Hong Kong - une bombe à retardement contre la Chine

vendredi 29 novembre 2019, par Christine Bierre

Après six mois de manifestations et de violences à Hong Kong, organisées par des meneurs qui ne cachent pas leur allégeance aux États-Unis et à l’Empire Britannique, et soutenues explicitement par des organisations néo-conservatrices comme le « Comité pour le danger actuel : Chine » ainsi que par le Congrès américain [1], « l’inévitable » est arrivé.

Lors des élections des conseillers de districts qui viennent d’avoir lieu à Hong Kong, les partis affiliés aux groupes « pro-démocratie » ont remporté 17 sur 18 districts, soit 392 sièges sur les 452 à pourvoir. Le taux de participation, d’environ 71 %, a été aussi en forte hausse, presque le double qu’aux élections de 2015.

Est-ce pour autant la fin de l’adhésion de Hong Kong à la Chine ? Pas vraiment, puisqu’il s’agit des élections portant sur la gestion des questions les plus basiques de la RAS (région administrative spéciale), de la collecte des ordures à l’organisation des dessertes d’autobus.

Ce scrutin a eu lieu dans un contexte où la population de la RAS a été « prise en otage » depuis 6 mois. D’abord par des manifestants pro-démocratie qui se voulaient bon enfant, déployés les week-ends, mais dont les actions ont ensuite évolué vers de véritables opérations de commando d’une grande violence, en continu toute la semaine et visant plusieurs objectifs à la fois. Ensuite, par une guerre commerciale, elle aussi d’une extrême-violence, entre les deux principales économies du monde, avant-goût d’un véritable bras de fer stratégique pour voir qui occupera la première place du monde. Prise d’otage enfin, par la loi qui gère Hong Kong depuis sa dévolution par l’Empire britannique à la Chine : « un pays, deux systèmes ». Les accords de l’époque exigent en effet que jusqu’à son intégration totale à la Chine en 2047, ce territoire semi-autonome soit cogéré par la Grande Bretagne et la Chine, accords qui interdisent explicitement à Beijing de remplacer le libéralisme extrême qui a toujours régné à Hong Kong par son système de « socialisme aux caractéristiques chinoises », soucieux d’élever tous les Chinois au niveau d’une nation pleinement moderne.

La population de Hong Kong

C’est dans ce contexte d’extrême tension que la population hongkongaise a trouvé refuge dans son ancienne matrice idéologique, celle de l’Empire Britannique et de ses disciples américains, et a voté en masse pour les candidats soi-disant « pro-démocratie ». Et peu importe si sous les Britanniques, il n’y a jamais eu d’élections à Hong Kong, et si le système social hérité de ses Lords et qui a cours aujourd’hui encore, est l’un des plus inégalitaires au monde ! Une situation que la Chine n’a pas changé depuis, si tant est qu’elle l’aurait pu, bien que ce soit le Président Xi Jinping qui l’ait contestée le plus.

Si la révolte a démarré contre le projet de loi présenté par la cheffe de l’Exécutif hongkongais, Carrie Lam, permettant d’extrader des criminels vers leur pays d’origine, y compris la Chine, elle a rapidement révélé le gouffre qui s’était creusé entre les habitants de la RAS et ceux de Chine continentale, blâmée de tous leurs maux. Bien que les revendications soient hétéroclites, et viennent de milieux très différents, elles se sont toutes coalisées contre la Chine. Les classes populaires et moyennes hongkongaises voient d’un très mauvais œil le million et demi de chinois continentaux qui sont venus s’installer chez eux depuis la dévolution. Dans le contexte de déclin relatif que connaît Hong Kong, ils les accusent de prendre leurs emplois, leurs rares logements, et leurs caisses d’allocations sociales.

Il faut savoir que Hong Kong figure au palmarès des pays les plus inégalitaires de la planète : 1,2 % de la population détient 53 % du patrimoine et 20 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté. L’un des problèmes qui cristallise toute la rage est la précarité des logements. Avec à peine 1104 km2 de surface, dont seul un cinquième constructible, 7 millions de hongkongais s’entassent les uns sur les autres, et les densités atteignent 30 000 personnes/km2. Dans ce marché dominé par 4 ou 5 Tycoons de l’ère britannique, les loyers ont augmenté de près de 300 % depuis 2007 et les retraités et les travailleurs précaires se battent pour des logements de moins de 5 m2 !

Les Etats-Unis dans la danse

Si les plus précaires ont apporté des contingents importants aux manifestants, c’est à l’autre bout du spectre social, dans la finance et les multinationales, et parmi leurs parrains dans le monde anglo-américain, que les hostilités ont été déclenchées contre la loi de l’extradition. Ils auraient même fourni le nerf de la guerre à la révolte en cours. Sachant que le secteur financier représente quelques 250 000 emplois directs et pèse pour 19 % dans le PIB de Hong Kong. En cause, le fait que dans la liste des crimes listés dans la loi on trouve des crimes en col blanc.

C’est l’AmCHam – Chambre de commerce américaine avec ses 1200 entreprises à Hong Kong – qui a sonné l’hallali, notant que toute loi qui élargirait les possibilités d’extradition « saperait la perception de Hong Kong comme un refuge sûr et sécurisé pour les opérations internationales ». Ce fut ensuite le Centre pour l’entrepreneuriat privé international, branche « affaires » de la NED (National Endowment for Democracy), officine américaine chargée de promouvoir, de gré ou de force, leur « démocratie » à l’échelle planétaire, qui a réagit ensuite, avant l’arrivée d’une lettre signée par 8 membres du Congrès – Marco Rubio, Tom Cotton, Steve Daines, Jim Mc Govern, Ben McAdams, Chris Smith, Tom Suozzi and Brian Mast. La revendication a ensuite été reprise par le « Civil Human Rights Front  », groupement qui organise les manifestations à Hong Kong et dont fait également partie le Hong Kong Human Rights Monitor (HKHRM) financé par la NED.

Matrice idéologique de Hong Kong

Enfin, pour comprendre ce vote, revenons à la matrice culturelle de Hong Kong. C’est contre la Chine que l’Empire Britannique a bâti ce pays, lors des guerres de l’Opium qu’il a dirigées contre l’Empire du milieu. Par la suite, Hong Kong a traditionnellement accueilli les vagues d’immigration anti-communistes ou anti-chinoises : les Chinois qui ont fuit leur pays durant la Révolution culturelle, ou les Chinois venus du Vietnam y ayant trouvé massivement refuge après la défaite des Etats-Unis face au Vietnam du Nord « rouge ». Selon certaines sources, 30% de la population actuelle de Hong Kong aurait des origines vietnamiennes.

Quel futur pour Hong Kong ?

Si remonter la pente après ces élections semble difficile pour la Chine aujourd’hui, le temps long joue pour elle. Face à un bloc occidental en pleine déclin économique, scientifique, politique et moral, et devant faire face à la crise financière la plus importante de son histoire, la Chine est le seul pays qui ambitionne de déterminer le futur et qui travaille déjà à maîtriser toutes les questions qui définiront la paix et le développement, dans les cinquante années à venir (spatial, nucléaire, IA, numérique, infrastructures).

Pendant que les manifestants s’épuisent dans un combat sans issue, créant les conditions d’une forte dégradation, voir même d’une disparition de ce troisième centre financier mondial, crée de toutes pièces par la Grande Bretagne, la Chine poursuit inlassablement la construction dans cette zone du grand triangle économique Guangdong-Hong Kong-Macao, en tant que principal moteur de son expansion économique et de sa contribution à la croissance mondiale. Cette zone couvre une surface de 56 000 km2 et une population de 66 millions, pour un PIB total de 1300 milliards de dollars. C’est dans ce contexte que la population hongkongaise pourra trouver sa place au sein du grand rêve chinois, devenir une nation développée, prospère et belle d’ici 2049.

CGTN : Qui est derrière les violences à Hong Kong (anglais)
https://www.youtube.com/watch?v=TrZvlhizKb0