ENTRETIEN - François Asselineau : « j’ai l’esprit bâtisseur »

jeudi 17 juin 2021

Cet entretien est tiré du mensuel Nouvelle Solidarité N° 6, Juin 2021. Merci de vous abonner !

Nous publions cet entretien (paru dans notre mensuel Nouvelle Solidarité N° 6 - Juin 2021) avec François Asselineau pour permettre à nos lecteurs de juger « sur pièces » le combat d’un homme et de son mouvement.

Une certaine idée de la France dépasse en effet les considérations électoralistes.

Après qu’il ait invité Jacques Cheminade sur son média (ici sur Youtube), nous lui donnons ici la parole.

ENTRETIEN :
François Asselineau : « j’ai l’esprit bâtisseur »

Nouvelle Solidarité : nous avons combattu la dérive européenne dès 1973, lors du tournant de la rigueur, et fait campagne contre l’Acte unique dès février 1986. Vous êtes, vous, l’homme politique français qui a le premier défendu le Frexit et prononcé le mot. Quelles leçons tirez-vous de votre combat politique et des attaques menées contre vous ?

François Asselineau : En préambule, permettez-moi de saluer votre engagement et le travail précurseur mené par Jacques Cheminade en des temps où la critique de la prétendue « construction » européenne était encore plus marginalisée qu’elle ne l’est désormais.

Je suis convaincu que nous partageons le même combat, qui est le combat éternel pour la souveraineté et l’indépendance de la France. Plusieurs fois dans le passé, notre pays a basculé sous la coupe de puissances étrangères ou d’empires, hélas aidés dans chacune de leurs entreprises d’asservissement par une grande partie des dirigeants français alors en place.

Heureusement, l’histoire nous enseigne que ce sont toujours ceux qui ont foi dans la France qui finissent par l’emporter, même si c’est au terme d’une longue lutte, dans des conditions de faiblesse et de précarité immenses, et après avoir subi toutes sortes d’attaques qui font partie de ce que la vie politique compte de plus vil.

J’imagine volontiers le désarroi de mes adversaires, de mes imitateurs politiques et des médias qui les soutiennent pour me masquer, lorsqu’ils sont forcés de constater que, malgré les obstacles immenses dressés sur mon chemin depuis 14 ans, je suis toujours là. La leçon que je tire de tout ceci est qu’il ne faut jamais abandonner, ni désespérer.
 
Qu’est-ce que la France, pour vous ? La République a-t-elle des sources chrétiennes ? Doit-on, comme par exemple Eric Zemmour, tout assumer en bloc de notre histoire ?

Avant d’être reprise par M. Zemmour, cette idée de l’existence d’une histoire qui, malgré ses hauts et ses bas, a un sens qui a permis à la France d’être la France, a été dégagée par Napoléon, dont nous venons de commémorer le dernier bicentenaire, par cette célèbre sentence « De Clovis au Comité de salut public, j’assume tout ».

Nous pouvons convenir du fait que la France est un étonnant assemblage.

Notre culture politique est marquée à la fois par la tradition judéo-chrétienne et l’universalisme des Lumières. Il n’est pas possible pour un État de tronçonner son héritage historique : l’histoire doit être prise comme un tout global qui s’impose à nous. Ce qui est important, c’est de la connaître, et tout spécialement de connaître les périodes de grands désastres et leurs causes, ainsi que les périodes brillantes.

Surtout, par rapport au monde anglo-saxon qui, avec ses qualités certaines mais aussi ses indéniables défauts, s’est arrogé la primauté de la représentation de l’Occident dans le monde et porte l’idée d’un choc des civilisations, la France représente un autre Occident.

La France est ainsi un pays de modération et de diversité, caractérisé par sa douceur de vivre, un climat tempéré et sans extrêmes, qui rejaillit sur le tempérament pondéré de sa population. La France se distingue aussi par l’étonnante synthèse des influences variées qui, au cours des siècles, s’y sont croisées et par une position traditionnelle d’équilibre dans le concert international. La France se situe en effet au carrefour des mondes germanique, britannique, hispanique et méditerranéen. Son histoire coloniale est aussi à l’origine d’apports de populations d’origine plus lointaine. La France peut ainsi porter une voix propre et singulière dans le monde et représenter un grand pôle d’équilibre, ce qu’avait bien compris le Général de Gaulle.

Or, j’observe aujourd’hui qu’aucune leçon n’est tirée des grands drames de notre histoire nationale et que les grands moments de l’histoire de France sont jetés aux oubliettes des programmes scolaires et parfois aussi des commémorations officielles. Les dirigeants actuels ne savent plus que se complaire, de façon morbide, dans la haine de la France et dans le culte des quelques pages sombres de notre histoire, qui certes existent mais que l’on trouve dans l’histoire de tous les pays du monde ayant, à notre instar, 1500 ans d’âge.

Nos prétendues « élites » ont oublié que le miracle de la France a résidé historiquement dans sa capacité à créer un peuple à partir de populations d’origines diverses, sous la houlette de l’État – qu’il s’agisse de régimes monarchiques ou républicains – et, jusqu’au début du XXe siècle, de l’Église catholique. La conséquence actuelle de cette construction historique est que la France a besoin d’un État fort, qui préserve l’unité du pays et le fasse avancer de façon égale pour tous ses habitants et pour tous ses territoires. Renforcer l’autorité de l’État et son indépendance de toutes les puissances – d’argent ou étrangère –, renforce la France. Affaiblir l’État et le mettre à la discrétion d’intérêts particuliers ou étrangers, affaiblit la France.

Aujourd’hui, notre pays se trouve dans un péril mortel parce que la « construction européenne » affaiblit et ridiculise l’État, abaisse notre prestige international, et excite les tendances centrifuges qui menacent l’unité nationale, comme les séparatismes régionaux par le biais de la politique d’« Europe des régions ».
 
Pensez-vous qu’une candidature présidentielle d’union souverainiste, se battant réellement pour rétablir notre souveraineté nationale dans tous les domaines politiques, économiques et culturels fondamentaux, soit encore possible et souhaitable ?

Une candidature unique de large rassemblement pour la souveraineté et l’indépendance de la France, reposant sur la sortie de l’Union européenne, de l’euro et de l’OTAN, est à la fois possible et souhaitable.

Susciter une telle candidature est le sens même du combat de l’Union populaire républicaine (UPR), que j’ai créée pour susciter un rassemblement – une Union – des Français de tous les horizons sur le plus grand dénominateur commun que doit être la souveraineté nationale.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes tenus autant que possible à une ligne politique rassembleuse, mettant volontairement et provisoirement de côté les clivages traditionnels de la société française. À cette fin, l’UPR s’attache à être un mouvement pondéré, fiable, sérieux, toujours soucieux du respect du droit, qui ne change pas dans ses analyses et qui se situe à l’opposé de tout extrémisme. 

Du reste, je m’emploie depuis plusieurs mois à faire apparaître des convergences.
Nous avons organisé par exemple un grand rassemblement, unique en son genre, le 31 janvier 2020 à Paris, avec les forces politiques qui se réjouissaient du Brexit. Jacques Cheminade nous y avait fait le plaisir de sa présence, parmi d’autres personnalités. Je reçois également régulièrement des personnalités politiques ou des intellectuels sur UPR-TV, notre chaîne YouTube, également diffusée sur Facebook, qui compte 190 000 abonnés. J’essaye d’y faire apparaître des similarités de vues, entre et avec les personnalités que je reçois, sur les enjeux clés de notre époque pour la France.
 
Dans le cas où un candidat d’union s’imposerait dans la dynamique de l’élection présidentielle, seriez-vous prêt à le soutenir ?

Oui, bien sûr.

Cependant, la question qui est posée n’est pas celle d’une guerre d’ego, mais celle de la clarté du programme politique. Je me bats depuis 14 ans pour le Frexit, dont vous avez bien voulu rappeler que j’ai été le premier à le proposer.

J’observe d’ailleurs que, dans l’opinion publique, mon nom est indissociablement attaché au Frexit, comme une « marque », qu’aucun extrémiste, qu’aucun imitateur n’est parvenu à salir ou à faire passer pour un combat folklorique ou marginal.

C’est sur des bases claires, solides et constantes que je souhaite contribuer à rassembler autour d’une candidature unique les Français qui veulent extraire leur pays de cette idéologie périmée et belliqueuse qu’est la « construction européenne », pour faire entrer notre pays dans une ère de coopération avec toutes les nations du monde, sans distinction entre elles.

Tout en poursuivant une démarche d’ouverture vis-à-vis de toutes les forces politiques disposées à dialoguer avec moi sur la base de cet objectif commun, je me prépare à l’élection présidentielle de 2022.

Que pensez-vous du Plan Fouchet de 1962, pour une Europe d’Etats souverains, alors rejeté par les autres pays membres de la Communauté européenne ?

Le rejet du plan Fouchet de 1962 est l’illustration même de l’impossibilité de bâtir cette « autre Europe » que promettent tous les partis européistes, de l’extrême droite à l’extrême gauche depuis le traité de Rome du 25 mars 1957, qui, déjà à l’époque, était loin de faire l’unanimité dans la classe politique française.

Si, en 1962, la France de De Gaulle n’a pas pu imposer sa vision de la « construction européenne » et ses intérêts aux cinq autres États de la Communauté économique européenne, parmi lesquels l’Allemagne, qui était coupée en deux et qui, comme l’Italie, était au ban des nations, il n’y a aucune raison de penser que la France d’aujourd’hui, perdue dans un magma de 27 États, dominé par une Allemagne réunifiée et puissante et des États-Unis d’Amérique qui fédèrent le tout depuis le début, en sera capable.

Bien sûr, une fois l’indispensable libération du carcan des traités européens accomplie, il nous faudra engager une politique de coopérations internationales et de grands projets communs avec l’ensemble des nations, européennes ou extra-européennes, qui voudront bien s’associer à nous dans des initiatives d’intérêt collectif. C’est d’ailleurs ce que le Royaume-Uni a d’ores et déjà commencé à faire.

Que pensez-vous du rétablissement d’une vraie Banque nationale, d’un système de crédit public et d’une planification indicative ?

L’État possède déjà la Banque de France qui émet la monnaie centrale en France, ainsi que plusieurs établissements de crédit pour soutenir l’économie, notamment dans le périmètre de la Caisse des dépôts et consignations, qui comprend par exemple la Banque publique d’investissement BPI France. Lorsque nous aurons recouvré notre pleine souveraineté, nous nous appuierons sur ces outils, que nous devrons renforcer, pour mettre en œuvre notre politique sans qu’elle dépende du bon vouloir d’intérêts privés ou de prédateurs financiers.

Quant à la planification indicative, j’y suis favorable notamment pour tous les investissements qui nécessitent une vision à 20 ou 30 ans, comme dans le domaine de l’énergie. Elle faisait d’ailleurs partie de mon programme de 2017.

Quelle devrait être notre politique internationale hors de l’OTAN et de l’Union européenne ?

La France doit viser trois grands objectifs en politique internationale : le respect du droit international, la recherche de la paix et de la concorde entre les nations et la défense de ses intérêts nationaux.

Cela entraîne de nombreuses conséquences par rapport à la situation actuelle. En voici quelques exemples :

  • la France n’établira plus de classement de principe entre les pays considérés comme fréquentables par Washington et ceux considérés comme infréquentables ;
  • la France cessera toutes les ingérences dans les affaires intérieures d’autres États, ingérences auxquelles elle participe par Union européenne et OTAN interposées ;
  • la France ne participera plus aux guerres illégales conduites sous la bannière de l’OTAN, qui nous ont aliéné des alliés traditionnels notamment dans le monde arabo-musulman mais aussi en Extrême-Orient ;
  • la France participera au développement des pays étrangers pour peu que ces derniers soient demandeurs de la mise en œuvre d’une coopération avec nous, respectueuse de chacun ;
  • la France cherchera à conforter le statut de langue internationale qu’a déjà la langue française, au lieu de la démolir pour passer volontairement sous l’hégémonie linguistique anglo-américaine.

Êtes-vous par tempérament « anti », « pro », négatif, positif ou autre chose ?

J’ai l’état d’esprit d’un bâtisseur. Comme Jacques Cheminade, j’ai créé ex nihilo le mouvement politique que je préside. Je n’en ai pas hérité. Je ne l’ai pas copié sur un autre mouvement politique existant. Si nous parvenons au pouvoir, nous agirons avec un état d’esprit bienveillant, animé de la volonté de rebâtir notre pays et de redonner aux Français confiance en l’avenir, fierté d’eux-mêmes et amour de la patrie.