La commémoration du « Jour de l’Elbe », une occasion pour rétablir la paix mondiale

jeudi 30 janvier 2020, par Karel Vereycken

East meets West. Il faut retrouver l’esprit de la « rencontre de l’Elbe », d’avril 1945, lorsque militaires américains et russes s’engagèrent ensemble à tout faire pour que ne plus jamais l’humanité risque son anéantissement lors d’une guerre mondiale.

Le destin des nations dépend parfois de la capacité de leurs dirigeants à transformer en évènement historique ce qui peut passer pour une anecdote.

Avec en arrière-plan la menace d’un effondrement imminent d’un système financier rongé par une dette abyssale et une spéculation folle, aujourd’hui les points de tensions ne cessent de se multiplier.

C’est pourquoi, le 3 janvier, suite à l’assassinat du général iranien Souleimani par les Etats-Unis, la présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, a lancé un appel à une rencontre immédiate au sommet entre grandes puissances, en premier lieu la Russie, la Chine et les Etats-Unis.

Dans les pas du président Franklin Roosevelt, lorsqu’il préconisa la création de l’ONU pour empêcher une « troisième guerre mondiale », il s’agit aujourd’hui d’élaborer une « nouvelle architecture de sécurité internationale », permettant, sur la base d’une volonté commune de reconstruire l’économie mondiale, de créer un cadre apaisé de développement mutuel, offrant autant que possible un socle à la paix mondiale et des solutions aux conflits régionaux.

La réponse de Poutine soutenue par la Chine et la France

De son côté, saisissant la balle au bond, lors de son discours annuel devant l’Assemblée fédérale de Russie, le 15 janvier, le président de la Fédération russe, Vladimir Poutine, a appelé les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, c’est-à-dire les cinq puissances disposant d’armes nucléaires, à travailler ensemble sur une approche commune afin d’empêcher une nouvelle guerre mondiale, car ils ont « une responsabilité particulière pour assurer le développement durable de l’humanité ».

Enfin, le 23 janvier, lors de son intervention en Israël, à l’occasion de la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, Poutine a précisé sa démarche : « Je considère que la tenue d’un tel sommet en 2020 serait importante et symbolique, étant donné que nous célébrons les 75 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la fondation de l’ONU (…) Un sommet des pays qui ont fait le plus pour défaire l’agresseur [nazi] et créer l’ordre mondial d’après-guerre, jouerait un grand rôle pour chercher des réponses communes aux défis et crises contemporaines. »

Si, à ce jour, la Chine et la France se sont déclarées favorables à l’initiative russe, les dates retenues pour une telle rencontre, qui pourrait, selon certains, se tenir en septembre lors de l’Assemblée générale des Nations unies, ne semblent pas du tout en adéquation avec l’imminence de la menace. D’ici là, en effet, avec les équipes aux commandes de la machine militaire américaine dans l’entourage de Donald Trump, bien des provocations et des crises pourraient pousser le monde au bord du gouffre ou créer le contexte où une simple erreur pourrait conduire à l’irrémédiable.

Le serment de l’Elbe

Fraternisation entre Américains et Russes au bord de l’Elbe en 1945.

Plus proche de nous, la date du 25 avril, le « Jour de l’Elbe ». Dès le 29 octobre 2019, dans une lettre ouverte publié dans le Washington Times, au nom des organisateurs de cette commémoration, l’américain Edward Lozansky, président de l’Université américaine à Moscou, et Yevgeny Vandalkovsky, directeur du Musée d’art moderne de Moscou, avaient invité Donald Trump et Vladimir Poutine à les rejoindre pour le 75e anniversaire de cette rencontre historique entre militaires russes et américains à Torgau, la ville allemande sur l’Elbe où s’est faite, le 25 avril 1945, la jonction entre troupes russes et américaines. En coupant en deux l’armée allemande, cette jonction avait alors sonné le glas du régime nazi.

Le premier contact entre forces russes et américaines s’était établi près de Strehla, après qu’un soldat américain d’origine russe, le premier lieutenant Albert Kotzebue (26 ans), eut traversé l’Elbe en bateau avec trois compatriotes. Sur la rive orientale du fleuve, ils avaient été chaleureusement accueillis par des vétérans russes de la bataille de Stalingrad, sous le commandement du lieutenant colonel Alexander Gardiev. « On parlait des langues différentes, mais nos sentiments étaient les mêmes », se souvient un participant. En cette occasion, lui et ses collègues avaient formulé leur « serment de l’Elbe », s’engageant à empêcher qu’un conflit aussi horrible se reproduise.

Ayant aussitôt informé ses supérieurs, Kotzebue leur demanda d’organiser une rencontre plus formelle. Trois heures plus tard, une autre délégation, sous la direction de second lieutenant américain William Robertson, rencontre alors le lieutenant russe Alexander Silvashko sur le pont endommagé sur l’Elbe, à Torgau. Le lendemain, 26 avril, une cérémonie plus officielle est organisée. Et le 27 avril, les photographes immortaliseront la poignée de main historique entre Robertson et Silvashko. (voir photo en tête d’article)

Joseph Polowsky, un autre participant, nota dans son journal que « lors de ce moment historique, tous les soldats présents, américains et russes, jurèrent solennellement qu’ils feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher que de tels événements se reproduisent dans le monde. On s’est engagés à garantir que le monde puisse vivre en paix, c’était notre serment de l’Elbe ».

Si la participation de Trump et de Poutine à une telle commémoration sera déjà une excellente nouvelle, concluent les organisateurs de cette commémoration dans leur lettre ouverte aux deux dirigeants, « en même temps, cet évènement pourrait être une grande occasion pour chacun d’entre vous de vous engager dans un dialogue, face aux tensions sans précédent qui menacent la sécurité de nos deux pays et celle du monde ».

« Aujourd’hui, concluent Lozansky et Vandalkovsky, retrouver la joie qui avait émané de cette camaraderie entre l’Est et l’Ouest est plus que jamais nécessaire. »