Ces étonnants députés macroniens qui « fument la moquette »

jeudi 24 novembre 2022, par Agnès Farkas

Notre Président cultive l’art de la contradiction. Ainsi, en Ukraine, on est avec l’OTAN pour la guerre, tout en étant, en même temps, pour la paix bien sûr !

Au niveau de la drogue, c’est un peu pareil. Emmanuel Macron a récemment fait de l’éradication du trafic de stupéfiants « la mère des batailles » et son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin salue sur Twitter chaque « démantèlement » de « point de deal » tout en cherchant, en même temps, à faire « tomber le tabou » d’une éventuelle légalisation de la drogue...

VOIR NOTRE DOCUMENT DE FOND :
Tabac, alcool et $$$ derrière l’offensive stupéfiante du Cannabiz’ness

Soulignons d’abord que si la France est accusée d’être l’un des pays les plus répressifs d’Europe, la réalité est un peu différente. En théorie, l’usage de drogues est passible d’un an de prison et de 3750 euros d’amende, mais l’immense majorité des consommateurs (et cela se défend) n’écope que d’un rappel à la loi ou d’une amende forfaitaire de 200 euros pour usage de drogues. Quant au petit trafic, la moyenne des peines prononcées pour détention de 10 kilos de cannabis classe la France comme le troisième pays européen le moins répressif…

Un pays membre fondateur de l’UE est désormais un narco-Etat. Un modèle à combattre.

Capitulant en rase campagne devant un lobby narco-financier (comprenez mafia) qui ne cesse de se renforcer et une UE qui exige de chaque pays membre qu’il intègre dans le calcul de son PIB ses revenus provenant d’activités illicites comme la prostitution ou la drogue, depuis 2021 plusieurs initiatives parlementaires visent, par étape, à la dépénalisation, voire la légalisation de drogues dites douces, requalifiées pour l’occasion en « médicament » ou en produit « à usage récréatif ».

Or, comme le démontre l’enquête de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel du 20 octobre 2021, la dérive mafieuse et narcoterroriste qui peut résulter d’une telle perspective est désormais devenue une évidence aux Pays-Bas, où les trafiquants de haschisch et de marijuana, en disposant de 1600 coffee-shops pour écouler leur produits, ont réinvesti leurs profits dans le commerce de drogues dures, bien plus rentable, et ont constitué de véritables armées privées s’érigeant au-dessus des lois et de l’Etat, capables d’abattre n’importe qui en plein jour, à Amsterdam, Rotterdam, Anvers ou ailleurs.

Tout cela semble échapper à l’exécutif et une partie de l’opposition. Interrogée par France Info le 5 mai 2022, Caroline Janvier, député LREM de la 2e circonscription du Loiret et rapporteuse d’une mission d’information sur la réglementation des différents usages du cannabis, ne semble pas dépourvue de naïveté.

Caroline Janvier, députée LREM.

Son rapport dresse un « constat d’échec » des lois françaises sur le cannabis et prône une « légalisation régulée » du cannabis récréatif. Les sophismes utilisés pour plaider en ce sens sont aussi vieux que le monde :

  • « Depuis maintenant 50 ans – parce que les Français sont les plus gros consommateurs d’Europe, et cette consommation continue d’augmenter année après année – la consommation augmente. » Un échec certes, mais qui est surtout dû au fait qu’on n’a pas levé le petit doigt pour fermer les banques et les paradis fiscaux permettant de blanchir l’argent d’un commerce devenu essentiel pour la survie du système financier actuel.
    (Voir notre dossier sur HSBC pour lequel aucun député nous a sollicité...)
  • « Les trafics de cannabis génèrent beaucoup de violence, de l’insécurité dans un certain nombre de quartiers en France. » Donner le monopole de la production et de la distribution à l’Etat (qui n’a rien de mieux à faire), comme le proposent certains élus, ferait-il disparaître du jour au lendemain les réseaux mafieux qui compléteront indubitablement l’offre étatique avec tout ce que le marché noir peut offrir à une clientèle encouragée dans un mode de vie ?

Caroline Janvier : « Ce que nous proposons dans ce rapport, c’est une légalisation encadrée, c’est-à-dire une légalisation qui permette à l’État de reprendre le contrôle de la production, de la consommation, de la distribution de cannabis en contrôlant les substances qui sont vendues, en faisant respecter l’interdit de vente aux mineurs, et en protégeant finalement la santé des consommateurs et la sécurité des Français. »

Le père Noël, escorté par des policiers pour veiller au bon grain, nous apportera chaque année un petit pétard de bonne qualité ?

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Tabac, alcool et $$$ derrière l’offensive stupéfiante du Cannabiz’ness

Mise au point

Pour se faire un avis éclairé, nous publions ci-dessous deux articles du Pr Jean Costentin, président du CNPERT (Centre national de prévention, d’études et de recherches sur les toxicomanies) :

Enquête citoyenne sur le cannabis « récréatif »

La députée donne ses réponses avant de poser ses questions
16 février 2022

Par le professeur Jean Costentin

Pr. Jean Costentin.

Dans cette période dominée par le coronavirus, la consultation des Français par une mission parlementaire sur leur perception du cannabis comme drogue « récréative » est indécente. L’expression « récréative » est jugée trompeuse par les spécialistes informés, qui savent depuis longtemps que la « récré » cannabique engendre de nombreux drames.

Les initiateurs de cette consultation ne cachent pas leur souhait de légaliser cette drogue, mais leur main tremble, aussi cherchent-ils l’appui (assuré) de ses 1 500 000 consommateurs. Ils sont pressés car des données récentes sur ce cannabis (tels ses effets épigénétiques), s’ajoutant à d’autres méfaits, empêcheraient cette légalisation s’ils étaient connus.

Une enquête, opportune celle-là, serait d’évaluer les connaissances qu’ont nos concitoyens et nos « décideurs » des méfaits du cannabis. Cela guiderait le développement d’une indispensable pédagogie s’exerçant depuis l’Ecole jusqu’au troisième âge, palliant enfin les carences d’information que dénonce pour la France l’Observatoire européen des toxicomanies. C’est seulement après que l’on pourrait interroger les Français sur une éventuelle évolution du statut législatif du cannabis. L’enquête devrait alors être diligentée par des juges impartiaux, et non par madame Janvier (députée LREM du Loiret), rapporteur sur le « cannabis récréatif » de la mission parlementaire. N’a-t-elle pas exprimé dans le journal Ouest-France du 23 janvier 2021 la réponse qu’elle veut obtenir aux questions qu’elle pose ? Tenant ainsi la plume de ceux qu’elle interroge.

Réfutons les arguments qu’elle y développe –

  • « Le cannabis étant légalisé, les taxes perçues permettront de faire de la prévention. » C’est ainsi en autorisant cette drogue que l’on réduirait le nombre de ses consommateurs ?? Les taxes issues du tabac, n’ont pas empêché 13 millions de nos citoyens d’en abuser irrépressiblement, conduisant à 75 000 décès annuels et à de multiples handicaps ; ces taxes couvrent à peine la moitié des dépenses de santé qui lui sont imputables ! Au Colorado, pour 1 $ de taxes encaissées sur le cannabis légalisé, l’Etat doit débourser 4,5 $ pour couvrir les dépenses qui en résultent. Alors que c’est l’objet d’une des questions de « l’enquête citoyenne », elle affirme que « la toxicité et les risques de dépendance de l’alcool et du tabac sont largement supérieurs à ceux du cannabis ». Cette affirmation fausse la disqualifie comme rapporteur de cette enquête.
  • « C’est le sens de l’Histoire » que de légaliser le cannabis ; ce type d’argument a servi à toutes les sauces, et même pour justifier le pire et de décocher ses flèches : « approches idéologiques ou morales », « confusion », « amalgames », « fantasmes ». Voilà pour ceux qui ne pensent pas comme elle. Il nous en faudrait plus pour renoncer à nous opposer à ses thèses, car nous disposons des solides connaissances biologiques, cliniques, épidémiologiques qui manquent à Mme Janvier.
  • « Pour que des territoires cessent d’être abîmés par le trafic » ; elle assène que la légalisation supprimera les trafics. Que fait-elle des individus abîmés par cette drogue, leur nombre déjà effarant, pour une drogue illicite, ne pourrait qu’être accru par sa légalisation.

La démocratie accorde le même poids à la voix de chacun ; pour ne pas pervertir ce grand principe, chaque citoyen doit être rigoureusement informé et non pas trompé, comme madame Caroline Janvier s’y emploie.

* * * * *

Billet d’humeur

22 octobre 2022

à Madame Caroline Janvier, députée du Loiret

Madame la Députée,

Je viens de prendre connaissance de vos déclarations dépitées sur le délai que s’accorde le nouveau ministre de la Santé pour tirer des conclusions de la pseudo étude (« expérimentation ») du cannabis dit « thérapeutique » dont vous avez contribué à la mise en place. 

Avec quelques-uns de vos collègues cannabinophiles de l’Assemblée nationale vous avez décrété, a priori, que ce cannabis serait « thérapeutique ». Pour faire la démonstration que requérait le déroulement de votre projet, vous avez missionné un supplétif compliant, médecin psychiatre, professeur assez récemment dévoué à la pharmacologie (le docteur N. Authier).

L’étude qu’il a mise en place n’est pas recevable au regard des règles en vigueur pour adouber une molécule comme médicament ; d’autant qu’en l’occurrence, il s’agit d’un mélange de nombreuses molécules différentes, en proportions variables. Ces règles de bonnes pratiques ont été élaborées au long cours et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) les a faites siennes.

Aussi, le cannabis ne saurait justifier de leur aggiornamento, associant en la circonstance : l’absence de groupe placebo ; l’absence d’une pratique en double insu ; un nombre de patients limité malgré les cinq indications différentes explorées, l’utilisation de formes galéniques différentes et de doses différentes ; la révélation presque en temps réel des résultats intermédiaires, de nature à influencer les patients inclus dans l’étude ou qui accepteraient d’y participer ; la médiatisation de toute l’opération ; à laquelle s’ajoute vos déclarations récentes…

Il nous faut aussi évoquer votre souhait, publiquement exprimé, d’autoriser le cannabis dit « récréatif », dont on sait la fréquence avec laquelle la « récré » se termine mal. Il apparaît ainsi clairement que votre « cannabis thérapeutique » est le faux nez ou, au choix, le cheval de Troie du « cannabis récréatif » que vous appelez de vos vœux.

Rappelons votre proposition, insensée dans cette période où cent évènements majeurs agressent notre Nation, de lancer un référendum sur la légalisation de cette drogue, ce qui, dans l’exercice de votre mandat national, interroge sur votre capacité de hiérarchiser les problèmes qui nous assaillent.

Cette légalisation du cannabis est manifestement poussée par des idéologues, des consommateurs de cannabis et des lobbies capitalistes impatients de faire de juteux profits sur l’intoxication déjà importante de nos concitoyens.

Votre impatience s’est déjà exprimée dans la mise en place d’une filière de production nationale du chanvre indien, alors que n’est pas validé son usage potentiellement thérapeutique ; cela visait à installer une situation d’irréversibilité.

Alors que le nombre de patients qui devaient participer à cette « expérimentation » est loin d’être atteint, vous voudriez néanmoins que les conclusions en soient tirées dès maintenant.

En apostille, permettez-moi, Madame, de vous demander si vous êtes bien informée des réserves majeures qu’ont exprimées sur cette expérimentation les Académies nationales de Médecine et de Pharmacie ?

Permettez-moi de m’enquérir encore de vos connaissances sur les effets épigénétiques du cannabis, qui non seulement affectent ses consommateurs mais, en outre, font qu’ils les transmettent à leur progéniture s’ils viennent à se reproduire ? Enfin, vous souvenez-vous du souhait exprimé par le Président de la République : que la France connaisse en 2032 la première génération d’adultes sans tabac ? Si vos efforts de promotion du cannabis aboutissaient, ils annihileraient ce grand projet, car le cannabis chevauche sur les épaules du tabac.

Je vous prie d’agréer, Madame la Députée, l’expression de mes salutations distinguées.

Pr Jean Costentin
Docteur en médecine, pharmacien, docteur ès sciences
Professeur émérite de la faculté de Santé de Rouen
Membre titulaire de l’Académie nationale de médecine
Membre titulaire de l’Académie nationale de pharmacie
Membre du collège de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)
Président du Centre national de prévention, d’études et de recherches sur les toxicomanies (CNPERT)
Directeur honoraire de l’unité de neuropsychopharmacologie du CNRS (1984-2008)
Directeur honoraire de l’unité de neurobiologie clinique du CHU de Rouen (1999-2011)

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Tabac, alcool et $$$ derrière l’offensive stupéfiante du Cannabiz’ness