La diplomatie franco-allemande énerve Londres

mercredi 16 février 2022

Chronique stratégique du 16 février 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Depuis quelques jours, la France et l’Allemagne manifestent une volonté de jouer un rôle de médiateur, afin d’éviter une escalade en Ukraine qui pourrait très rapidement déboucher sur une nouvelle guerre mondiale. Des efforts diplomatiques qui ne sont pas du goût des dignes défenseurs de l’impérialisme britannique.

Dans son édition du 8 février, le tabloïd britannique Daily Mail s’inquiète de la tentative indépendante de la France de faire obstacle à l’épreuve de force mondiale menée par l’OTAN avec la Russie au sujet de l’Ukraine. Au lendemain de la rencontre entre Macron et Poutine à Moscou, « la Grande-Bretagne s’inquiète des ‘promesses privées’ faites par Emmanuel Macron à Vladimir Poutine dans le but d’obtenir un accord de paix sur l’Ukraine », écrit le journal.

Assis à chaque extrémité d’une table de 16 pieds [environ 5m] en raison des mesures COVID, le couple a fait apporter la meilleure cuisine avec des vins millésimés, grince le quotidien. Pendant qu’ils dînaient, M. Macron a fait des offres à M. Poutine qui n’étaient pas approuvées par les partenaires de l’OTAN de la France, y compris le Royaume-Uni.

« Le fait que M. Macron n’ait apparemment pas consulté ses alliés avant les discussions avec M. Poutine pourrait vider tout accord de son sens, poursuit le Daily Mail. (...) Ses offres impliquaient que l’Ukraine devienne neutre, ce qui exclurait l’adhésion de l’ancienne république soviétique à l’OTAN ». Selon une source du quotidien, « Macron fait ses propres affaires, nous ne savons pas ce qui se passe. Il outrepasse la position de l’OTAN ».

Toutefois, bien que Moscou juge utiles les tentatives du président Macron et du chancelier allemand Olaf Scholz de faire dérailler la course vers la guerre, RT rapporte que le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a nié qu’un accord quelconque ait été scellé : « Ce n’est tout simplement pas possible. (…) La France est membre de l’OTAN, mais elle n’en est pas le leader — le leadership appartient à un tout autre pays du bloc. Alors quel genre d’accord pourrions-nous conclure dans ces circonstances ? », s’est-il interrogé.

Dans un autre article, le Daily Mail se plaint également des déclarations du ministre français de l’économie Bruno Le Maire. Alors qu’il soutenait auparavant les sanctions contre Nord Stream 2, Le Maire s’est désormais « aligné » sur la position du chancelier allemand Olaf Scholz qui refuse que le projet soit abandonné dans le cadre de sanctions contre la Russie.

Les Américains n’auront pas à supporter les mêmes conséquences d’un conflit en Ukraine que les Européens, notamment en termes de prix de l’énergie, a déclaré Le Maire sur France Inter. Ne nous laissons pas entraîner par les Américains dans une position qui n’est pas celle des Européens. (...) Grâce à [Macron], les Européens ont une position indépendante dans cette crise ukrainienne, avec des intérêts qui sont différents de ceux des Américains. Nous devons être capables de le dire à nos alliés américains de la manière la plus claire possible : Nous avons des intérêts différents de ceux des États-Unis ».

Des propos justes bons à énerver le Daily Mail : « Les commentaires de M. Le Maire exposent une nouvelle scission dans l’alliance occidentale qui tente de présenter un front uni contre la Russie, juste un jour après que Joe Biden ait juré de ‘mettre fin’ au gazoduc après une rencontre avec le chancelier allemand Olaf Scholz ».

Heureusement pour les va-t-en-guerre britanniques, ils peuvent compter sur le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui se fait visiblement un devoir de relayer chez nous la ligne des néo-conservateurs. Lundi, perroquetant le Premier ministre britannique Boris Johnson qui venait de s’exprimer, il a déclaré en effet que tous les éléments étaient réunis pour « une offensive forte de la part des forces russes en Ukraine ». Puis, dans l’émission C dans l’air sur France 5, Le Drian a repris le credo des néocons anglo-américains sur le fait que personne ne peut empêcher l’Ukraine, si elle le souhaite, de demander son adhésion à l’OTAN...

La mesure la plus efficace pour contrecarrer la volonté de guerre des Britanniques et de leurs alliés américains est de quitter ou de dissoudre l’OTAN, comme le préconisent Helga Zepp-LaRouche, la présidente de l’Institut Schiller et Jacques Cheminade, le président de Solidarité & progrès. Sans cela, les efforts diplomatiques de Macron (qui avait très justement diagnostiqué la « mort cérébrale » de l’Alliance atlantique) auront le mérite d’exister, mais ils s’avéreront impuissants à changer la donne.

La France doit retrouver son indépendance nationale et sa vocation universelle en sortant de l’OTAN et rejeter "l’union de la défense" européenne car 21 des 27 pays de l’UE sont membres de l’OTAN, écrivait Jacques Cheminade sur son compte Twitter, le 12 février. L’Ukraine doit, pour son propre avantage, être neutre.

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