Chronique stratégique du 26 mai 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Triple défaite
La faillite autant morale que financière du néolibéralisme occidental se tient devant nous, tel l’éléphant au milieu de la pièce. Il ne lui reste guère que le masque de l’arrogance des « élites » – et l’emploi de la force, son corollaire – pour se cacher. Les fortes tensions actuelles entre les États-Unis et la Chine n’ont pas d’autre raison d’être : une puissance sur la pente descendante façonnant une image d’ennemi de l’autre puissance, elle sur la pente ascendante, et désignée responsable de tous ses maux. Cette situation s’aggrave de jour en jour, au fur et à mesure des provocations et accusations hystériques du secrétaire d’État américain Mike Pompeo, inspirées par les services de renseignements anglo-américains, et malheureusement colportées par un Donald Trump en pleins errements électoraux.
D’un point de vue français, l’échec patent du gouvernement Macron-Philippe dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus a acté une triple défaite : celle de la mondialisation financière et du sentiment de supériorité occidentale ; celle du système pyramidal français, et de l’oligarchie des pantoufleurs qui en est à la tête ; et enfin celle de la « start-up nation », parangon d’une société sans cols bleus livrée à un « managériat » sans scrupules.
Et puisque la nature a horreur du vide, tout le monde s’engouffre aujourd’hui dans le débat sur le « monde d’après », quitte à retourner sa veste, à chérir ce que l’on conspuait hier, et à préparer de nouveaux lendemains qui déchantent. Notre défi est donc d’organiser un mouvement de citoyen autour d’un véritable plan de refondation du système économique, au niveau national comme international.
Retour aux sources
Le pessimisme et de la médiocrité qui règnent aujourd’hui créent une telle inertie sociale qu’il est vital de nous remémorer le meilleur de notre histoire, non pour y trouver des recettes toutes faites, mais pour y puiser à la source l’esprit créateur qui a animé le fondement et le développement des nations. C’est dans cet esprit que la présidente internationale de l’Institut Schiller Helga Zepp-LaRouche a publié un appel adressé aux citoyens américains, les encourageant à ramener les États-Unis à « la meilleure tradition de leur histoire ». Le préambule de la Constitution, qui défend le bien-être général, pour la génération actuelle comme pour les générations futures, constitue « un rejet implicite de la loi de l’actionnaire [’shareholder value’] et du libre-échange débridé de la mondialisation, promus à l’époque et encore aujourd’hui par l’Empire britannique, qui a non seulement a creusé le fossé aux États-Unis même entre une caste de milliardaires de plus en plus riches et le nombre croissant de pauvres, mais est également responsable du sous-développement catastrophique dans les pays dits en développement ».
Paradoxalement, la pandémie de coronavirus a créé les conditions dans lesquelles il devient possible de réveiller l’identité productive des Américains et des Européens. Ces dernières semaines, en dépit de l’absence d’un véritable État, nous en avons vu les frémissements, avec des centaines d’initiatives créatrices, avec la fabrication, par des particuliers ou par des PME, de masques, de visières et autres matériels de protection pour les personnels soignants. Aux États-Unis, les employés qualifiés du secteur des machines-outils et des départements de R&D de Ford, Chrysler et General Motors se sont mis au travail pour trouver comment fabriquer les ventilateurs, comment réutiliser les matériaux utilisés pour les sièges de voiture afin de fabriquer des équipements de protection pour le personnel médical, etc. L’équipe Ford ayant travaillé sur les ventilateurs a décidé de baptiser son projet « Apollo 13 », en référence, bien sûr, à l’incroyable effort des ingénieurs de la NASA, en 1970, pour ramener sur terre le vaisseau spatial en détresse avec simplement le matériel qu’ils avaient à bord. Essentiel dans un pays où il ne reste que 15 % d’emplois productifs...
Une économie dirigée ? Le débat est ouvert
Alors que l’ensemble de l’échafaudage idéologique de la mondialisation tremble sur ses bases, les classes dirigeantes elles-mêmes sont obligés de s’adapter, du moins en paroles. Voici donc que Gérald Darmanin, se rappelant subitement de son passé de « gaulliste social » engagé auprès de Philippe Séguin, a expliqué au JDD : « Il est temps de ressusciter la grande idée gaulliste de la participation : les salariés deviennent actionnaires de leur entreprise, ils perçoivent leur part sur les bénéfices qu’elle réalise et ils augmentent leur pouvoir d’achat, en plus de leurs salaires, par l’intéressement. (…) Dans un monde en crise, le partage des richesses est un enjeu essentiel. L’association capital-travail est une solution pour répondre à la lutte des classes sociales que l’on voit ressurgir ». Chiche.
De son côté, le magazine Marianne publie un dossier réunissant diverses propositions pour « reprendre le contrôle », parmi lesquelles le rétablissement d’une « planification » – idée que S&P et Jacques Cheminade défendent depuis plus de trente ans, soit dit en passant. Il est rappelé qu’en mars1946, le Plan avait prévu des investissements de reconstruction et de modernisation à plus de trois fois le total du revenu national de 1945 ! Loin donc de la mentalité « faut pas vivre au-dessus de ses moyens » qui a dominé jusqu’à aujourd’hui. Un enthousiasme que le journaliste ne tarde pas à rapetisser, en invoquant la proposition des économistes Michel Lepetit et Gaël Giraud en faveur d’une rénovation thermique des bâtiments publics (écoles, lycées, bureaux de poste, etc). Ce qui impliquerait 36 milliards d’euros investis sur trois ans, avec 540 000 emplois créés. Autant affronter une tempête avec une barque !
L’on pourrait créer mille épicycles pour tenter de réajuster le système par rapport à la réalité. Mais jamais l’on ne résoudra le problème sans changer la géométrie néolibérale et sans jeter ses postulats monétaristes à la poubelle. Rappelons que ceux qui ont reconstruit la France en 1945 ne se sont basés ni sur l’épargne ni sur la rente, qui étaient au plus bas à l’époque, mais sur l’organisation d’une économie dirigée, en commençant par s’assurer que le robinet du crédit et de la monnaie ne soit pas entre les mains d’une oligarchie mais de l’État et du peuple.
Ce qui implique de changer l’ensemble du système, non de réarranger les choses au dedans. En 1945, à la différence de 1918, sous l’impulsion de Charles de Gaulle et du Conseil national de la Résistance, l’on avait refondé le système, et pas seulement reconstruit ce qui avait été détruit. C’est cela qu’il nous faut aujourd’hui, en misant sur l’esprit de pionniers, d’explorateurs et de bâtisseurs, qui fait l’âme de notre pays, et qui dès les années 1950 nous fit concevoir la « Caravelle », l’ancêtre du Concorde supersonique, qui s’inscrivait dans la continuité des explorateurs des mers du 16e siècle.
Cet esprit, que l’oligarchie financière pensait avoir définitivement brisé dans les années 1960-1970, suite à l’assassinat de John F. Kennedy et au virage de la dérégulation néolibérale, nous devons le nourrir et l’organiser pour en faire un combat politique.
- La feuille de route de S&P : Soyons résolus de ne plus servir l’oligarchie – Réparation, Reconstruction, Refondation
- Jeudi 28 mai, à 19h : visio-conférence avec Jacques Cheminade, où il apportera sa vision sur « le monde d’après » pour en faire un vrai projet de changement dont la France doit être le catalyseur.