La Russie espère rouvrir un dialogue avec les Etats-Unis

vendredi 9 avril 2021, par Tribune Libre

Intervention de M. Alexey Boguslavskiy, premier secrétaire de la mission permanente de la Fédération de Russe auprès des Nations unies à New York, lors de la visioconférence de l’Institut Schiller des 20 et 21 mars 2020 sur le thème : « Deux mois après l’investiture de Biden, le monde à la croisée du chemin. »

Pour voir le programme complet et accéder aux liens vers les différents discours, cliquez ICI.

La Russie espère rouvrir un dialogue avec les Etats-Unis

Alexey Boguslavskiy,
premier secrétaire de la mission permanente de la Fédération de Russie auprès des Nations unies à New York.

Alexey Boguslavskiy, premier secrétaire de la mission permanente de la Fédération de Russie auprès des Nations unies à New York.

Le 20 mars 2021 — Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de participer à cette conférence de l’Institut Schiller.

Pour commencer, je voudrais faire quelques commentaires sur le sujet même de la conférence : les deux premiers mois de la politique de l’administration Biden. Je pense qu’il est difficile, du moins à l’heure actuelle, de tirer des conclusions sur cette période.

En politique étrangère, et même en politique intérieure, ce qui se passe actuellement n’est une surprise pour personne. En général, le président Biden a commencé par tenir ses promesses de campagne. Les États-Unis sont revenus à l’accord de Paris sur le climat, ils ont pris des mesures plutôt prudentes en direction de l’Iran.

Toutefois, il est probablement trop tôt pour parler de perspectives d’un retour rapide des États-Unis à l’accord nucléaire [avec l’Iran]. Quant à la Syrie, au Moyen-Orient et à la Corée du Nord, je pense qu’on n’en connaît pas encore grand-chose.

La Russie est prête à entamer un dialogue constructif avec les États-Unis.

Malheureusement, ce qui reste constant pour l’instant, c’est une rhétorique plutôt inamicale envers la Russie. Nous avons tous entendu ce que le président américain a dit du président russe cette semaine [quand on lui a demandé si Poutine était « un tueur », ndt].

Je pense que du point de vue des normes de l’éthique politique, cela dépasse le raisonnable. En même temps, les dirigeants russes ne ressentent pas d’émotions aussi profondes à l’égard des États-Unis. Nous sommes prêts pour un dialogue constructif, là où c’est possible, et je voudrais souligner, là où c’est nécessaire. C’est pourquoi nous accordons la priorité à notre coopération au sein des Nations unies.

En ce qui concerne la routine quotidienne du Conseil de sécurité des Nations unies, je peux dire que rien n’a changé, concrètement, au cours des deux derniers mois - enfin, sauf pour le représentant permanent américain auprès des Nations unies.

En général, il faut dire qu’ici à l’ONU, sur la plupart des questions politiques, nous pouvons parvenir à un consensus. Certes, il y a plusieurs questions qui nous divisent. Elles sont bien connues du monde entier, mais il ne s’agit que d’une infime partie des questions qui sont discutées ici aux Nations unies.

En général, ces derniers temps, de nombreux experts ou analystes politiques aiment parler de fissures dans le multilatéralisme. À notre avis, il est trop tôt pour s’inquiéter, puisque ce multilatéralisme n’en est qu’à ses débuts. Nous n’en sommes qu’aux premiers stades de sa création.

Il faudra peut-être des années, voire des décennies, pour que le véritable multilatéralisme s’impose sur notre planète. De nouveaux centres de pouvoir, politiques et économiques, ne font que gagner leur voix indépendante. Les Nations unies sont au centre de ces efforts.

Bien sûr, les principes qui figurent dans la Charte fondatrice des Nations unies semblent encore plus pertinents par rapport à l’époque où elle a été écrite, il y a 75 ans :

  • non-ingérence dans les affaires intérieures ;
  • règlement pacifique des différends ;
  • respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Personne ne peut abandonner ces principes. Et il n’y a pas d’alternative à l’ONU elle-même. Il n’existe aucune autre plateforme mondiale et universelle de ce type, où les questions de guerre et de paix, de développement économique et social, de protection des droits de l’homme et de nombreux autres sujets importants pour tous les pays du monde ont été discutés.

Les problèmes mondiaux que l’ONU traite quotidiennement, comme le terrorisme international, le trafic de drogue, la cybercriminalité, le changement climatique, ont été complétés cette année par cette nouvelle et dangereuse propagation de la pandémie de coronavirus.

Il faut reconnaître qu’elle a pris tout le monde de court, tant les Etats que les structures et organisations internationales. Mais malgré toutes les difficultés, la principale structure internationale semble avoir passé avec succès ce test de résistance.

Bien sûr, l’ONU n’est pas parfaite, mais c’est parce que le monde lui-même n’est pas parfait. Il devient de plus en plus difficile de répondre à des problèmes mondiaux qui se diversifient d’année en année. D’autant plus lorsque certains acteurs internationaux continuent à revendiquer leur domination ou à prétendre que leurs valeurs sont universelles.

Malheureusement, certains pays, et des pays assez puissants, tentent de remplacer notre coopération dans l’organisation mondiale, en introduisant des concepts tels qu’un « ordre mondial fondé sur des règles ».

Cela crée des coalitions d’intérêts à la place d’une coopération internationale réelle et authentique, et ce n’est pas bon. Le monde en a assez des lignes de démarcation, des divisions entre « amis » et « ennemis ». Face à la pandémie qui frappe notre planète, les gens réclament une assistance mutuelle et une coopération globales accrues.