Londres rêve de changement de régime à Moscou et à Beijing

mercredi 29 septembre 2021

Chronique stratégique du 29 septembre 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le Royaume-Uni, qui se sent pousser des ailes impérialistes depuis le Brexit, affirme de façon de plus en plus décomplexée sa volonté d’écarter du pouvoir Vladimir Poutine en Russie et Xi Jinping en Chine.

Ces derniers jours, l’empire anglo-américain a multiplié les efforts en vue d’exporter à Moscou et à Beijing sa doctrine de « changement de régime » — qui, comme on le sait bien, a été couronnée de succès à Kaboul, à Bagdad ou à Damas… Aux yeux de Londres et de Washington, la Russie et la Chine sont coupables du crime de lèse-majesté : vouloir instaurer un nouveau paradigme de coopération, à travers les Nouvelles Routes de la soie, l’Organisation de la coopération de Shanghai (OCS), les BRICS, etc.

Plusieurs appels directs à renverser Vladimir Poutine et Xi Jinping ont en effet été exprimés par des médias et think tank ayant pignon sur rue dans le « Global Britain » — le projet visant à redorer le blason du vieil Empire britannique.

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La semaine dernière, dans le contexte de nouvelles accusations contre le président russe (cette fois-ci d’être derrière la tentative d’assassinat contre le principal conseiller du président ukrainien Zélensky), le Chatham House, le think tank lié au Foreign Office britannique, a pris une série d’initiatives destinées à alimenter le récit selon lequel le régime de Poutine serait en pleine désuétude, et donc mûr pour une « révolution démocratique ».

Le 17 septembre, l’ancien ambassadeur à Moscou (1995-2000), Sir Andrew Wood, a publié une tribune sur le site de Chatham House, intitulée « Le régime russe est menacé de se fossiliser ». Soulignons que Wood a joué un rôle important dans l’affaire du « Russiagate » et du « dossier Steele » contre Donald Trump et la Russie. Et trois jours plus tard, le think tank a organisé une table ronde avec les auteurs d’un nouveau livre faisant la promotion d’Alexei Navalny et de ses soutiens.

De son côté, le quotidien The Australian, qui fait partie de l’empire médiatique du milliardaire australo-américain Rupert Murdoch, a publié le 17 septembre également un article appelant explicitement à renverser le président chinois, avec pour titre « La Chine est le jeu principal, et écarter Xi est le meilleur moyen de le jouer ». Selon l’auteur Paul Monk, « Xi doit être écarté du pouvoir afin d’ouvrir une large voie vers une réforme démocratique en Chine. Le Parti communiste doit opérer le type de changement démocratique que Taïwan et la Corée du Sud ont réalisé à la fin des années 1980 ». La réunion du Quad (l’alliance de l’Australie, de l’Inde, du Japon et des Etats-Unis), qui s’est tenue le 24 septembre à la Maison-Blanche, a offert l’occasion d’ « appeler ouvertement à une telle transition ».

« Renverser Xi ? Si l’hostilité envers la Chine augmente de jour en jour, cet appel incroyable des Australiens en faveur d’un coup d’Etat va trop loin », s’insurge sur RT le journaliste britannique Damian Wilson.

Cet appel de The Australian fait écho au rapport de 85 pages publié en février dernier par le très influent Atlantic Council, et qui suggérait de promouvoir de nouveaux dirigeants à Beijing qui soient plus dociles vis-à-vis du Consensus de Washington. Le titre « Long télégramme : vers une nouvelle stratégie américaine pour la Chine », faisait explicitement référence au télégramme Kennan de février 1946 appelant les Etats-Unis à adopter la politique (britannique) d’endiguement de l’Union soviétique.

Face aux encouragements à peine voilés de Londres à l’insurrection dans son propre pays, le secrétaire russe à la sécurité nationale Nikolay Patrushev a conseillé le gouvernement britannique, dans une interview accordée le 21 septembre à Argumenty i Fakty, de se concentrer sur ses problèmes domestiques « avant de s’embarquer dans des tentatives de restaurer sa grandeur impériale ». Patrushev a notamment rappelé la longue histoire de la politique anti-russe de Londres : « A partir de la fin du XIXe siècle, la Grande-Bretagne a tenté de monter le Japon contre la Russie. Cela a provoqué la guerre 1904-1905, suite à laquelle Moscou a dû faire de nombreuses concessions territoriales. Un scénario similaire a été suivi lorsque la trahison de Munich a été signée avec l’Allemagne nazie ».

Acculé par son propre effondrement et enfermé dans sa logique géopolitique ami-ennemi, l’empire militaro-financier anglo-américain devient de plus en plus dangereux.

Leurs actions vont devenir plus agressives et imprévisibles, afin de détourner l’attention de leurs populations, des troubles internes vers des aventures extérieures, affirme Patrushev. C’est ainsi qu’agissent tous les empires qui s’effondrent, de la Rome antique à la Grande-Bretagne.

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