Le « principe choral » des Nouvelles Routes de la soie

vendredi 21 décembre 2018

S’inspirant explicitement de l’orchestre israélo-palestinien de Daniel Barenboim, le violoniste coréen Hyung Joon-won tente depuis dix ans de créer un orchestre commun entre Corée du Nord et Corée du Sud, en tant que contribution culturelle pour rétablir la paix et l’unité entre les deux Corées divisées. [1]

Mardi soir, à l’occasion d’un concert donné à l’université George Washington dans la capitale américaine, Hyung a expliqué pourquoi le processus d’interprétation par un orchestre est en lui-même un catalyseur de paix et d’harmonie : « Il ne s’agit pas d’une formule, où le simple fait de jouer la musique apporte la paix, mais d’un processus qui inspire à chaque individu y participant un niveau plus profond de réflexion, et c’est cela qui est nécessaire pour la paix ».

Ces paroles font écho à la conception apportée par Jacques Cheminade en 2017 lors de la campagne présidentielle sur le principe choral. « Le chœur est en effet le modèle réduit d’une société idéale », écrivait-il dans son livre-projet La France avec les yeux du futur.

Car chaque membre, pris individuellement, doit apprendre non seulement à écouter les autres, bien jouer sa partie, respecter les silences et surtout harmoniser et coordonner son action avec tous les autres membres et le chef de chœur ou d’orchestre, dans une interaction créative qui transcende les différences entre les participants, qu’elles soient nationales, culturelles ou ethniques.

Rappelons, à cet égard, que le président Xi Jinping insiste fréquemment sur le fait que l’Initiative de la Ceinture et la Route (ICR) – autrement dit les Nouvelles Routes de la soie – n’est pas un show en solo de la Chine, mais plutôt un orchestre symphonique, une expression culturelle assez récente dans l’histoire de la musique dans ce pays.

En 2017, Yang Jiechi, qui était alors conseiller d’État, avait précisé : « Une meilleure analogie serait celle d’une symphonie interprétée par un orchestre composé de tous les pays y participant », avait-il déclaré — n’en déplaise aux consultants néocons français, britanniques et américains, experts en hystérie anti-chinoise, qui interviennent tout le long du documentaire « Le monde selon Xi Jinping » diffusé mardi soir sur Arte (lire à ce sujet « La Chine selon les néoconservateurs à Washington et à Londres »)...

Discorde occidentale

Les mêmes qui, des deux côtés de l’Atlantique, ne tarissent pas d’efforts pour nous convaincre que tous nos malheurs sont les résultats des manigances de la Russie et de la Chine, pataugent dans une inquiétante mare de bêtise et d’incohérence. Les musiciens de l’orchestre du « monde libéral » ont depuis bien longtemps jeté leur partition à la poubelle et viré le chef d’orchestre ; ils jouent désormais une musique des plus discordantes, pour le plus grand plaisir de Wall Street et de la City de Londres.

L’Union européenne susurre une comptine lancinante et conciliante à l’intention de la France, qui passe au-dessus de la barre des sacro-saints 3 % de déficit public – suite à la mobilisation des Gilets jaunes –, tandis qu’elle hurle un refrain vindicatif à l’Italie pour son déficit de 2,4 %. Il faut dire que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui fait des efforts héroïques pour rester sous la barre des trois grammes d’alcool dans le sang, est plus occupé à ébouriffer les cheveux d’une femme et à en embrasser intempestivement une autre, qu’à garantir la cohérence de la politique de l’UE.

En France, nous avons un président, brusquement redescendu de son mont jupitérien, qui mène querelle avec la « technostructure » – vous ne rêvez pas, c’est bien sa propre expression – de Bercy et de Matignon, dans la cour de récréation.

Perfide Albion contre le quatuor États-Unis-Russie-Chine-Inde

Toutefois, ne nous y trompons pas : le producteur de discorde en chef se situe de l’autre côté de la Manche. En effet, le jour-même où Arte diffusait son documentaire pseudo-psychanalytique sur Xi Jinping, le Comité des Relations internationales de la Chambre des Lords publiait un rapport de 116 pages, intitulé « La politique étrangère britannique dans un ordre mondial changeant », et qui reflète l’hystérie croissante d’une noblesse d’empire se trouvant au chevet d’un système moribond, et ne comptant pas descendre au cimetierre dans le silence.

Depuis la mort des présidents Franklin D. Roosevelt et John F. Kennedy, cette élite britannique s’est servie du « muscle » américain afin de préserver ses intérêts impériaux, au moyen de guerres coloniales en Asie du Sud-Est et du Sud-Ouest ou des « conditionnalités du FMI » imposées sur les pays du Sud pour les empêcher de trop se développer (Lire La toile d’araignée : le second Empire britannique).

Dans ce rapport, les Lords se lamentent du fait que l’administration Trump malmène la « relation spéciale » entre les États-Unis et le Royaume-Uni, et s’inquiètent d’une réélection du président en 2020 : « L’administration américaine a pris un certain nombre de décisions de politique étrangère unilatérales qui vont à l’encontre des intérêts du RU, écrivent-ils. Un second mandat de Trump rendrait plus durables les dommages causés aux relations USA/RU (la relation internationale la plus importante pour nous), et le gouvernement devra accorder moins d’importance que par le passé à l’adoption d’une approche commune entre les États-Unis et le Royaume-Uni sur les principaux enjeux du moment ».

L’hystérie de ces milieux est bien entendu accrue par l’insurrection « populiste » des pays occidentaux contre le système néolibéral, décrite par les Lords comme « des vagues politiques et sociales causées par l’accès des gens à l’information » (!), et qui menace « l’ordre international fondé sur des règles » (entendre « l’Empire britannique »). Mais les principales menaces restent la Russie, « une puissance déclinante (…) capable d’agir de manière disruptive dans les relations internationales », et bien entendu la Chine. Selon les Lords, pour l’instant le RU ne peut pas affronter cette dernière sur le plan économique, mais « à long terme, le gouvernement devra évaluer le défi stratégique posé par l’impact de la Chine sur l’ordre international fondé sur des règles ». Enfin, l’inquiétude concerne également l’ancien joyau de l’Empire, l’Inde, avec laquelle « le RU ferait bien de réinitialiser et d’élever sa relation », car « d’autres pays cherchent assidûment à s’engager avec elle ».

Voilà ce qui terrifie cette élite impérialiste : la potentielle alliance des « quatre grandes puissances », les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde, que l’économiste et homme politique Lyndon LaRouche a défini depuis 2009 comme la seule possibilité de court-circuiter les réseaux de pouvoirs financiers de la City et Wall Street, afin d’ouvrir la voie à une nouvelle conférence de Bretton Woods et de créer un système international à taux de change fixes, basé sur les principes du crédit hamiltonien, pour garantir le développement économique de chaque nation du monde.

Alors, les Nouvelles Routes de la soie ne seront plus seulement un projet ne concernant « que » 70 pays de l’hémisphère sud, mais une plateforme autour de laquelle se constituera « une communauté de destin partagé pour toute l’humanité », comme le souhaite Xi Jinping.

Albion delenda est ! À la poubelle la vieille antienne impérialiste, et place à la symphonie du nouveau monde !


[1Soulignons également l’existence du Greater Europe Peace Orchestra, dédié à promouvoir la paix en Europe, y compris entre la Russie et l’Ukraine (Lien Internet : gepoblog.wordpress.com), et le Schiller Institute NYC Chorus, dédié à la création d’une renaissance aux États-Unis basée sur les principes de la composition classique (lien Internet : http://www.sinycchorus.com/)