Macron accueille à bras ouverts JP Morgan et ses traders à Paris

mercredi 30 juin 2021, par Johanna Clerc


Ce mardi 29 juin, Emmanuel Macron a inauguré en grandes pompes le nouveau centre de JP Morgan sur la place Vendôme à Paris. S’il pense avoir fait une belle prise en accueillant la plus grosse banque américaine et ses activités de marché, Macron s’illustre surtout en serviteur zélé de l’oligarchie financière qui occupe notre pays et l’Occident.

Cette inauguration a eu lieu dans le cadre du sommet annuel « Choose France ! » [1], lancé en 2017 par Emmanuel Macron. L’objectif ? Convaincre les investisseurs internationaux de choisir Paris comme nouvelle place financière européenne, à la place de Londres — suite au Brexit.

Fruit de cette opération séduction, JP Morgan va transférer durant l’été plus de 400 de ses traders de Londres à Paris, dans la salle de marché flambant neuve que Macron a visitée hier en compagnie de Bruno LeMaire, de l’ancien gouverneur de la Banque de France Christian Noyer et du dirigeant de la mégabanque américaine, Jamie Dimon. C’est donc à Paris que JP Morgan spéculera désormais sur les dettes européennes et françaises ! Cocorico !

Macron, bon élève de JP Morgan

Les dirigeants de JP Morgan ont félicité Macron, dont ils apprécient visiblement la politique. Comme le rapporte l’AFP, Kyril Courboin, président de JP Morgan France, a déclaré hier :

M. le Président, cher Emmanuel, je vous ai rencontré quand vous étiez ministre de l’Economie, vous m’avez demandé s’il serait possible de transférer une partie de nos activités de marché en France dans le cadre du Brexit. Ma réponse fut cinglante : mission impossible avec un président pour qui la finance est le premier ennemi. Mais, a-t-il poursuivi, un nouveau président est arrivé, ce jeune banquier plein de passion qui voulait changer la France.

Quant à Jamie Dimon, le PDG de la banque au niveau international, il considère que E. Macron est un président « exceptionnel », qui « comprend que la finance est ce qui fait tourner l’économie »...

Quel compliment de la part du « roi de Wall Street » ! Ou ne devrait-on pas plutôt dire « parrain de Wall Street » ? Car JP Morgan s’est illustrée récemment par une condamnation historique aux Etats-Unis, pour avoir manipulé les cours sur les marchés des métaux précieux et des bons du Trésor : une amende de 920 millions de dollars, un record pour ce type d’affaires. Auparavant, elle a été impliquée dans le scandale du Libor, et était l’un des principaux vendeurs de subprimes , à l’origine de la crise financière de 2008.

Mais rassurez-vous, pour JP Morgan, payer des amendes, ce n’est pas grand chose. Tant que l’on ne touche pas au système financier...

L’empire financier des Morgan

Ceux qui nous lisent depuis un certain temps savent en effet que dès sa fondation par la famille anglo-américaine des Morgan à la fin du XIXème siècle, JP Morgan ne s’occupe pas que d’« économie », mais bien de politique :

la banque new-yorkaise J.P. Morgan & Cie ne rate jamais une occasion d’étendre sa sphère d’influence : qu’il s’agisse des ventes d’armes lors de la première Guerre mondiale, des réparations de guerre fixées à Versailles ou des plans de renflouement Dawes et Young, Morgan est en première ligne. Pour gérer la stabilité de son empire mondial, c’est encore elle, avec ses hommes en Angleterre, en France et en Allemagne, qui fut à l’origine de la tristement célèbre Banque des règlements internationaux (BRI) de Bâle, dont le Conseil de stabilité financière (CSF) est à l’œuvre aujourd’hui. (article complet ici)

Surtout, elle fut dans les années 30 l’un des plus grands opposants au Glass Steagall Act, la loi de séparation entre banques d’affaires et banques de dépôts et de crédits mise en place par Roosevelt. N’ayant pu empêcher son instauration, elle mena campagne pour son abrogation dans les années 80 et 90, ouvrant la porte aux spéculations de plus en plus insensées sur les produits dérivés.

Alors que la campagne que nous avons menée avec nos amis américains depuis 2010 pour rétablir le Glass Steagall Act montait en puissance Outre-altantique, ralliant des sénateurs derrière un texte de loi, Jamie Dimon a multiplié les prises de paroles dans les médias pour s’y opposer.

JP Morgan, Macron et la démocratie

Comme nous l’avions révélé en 2014, JP Morgan a été très explicite dans une de ses notes publiée en 2013 sous le titre « Les ajustements de la zone euro : presqu’à la moitié du chemin » (The Euro Area Adjustment : About Halfway There). Dans sa ligne de mire, les Constitutions mises en place après le fascisme dans les pays du Sud de l’Europe, qui représentent à ses yeux des obstacles à une relance en Europe.

Voilà ce qui pose problème à JP Morgan :

Les système politiques dans la périphérie affichent les caractéristiques suivantes : des exécutifs faibles ; des gouvernements centraux faibles par rapport aux régions ; une protection constitutionnelle des droits des travailleurs ; un consensus dans la construction de systèmes politiques promouvant le clientélisme politique ; et le droit de protester si des changements malvenus sont apportés au status quo politique.

Revenons à Emmanuel Macron. Il est parfaitement au courant. Ce n’est autre que Jacques Cheminade qui l’avait informé du contenu de cette note, à l’occasion de leur quelques rencontres, alors que Macron n’était que simple conseiller de François Hollande...


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