Macron, le candidat des banquiers verts ?

vendredi 6 décembre 2019, par Karel Vereycken

L’homme se veut triomphant. Dans son télégramme diffusé le 29 novembre sur le réseau de LREM, l’eurodéputé macroniste Stéphane Séjourné, président du groupe Renaissance, exulte : « Ça y est, c’est fait ! L’Europe a enfin sa Commission et sa présidente Ursula von der Leyen (une première !). Nous pouvons maintenant rentrer dans le vif du sujet : Green New Deal, salaire minimum européen, stratégies pour les industries du futur, transparence et changement des pratiques ou encore défense européenne. »

Faut-il en rire ou en pleurer ? Alors qu’on vient de mettre en sommeil le réacteur à neutrons rapides Astrid, le seul de la IVe génération de réacteurs appartenant au nucléaire du futur, et qu’on est sur le point de brader deux fleurons technologiques de notre industrie aéronautique (Latécoère) et de défense (Photonis), on a du mal à écarter le sentiment qu’on se moque du monde.

Séjourné poursuit : « Nous avons déjà obtenu une première victoire sur un engagement de campagne : la Banque européenne d’investissement va devenir une vraie Banque du Climat. »

Or, justement, comme nous allons le détailler ici, cela n’est pas une solution mais bien un problème !

Et enfin, pour couronner le tout, grâce à la ténacité de l’eurodéputé LREM Pascal Canfin, anti-nucléaire virulent et ancien patron du WWF France, une résolution symbolique non contraignante du Parlement européen, adoptée le 28 novembre 2019 à une majorité confortable (429 pour, 225 contre et 19 abstentions), affirme l’urgence climatique et l’engagement à « limiter le réchauffement de la planète à 1,5º C et éviter une perte massive de biodiversité ». Elle fait suite à des résolutions similaires adoptées dans plusieurs parlements nationaux de l’UE, notamment en France, au Royaume-Uni ou en Autriche.

Green New Deal, Banque du Climat, état d’urgence climatique

Ajoutant l’environnement et le climat, sujets chers aux écologistes, à celui de l’immigration mal maîtrisée, cher à la droite identitaire, Macron nous enfume et, à quelques mois des municipales qui auront, évidemment, force de référendum sur l’action du Président, espère faire oublier son piètre bilan sur l’emploi, le logement, l’école, le pouvoir d’achat, la réforme hospitalière, la retraite, l’aménagement du territoire, les infrastructures et tant d’autres sujets qui conduisent une majorité de Français à se déclarer d’accord avec ceux qui manifestent depuis novembre 2018.

En déplacement à Rodez (Aveyron) le 3 septembre pour un débat sur la réforme des retraites, Macron a été taclé par un étudiant qui lui a reproché de ne faire que des hashtags pour la planète. Piqué au vif, il a défendu son bout de gras :

  • si la France pollue moins et émet moins de gaz à effet de serre que bien d’autres pays, c’est grâce à l’énergie nucléaire ;
  • il faut cependant réduire davantage ses émissions ;
  • pour cela, « j’ai besoin d’une indignation qui contribue » à la lutte contre le réchauffement climatique, a-t-il réclamé. Ce qui, pour lui, se traduit par des travaux pratiques, c’est-à-dire des mesures « qui ne sont pas faciles » à faire accepter : la fermeture des cinq centrales au charbon qui nous restent en France et l’abandon de toute forme d’exploration pétrolière ou gazière en Guyane.

Cependant, définitivement convaincu par ce qu’il faut bien appeler l’imposture scientifique du climat, notre Président va se piquer de plus en plus au cactus qu’il a lui-même planté et qu’il ne cesse d’arroser.

D’abord, Emmanuel Macron est prisonnier de la COP21, qu’il espère transformer en atout pour sa politique internationale. Et pour cela, il est prêt à nouer des alliances avec le diable vert.

En décembre 2017, deux ans après la COP21 et suite à l’annonce de Donald Trump que son pays sortait des accords de Paris, le One Planet Summit a réuni en décembre 2017 plus de 4000 personnes à Boulogne Billancourt.
One Planet Summit
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Pour mémoire, suite à la décision de Donald Trump de se retirer des accords de Paris, lors du One Planet Summit organisé à Paris le 12 décembre 2017 par Macron,en partenariat avec le milliardaire Mike Bloomberg, et donc deux ans après la COP21 de 2015, le Président français avait accueilli 60 dirigeants mondiaux et plus de 4000 personnalités sur l’Ile Séguin, et reçu à l’Elysée plusieurs dizaines de grands donateurs pour donner un coup d’accélérateur au financement de la lutte contre le changement climatique.

Parmi eux, à part l’ancien maire de New York Michael Bloomberg, l’ancien gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger, pour qui peu importe ce que déclare ou décide le Président de son pays, lui et d’autres Américains de sa classe, à des échelons inférieurs, « prendraient le relais » pour sauver la planète. D’autres Américains avaient fait le déplacement, comme le gouverneur de Californie Jerry Brown, le milliardaire Bill Gates, l’acteur Sean Penn, ou encore Larry Fink, le grand patron du fonds de gestion d’actifs Black Rock.

Le Haut conseil du climat (HCC)

Les membres du Haut conseil du climat (HCC) lors de sa création en 2018 (de gauche à droite en commençant par le haut) :
  • Laurence Tubiana (Président de la European Climate Foundation et artisane de la COP21) ;
  • Jean-Marc Jancovici (membre important du Grenelle de l’environnement, de la loi Grenelle II, de l’ADEME, du groupe de réflexion The shift project et fondateur du cabinet Carbone 4 qui travaille pour la European Climate Foundation) ;
  • Pierre Larrouturou (initiateur avec Jean Jouzel du Pacte Finance-Climat) ;
  • Pascal Canfin (A l’époque conseiller principal du World Resources Institute et directeur du WWF France) ;
  • Valérie Masson-Delmotte (coprésidente du groupe n°1 du GIEC, paléoclimatologue, docteur en physique, chercheuse au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement) ;
  • Marion Guillou (Présidente d’Agreenium, membre des CA d’Imerys, de Veolia et de la BNP) ;
  • Céline Guivarch (membre du GIEC, économiste au CIRED) ;
  • Jean-François Soussana (membre du GIEC, directeur scientifique de l’INRA) ;
  • Katheline Schubert (économiste, professeur à la Sorbonne) ;
  • Michel Colombier (co-fondateur et directeur scientifique de l’Institut du développement durable et des relations internationales - IDDRI, financé par l’European Climate Foundation) ;
  • Corinne Le Quéré (Présidente du HCC, climatologue) ;
  • Alain Grandjean (économiste, membre du conseil scientifique de la FNH) ;

Plus récemment, fin novembre 2018, alors qu’avaient lieu les premières manifestations des Gilets jaunes, Macron avait institué le Haut Conseil du Climat (HCC), un groupe de 11 experts, doté d’un budget de 1,2 million d’euros par an, présidé par la franco-canadienne Corinne Le Quéré.

Corédactrice de certains rapports du GIEC et ancienne directrice du Tyndall Centre for Climate change Research, cette climatologue est professeure de sciences du changement climatique et de la politique à l’Université d’East Anglia. Rappelons que cette université avait fait la une de la presse mondiale en 2009 lorsque, peu avant le sommet de Copenhague, des hackers avaient publié plusieurs courriels de chercheurs de l’Unité climat de cette université, accusés d’avoir trafiqué les modélisations numériques pour que leurs résultats soient conformes au catastrophisme ambiant.

Ce que l’on baptisa alors le Climategate fut démenti entretemps par des gens très sérieux, pour qui tout cela n’était qu’infox. A part cela, il faut noter qu’élue « fellow » (personnalité méritante et donc boursière) de la Royal Society britannique, Mme Quéré a été promue Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique.

Deux autres « experts » du Haut Conseil du Climat méritent notre attention :

D’abord Laurence Tubiana, qui codirige avec Ciao Koch-Weser, l’ancien vice-président de la Deutsche Bank, la Fondation européenne du climat (ECF), chargée de redistribuer la vaste manne d’une belle brochette de grandes fondations britanniques et américaines charitables (notamment celle de la famille Bloomberg) aux agitateurs écologistes de terrain via ses donations au Réseau Action Climat.

Ensuite, Pascal Canfin qui, lors de son mandat d’eurodéputé EELV, imposait un certain respect du fait du financement qu’il assurait à Finance Watch, une ONG qui défend courageusement la séparation stricte des banques.

Or, force est de constater qu’après avoir été, entre juillet 2014 et janvier 2016, « conseiller senior pour le climat » du World Ressources Institute (WRI), une organisation sans but lucratif installée au Delaware (un paradis fiscal), proche du parti démocrate, mise sur pied avec l’argent de la Fondation MacArthur et codirigée par des gens comme David Blood, ancien trader de Goldman Sachs et co-fondateur avec Al Gore, d’un fonds spéculatif vert. Or, le même Pascal Canfin se trouve nommé, le 20 novembre 2015, directeur général du WWF France, une organisation totalement malthusienne dont il prend la tête le 6 janvier 2016.

La seule bonne nouvelle, c’est que Macron, qui s’oppose à l’abandon total du nucléaire, a refusé de faire de Canfin son ministre de l’Environnement. En effet, ce dernier prône la fermeture quasi-immédiate de 17 réacteurs pour booster la montée des renouvelables.

Sans surprise, dans son rapport publié et remis au Premier ministre le 25 juin 2019, le HCC estime que l’action du gouvernement français et de Macron n’est pas du tout à la hauteur : « Les efforts de la France sont réels, mais ils sont nettement insuffisants et n’ont pas produit les résultats attendus. Tant que l’action en réponse au changement climatique restera à la périphérie des politiques publiques, la France n’aura aucune chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », a résumé Le Quéré.

Les « experts » du HCC proposent donc de renforcer les instruments des politiques climatiques, à savoir les normes, réglementations, quotas, taxes et subventions, de manière à instituer « un prix du carbone qui oriente les choix des ménages et des entreprises ». La taxe carbone, dont l’augmentation a déclenché la crise des Gilets jaunes, devra être « revue en profondeur », tant au niveau de ses modalités que de son assiette et de ses mesures d’accompagnement, pour « garantir son appropriation sociale et son efficacité ». Enfin, il s’agira de préparer l’économie et la société, en s’assurant que la transition soit « juste et équitable » et qu’elle soit déclinée aux échelles locales et régionales.

Instrumentalisation

Pour faire croire à une assemblée délibérative que les propositions pour agir en faveur du climat viendrait de « la base », Emmanuel Macron a mis en place une « Convention pour le climat » composée de 150 citoyens tirés au sort qui doit formuler ses propositions début 2020. C’est l’écrivain écologiste Cyril Dion qui a été nommé garant de cette convention, co-fondateur avec Pierre Rabbi du Mouvement des Colibris et partisan « d’actes de désobéissance civile ». L’information nécessaire aux participants est fournies par… Thierry Pech, directeur général de la Fondation Terra Nova et surtout par Laurence Tubiana, présidente de la Fondation européenne du climat. Pendant toute la durée des travaux, les citoyens seront accompagnés par des « professionnels de la participation » qui ont l’habitude d’encadrer les discussions.

Cela revient à créer un environnement contrôlé où tous les délibérants iront dans le sens de ce qui leur paraîtrait justifié, d’autant plus que leur sélection a été opérée par tirage au sort sous contrôle d’un institut de sondage et que seuls ceux qui ont donné leur accord ont été retenus – c’est-à-dire ceux allant dans le sens pré-défini. Ainsi, les premières orientations qui se dégagent « démocratiquement » de la Convention seraient la réforme de la Constitution pour y inscrire l’urgence climatique et un appel au référendum pour « faire écrire les mesures les plus symboliques », selon la chronique de Françoise Fressoz dans Le Monde du 20 novembre 2019.

Comme au cours du Grand débat, on voit ici le dévoiement d’une procédure nouvelle intéressante et préférée par l’encadrement des participants en vue d’un objectif auquel ils seront tenus et ne peuvent qu’en définir les nuances. Le RIC devient ainsi question de climat...

Banque du climat

Si la résolution symbolique du Parlement européen sur l’urgence climatique et l’annonce d’un New Green Deal peuvent rester de la « com », le changement des conditions de prêt imposées à la Banque européenne d’investissement (BEI) aura des conséquences hautement plus désastreuses.

Et là aussi, un Macron surexcité face aux échéances électorales, s’égare. Car, comme l’affirme un article publié par Forbes, après avoir mis son veto à la candidature de Manfred Woerner à la présidence de la Commission européenne, il aurait durement marchandé son soutien à l’ex-ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen : en échange du soutien de Paris, Von der Leyen a dû jurer qu’elle transformerait la BEI en « Banque du Climat » !

Le bilan contrasté de la BEI

Or, la BEI n’est pas une banque comme les autres. Installée au Luxembourg, ce qu’on appelle la « Banque de l’Union », dont le capital atteignait 232 milliards d’euros en 2012, est une banque publique à but non-lucratif. Ses actionnaires sont les pays membres de l’UE.

La France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni détiennent chacun 16 % des actions. Depuis sa création en 1958, la BEI a financé 12 284 projets dans 112 pays pour un montant de 1182 milliards d’euros. Depuis 2000, la BEI a deux divisions : la BEI et le Fonds européen d’investissement (FEI), spécialisé dans le financement des PME et les ETI.

La mission de la BEI c’est de « faire la différence pour l’avenir de l’Europe et de ses partenaires » en soutenant des « investissements solides », pas seulement à l’intérieur de l’UE mais également ailleurs dans le monde, en accord avec les objectifs des politiques européennes.

Sous l’autorité de son président et sous le contrôle du conseil d’administration (composé d’un représentant de chaque pays actionnaire), son comité de direction, un organe exécutif collégial qui compte neuf membres, assure la gestion courante de la Banque. A cela s’ajoute le conseil des gouverneurs, généralement les ministres des Finances de chaque pays, en charge de valider les opérations de la banque hors Europe, de formuler les conditions de prêt et d’investissement et d’approuver les comptes.

Profitant de sa notation AAA, la BEI s’autofinance en levant des fonds sur les marchés. Pour 2011, la BEI a prêté 61 milliards de dollars, ce qui porte à 395 milliards d’euros le total de ses prêts en cours.

Bien que 90 % de tous les projets financés par la BEI concernent des pays membres européens, la banque finance également des projets dans quelque 150 autres pays dans le monde : Asie du Sud-ouest, pays partenaires autour de la Méditerranée, ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), Asie, Amérique du Sud, Partenariat oriental et Russie. Il s’agit de donner de la substance au pilier financier de la politique de coopération et de développement de l’UE en investissant dans les infrastructures, la sécurité énergétique et l’environnement. Dans ce but, l’UE n’a pas seulement des bureaux dans la plupart des pays européens, mais aussi en Chine, en Turquie, en Egypte, au Maroc, au Sénégal, au Kenya, en Afrique du Sud, en Australie, en Tunisie et en Géorgie.

L’objectif initial de la BEI était surtout de favoriser la cohérence et la convergence des régions européennes, le soutien au PME et ETI, la promotion de « l’économie du savoir » et le développement des infrastructures énergétiques et de transport transeuropéen (RTE-T). Avec le temps, cet objectif a été détourné vers l’investissement vert, les énergies durables, la transition énergétique et maintenant « l’action en faveur du climat ».

Grands projets

Il n’empêche que plusieurs grands projets dans le monde continuent à bénéficier de cofinancements de la BEI :

  • le tunnel ferroviaire Crossrail sous la ville de Londres ;
  • le métro de la ville de Kanpur, en Inde ;
  • la liaison ferroviaire Metrolink à Manchester, au Royaume-Uni ;
  • le tunnel routier Eurasia, long de plus de 5 km, passant sous le Bosphore à Istanbul en Turquie ;
  • le tunnel ferroviaire Marmaray reliant différents quartier d’Istanbul en Turquie.

En 2008, la BEI a également débloqué 500 millions d’euros pour moderniser les écluses du canal de Panama, car c’était clairement « dans l’intérêt de l’UE ». Et la société ayant remporté l’appel d’offre était une société européenne, l’entreprise belge Jan de Nul, dont l’expertise est mondialement reconnue.

Le port du Pirée

Le 11 novembre 2019, la BEI a formellement accepté d’apporter un concours de 140 millions d’euros à l’appui de l’extension et de la mise à niveau du port du Pirée, premier port de Grèce. C’est le plus grand investissement jamais réalisé en Grèce dans le domaine portuaire par la BEI et il soutiendra la mise en œuvre au Pirée d’une partie d’un plan d’investissement global de plus de 600 millions d’euros.

Ce prêt sur 20 ans a été signé à Athènes en présence du Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, du président chinois, Xi Jinping, du président de COSCO Shipping Corporation, Xu Lirong, mais aussi d’Andrew McDowell, vice-président de la Banque européenne d’investissement, et des responsables du port. Ce qui est intéressant, c’est que le prêt de la BEI est garanti par l’Export – Import Bank of China (CEXIM).

On constate donc clairement que cette institution, dans le cadre d’une coopération gagnant-gagnant renforcée entre l’UE et l’Initiative chinoise Une ceinture, une route, dispose d’un grand potentiel inexploité pour créer des emplois, de la croissance et les conditions de la paix.

Le complot contre la BEI

Deux militants de Greenpeace exigeant l’abandon des combustibles fossiles devant les portes de la Banque européenne des investissements (BEI).
Greenpeace

Or, le complot pour verdir la BEI a surgi de toutes parts et s’est accéléré ces dernières années. D’abord, du sommet de l’UE. Le 7 mars 2018, la Commission européenne (CE) a adopté un Plan d’action pour la finance verte, reprenant la plupart des recommandations formulées par le Groupe d’experts de haut niveau sur la finance durable (HLEG), en particulier la taxinomie en matière de durabilité. La BEI a présidé à l’élaboration d’une proposition de classification dans le domaine de l’atténuation des changements climatiques (figurant au point 3 de l’annexe III du rapport du HLEG).

Cette proposition a même bénéficié de l’expérience acquise dans le cadre du partenariat avec le comité chinois pour la finance verte pour l’élaboration d’un langage commun pour la finance verte (livre blanc conjoint publié en novembre 2017).

Ensuite, d’une opinion publique manipulée par des médias et des ONG stipendiés par l’oligarchie financière. Ainsi, au fil des années, les projets de la BEI sont devenus les cibles des ONG vertes, notamment :

  • la construction de l’autoroute M10 en Russie ;
  • le pont de Gazela franchissant la Save à Belgrade, en Serbie ;
  • la reconstruction du pont de Raca reliant la Serbie à la Bosnie-Herzégovine ;
  • l’autoroute D1 en République slovaque ;
  • la centrale thermique de Sostanj en Slovénie ;
  • le barrage de Bujagili sur le Nil blanc, en Ouganda.

En 2011, le rapport de l’ONG Bankwatch, qui se vante d’être la plus grande coalition d’organisations environnementales d’Europe de l’Est et centrale et qui « surveille les institutions de crédit public responsables pour des centaines de milliards d’investissement dans le monde », accusait la BEI d’avoir une politique de prêt ayant échoué dans sa responsabilité de réduire les émissions de CO2. Tomasz Terlecki, l’ancien directeur exécutif de Bankwatch, siège aujourd’hui comme membre du conseil stratégique de la Fondation européenne du climat (ECF), le porte-avion de l’oligarchie financière et des lobbies financiers internationaux alimentant l’hystérie climatique, c’est-à-dire la mafia mondiale du climat.

Et lors d’un sommet sur le climat la même année en Afrique du Sud, l’hystérique du climat Lord Nicholas Stern, qui travaille également pour la ECF tout en recevant une subvention du milliardaire anglais Jeremy Grantham, a affirmé aux délégués que les pays riches gaspillaient leur argent et désavantageaient les énergies renouvelables en donnant des avantages fiscaux et en subventionnant l’industrie des énergies fossiles.

En 2012, pressenti par le gouvernement allemand, Werner Hoyer, un membre du parti libéral allemand FDP ainsi que de l’ultralibérale Fondation Friedrich August Von Hayek, fut nommé président de la BEI. Soucieux de la survie de l’UE, Hoyer clama initialement que la BEI disposait de ressources et se tenait prête à investir dans les infrastructures et les banques grecques, tout en appelant de ses vœux « un nouveau plan Marshall » public et privé pour relancer l’économie de ce pays.

Aujourd’hui, le site internet de la BEI martèle son engagement vert : « Le changement climatique est l’un des défis globaux les plus importants de notre époque. Une action coordonnée est essentielle pour surmonter ses effets. En tant que ‘banque du climat ’de l’UE, nous avons fait de l’action climatique une de nos priorités et nous sommes le premier prêteur multilatéral et le principal bailleur de fonds de l’action en faveur du climat dans le monde. A ce jour, nous consacrons 25 % de nos efforts à l’atténuation des effets du changement climatique et à l’adaptation à ces effets. Nous allons progressivement accroître cette part consacrée à l’action climatique et à la durabilité environnementale pour atteindre 50 % de nos actions et au-delà. Nous consacrerons, entre 2016 et 2020, 100 milliards de dollars à des programmes liés au climat afin de faire des accords ambitieux de la COP21 une réalité. »

Et la banque affirme fièrement : « La BEI figure parmi les banques multilatérales les plus vertes sur les marchés mondiaux. Ses banquiers ont inventé le marché des obligations vertes. »

En effet, en 2007, la BEI a été la première au monde à émettre une obligation labellisée « verte », baptisée obligation climatiquement responsable (Climate Awareness Bond – CAB).

Au 31 décembre 2018, la BEI demeure le principal émetteur d’obligations vertes, avec des opérations qui ont permis de lever l’équivalent de 23,5 milliards d’euros, dont 4 milliards levés en 2018. Les fonds levés sont réservés aux décaissements de prêts de la BEI pour des projets contribuant à l’action en faveur du climat dans les domaines des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

Il faut souligner ici qu’il y a une grande différence entre les obligations « vertes » d’hier et les « climate bonds » d’aujourd’hui.

Car, très souvent, ces obligations finançaient des projets portant non seulement sur la production d’énergie éolienne, hydroélectrique, solaire et géothermique, mais également sur l’efficacité énergétique, notamment le chauffage urbain, la cogénération, l’isolation des bâtiments, la réduction des pertes d’énergie lors du transport et de la distribution et le remplacement d’équipements entraînant un important gain d’efficacité énergétique. Il faut également rappeler que la Chine, grâce à l’émission d’obligations vertes, a construit des centrales à charbon ultramodernes et bien moins polluantes que toutes celles dont nous disposons en Europe.

La décision du 14 novembre

Une fois élue à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a déclaré qu’elle préciserait son projet de New Green Deal européen dans les premiers cens jours de son mandat.

Le directoire de la BEI s’est réuni une première fois, le 14 octobre, pour discuter d’un changement éventuel de sa politique de prêt, détaillé dans un texte publié en juin 2019.

Cependant, le 14 octobre, de fortes oppositions se sont fait jour, que nous avons rapportées sur ce site, venant surtout de pays estimant que la date butoir de 2020 vraiment trop rapprochée. La décision finale fut donc renvoyée au 14 novembre. Cette timide hésitation de la BEI suffit à provoquer une mobilisation écologiste et médiatique sans précédent, accusant la banque de tous les maux.

Le 25 octobre 2019, lors de la Conférence de reconstitution du Fonds vert pour le climat, Bruno Le Maire voulait aller encore plus loin : « En matière de financement, toujours au niveau européen, nous proposons que la Banque européenne d’investissement devienne une véritable Banque du climat avec la moitié de ses financements dédiés à la transition énergétique. Comment garantir que tous ces financements soient effectivement verts ? C’est un des points absolument cruciaux. Je me suis engagé de longue date pour la finance verte. Et j’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises et je le répète devant vous aujourd’hui, la finance sera verte ou elle ne le sera pas. Parce que nos compatriotes n’accepteront pas d’aller placer leurs économies dans des banques ou dans des entreprises d’investissement qui ne leur garantissent pas que leur argent va à la lutte contre le réchauffement climatique. Je ne connais pas un jeune de 20 ans qui va aller déposer son argent dans une banque qui continuerait à financer des mines de charbon. Pas un. Ils refuseront tous et ils auront raison. Simplement pour donner cette garantie-là, il faut une transparence. Il faut des règles qui soient les mêmes pour tous. »

Enfin, le 14 novembre 2019, sous ces fortes pressions mais sans aller toutefois jusqu’aux extrémités proposées par Le Maire et Macron, la BEI adopte un compromis prévoyant d’abandonner, d’ici la fin 2021, tout prêt ou investissement dans des projets énergétiques faisant appel aux combustibles fossiles, le lignite comme le charbon mais également le pétrole et le gaz.

Comparé au texte initial, le compromis comprend :

  • un report de la date butoir de « fin 2020 » à fin 2021, suite aux demandes de la Pologne, de la Roumanie et de la Hongrie qui ont fait valoir la nécessite de disposer de plus de temps. Or, ces pays essayent de sortir du charbon en passant au gaz, alors que le gaz se trouve condamné par la nouvelle politique de la BEI ;
  • la nouvelle politique autoriserait certains projets gaziers, pourvu qu’ils soient conformes à la nouvelle norme adoptée, celle d’émettre moins de 250 grammes de CO2 par kWh ;
  • la BEI financera également jusqu’à 75 % de l’investissement dans des projets nouveaux, dans des pays qui se sont engagés à réduire fortement leur dépendance au charbon ;
  • des projets de nouveaux gazoducs, répertoriés sur une liste établie par la Commission européenne, peuvent trouver financement par la BEI s’ils sont approuvés avant fin 2021.

En réalité, entre 2013 et 2017, des 2 milliards d’euros investis par la BEI dans des infrastructures gazières, le seul projet financé sur le territoire européen fut celui du TAP (Transadreatic Pipeline) qui vise, en partant de la Grèce, à acheminer du gaz en provenance d’Azerbaïdjan vers l’UE via l’Albanie et l’Italie. En 2015, la BEI a investi 1,5 milliard d’euros dans le TAP, en dépit des hurlements des écologistes dont les Amis de la Terre en France.

Puisqu’il renforce la sécurité énergétique et diversifie ses approvisionnements gaziers, ce projet a toujours été soutenu par les institutions européennes comme « un projet d’intérêt commun », faisant partie du « corridor gazier méridional ». Il n’est pas abandonné mais plus aucun nouveau projet de cette nature n’obtiendra de financements de la BEI.

En France, au lendemain de la décision calamiteuse de la BEI, l’ancienne ministre de l’Environnement Delphine Batho a immédiatement introduit un amendement à la Loi de Finances pour 2020, afin d’abandonner toute aide à des projets liés aux énergies fossiles, y compris le gaz. Jusqu’ici, seulement le charbon était remis en cause.

Comme le dit Sébastien Godinot, l’économiste du WWF en charge de la politique européenne : « Toutes les banques publiques et privées doivent maintenant donner suite et renoncer au financement du charbon, du pétrole et du gaz, afin de protéger leurs actifs et relever le défi posé par la crise climatique. »

Et sur son comte twitter, le consultant écolo berlinois Ludwig Schuster parle d’« un moment historique et un précédent pour d’autres institutions pour devenir des banques climatiques. Qui sera le prochain ? La Banque centrale européenne ? La Kreditanstalt für Wiederaufbau [équivalent allemand de la CDC en France] ? »

Le changement radical de cap de la BEI frappe en premier lieu ceux qui tentent de financer le secteur du charbon, du pétrole et du gaz. Si des prêteurs aussi institutionnels que la BEI sortent de ce secteur, les investisseurs se diront que la possibilité est forte de voir d’autres entités étatiques s’en retirer également, ou imposeront des pénalités à son encontre. Pour se couvrir contre de tels risques, les prêteurs exigeront sans doute des taux d’intérêt plus élevés des compagnies d’hydrocarbures, ce qui renchérira le coût du capital pour ces activités et rendra, en comparaison, les énergies renouvelables plus attractives.

Pour les milliardaires anglo-américains au cœur de la « finance verte », la capitulation de la BEI imposée par nos dirigeants est une sacrée victoire qui ne profitera ni à l’homme, ni à la nature.