Agriculteurs néerlandais : lorsque l’injustice se fait loi, la résistance devient devoir

mardi 12 juillet 2022, par Karel Vereycken

Depuis un mois, des milliers d’agriculteurs néerlandais, soutenus par la population et des exploitants agricoles d’autres pays, notamment d’Allemagne, manifestent, bloquant les routes et les supermarchés pour protester contre un plan gouvernemental mortifère impliquant une baisse forcée de 30 % du cheptel d’ici à 2030.

Dès 2018, avec son initiative NetZero2050, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre,l’European Climate Foundation (ECF) que nous avons démasqué à l’époque, avançait un scénario « axé sur la demande » : une réduction de 64% de l’énergie d’ici 2050 ainsi qu’une forte réduction de consommation courante, notemment la viande... l’ECF est aussi verte que les billets de dollars qui lui parviennent avant tout de milliardaires britanniques et américains convertis à la finance verte.

Pour l’Association des Végétariens de France (AGF), les éleveurs et autres producteurs doivent dégager le plancher car « à ce jour, presque aucun État à l’exception des Pays-Bas ne s’est mis au diapason des recommandations scientifiques sur la réduction du cheptel : un sujet tabou que les gouvernements ne pourront plus éviter longtemps ».

En réalité, comme nous l’avons rapporté sur ce site, c’est depuis le 1er octobre 2019 que les producteurs néerlandais voient arriver ce qui leur tombe dessus aujourd’hui.

La contestation a explosé le 10 juin, suite à la présentation par le gouvernement néerlandais de son « plan azote » destiné à réduire les rejets d’azote dans les sols et dans l’air. [1]

Enfumage climatique oblige, après les attaques contre le charbon, le gaz, le diesel et l’essence, afin de réduire les émissions de CO2, c’est maintenant l’élevage et la production laitière qui sont visés.

Rappelons qu’en plus d’être densément peuplés, les Pays-Bas ont une population animale très importante : près de 4 millions de bovins, 12 millions de porcs et 100 millions de poulets.

Or le secteur agricole, principalement l’élevage bovin et la production laitière, représente 53 % des émissions de méthane de l’UE. Ce qui fait des Pays-Bas l’un des principaux émetteurs d’azote de l’Union européenne.

Rappelons qu’en novembre 2021, lors de la COP 26 à Glasgow, sans le moindre référendum ni consultation populaire sur le sujet, plus de 100 pays se sont engagés à réduire d’au moins 30 % leurs émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre, d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2020.

Selon un rapport publié le 14 juin par l’organisation à but non lucratif CE Delft pour la fondation Changing Markets, l’Union européenne ne pourra tenir cet objectif totalement fou sans adopter de nouvelles mesures. Le rapport souligne que cet objectif de -30 % sera difficilement atteignable sans réduire le cheptel en Europe. Une réduction des émissions totales d’au moins 34 % pourrait être obtenue en incitant 10 % des consommateurs européens à adopter un régime alimentaire intégrant moins de viande et de produits laitiers, et en accélérant les mesures de lutte contre les émissions provenant du fumier, des déchets alimentaires et de l’énergie.

Cependant, changer le régime alimentaire des populations prendra du temps et les prestations médiatiques de Greta Thunberg au Forum économique de Davos n’ont pas provoqué de révolution dans les assiettes. Les parents s’obstinent à donner du lait à leurs enfants !

Pour rentrer dans les clous (du cercueil) des objectifs climatiques européens et rattraper le retard, le plan du gouvernement néerlandais vise une baisse moyenne de 50 % de ses émissions d’ici à 2030. Cela devra passer par une réduction de 70 à 95 % dans 131 zones-clés, dont beaucoup avoisinent des réserves naturelles et des terres protégées.

Pour les éleveurs et les producteurs de lait, il faut envisager une réduction de 30 % du cheptel. Un bouleversement pour le secteur (les Pays-Bas sont le deuxième exportateur au monde de produits agricoles, après les États-Unis) et un crève-cœur pour les éleveurs.

En un mois, la mobilisation a pris de l’ampleur. Les agriculteurs déplorent le manque de progressivité des mesures et dénoncent la destruction de leur métier. Ils manifestent quasi quotidiennement en bloquant les grands axes routiers et des centres de distribution de supermarchés. Des pêcheurs se sont joints à eux en bloquant les ports.

En parallèle, les tensions montent d’un cran. Plusieurs villes ont déclaré l’état d’urgence, des manifestants ont été arrêtés, d’autres repoussés avec du gaz lacrymogène. Le 5 juillet, la police de Heerenven a indiqué avoir tiré sur un tracteur après que ses conducteurs « ont tenté d’entrer en collision avec des agents et des véhicules de police ».

Le 23 et 24 juin, les éleveurs laitiers de l’European Milk Board (EMB) de dix pays se sont retrouvés pour leur Assemblée générale. « Le constat est sans appel, l’élevage est attaqué dans tous les pays », constatent-ils dans un communiqué posté sur le site de la Coordination rurale.

« Très visible aux Pays-Bas où le gouvernement veut diminuer le cheptel laitier de 30 %, ou encore en Belgique, la volonté affichée des partis au pouvoir est la réduction (voire la disparition ?) de l’élevage en Europe. Cette stratégie est bien illustrée par l’incapacité chronique, malgré les alertes lancées par l’EMB, des gouvernements européens à assurer un revenu décent aux agriculteurs. À l’exception de l’Irlande, le lait est vendu en dessous du prix de production dans tous les pays d’Europe (en moyenne 23 % en dessous, et en France 29 %). Ainsi, en 2021, un éleveur allemand a touché en moyenne 6,10 € de l’heure, quand un français touchait 3,09 €... »

Les tracteurs s’inviteront donc sans doute dans le concert des Gilets jaunes et de tous ceux qui sont pris à la gorge et dont les caddies sont de moins en moins remplis. A nous de leur présenter une alternative !

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Ce dossier est conçu en défense du principe d’humanité. Il part de la même interrogation que posent les écologistes sincères : quel monde, quelle planète allons-nous laisser aux générations futures ? Cette question est non seulement légitime mais fondamentale. La réponse que nous apportons est à l’opposé du pessimisme culturel de l’écologisme dévoyé. L’histoire de notre planète et les capacités créatrices qui sont la caractéristique de l’être humain nous inspirent la nécessaire espérance d’un monde qui vient, dont nous pourrons accroître la capacité d’accueil.

Jacques Cheminade

Table des matières

  • Avant-propos
    • L’écologisme dévoyé, ennemi de l’homme et de la nature
    • La voie de la raison passe par les étoiles !
  • Verte, mais si peu vertueuse
    • Finance verte, bouée de sauvetage ultime du Titanic financier ?
    • Macron, candidat des banquiers verts ?
    • Le complot contre la Banque européenne d’investissement (BEI)
  • Les « idiots utiles »
    • L’hystérie climatique
    • Greta Thunberg, une figure synthétique
    • Extinction Rebellion (XR), un mouvement thérapeutique ?
    • Deep Green Resistance (DGR) en guerre contre la civilisation
    • Les pratiques criminelles du WWF dans les parcs naturels
  • Qui paye les factures ?
    • La Fondation européenne du climat, sommet émergé de l’iceberg
  • Les objectifs cachés
    • Perfide Albion : la dépopulation comme politique impériale
    • De Margaret Mead à la COP
    • Jonathan Swift : et si on mangeait les enfants pauvres ?
  • Environnement, soyons sérieux
    • Pour une écologie humaine et responsable
    • Notre pari, le progrès humain, exemples
    • L’ABC de l’énergie
    • Macron, sa transition énergétique et la nôtre
    • La fermeture d’ASTRID, une décision idiote et anti-écologique
  • Climat
    • Quand Thatcher remplaça l’ennemi soviétique par la « crise climatique »
    • Enquête sur les causes astrophysiques du changement climatique
    • Des centaines de scientifiques contestent la théorie officielle

[1L’azote (N2) compose 78 % de l’air atmosphérique. Cependant, sous l’action de la chaleur, des oxydes d’azote (NO) se forment à partir de l’azote atmosphérique. Le NO ainsi formé est oxydé en protoxide d’azote (N2O), un gaz à effet de serre 298 fois plus puissant que le CO2. Comme bien d’autres pays européens, les Pays-Bas se sont engagés à réduire leurs émissions à effet de serre de 49 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Or, un tiers du N2O de l’atmosphère provient de l’épandage de lisier et d’engrais azotés.