Helga Zepp-LaRouche : le secret du succès du modèle Chinois

mardi 14 janvier 2020, par Helga Zepp-LaRouche

Par Helga Zepp LaRouche

L’article de Helga Zepp-Larouche que nous présentons ici, est l’article introductif d’un rapport publié aux Etats-Unis par nos amis de l’EIR (Exective Intelligence Review) pour contrer la campagne maccarthyste qui a lieu actuellement outre-Atlantique contre la Chine, dans le but d’empoisonner les relations sino-américaines et de saboter la venue au monde d’un nouveau paradigme international de paix de coopération économique. Comme l’économiste Lyndon LaRouche l’avait noté dans une conférence internet du 10 mai 1997, seule la combinaison des Etats-Unis, de la Chine, de la Russie et de l’Inde, travaillant ensemble, aurait la force de mettre un nouveau système en place contre l’alliance de la City de Londres et de Wall Street qu’il a défini comme « la plus grande puissance financière de la planète » et le véritable « ennemi » des peuples.

Une bonne relation Etats-Unis - Chine est une nécessité stratégique.

Helga Zepp-LaRouche, lors de son intervention à la réunion des groupes de réflexion au Forum économique Euro-Asie 2019 en Chine à Xi’an, le 11 septembre 2019.
EIRNS/Pat Holzer

Plutôt que de considérer l’essor de la Chine comme une menace, nous autres occidentaux devrions reconnaître les énormes bénéfices pour l’humanité qui découlent de ce miracle économique sans précédent accompli par la Chine dans les 40 dernières années. Malheureusement la plupart des gens aux Etats-Unis et en Europe ont très peu de connaissance de la Chine et de sa culture vieille de 5 millénaires, ce qui rend facile pour les médias mainstream à vues géopolitiques et pour les représentants du lobby anti-chinois de dresser un tableau complètement déformé de ce pays.

En réalité, la Chine a ouvert un nouveau chapitre, de l’histoire universelle, en fournissant un exemple irréfutable, pour tous les pays en développement, sur la façon de surmonter la pauvreté en une période de temps relativement courte et d’atteindre un bon niveau de vie pour une part croissante de sa population. Sur les 40 dernières années, la Chine a mis en œuvre le programme de lutte contre la pauvreté le plus massif de toute l’histoire de l’humanité, sortant de la pauvreté 850 millions de ses citoyens, et contribuant à 70% de l’effort mondial de diminution de la pauvreté. Sa croissance économique moyenne de 1978 à 2018 s’établit au niveau impressionnant de 9,5% par an et même la baisse de cette année à seulement 6%, due à divers facteurs, représente encore un niveau dont les pays européens et les Etats-Unis ne peuvent que rêver.

Selon les statistiques de la Banque Mondiale, la Chine est la deuxième économie du monde, en termes de PIB, depuis 2018, mais elle est numéro un en terme de parité de pouvoir d’achat. Depuis 2015 la Chine a la classe moyenne la plus nombreuse du monde, et quant aux 4 millions de personnes environ qui se trouvent encore en situation d’extrême pauvreté, le président Xi Jinping s’est engagé personnellement à les libérer de ce fléau d’ici la fin de 2020. Ni l’Europe, avec quelques 90 millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté, ni les Etats-Unis où 40 millions sont considérés comme pauvres, n’ont un programme comparable.

Le 28 juin 2017, le train Fuxing à commencé ses activités sur la ligne à grande vitesse Beijing-Shanghai. Ici le train G155 (modèle CR400BF) entrant dans la gare de Shanghai Hongqiao.

Il est difficile de s’imaginer à quel point la Chine a été pauvre et sous-développée avant sa formidable transformation. Dans la Chine d’aujourd’hui on peut voyager sur une des lignes des 30 000 km du réseau chinois de trains à grande vitesse, parcouru par des trains qui circulent avec ponctualité et en silence à 350 km/h à travers la campagne ; on voit des gares modernes, bien organisées, avec des sols propres et revêtus de marbre ; on peut aussi visiter la région Shenzen-Guangzhou-Macao, le moteur économique de l’Initiative « Une Ceinture une Route ». Mais avant que Deng Xiaoping n’introduise la politique de réformes et d’ouverture, le peuple était très pauvre, souvent en manque de nourriture, et technologiquement en retard. Les routes étaient envahies par des centaines de vélos. Même les routes reliant beaucoup de villes n’étaient que des pistes en terre, les automobiles étaient rares, et l’agriculture n’était pas mécanisée.

Le peuple chinois avait souffert pendant plus d’un siècle d’énormes difficultés et de privations, des guerres de l’opium britanniques et de l’occupation de son territoire jusqu’à la guerre civile, et des énormes difficultés des débuts de la République Populaire de Chine jusqu’aux horreurs perpétrées par la « Bande des Quatre » pendant la Révolution Culturelle.

Deux générations de miracles économiques

Photo prise par Helga Zepp-LaRouche en Août 1971 à proximité de Shanghaï — lorsque la Révolution culturelle battait son plein — représentant le mode de transport typique à cette époque.
Helga Zepp LaRouche

Deng-Xiaoping a lancé le miracle économique avec ses réformes qui ont suivi la Révolution Culturelle, ce qui a permis à toute la population, y compris les deux générations nées après, de vivre une ascension continue, avec des parts de plus en plus grandes de la société bénéficiant de meilleurs niveaux de vie. Un tendance ascendante comparable a eu lieu en Allemagne pendant la reconstruction d’après guerre, à l’époque du miracle économique allemand des années 1950 et 1960. Mais ensuite cela s’est arrêté du fait d’une série de facteurs, tels que l’émergence du mouvement Vert anti-technologie. La direction opposée a été prise, vers la désindustrialisation qui menace aujourd’hui l’Allemagne. En Chine, au contraire, l’amélioration du niveau de vie, le progrès social, et le respect croissant pour le pays, en particulier dans les pays en développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine, ont engendré un optimisme culturel fondamental. On a vu le même genre de processus aux Etats-Unis d’Amérique entre le New Deal de Franklin Roosevelt et jusqu’à l’assassinat de John F. Kennedy, et il s’est prolongé jusqu’à l’arrêt du programme Apollo.

Pendant ce temps la Chine faisait face à une série de problèmes. Deng Xiaoping décrit comment, dans les premières étapes de ses réformes, le monde était encore dominé par la vision des puissances coloniales qui essayaient d’empêcher le développement de la Chine et des autres pays en développement. Alors, la Chine a dû accepter au début les investissements étrangers dans les secteurs de production bon marché, dans les zones économiques spéciales de la côte, ce qui a du moins apporté un peu de capital dans le pays. La Chine était d’une certaine façon la cible principale de la dérégulation et de la monétarisation du système économique transatlantique, qui délocalisait ses capacités productives, antérieurement localisées aux Etats-Unis et en Europe occidentale, vers la Chine et les autres pays en développement. Cela était motivé par la soif de profit de la City de Londres, de Wall Street, et de compagnies comme Walmart, Kmart et Target. La Chine a dû en payer le prix sous la forme d’énormes problèmes environnementaux tels que la contamination des nappes phréatiques et la pollution de l’air, qui font maintenant l’objet de grands efforts gouvernementaux pour essayer d’y remédier.

En même temps, Deng a cherché à accéder au capital international et aux technologies avancées de l’étranger, en invitant des scientifiques étrangers et en envoyant des étudiants chinois faire leurs études à l’étranger. Mais, étant donné l’attitude occidentale, qui refusait systématiquement les technologies réellement avancées avec l’argument de « l’usage dual », et aussi l’attitude de plus en plus hostile de l’Union Soviétique depuis l’ère de Krouchtchev, Deng insistait sur la nécessité pour la Chine de compter d’abord sur ses propres forces. C’est une chose que peu d’occidentaux comprennent : la formidable volonté de développement de la population chinoise, ainsi que les vertus qui caractérisaient l’Allemagne : application, fiabilité, sens de la motivation, efficience et créativité, sans les quelles la Chine n’aurait jamais été capable d’accomplir ce miracle économique, sans précédent dans l’histoire par son étendue et sa vision.

De nombreux think-tanks, les médias mainstream et des hommes politiques essayent de noircir l’image de la Chine, en prétendant que son succès n’est dû qu’au vol de la propriété intellectuelle occidentale. Certes, on ne peut pas exclure qu’avec une population frisant les 1,4 milliards d’habitants, il y ait eu de l’espionnage industriel, comme cela est le cas dans chaque nation industrialisée du monde. Le gouvernement américain lui-même a souvent encouragé une telle piraterie. Dans son « Rapport sur les Manufactures » de 1791, Alexander Hamilton appelait le pays à récompenser ceux qui rapportaient d’ailleurs des « améliorations et des secrets de valeur extraordinaire ». Parce qu’il savait que l’exportation de machines dans la plupart des pays était interdite sous peine de pénalités sévères, il considérait le soutien par l’Etat à la contrebande de technologies comme un moyen légitime pour construire l’économie américaine.

Plusieurs millénaires d’innovation en Chine

Mais comment se fait-il que la Chine soit devenue le leader mondial dans certains domaines – par exemple qu’elle ait construit le plus grand et le meilleur réseau au monde de chemins de fer à grande vitesse, qui atteint actuellement 30 000 km, ou qu’elle soit le seul pays à avoir réussi à se poser sur la face cachée de la lune ? Sur qui aurait-elle pu copier cela ?

Un autre angle d’attaque contre la Chine est l’accusation selon laquelle le Système de Crédit Social est la preuve que la Chine serait devenue un état policier, comme si Edward Snowden n’avait jamais existé. Les représentants des milieux du renseignement et les médias qui lancent ces accusations projettent manifestement sur la Chine ce qu’ils savent des systèmes de surveillance des pays occidentaux. Bien que l’utilisation de l’intelligence artificielle – y compris la reconnaissance faciale et la numérisation des fichiers des données personnelles – y est plus avancée qu’aux Etats-Unis et en Europe, de telles accusations oublient que la Chine a un système social très différent, en particulier une méritocratie qui s’est développée sur plus de deux millénaires, basée sur la tradition confucéenne, à partir du système des examens depuis la dynastie des Han (206 av. JC- 220 ap. JC).

Une des différences fondamentales entre la culture de la Chine, mais aussi de l’Asie toute entière, et celle de l’occident, est la priorité accordée depuis des milliers d’années au bien commun,sur les droits sans restriction de l’individu. Cela repose sur la conviction que l’individu et la famille ne peuvent bien se porter que si l’Etat dans son ensemble se porte bien. L’importance dominante de l’individualité, telle qu’elle est développée de façon positive par la Renaissance et l’humanisme européen, mais de façon négative par l’idéologie du libéralisme extrême (« tout est permis »), est beaucoup moins importante en Chine. Cette différence culturelle historique, enracinée profondément dans la tradition asiatique, explique pourquoi l’idée que la Chine adopterait automatiquement le système de démocratie occidentale après avoir rejoint l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) était une illusion depuis le début.

De plus, beaucoup de Chinois voient le Système Social de Crédit de façon positive, parce que c’est conforme à leur conviction qu’il faut récompenser ceux qui contribuent au bien commun, et qu’il faut refuser l’accès dans le train à ceux qui sèment le désordre. Cette vision est complètement contraire à la tendance libérale qui règne ici en Europe et aux Etats-Unis, où la légalisation de la drogue, de la pornographie et de la perversité sexuelle est considérée comme une question de « droits humains ».

Il faut rassurer ceux qui regardent le système chinois comme le grand défi pour le « système de valeurs » de l’occident : grâce à l’idéologie verte dans certains pays et la culture du divertissement décadent et la baisse de l’espérance de vie dans d’autres, l’Occident a, de lui même, fait le travail de sape sur ses fondements et ses propres valeurs !

La propagande anti-chinoise n’est en aucune façon nouvelle ; elle vient du ressentiment entretenu consciemment par les puissances coloniales européennes. L’expression péjorative, « le péril jaune » , est apparu au tournant du XXème siècle dans toutes sortes de livres, romans et caricatures. Elle a alimenté de façon insidieuse les peurs envers les peuples asiatiques, parce que les géopoliticiens de l’Empire Britannique craignaient que leur pouvoir sur le monde soit brisé par le développement de l’Asie orientale. Ce type de pensée est diffusée par Samuel Huntington dans son Choc des Civilisations, un livre imprégné d’ignorance, ou plus récemment par l’ancien directeur de la planification politique au Département d’Etat, Kiron Skinner, qui a déclaré avec des propos racistes que les Etats-Unis sont confrontés pour la première fois à une super-puissance concurrente qui n’est pas « Caucasienne ».

La vraie histoire de la Chine moderne

Ces dernières années, de plus en plus de gens aux Etats-Unis et en Europe ont développé une méfiance salutaire envers les médias mainstream et les « fake news » qu’ils diffusent. Il serait judicieux d’exercer la même circonspection à l’égard de la couverture de ce qui se passe en Chine et de se former sa propre opinion. A cet effet on peut recommander de lire les discours de Xi Jinping qui ont été traduits dans plusieurs langues et publiés en deux volumes intitulés La Gouvernance de la Chine. Ils donnent au lecteur une impression de la profondeur philosophique et de la largeur du spectre politique du président chinois et de sa connaissance de l’histoire de la Chine et des cultures étrangères. Il devient alors clair qu’il est soucieux du redressement de la Chine, non pas au détriment des autres nations, mais qu’il cherche un véritable nouveau paradigme de coexistence, à savoir une « communauté partagée de destinée commune de l’humanité ».

Si l’on considère Xi Jinping du point de vue moral de Benjamin Franklin, des autres pères fondateurs des Etats-Unis, ou de l’humanisme européen, on trouvera que son orientation politique est très louable ; mais du point de vue de Hobbes, de Locke ou des Rolling Stones, on ne verra que la suppression du droit individuel à faire ce que l’on veut. En Occident, ce n’est pas l’habitude des leaders politiques de se soucier de l’éducation morale et culturelle de la population. Mais c’est exactement ce que fait Xi Jinping, quand par exemple il promeut une renaissance du Confucianisme à tous les niveaux de la société.

Dans une discussion avec des professeurs de l’Académie Chinoise des Beaux-Arts, Xi a insisté sur l’extraordinaire importance de l’éducation esthétique de la jeunesse chinoise, parce que c’est la précondition pour le développement d’un bel esprit et pour la création de nouveaux chefs d’œuvre. Il insiste sur le rôle de la littérature et des beaux-arts pour sensibiliser les gens à la notion du « vrai, du beau, et du bien » et pour les disposer à rejeter ce qui est « faux, mauvais et laid ». Sans cette éducation esthétique et morale, dit-il, même ceux qui autrement sont forts pourraient finir du côté des mauvais penchants et du vice.

Cela bien entendu va complètement à l’encontre de la tendance actuelle aux Etat-Unis et en Europe. Au lieu de présenter la Chine comme une grande menace, ce qu’elle n’est pas, nous devrions plutôt nous demander si cette orientation propre au Confucianisme vers l’amélioration morale de la société a quelque chose à voir avec l’extraordinaire succès du modèle chinois. On ne doit pas dire que tout est parfait en Chine, ou que l’Occident doit adopter ce modèle, mais pour juger la qualité d’une société il faut regarder dans quelle direction elle se développe. Et depuis les dernières quatre dernières décennies c’est vers le haut. En conséquence, la majorité de la population est optimiste à propos du futur.

Celui qui se sera libéré des préjugés et de l’ignorance à propos de la Chine, et qui sera devenu curieux de la connaître et de comprendre sa culture, arrivera probablement au même point de vue que le grand philosophe allemand Gottfried Wilhelm Leibniz. Celui-ci reconnaissait l’énorme potentiel de coopération avec cette culture, au point de penser que si les deux cultures les plus développées de l’époque, l’Europe et la Chine, joignaient leurs efforts, elles pourraient élever toutes les nations intermédiaires à un plus haut niveau de développement.

La même idée s’applique aujourd’hui aux Etats-Unis et à la Chine : si les deux plus grandes économies du monde travaillaient ensemble pour vaincre la pauvreté dans le monde, et pour développer les nouvelles technologies avancées telles que la fusion nucléaire et la coopération spatiale, alors toute l’humanité en bénéficierait dans le futur.