Syrie, Ukraine… Points chauds d’une situation de pré-guerre mondiale

lundi 3 septembre 2018

Les grandes tensions qui marquent cette fin d’été – Syrie, Ukraine, crises monétaires, guerre commerciale, etc – proviennent essentiellement de l’antagonisme entre l’ancien paradigme dominé depuis Wall Street et la City de Londres et le nouveau monde de coopération et de développement centré sur l’Initiative une ceinture et une route (ICR) de la Chine.

La chute dramatique du peso argentin, de 35 % en quelques jours, et le chaos financier et politique qui en résulte, ne sont pas, contrairement aux affirmations des commentateurs, un « problème argentin ». Il s’agit bien du reflet d’un système en banqueroute, une économie-casino – de spéculation financière, d’endettement et de pillage – gonflée comme la grenouille de la fable par le capital fictif, et dont le président argentin Mauricio Macri ne se fait que le tragique serviteur, de même qu’Emmanuel Macron en France.

Et c’est ce système à l’agonie qui alimente la logique de guerre. Vendredi, le chef de la République populaire autoproclamée de Donetsk (RPD), Alexandre Zakhartchenko, a été assassiné lors de l’explosion d’une bombe dans un café. Il s’agit d’une tentative évidente visant à torpiller les accords de Minsk pour le processus de paix en Ukraine. Les forces militaires ukrainiennes préparent déjà une offensive dans le Donbass.

Ces derniers jours, la Russie a massivement renforcé sa présence navale en Méditerranée orientale, afin de dissuader les Occidentaux de lancer une nouvelle attaque en Syrie. En effet, tandis qu’une bataille décisive est en cours pour détruire les dernières poches terroristes se trouvant dans la région d’Idleb, le gouvernement russe met en garde depuis une semaine contre la préparation d’une nouvelle provocation, sous forme d’une attaque chimique placée « sous fausse bannière » qui fournirait un prétexte pour de nouvelles frappes de la coalition franco-anglo-américaine. Le ministère russe de la Défense a en particulier pointé du doigt l’implication des services secrets britanniques dans cette opération, notamment dans la manipulation des « Casques blancs » (ces fameux djihadistes déguisés en secouristes), ce qui a provoqué une réaction pour le moins hystérique de Karen Pierce, l’ambassadrice britannique aux Nations Unies.

Il n’est pas étonnant de retrouver ici les Britanniques en première ligne. L’administration Trump se détournant de l’Otan, des accords de libre-échange et de la « relation spéciale » avec la Grande-Bretagne, les forces financières et géopolitiques logées outre-Manche sont forcées d’agir si elles veulent maintenir le monde dans un état de division entre l’Est et l’Ouest, seul moyen de préserver leur empire. Entraîner de nouveau Donald Trump dans un guet-apens en Syrie permettrait en effet de saboter l’amorce de détente entre les États-Unis et la Russie engagée le 16 juillet dernier à Helsinki.

Cette provocation est menée en parallèle à la tentative de destituer le président américain, au travers du mal nommé « Russiagate ». À deux mois des élections de mi-mandat, une course contre la montre se joue entre la prétendue enquête du procureur spécial Robert Mueller et la contre-enquête menée par les commissions du Congrès. Lors de son audition mardi dernier à la Chambre des représentants, Bruce Ohr, l’ancien numéro quatre du Département de la Justice (DoJ), a dû admettre que le FBI et le DoJ avaient abusé de l’autorité de la cour FISA, afin d’obtenir des mandats d’écoutes de l’équipe de campagne de Donald Trump, en lui cachant la nature frauduleuse du dossier « Steele » (dossier monté par l’ « ex » agent britannique Christopher Steele, qui accuse Trump d’être un agent du Kremlin en se basant sur des ragots et des allégations sans preuves). Le président américain a immédiatement demandé l’intervention de la Cour suprême.

L’issue de cette lutte interne aux États-Unis sera déterminante pour savoir si la politique étrangère américaine va revenir dans le giron des va-t-en-guerre anglo-américains, ou si la détente commencée aux sommets de Singapour et d’Helsinki va se confirmer.

Du 11 au 15 septembre, la Russie va réaliser en Sibérie les exercices militaires les plus importants depuis 35 ans, avec la participation de la Chine, et impliquant côté russe 300 000 hommes, 36 000 pièces d’artillerie, blindés et motorisés, un millier d’avions de combat et toutes les unités aéroportées ; du côté chinois il y aura 3200 hommes, 900 pièces d’artillerie, blindés et motorisés et 30 avions de combat et hélicoptères. L’Otan prépare, quant a elle, en octobre et novembre, le déploiement militaire le plus important depuis 16 ans, dans la mer Baltique et l’Atlantique Nord.

Tous les ingrédients sont donc réunis pour le pire. Mais, en même temps, les forces et la volonté pour l’éviter existent plus que jamais, comme on peut le voir notamment avec le sommet Chine-Afrique, qui débute aujourd’hui même à Beijing, et où l’idée d’en finir avec les pratiques coloniales et d’ouvrir une nouvelle ère de progrès humain et de développement mutuel devient une réalité on ne peut plus concrète.

À nous de nous battre ici en France d’une part pour rendre les citoyens conscients de la situation périlleuse du monde, et d’autre part pour établir le « pont » entre ce monde nouveau et le nôtre. L’appel-pétition pour un nouveau système financier international – un nouveau Bretton Woods – représente la clé pour cela, car cela signifierait la décision des États-nations, et avant tout des États-Unis, de la Chine, de l’Inde et de la Russie, de se libérer une bonne fois pour toutes de la dictature des marchés financiers.