Le retour de bâton d’une guerre commerciale contre la Chine

lundi 3 juin 2019

Chronique stratégique du 3 juin 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine constitue sans doute aujourd’hui le point de tension le plus périlleux pour l’ordre mondial. Cependant, l’espoir de le résoudre existe, puisque cette situation résulte principalement de la vision géopolitique délirante des néoconservateurs de Washington, alors que la Chine se montre tout à fait disposée, contrairement à ce qu’affirment les commentateurs occidentaux, à construire entre les deux puissances une relation de partenariat mutuellement bénéfique et non de rivalité perdant-perdant.

Lors du dialogue de Shangri-La, qui se tenait à Singapour le 1er juin, le secrétaire américain à la Défense Patrick Shanahan, un ancien cadre de Boeing ignorant le b.a.-ba des questions de défense, a prononcé un discours virulent contre la Chine, qualifiant celle-ci d’ « acteur disruptif » représentant « une menace pour les intérêts des pays de la région ». Il suffit de considérer le nombre de pays asiatiques qui participent activement à la Nouvelle Route de la soie pour mesurer à quel point cette affirmation est loin de la réalité – une quarantaine d’entre eux étaient d’ailleurs présent le 15 mai à Beijing pour la conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques (lire notre livraison du 31 mai : Beijing au zénith du dialogue des civilisations).

En réponse à Shanahan, son homologue chinois le général Wei Fenghe a affirmé que « l’humanité se trouve à la croisée des chemins », entre le grand dessein proposé par Xi Jinping visant à bâtir « une communauté de destin partagé pour l’humanité » et la logique d’affrontement entre « blocs militaires » cherchant à « brider les intérêts des autres ». « Vois le monde avec un esprit ouvert et inclusif, et tu trouveras des amis et des partenaires de partout, a dit Wei. Vois le monde avec un esprit étroit et exclusif, et il n’y aura que des ennemis et des adversaires. Il s’agit d’une prophétie auto-réalisatrice ».

Le ton monte

Au moment où le gouvernement chinois s’apprêtait à mettre en place des taxes de 25 % sur 60 milliards de dollars de biens américains importés en Chine, en riposte aux droits de douanes imposés par l’administration Trump et aux attaques contre le géant des télécoms Huawei, le vice-ministre des Affaires étrangères Zhang Hanhui a déclaré : « Nous nous opposons résolument à ce recours systématique aux sanctions commerciales, aux droits de douane et au protectionnisme. Cette instigation préméditée d’un conflit commercial constitue du terrorisme économique, du chauvinisme économique et du harcèlement économique à l’état pur ».

« Quelle est la stratégie des États-Unis vis-à-vis de la Chine ? La question nous laisse perplexe », demande de son coté l’éditorial du 27 mai du Global Times, quotidien proche du pouvoir. Énumérant les multiples provocations du secrétaire d’État Mike Pompeo et du vice-président Mike Pence, ainsi que les mesures punitives contre Huawei, l’auteur souligne que « ce comportement induit la plupart des Chinois à penser que les États-Unis vont à l’encontre du développement de la Chine, que leur véritable but est de priver la Chine de sa capacité à se développer, et que le prétendu commerce équitable n’est qu’une excuse. Autrement dit, les États-Unis veulent voler à la Chine non seulement son argent mais également son futur ».

Tout en prévenant que jamais le peuple chinois ne capitulera, le Global Times affirme que « la Chine n’a aucune volonté de défier stratégiquement les États-Unis. (…) Nous croyons sincèrement que notre pays ne peut pas défendre ses intérêts à travers une politique d’expansion basée sur un jeu à somme nulle. Seule l’expansion de la coopération constitue pour la Chine un moyen de faire progresser le monde ».

Ne pas mourir de soif auprès de la fontaine

Aux États-Unis, le nuage d’encre projeté par les faucons entourant Donald Trump cache de plus en plus mal une opinion publique beaucoup moins hystérique à l’égard de la Chine. D’autant plus que les effets des taxes sur les produits chinois importés commencent à frapper les différents secteurs concernés.

Le 23 mai s’est tenu au Kentucky le sommet sur la collaboration entre les gouverneurs des États-Unis et de Chine, avec la présence de 400 responsables politiques et économiques chinois. Le gouverneur du Kentucky Matt Bevin a affirmé à cette occasion que les États américains, et en particulier l’État du Kentucky, souhaitaient établir avec eux une relation lucrative par-delà l’actuelle dispute commerciale.

L’inquiétude grandit parmi les gouverneurs américains, qui redoutent que les taxes douanières n’affaiblissent les économies de leurs États en asséchant la demande chinoise pour des produits américains, et ne provoquent l’augmentation des prix pour les consommateurs. Le Kentucky, par exemple, voit déjà les producteurs de soja et l’industrie du Bourbon en pâtir. L’Université du Tennessee a publié plus tôt dans le mois de mai un rapport estimant à 500 millions de dollars les pertes de l’État sur les exportations pour le dernier trimestre de 2018, à cause des taxes.

« Tout le monde comprend que les taxes ne sont pas la solution et souhaite un environnement dans lequel elles ne seront plus nécessaires », a déclaré Matt Bevin. Début mai, lors d’une conférence sponsorisée par Yahoo Finance, le gouverneur du Nebraska Pete Ricketts, montrant que les agriculteurs de son État ont déjà perdu plus d’un milliard de dollar en revenu à cause des taxes, avait appelé l’administration Trump à en finir avec cette guerre commerciale.

Fin 2018, suite aux premières taxes douanières, les investissements chinois ont en effet plongé de 83 %, se reportant sur le Canada, d’après un rapport publié par le cabinet Baker McKenzie. Mais la Chine reste le troisième marché d’exportation pour les biens et services américains, et elle sera responsable d’un tiers de l’ensemble du commerce mondial d’ici une décennie, comme l’a rappelé Craig Allen, le président du U.S.- China Business Council, lors de la conférence au Kentucky. « Une immense quantité d’investissements chinois sont sur le point de venir aux États-Unis si les deux gouvernements le permettent », a-t-il affirmé.

Le Cebr, un centre de recherche économique britannique, vient justement de publier une étude très intéressante sur l’impact de l’Initiative chinoise de la Ceinture et la Route (ICR) dans 10 régions du monde et dans les 25 principales puissances économiques. Cette étude estime qu’en 2040 l’ICR rapportera plus de 7000 milliards de dollars en terme que produit intérieur brut, et que les États-Unis en seront, après la Chine, le second bénéficiaire, même sans y participer directement.

Bien entendu, le Cebr ne prend pas en compte le danger réel d’escalade, y compris militaire, sur laquelle risque de déboucher la dispute actuelle entre les États-Unis et la Chine, et qui ferait voler en éclats ces projections.

C’est pourquoi nous devons tout faire pour libérer les États-Unis de la nasse de la géopolitique impérialiste et les engager sur la voie de l’entente et de la coopération internationale ; ce à quoi s’attellent le Comité d’action politique de Lyndon LaRouche aux États-Unis, Solidarité & progrès en France, ainsi que l’Institut Schiller au niveau international.

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