L’Allemagne et l’Italie résistent au verdissement de la BEI

jeudi 7 novembre 2019, par Karel Vereycken

La candidate à la présidence de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, s’était engagée à présenter un « Green Deal Européen » au cours de ses 100 premiers jours d’exercice.

La liste des promesses était longue :

  • légiférer sur le fait que l’UE doit devenir neutre en carbone en 2050 ;
  • étendre le Système d’échange de quotas d’émissions de l’UE – qui couvre actuellement les secteurs de l’énergie et de l’industrie – aux transports et au logement ;
  • introduire une taxe carbone frontalière – un prélèvement basé sur l’empreinte carbone d’un produit – pour « garantir à nos entreprises d’être compétitives sur leur champs d’action » ;
  • faire passer la réduction des émissions de carbone en 2030 à 50 pourcent, voire 55 pourcent, par rapport aux 40 pourcent actuels.

Une fois élu, pour pouvoir tenir ses promesses vertes, Von der Leyen s’est fait sienne l’idée folle, évoquée depuis des années, de transformer la Banque Européenne d’Investissement (BEI), en une « Banque du climat ».

Rappelons que la BEI, dont le siège est au Luxembourg, est la plus grande banque publique au monde. Avec 61 milliards d’euros de prêt en 2011 pour 450 projets, la BEI est la première institution financière multilatérale au monde par le volume de ses prêts et de ses emprunts. Créé en 1957 lors de la signature du Traité de Rome, elle a financé d’innombrables grands projets en Europe et ailleurs. Par exemple, un barrage en Ouganda ou encore la rénovation des écluses géantes du Canal de Panama, car l’intérêt de l’UE, c’est au niveau mondiale qu’il faut le défendre.

La France est, en 2018, le 3e bénéficiaire des financements de la BEI. Elle a ainsi reçu 7,2 milliards d’euros pour financer près de 100 projets dans des secteurs aussi divers que la santé, la transition énergétique ou la sécurité, derrière l’Espagne et l’Italie (8,5 milliards d’euros chacune). Plus d’1 milliard d’euros ont été octroyés par le Fonds européen d’investissement (FEI), filiale de la BEI spécialisée dans le financement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Paris reste également le principal bénéficiaire du plan Juncker, lancé il y a trois ans pour relancer l’investissement dans les pays de l’UE, et que la BEI gère avec la Commission européenne. Près de la moitié des fonds octroyés de l’année 2018 ont ainsi été prêtés par la BEI dans ce cadre afin de financer de grands projets d’infrastructures.

Or, en la transformant de façon radicale en « Banque du climat », il s’agira d’abandonner, du jour au lendemain, tous les investissements en lien avec l’économie carbone, comme l’exigent Lord Nicholas Stern, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney ainsi que Fondation européenne du climat (European Climate Foundation), le porte-avion de la mafia climatique mondial.

L’argent ainsi « libéré », de l’ordre de 1000 milliards d’euros, sera réaffecté dans l’économie verte sur la prochaine décennie.

Sous pression du matraquage médiatique (GIEC, Greta Thunberg, Extinction Rébellion, etc.), huit pays européens ont envoyé une lettre à la nouvelle Commission européenne que préside Von der Leyen, exigeant qu’elle relève le taux de réduction d’émissions de carbone de 40 à 55% en 2030. Les signataires soulignent le besoin d’une vision à la fois de long-terme et de court-terme, affirmant que les deux cas de figure sont aussi importants l’une que l’autre pour faire avancer la transition écologique.

Or, ce qui est intéressant, c’est que l’Allemagne ne figure pas parmi les signataires de cette missive délirante adressée au Commissaire européen Frans Timmermans, en charge du Green Deal européen. « L’Union Européenne doit s’engager, avant la fin de l’année, à accroître substantiellement ses ambitions climatiques », précise la lettre, signée par les ministres de l’Environnement du Danemark, de la France, de la Lituanie, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Portugal, de l’Espagne et de la Suède.

Le Club de Rome et les ONG

A cela s’est ajouté plus de 60 ONG, dont Greenpeace, Christian Aid, Global Witness et les Polish Green Network qui ont appelé le président de la BEI, Werner Hoyer, à tenir bon et de soutenir jusqu’au bout sa folle proposition verte.

Il est vrai que dans son pré-rapport de politique de prêts énergétiques publié en juillet la BEI avait déjà annoncé de vouloir « stopper les prêts aux projets basés sur les énergies fossiles à la fin 2020 ».

Dans leur lettre, les ONG s’inquiètent que « la Commission Européenne et certains gouvernements nationaux (Allemagne, Hongrie, Pologne, Italie), menacent d’affaiblir la proposition afin de continuer à subventionner des projets à base d’énergie fossile. Nous sommes très déçus de voir que certains partenaires de la BEI – en particulier la Commission Européenne – semble avoir réussi à amoindrir la portée de la version préliminaire. En relisant le rapport préliminaire publié le 7 septembre, nous sommes très déçus de voir le nombre de failles qui pourraient permettre de continuer à financier certains projets fossiles ».

Le Club de Rome, un organisme dont les prévisions et les méthodologies sont discrédités depuis des lustres, ainsi qu’un certain nombre d’investisseurs « verts » et des chercheurs, dont l’Institut pour la Recherche sur l’Impact sur le Climat de Potsdam sous la houlette du très malthusien Professeur Hans-Joachim Shellnhuber, ont publié leur propre lettre pour faire pression sur la Banque. « Je suis très favorable aux efforts de la BEI d’aligner sa politique de prêts sur l’Accord de Paris sur le Climat et la cible de l’UE 2050. Mais je suis très déçu d’entendre certains chefs d’Etats et la Commission Européenne tenter d’affaiblir la proposition de la Banque », a précisé Sandrine Dixson-Declève, président du Club de Rome.

Le NON de la BEI

La direction de la BEI s’est finalement réunie le 15 octobre pour examiner la ratification, ou non, de cette proposition délirante.

Bill McKibben, fondateur de la campagne 350.org sur le climat, a commenté dans le Guardian peu avant le meeting : « Le quinze octobre est un jour crucial dans le combat le plus important auquel la planète a jamais fait face, ainsi qu’un indicateur pour savoir si les gouvernements de l’Europe, en particulier ceux d’Allemagne et d’Italie, dont certains connaisseurs du dossier rapportent qu’ils sont parfaitement contre une politique ‘sans carbone’, sauront répondre en ouvrant leur cœur à l’élan d’espoir que nous avons vu durant les dernières semaines ».

Cependant, le moment venu, c’est-à-dire le 15 octobre, la BEI a annoncé que la proposition n’était PAS adoptée, mais qu’une décision finale sera prise en novembre.

« L’Allemagne mine la bataille pour le Changement climatique », titrait aussitôt l’agence Bloomberg. « La BEI doit décider si elle cesse de financer les projets à énergie fossile. Le recul de Berlin sur ce point est profondément déstabilisant. »

« La nouvelle politique de prêts énergétiques est un pilier de la dynamique de la BEI pour se transformer en Banque de l’UE pour le climat. Je suis heureux de voir les progrès importants accomplis aujourd’hui et je suis confiant que nous pourrons obtenir un accord définitif en novembre », a affirmé de son coté Andrew McDowell, le vice-président de la BEI responsable pour l’énergie.