Les néocons de l’administration Trump lancent la croisade contre l’Iran

mercredi 20 février 2019

Outre l’affrontement avec le Venezuela, les principaux fanatiques néoconservateurs de l’administration Trump font pression pour une confrontation rapide avec l’Iran.

Les tensions ont monté d’un cran le mercredi 13 février, après que 27 membres de l’élite de la Garde révolutionnaire iranienne ont trouvé la mort dans un attentat-suicide à la bombe organisé par le groupe djihadiste mercenaire Jaish al-Adl (« Armée de la Justice »).

Avant de partir pour Sotchi pour tenir avec ses homologues russes et turcs une réunion concernant l’avenir de la Syrie, le président iranien Rohani a déclaré que son pays allait se venger de l’attentat et que « les principales sources alimentant le terrorisme dans la région sont les États-Unis, les sionistes et certains producteurs pétroliers de la région qui les financent ».

De son côté, l’armée iranienne a également pointé du doigt le rôle des forces de sécurité pakistanaises qui abritent les terroristes au Baloutchistan. Jaish al-Adl a été créé en 2012, succédant au groupe extrémiste sunnite Jundallah (« Soldats de Dieu »), qui a mené une insurrection meurtrière pendant une décennie avant d’être fortement affaibli par la capture et l’exécution en 2010 par Téhéran de son dirigeant Abdolmalek Rigi.

Asphyxier intentionnellement le régime

Le jour même de l’attentat en Iran se tenait à Varsovie un sommet géant sur les questions de sécurité au Moyen-Orient et qui a accueilli les représentants de soixante-dix pays.

Il s’agissait de la réunion diplomatique la plus importante jamais organisée par l’administration Trump. Les États-Unis étaient représentés par le vice-président Mike Pence, le secrétaire d’État Mike Pompeo, Brian Hook du Département d’État et Jared Kushner, gendre de Trump, actuellement chargé d’élaborer le nouveau projet américain pour Israël et la Palestine.

Quelques heures avant le début de la réunion, M. Giuliani, ancien maire de New York et avocat du président Trump, a déclaré lors d’un rassemblement anti-iranien devant le stade principal de Varsovie que les dirigeants iraniens sont « des assassins, et ils devraient être écartés du pouvoir. (...) Nous voulons voir un changement de régime en Iran ».

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, candidat à sa réélection, est venu chercher le soutien des États arabes sunnites qui partagent sa volonté d’affronter l’armée iranienne. Face à Netanyahou, Pompeo a déclaré : « Il n’y a pas moyen d’avoir la paix dans la région sans traiter la question de l’Iran. Ils sont derrière les trois ‘H’ : Hamas, Hezbollah et les Houtis ».

Brian Hook avec le secrétaire d’Etat Mike Pompeo.

Le vice-président Mike Pence a ouvertement appelé à réduire à zéro les exportations pétrolières de l’Iran. Pence, qui appartient aux milieux fondamentalistes chrétiens-évangélistes, a affirmé lors de son discours du 14 février à la Maison-Blanche que l’Iran veut provoquer un nouvel holocauste contre Israël...

Fin janvier, dans un entretien accordé à Al Arabiya, Brian Hook, représentant spécial des États-Unis pour l’Iran et conseiller politique principal auprès du secrétaire d’État, avait déjà expliqué sans complexes que les sanctions américaines visaient à acculer l’Iran à la faillite et à la ruine.

Rappelons que le président Rohani avait été élu sur la promesse qu’en abandonnant son programme d’armement nucléaire, l’Iran bénéficierait de la levée des sanctions. Cette promesse a été trahie lorsque Trump s’est retiré de l’accord nucléaire iranien, rétablissant les sanctions. À l’époque, les États-Unis ont néanmoins accordé des dérogations à huit des principaux acheteurs de pétrole iranien, dont la Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud.

En 2017, les principaux fournisseurs de pétrole de la Chine étaient la Russie (14,6 %), l’Arabie saoudite (12,6 %) et l’Angola (12,2 %), l’Iran comptant pour 7,3 % et le Venezuela pour 4 %.

Selon The Washington Free Beacon, il y a un hiatus, en coulisse, entre la Maison-Blanche et le département d’État, à propos de de l’idée de réduire à zéro le commerce du pétrole de Téhéran.

Brian Hook affirme que désormais les États-Unis n’accorderont plus de dérogation pour le pétrole iranien après la réimposition des sanctions américaines. « 80 % des revenus de l’Iran proviennent des exportations pétrolières et c’est le premier État sponsor du terrorisme », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis.

« Lorsque nous avons commencé notre campagne, et que le président a annoncé son intention d’abandonner l’accord, les exportations de pétrole de l’Iran s’élevaient à 2,7 millions de barils par jour. Vous avez peut-être vu les articles de presse, les exportations iraniennes de novembre sont inférieures à un million... Ils sont donc confrontés à une crise de liquidité et à un effondrement du Riyal [la monnaie iranienne] ».

Avec près de 83 millions d’habitants, l’Iran est avec l’Egypte un des pays les plus peuplés de la région. L’inflation y est d’ors et déjà de 20 %, et elle devrait bientôt atteindre 35 %. Sous la pression, l’Iran se voit contrainte de restreindre ses investissements dans les infrastructures et l’éducation, deux secteurs où le pays a fait des progrès fabuleux.

« Il y aura d’autres sanctions à venir, nous ne faisons que commencer », a affirmé M. Hook, ajoutant que Washington se réjouissait de voir la Chine réduire ses importations de pétrole en provenance d’Iran.

Discorde parmi les Atlantistes

Au lieu d’envoyer leurs ministres des Affaires étrangères à Varsovie, Les Français et les Allemands se sont contentés d’envoyer des membres du corps diplomatique. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, a accepté de s’y rendre à la dernière minute, sur la promesse qu’il pourrait diriger une session sur le Yémen.

Cependant, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont vigoureusement protesté contre la décision de Donald Trump l’année dernière de mettre fin à l’accord nucléaire iranien de 2015, et ont répugné à participer à un forum qu’ils considéraient comme destiné à pousser l’Iran vers un effondrement. La semaine dernière, ces trois mêmes pays ont justement mis en place un système de d’échanges contournant les sanctions et qui, en théorie, permettra à l’Iran de vendre son pétrole à l’extérieur – un véritable pied de nez au président américain.

Ce week-end, lors de la conférence sur la sécurité de Munich, les fractures transatlantiques sont apparues en pleine lumière, sur de nombreux points, et en particulier concernant l’Iran. Les dirigeants européens ont très peu apprécié le discours moralisateur de Mike Pence. C’est Angela Merkel qui s’est chargée de la riposte, dans un discours d’une fermeté inhabituelle vis-à-vis des États-Unis.

En réponse à cette pression croissante, l’Iran a présenté début février son nouveau missile de croisière Hoveyzeh, dont disposent désormais les Forces aériennes des Gardiens de la révolution islamique (FAGRI). Puisque l’Iran a dû renoncer à sa force de dissuasion nucléaire, seule une dissuasion conventionnelle reste autorisée et ne relève pas des accords nucléaires.

Le 17 février, trois jours après l’attentat terroriste et la conférence de Varsovie, le président iranien Hassan Rouhani a dévoilé le sous-marin « de pointe » entièrement conçu au niveau national, et qui, selon le ministère de la Défense, est capable de tirer des missiles de croisière. Surnommé le « Fateh », ou le Conquérant, il s’agit du premier submersible « semi-lourd » iranien, selon l’agence de presse Mehr.