Entretien

Pr Jean Costentin : pourquoi la légalisation du cannabis est pire qu’une aberration

jeudi 8 juillet 2021, par Agnès Farkas

Le Professeur Jean Costentin, président du Centre National de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies (CNPERT).

Pour Solidarité & Progrès, le phénomène de la drogue n’a jamais été un simple phénomène sociologique. Depuis les guerres de l’opium, la drogue a été l’arme redoutable d’une oligarchie cherchant à imposer son pouvoir politique et financier en asservissant les peuples.

Par conséquence, pour S&P, toute « guerre à la drogue » qui refuse de frapper cette oligarchie au portefeuille (blanchiment, trafic d’armes, corruption, paradis fiscaux, etc.) se condamne d’avance à l’échec. Or, dès 1978, l’hégémonie des banques de la City de Londres dans les paradis fiscaux laissait soupçonner leur rôle primordial dans l’existence d’un marché solidement structuré, de haut en bas. Une réalité confirmée en 2001 par le Vol. IV du volumineux rapport parlementaire sur le blanchiment.

Agnès Farkas, pour Solidarité & Progrès, s’est entretenue avec le professeur Jean Costentin, membre des Académies Nationales de Médecine et de Pharmacie et président du Centre National de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies (CNPERT). Professeur en pharmacologie à la faculté de Rouen, il dirige une unité de recherche de neuropsychopharmacologie associée au CNRS.

Plusieurs livres du professeur Costentin permettent de s’informer sur la réalité et les enjeux posés par le cannabis :

  • Halte au cannabis, Odile Jacob (2006) ;
  • Pourquoi il ne faut pas dépénaliser l’usage du cannabis, Odile Jacob (2011) ;
  • Le désastre des toxicomanies en France, Docis (2018) ;
  • Dictionnaire critique du cannabis, Docis (2019) ;
  • Toxicomanies, sauvons la jeunesse (sous presse), JDH éditions (2021).

Agnès Farkas : Alerté par la teneur du rapport de la mission parlementaire sur le cannabis « récréatif », vous avez adressé une lettre ouverte (ci-dessous) aux députés qui en sont à l’origine. Le cannabis est déjà largement consommée par 3,9 millions de consommateurs, dont 1,5 million de consommateurs réguliers. Allons-nous vers une banalisation de cette drogue en France ?

Pr. Jean Costentin : Nous n’y allons pas, cette banalisation est déjà là, très solidement implantée. Des Missions interministérielles de Lutte contre les drogues et toxicomanies (MILDT) s’y sont employées depuis plus de trente ans, sous les présidences de : Mme N. Maestracci, D. Jayle, Mme Jourdain Menninger. Seules les présidences de Mr Etienne Apaire et celle actuelle du docteur Nicolas Prisse y ont fait ou font exception, mais le mal est profondément ancré.

Depuis 30 ans on laisse espérer aux consommateurs une légalisation imminente ; ces consommateurs sont de plus en plus nombreux, comme vous le rappelez, et ils sont de plus en plus jeunes. La consommation débute maintenant au Collège, entre 12 et 15 ans. Elle frappe durant la période sensible de la maturation cérébrale, qui se situe entre 12 et 22 ans. Plus cette drogue est expérimentée précocement, plus vite elle est adoptée et plus intensément elle détériore ses consommateurs.

Elle frappe à la période des activités éducatives, de la formation professionnelle, de l’élaboration des projets professionnels et familiaux ; alors qu’elle est la drogue de la « crétinisation », de l’aboulie, de la démotivation, du renoncement ; elle peut donner un sentiment de toute puissance, mais en restant assis et en remettant à plus tard ce qui se débloquera peut-être, mais souvent trop tard. C’est la drogue que s’appliquent à diffuser ceux qui rêvent d’une régression économique, d’un effacement national, d’une reddition dans la confrontation à la compétition qu’instaure la mondialisation (sorte de jeux olympiques de l’intelligence, de l’ingéniosité, du désir de gagner..).

La dégradation majeure de notre système éducatif porte sa marque, puisque sur les 27 Etats membres de l’Union Européenne, la France est le tout premier consommateur de cette drogue, qui contribue à nous remiser au 28e rang du classement PISA qui compare les performances éducatives des Nations.

Après une consultation citoyenne sur le site Internet de l’Assemblée nationale, 92 % des sondés considèrent que la loi actuelle n’est pas efficace et 80 % d’entre eux se prononcent pour la légalisation du cannabis récréatif. Peut-on se fier à cette consultation ?

Il est indubitable qu’avec ce nombre énorme de consommateurs de cannabis en France, la loi actuelle n’est pas efficace. Qui peut s’en étonner s’il prend conscience que cette loi n’a jamais été enseignée, qu’elle est largement méconnue, des jeunes en particulier. Vous les surprendriez en leur indiquant que sa transgression pourrait leur valoir une année d’emprisonnement ou 3500 € d’amende. Cette loi n’a jamais été expliquée, et moins encore justifiée à partir des méfaits qu’elle voulait prévenir.

L’éducation nationale a été complètement défaillante, au point que l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a décerné un carton rouge à notre Nation pour ses carences éducatives majeures à cet égard. Pendant ce temps des lobbies idéologiques, politiques, économiques, des déconstructeurs et des desperados sociétaux l’attaquent de façon synchronisée et convergente.

Pendant ce temps le pouvoir judiciaire, pour ne pas appliquer sa rigueur, au lieu de l’adapter aux circonstances et aux individus qui la violent (alors qu’elle revendique régulièrement cette attitude en contestant les peines planchers) classe presque systématiquement sans suite sa violation ; ç’en est au point de dissuader les forces de l’ordre de lui présenter les contrevenants. La transformation de ce délit en une simple contravention d’un montant de 200 €, au recouvrement aléatoire, sans que son montant ne soit accru en cas de récidive, contribue davantage à cette banalisation, et fait fi de la prévention.

François-Michel Lambert, député du groupe Libertés et Territoires, membre également de la mission d’information sur les usages du cannabis et co-auteur de la proposition de loi sur la légalisation du cannabis récréatif appelle à sa légalisation sur la base du rapport du CAE (Conseil d’analyse économique) : Cannabis : comment reprendre le contrôle ?, avec l’appui du think tank d’ Olivier Ferrand, Terra Nova. Est-ce un moyen de reprendre le contrôle sur le trafic du cannabis ?

On déplorera énormément que les dimensions sanitaire, sociale et sociétale soient à peu près absente de la glose de ces éminences, j’espère que vous m’interrogerez sur ces points majeurs. La France occupant la pole position des consommateurs de cannabis, mobilise pour sa diffusion près de 220000 dealers.

  • Qui croira qu’un cannabis plus facilement accessible n’augmentera pas le nombre de ses consommateurs ? Des enquêtes partielles que j’ai effectué sur les raisons qui sont à l’origine de l’absence de consommation de cannabis par la majorité des jeunes (soit environ 80% d’entre eux), il apparaît que 60% s’en abstiennent surtout par conviction de sa toxicité et pour les autres (soit 40%) c’est en raison de sa prohibition. La légalisation du cannabis ferait croire aux premiers que ce n’est pas très toxique puisque l’Etat, par nature protecteur, l’autorise, quant aux seconds, ils n’auraient plus à franchir le Rubicon de l’interdit pour le consommer.
  • Qui croira que les 220.000 dealers mettront fin à leurs trafics ? L’Etat, pour tenter de réduire la catastrophe qu’il organise, proposera un cannabis plus faiblement dosé en tétrahydrocannabinol (THC- le composant psychotrope addictif principal), et à un prix plus cher que les produits qui sont actuellement en circulation. Le consommateur préférera le produit le plus fort et le moins couteux proposé au marché noir que « la tisane » d’Etat. Si le chiffre d’affaire des dealers venait à diminuer ils sauraient compléter leur offre d’autres drogues, telle la cocaïne dont la vente s’envole, les amphétamines, les cathinones, l’ecstasy, les cannabinoïdes de synthèse qui se multiplient, les morphiniques dont la redoutable héroïne…et la police restera mobilisée, et ce sera toujours la guerre des gangs pour leurs territoires… Évitons l’angélisme et la crédulité pour imaginer la suite pour ces voyous

Pionnier du cannabis récréatif, l’Etat du Colorado a adopté une loi qui autorise les médecins à prescrire du cannabis médical en lieu et place des opioïdes depuis le 2 août. Soulignons que les ventes totales de cannabis au Colorado ont dépassé les 2 milliards $ (1,65 milliard €) en 2020, le montant le plus élevé depuis la légalisation du cannabis dans l’État votée en 2012. Selon Newsweed du 21 janvier 2021 : « Les dispensaires de l’État ont récolté 175 millions $ en novembre, une augmentation de 17% par rapport à 2019. En retour, l’État a récolté 32,3 millions $ de taxes. Les ventes du Colorado étaient de 1,7 milliard $ en 2019 et de 1,5 milliard $ en 2018. L’État a rapporté un peu de plus de 387 millions $ en taxes et en frais en 2020. » Déjà des sociétés prospèrent et se spécialisent dans le développement pharmaceutique à base de cannabis. Peut-on voir un lien entre la légalisation du cannabis récréatif et celle du cannabis thérapeutique en France ?

Notons que cette manne financière a un coût ; dans l’Etat du Colorado justement il a été calculé que pour un dollar encaissé, l’Etat devait verser 4,5 dollars pour les frais induits (hospitaliers, d’assurances, d’accidents, etc…). Cette consommation concerne des femmes enceintes et la fréquence d’anomalies constatées chez les nouveaux nés, puis chez l’enfant et chez de jeunes adolescents, est en hausse significative.

Tous les Etats qui ont légalisé le cannabis dit « récréatif », notez que j’ai horreur de cette appellation fallacieuse, là encore banalisante, qui s’applique à cacher que souvent la « récré » se termine mal par la collection de drames variés. Donc tous les Etats ayant légalisé le cannabis en tant que drogue, se sont appliqués préalablement à le déguiser en médicament, selon la stratégie du cheval de Troie. Le cannabis dit « thérapeutique » est le faux nez du cannabis dit « récréatif ». Concluant des audits sur ce cannabis dit « thérapeutique », l’Académie de médecine avait intitulé le communiqué qui synthétisait son rapport : « Le cannabis- un faux médicament – une vraie drogue ».

Et si on parlait addiction ! La légalisation ne modifie-t-elle pas la perception des usages des drogues ?

Laisser planer en permanence l’imminence de la légalisation du cannabis participe, on l’a dit, à sa banalisation ; sa consommation s’étant accrue, il est plus difficile de la faire régresser. Cette addiction auto-entretenue se trouve auto-aggravée. L’escalade vers d’autres drogues est vérifiée par l’épidémiologie, elle est la conséquence du développement d’une tolérance à ses effets ; c’est à dire de leur amoindrissement au cours de l’usage, qui vire à l’abus, par augmentation des doses et de la fréquence des consommations.

Quand cela ne suffit plus pour accéder au « plaisir » recherché, une autre drogue sera ajoutée, puis une autre encore, aboutissant à une poly-toxicomanie ; c’est l’ascension des échelons de l’échelle des toxicomanies vers son sommet, celui de l’héroïne.

Des études récentes montrent que par un mécanisme épigénétique (sans modification de l’ADN, mais par modification de sa facilité à être exprimé) l’exposition d’un individu au cannabis modifie la perception qu’il aura des morphiniques ou bien de la cocaïne, ce qui accroit son appétence ultérieure pour ces deux drogues.

Pouvez-vous nous décrire quelques conséquences biologiques sur les usagers du cannabis ?

Merci de me permettre de m’exprimer sur ce sujet trop systématiquement occulté par ceux qui pérorent sur le cannabis avec toute la suffisance que permet leur méconnaissance de ces aspects sanitaires.

La toxicité physique du cannabis fumé l’emporte de loin sur celle du tabac (75 000 morts chaque année en France), sa combustion produit environ 6 fois plus de goudrons cancérigènes ainsi que de ce gaz très toxique qu’est l’oxyde de carbone (CO), de là sa toxicité cardio-vasculaire (3e cause de déclenchement d’infarctus du myocarde, artérites, accidents vasculaires cérébraux).

Trois femmes sur 4 qui fument du cannabis sont incapables d’arrêter sa consommation en cas de grossesse, ce qui abrège la grossesse (prématurité) et comporte le risque de malformations, d’hypotrophie fœtale, de ralentissement du développement psychomoteur, de vulnérabilité aux troubles du spectre de l’autisme, d’hyperactivité avec déficit de l’attention, d’une vulnérabilité aux toxicomanies….

Par un mécanisme épigénétique les individus en âge de procréer qui exposent leurs spermatozoïdes ou leurs ovules au THC du cannabis transmettent à leur progéniture des modifications de l’expression de certains de leurs gènes, qui peuvent se traduire par des anomalies du type de celles vues lorsque la femme enceinte consomme du cannabis, mais d’autres encore telle une vulnérabilité à la schizophrénie.

La toxicité cérébrale du cannabis, THC, outre ses effets énivrants, désinhibiteurs, inducteurs d’accidents (surtout en association avec l’alcool), inducteurs au long cours d’effets anxiogènes et de dépression de l’humeur, est due au fait qu’elle s’abat sur la jeune génération durant la phase de sa maturation cérébrale (12 à 24 ans) qui est aussi celle de l’éducation.

Elle peut ainsi être à l’origine de cette pathologie psychiatrique très grave qu’est la schizophrénie (folie au sens commun du terme). Si l’on parvenait à éradiquer le cannabis de l’environnement de notre jeunesse, notre pays compterait près de 80 000 schizophrènes en moins. Le cannabis peut induire de novo l’affection, il peut décompenser un état latent, il aggrave la maladie déclarée, il diminue l’efficacité des médicaments antipsychotiques qu’on oppose à ses troubles délirants et hallucinatoires.

Je vous laisse le mot de la fin ?

Le cannabis n’est pas une drogue douce, c’est une drogue lente qui s’accumule dans le cerveau ; y persistant de plusieurs jours à plusieurs semaines ; son pouvoir « d’accrochage » —son action addictive est élevée puisqu’il finit par rendre dépendant— par piéger plus de 20% de ceux qui l’ont expérimenté ; de là ces 1.500.000 usagers réguliers qui bravent en France une législation rigoureuse ( jamais appliquée).

On ne dispose d’aucun moyen pour en débarrasser le sujet qui en est devenu dépendant. Drogue de la « crétinisation », il chausse nos jeunes de chaussures à semelles de plomb, dans une période où l’intelligence est de plus en plus sollicitée.

L’appétence des uns pour cette drogue avive les appétits d’autres qui en attendent des bénéfices énormes, au prix d’une faillite sociale et sociétale qui ne les trouble pas. Cette drogue fait frémir d’aise les déconstructeurs, ceux qui militent pour une régression économique, des desperados, des idéologues au service de l’anéantissement de notre société, des démagogues, des addictologues à contre-emploi… c’est d’effroi qu’elle devrait faire frémir les autres, comme nous même.

VOIR NOTRE DOCUMENT DE FOND :
Tabac, alcool et $$$ derrière l’offensive stupéfiante du Cannabiz’ness

Lettre ouverte aux députés
à l’origine du rapport sur le cannabis « récréatif »

Source : CNPERT

Docteur Jean Costentin
Professeur émérite.
Président du Centre National de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies (CNPERT).

le 17 Mai 2021,

Mesdames et Messieurs les députés,

Effaré par la légèreté avec laquelle vous vous exprimez publiquement à propos de ce que vous appelez le cannabis « récréatif », je m’adresse à vous au nom du CNPERT.

Cette appellation de « cannabis récréatif » qui vous est propre, s’agissant de cette sale drogue, est une illustration de la manipulation de l’opinion à laquelle vous vous livrez. Dans les fonctions que vous occupez cela s’apparente à une forfaiture.

Vos déclarations s’inscrivent dans le droit fil de la banalisation de cette drogue, associées à une absence complète de prévention en milieu éducatif (que vous n’avez jamais déplorée et moins encore réclamée) qui est dénoncée par l’observatoire européen des drogues et toxicomanies (O.E.D.T.), elles contribuent au nombre record des consommateurs de cannabis dans notre Nation, en tout premier rang à cet égard des 27 Etats membres de l’U.E.

Le rapport que vous avez si rapidement rendu public après que le Ministre de l’Intérieur et le Président de la République aient sifflé l’arrêt de votre « récré », est une désobéissance aux ordres supérieurs. Cela pourrait se concevoir si vous contestiez une décision insupportable, mais en l’occurrence cela ne l’est pas, car votre action vise à en instaurer une.

Votre « cannabis récréatif » :

C’est une addiction qui affecte 20% de ceux qui l’ont expérimenté ; avec, chez l’adolescent, un pouvoir addictif supérieur à celui des morphiniques (étude de N. Volkow publiée il y a un mois). Cette addiction a piégé, malgré la prohibition de ce cannabis, 1.500.000 « usagers réguliers », incapables de s’en abstraire, contre laquelle on est complètement démuni. Ces usagers y ajoutent souvent d’autres drogues (poly toxicomanies) dans un processus d’escalade désormais incontestable et dont les substrats neurobiologiques sont maintenant précisés.

C’est une toxicité physique supérieure à celle du tabac (qui tue annuellement en France 75.000 fumeurs et induit de nombreux handicaps) car sa combustion produit 6 à 8 fois plus de goudrons cancérigènes et d’oxyde de carbone : troisième cause de déclenchements d’infarctus du myocarde ; responsable d’accidents vasculaires cérébraux chez des sujets jeunes (cf. les travaux du CHU de Strasbourg) ; induisant des artérites des membres inférieurs plus précoces que celles dues au tabac.

Avec le cannabis ce sont des femmes enceintes (incapables dans leur très grande majorité d’arrêter sa consommation) ayant des grossesses abrégées, des nourrissons fragiles aux tailles et poids réduits, porteurs d’éventuelles malformations dont le développement psychomoteur est retardé. C’est dans l’enfance, une fréquence accrue d’hyperactivité avec déficit de l’attention ou des troubles du spectre de l’autisme. C’est à l’adolescence, une vulnérabilité aux toxicomanies, à la schizophrénie, à des difficultés cognitives et à des déficits de l’immunité…

Le cannabis est la drogue de la « crétinisation » ; il affecte des trajectoires intellectuelles qui auraient pu être favorables, mais qui font stagner ses victimes dans des statuts des plus modestes, en faisant même des assistés à vie. Il relègue la France au 27ième rang du classement PISA des performances éducatives internationales. Cette drogue du renoncement, de l’aboulie, du syndrome amotivationnel sévit en une période où il faudrait être performants dans la compétition internationale pour éponger notre dette abyssale, aggravée par la COVID.

C’est une drogue qui tue sur la route ou dans des activités professionnelles ; une drogue qui rend auto-agressif (suicide) ou hétéro-agressif (bouffées délirantes).

C’est une drogue qui induit des dépressions de l’humeur (avec, en embuscade, leur risque de suicide) ; qui induit, décompense ou aggrave la schizophrénie (laquelle dans 10% des cas conduit à une mort brutale).

C’est une étape de l’escalade vers d’autres drogues, dont les morphiniques et leurs overdoses mortelles.

Qu’y a t’il donc de récréatif dans tout cela ?

Où les méfaits précités sont-ils mis en exergue dans votre rapport ? Cachant mal sa vacuité, son épaisseur sera pour la grande majorité des citoyens, une dissuasion à sa lecture.

Où est l’attention que vous devriez porter à la santé de notre société et à celle de ses membres, en particulier des plus jeunes d’entre eux ?

D’une façon qui serait risible, si ce n’était dramatique, vous insistez sur le caractère « encadré » que revêtirait cette légalisation ; le précédent du tabac et de l’alcool ne vous rappellerait-il rien, à l’heure où ils sont consommés d’une façon intense et de plus en plus précoce.

C’est d’une voix hésitante que vous devriez évoquer cette drogue, au lieu de pérorer comme le font quelques uns d’entre vous, pour tenter de masquer leur connaissance partielle voire leur méconnaissance de points essentiels d’un sujet que vous ne maîtrisez pas.

Nous déplorons de ne pas avoir été conviés à présenter nos connaissances lors des audits que vous avez effectués ; cela aurait enrichi votre rapport de points essentiels… mais ils contredisaient vos thèses.

L’article ci-joint vous permettra de faire la connaissance de ce sujet majeur que sont les effets épigénétiques du THC, « oubliés » dans votre rapport. En substance il est établi que les méfaits du cannabis n’affectent pas seulement ceux qui le consomment, mais aussi leurs descendants. En effet, quand ses consommateurs sont en âge de procréer, l’exposition de leurs gamètes (spermatozoïdes, ovules) au THC leur fait transmettre à l’enfant qu’ils viendraient à concevoir des marques épigénétiques, réduisant l’expression de certains de leurs gènes, ce qui sera à l’origine : d’anomalies tératogènes, d’une vulnérabilité aux addictions lors de l’adolescence, auxquels s’associent les méfaits détaillés dans le précédent paragraphe.

Nous protestons enfin contre l’indécence de votre « consultation citoyenne » sur le cannabis « récréatif ». Pour faire partager / diluer votre responsabilité, vous avez lancé cette « consultation » sans que les citoyens interrogés disposent d’informations sérieuses sur les dangers du cannabis, beaucoup d’entre eux ayant encore l’idée fallacieuse d’une « drogue douce ». Il était inconvenant de pratiquer cette consultation au cœur de la pandémie Covi19, source de préoccupations vitales, d’une crainte de reconfinement, d’inquiétudes économiques qui détournaient du cannabis l’attention des citoyens, à l’exception, que vous escomptiez, des 1.500.000 consommateurs réguliers de cannabis, impatients d’en disposer librement. Seuls 250.000 citoyens ont répondu, dont 20% d’entre eux pour exprimer leur opposition à la légalisation. Cette consultation « bidon » fut donc un « bide ». Pourtant, sans vous le tenir pour dit, vous proposez un référendum, comme si dans le déclin ambiant, que cette légalisation aggraverait, il n’y aurait pas de sujets plus urgents et plus importants à faire trancher par ce mode exceptionnel d’arbitrage démocratique.

Ce rapport, tout comme cette « consultation citoyenne », ne prouvent rien d’autre que la mauvaise foi de ses rédacteurs et de ses organisateurs. C’est pourquoi nous avons considéré qu’il était important d’exprimer notre désapprobation et de porter à votre connaissance et à celle de nos concitoyens les informations omises ou relativisées dans votre rapport.

Si l’on ne sait pas, ou si l’on ne sait plus, à qui imputer les drames multiples liés à l’alcool et au tabac, il est maintenant possible d’identifier ceux par qui adviendraient les drames que recruterait le cannabis. Ils ne pourront plus se réfugier derrière l’anonymat et le fait qu’ils ne savaient pas.

Nous ne saurions trop vous recommander, pour notre Nation, pour votre réputation entamée, pour votre avenir politique et pour plein d’autres raisons que vous concevrez facilement, de passer votre rapport dans le broyeur à papier. Pour tenter de faire oublier ce très mauvais faux pas, vous devriez vous investir dans d’intenses actions éducatives de prévention.

Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les députés, l’expression de la déférence que nous avons pour tous les membres de la représentation nationale ; déférence néanmoins troublée par le mauvais usage que vous venez de faire de votre mandat.

Professeur Jean Costentin

VOIR NOTRE DOCUMENT DE FOND :
Tabac, alcool et $$$ derrière l’offensive stupéfiante du Cannabiz’ness