plus humain qu’il ne l’est. »

En effet, cet esprit de coopération et de développement bouleverse complètement l’ordre anglo-américain tel qu’il a tenté de s’imposer, en particulier depuis la fin de la Guerre froide, à travers un système unipolaire offrant un terrain de jeu idéal aux intérêts financiers oligarchiques de la City de Londres et de Wall Street. Que la Russie et la Chine émergent comme puissances économiques et militaires et veuillent jouer un rôle digne de leur rang sur la scène mondiale constituait déjà un mauvais rêve ; mais le rêve tourne carrément au cauchemar lorsque des dizaines de pays sur tous les continents veulent se joindre à elles !

Les (quelques) articles parus dans la presse occidentale à propos du sommet des BRICS reflètent bien l’état d’esprit cynico-dépressif qui anime actuellement les élites occidentales vis-à-vis de ce nouveau monde émergeant : « L’Initiative une ceinture et une route [ICR] de la Chine n’est pas à la hauteur », titre le Financial Times. Le porte-voix de la City de Londres énumère les problèmes d’endettement, de gouvernance et d’opacité. C’est l’hôpital qui se fiche de la charité. Dans le même registre, le journal Le Monde veut faire croire que les BRICS « cherchent un nouveau souffle », et que malgré les « vœux pieux » de Vladimir Poutine et de Xi Jinping, « le bilan du sommet semble néanmoins plutôt mince ». The Economist déverse quant à lui sa bile sur l’ICR, décrivant « un projet sinistre visant à créer un nouvel ordre mondial dans lequel la Chine sera la puissance prééminente », et mettant en garde les pays souhaitant y prendre part, qui « pourraient finir par regretter l’enthousiasme de leur gouvernement ».

« L’occident doit choisir », conclu Helga Zepp-LaRouche, « soit nous acceptons l’offre faite par la Chine et nous aidons à développer l’Afrique, l’Asie du Sud-Ouest et l’Amérique Latine avec les BRICS et d’autres nations, soit nous persistons à nous accrocher désespérément à notre système financier en banqueroute, un système qui ne peut survivre qu’en maximisant les profits pour les ‘happy few’ au détriment de la population ». Cela signifie un crash financier bien pire que celui de 2008, et un avenir dans lequel « nos cultures finiront exposées dans les musées d’Afrique et d’Asie, en exemple de sociétés ayant perdu leur capacité morale de survivre ».