Découvertes et inventions - Abraham Lincoln

mercredi 13 août 2008

Ce discours d’Abraham Lincoln, son préféré lors de la campagne présidentielle de 1860, met en exergue les principes philosophiques de base du système d’économie politique américain. Ici, le futur président américain utilise la Bible pour démontrer que l’homme, en utilisant des découvertes et des inventions, a accompli des avancées considérables dans sa marche vers le progrès. Plus important encore, il identifie la distinction fondamentale entre l’homme et l’animal dans la capacité humaine de changer, de manière continue, son mode de travail, grâce à ces découvertes et inventions.

Abraham Lincoln (1809-1865)

L’ensemble du monde créé est une mine, et l’homme un mineur. L’ensemble de la Terre, et tout ce qu’elle contient, tout ce qui la recouvre et l’entoure, y compris l’homme lui-même, dans sa nature physique, morale et intellectuelle, de même que ses susceptibilités, sont autant de chemins infinis par lesquels celui-ci, depuis le premier d’entre eux, allait tracer sa destinée.

Au commencement, la mine n’était point exploitée et le mineur se tenait au-dessus d’elle, debout, nu et sans aucun savoir.

Les poissons, les oiseaux, les créatures rampantes ne sont en rien des mineurs, elles ne font que se nourrir et se loger. Les castors construisent des maisons ; mais ils ne les construisent pas différemment aujourd’hui, ni mieux qu’ils ne le faisaient il y a cinq mille ans. Les fourmis et les abeilles font des réserves de nourriture pour l’hiver ; mais elles le font de la même manière que lorsque Salomon les donnait en exemple, pour leur grande prudence, au paresseux.

« L’avancée la plus importante qu’il ait jamais accomplie en relation avec l’habillement fut l’invention de filage et du tissage. »

L’homme n’est pas le seul animal qui travaille ; mais il est le seul à améliorer sa manière de travailler. Cette amélioration, il l’accomplit par les découvertes et les inventions. Sa première découverte importante fut de se rendre compte qu’il était nu ; et sa première invention fut de se couvrir d’une feuille de vigne. Cet article simple, la feuille de vigne, semble avoir été l’origine du vêtement - la chose à laquelle près de la moitié du labeur humain a été consacré depuis. L’avancée la plus importante qu’il ait jamais accomplie en relation avec l’habillement fut l’invention du filage et du tissage. La machine à filer le coton, de même que le métier mécanique, inventés dans les temps modernes, qui sont des améliorations, n’équivalent pas les arts anciens du filage et du tissage. Le filage et le tissage amenèrent dans les domaines de l’habillement une grande abondance et une grande variété de matière première. La laine, les poils de plusieurs types d’animaux, le chanvre, le lin, le coton, la soie, et peut-être d’autres articles, furent tous d’une grande utilité, fournissant des vêtements non seulement adaptés aux temps humides et secs, à la chaleur et au froid, mais également susceptibles d’êtres ornementés avec beaucoup de finesse. Quand, et où exactement le filage et le tissage furent inventés, nous ne le savons guère. Lors de sa première rencontre avec Adam et Eve, après l’automne, le Tout Puissant « fit des tuniques de peau et les en vêtit » (Genèse III : 21).

La bible ne fait aucune autre allusion, avant le déluge, à l’habillement. Mais peu après le déluge, les deux fils de Noé couvrirent leur père d’un vêtement ; à partir de quel matériau, cela n’est pas mentionné (Genèse IX : 23).

Abraham mentionne « un fil », de manière à indiquer que le filage et le tissage étaient en usage à son époque (Genèse XIV : 23), et fait référence, un peu plus loin, à cet art commun. Des caleçons de lin sont mentionnés et on dit que « toutes les femmes habiles filèrent de leurs mains » (Exode XXXV : 25), puis que « toutes les femmes que leur cœur y portait en raison de leur habileté, filèrent le poil de chèvre » (Exode XXXV : 26). Le travail du « tisserand » est mentionné (Exode XXXV : 35). Dans le livre de Job, un très ancien livre, dont la date n’est pas exactement connue, la navette du tisserand est mentionnée.

La plus ancienne allusion connue au filage et au tissage est celle faite par Abraham ; et elle fut faite environ deux mille ans après la création de l’homme, et maintenant il y a presque quatre mille ans. Les auteurs profanes pensent que ces art trouvèrent leur origine en Egypte ; et cela n’est pas contredit, ni rendu improbable par quoi que ce soit dans la Bible ; car l’allusion d’Abraham, telle qu’elle fut mentionnée, ne fut faite qu’après son séjour en Egypte.

« La découverte des propriétés du fer et la fabrication d’outils en fer doivent être, parmi les découvertes et inventions importantes, les plus anciennes. »

La découverte des propriétés du fer et la fabrication d’outils en fer doivent être, parmi les découvertes et inventions importantes, les plus anciennes. Nous pouvons à peine imaginer faire quoi que ce soit sans l’usage d’outils en fer. En fait, le marteau en fer doit avoir été bien nécessaire pour fabriquer le premier marteau en fer. Mais une pierre a probablement servi de substitut. Comment le bois pour l’Arche aurait-il pu être obtenu sans une hache ? Il me semble qu’une hache, ou un miracle, était indispensable. Correspondant à ce premier besoin de fer, nous trouvons au moins une mention très ancienne à son propos. Tubal-Caïn était « l’ancêtre de tous les forgerons en cuivre et en fer » (Genèse IV : 22). Tubal-Caïn était le septième parmi les descendants d’Adam ; et il naquit environ mille ans avant le déluge. Après le déluge, des mentions fréquentes sont faites du fer et d’instruments en fer. « Objet de fer » dans Nombres XXXV : 16 ; « lit de fer » dans Deutéronome III : 11 ; « fournaise pour le fer » dans Deutéronome IV : 20 ; « outil de fer » dans Deutéronome XXVII : 5. Dans Deutéronome XIX : 5, une mention très distincte de « la hache pour abattre un arbre » est faite ; puis aussi dans Deutéronome VIII : 9, la terre promise est décrite comme le « pays où il y a des pierres de fer et d’où tu extrairas, dans la montagne, le bronze ». Etant donnée la mention fréquente du bronze en relation avec le fer, il n’est pas improbable que le bronze - peut-être ce que nous appelons maintenant le cuivre - ait été utilisé par les anciens pour les mêmes usages que le fer.

Les transports - le déplacement des personnes et des biens d’un endroit à un autre - auraient été utiles, sinon même nécessaires, dès l’émergence de l’homme. Grâce à ses capacités de locomotion, et sans l’aide des découvertes et des inventions, il pouvait se déplacer avec une facilité considérable ; il pouvait même transporter des charges légères avec lui. Mais il souhaita très rapidement diminuer le travail requis alors qu’il pouvait, en même temps, étendre son champ d’intervention. Dans ce domaine, chars et navires furent ses inventions les plus importantes. L’utilisation de la roue et de l’axe est connue depuis si longtemps qu’il est difficile, sans réflexion, de lui assigner une date précise. L’allusion écrite la plus ancienne à son égard est celle concernant un « char » (Genèse XLI : 43). C’était en Egypte, lorsque Joseph fut nommé gouverneur par le Pharaon, environ deux mille cinq cents ans après la création d’Adam. Que le char mentionné fut une voiture munie de roues et tirée par des animaux est suffisamment clair dans la mention de « roues de chars » (Exode XIV : 25), et dans la mention de chars en relation avec des chevaux dans le même chapitre, versets 9 et 23. Cela suffit, pour l’instant, en matière de transport terrestre.

Maintenant, en ce qui concerne le transport sur l’eau, j’ai décidé, peut-être sans autorité suffisante, d’utiliser le terme « bateau » pour désigner tout bâtiment voguant sur l’eau. Le bateau est indispensable à la navigation. Il n’est pas probable que le principe philosophique sur lequel est basée l’utilisation du bateau - c’est-à-dire le principe selon lequel toute chose peut flotter si elle ne peut pas couler sans déplacer un poids d’eau plus grand que le sien - fusse connu, ou même envisagé lorsque les premiers bateaux furent construits. La vue d’un corbeau se tenant sur un bout de bois à la dérive le long d’une rivière peut avoir suggéré au sauvage l’idée qu’il puisse lui-même monter sur un bout de bois, ou même deux bouts liés ensembles pour pouvoir se rendre de l’autre côté de la rivière. Une telle suggestion pourrait être à l’origine de la navigation ; ce qui n’est pas improbable, car il en fut réellement ainsi. L’idée principale fut ainsi générée ; et tout ce qui vint par la suite n’était qu’une amélioration, ou des ajouts auxiliaires à cette idée première.

Comme l’homme est un animal terrestre, on pouvait s’attendre à ce qu’il puisse apprendre à se déplacer sur la terre avant l’eau. Pourtant la traversée de courants, trop profonds pour y patauger, serait une nécessité pour lui. Si nous laissons de côté l’Arche, qui peut être considérée comme résultant plus du miracle que de l’invention humaine, la première référence à un bâtiment naviguant sur l’eau est la mention de « vaisseaux » par Jacob (Genèse XLIX : 13). Ce n’est que lorsque nous atteignons le livre d’Isaïe que nous rencontrons la mention de « rames » et de « voiles ».

« la charrue, n’aurait pu être conçue sans [...] l’idée de substituer d’autres forces de la nature à la puissance musculaire de l’homme. »

Pour ce qui est de la nourriture humaine, les premiers besoins furent satisfaits à partir de la végétation terrestre, et il était par conséquent naturel que les premiers soins fussent consacrés à assister la végétation. En conséquence nous trouvons que même avant sa chute, l’homme avait été placé dans le jardin d’Eden pour « le cultiver et le garder ». Et lorsque le labeur, à cause de la première transgression, fut par la suite imposé sur sa race comme punition - un sort - nous trouvons le premier homme né - le premier héritier du sort - qui « cultivait le sol ». Ceci était le commencement de l’agriculture ; et même si, tant en terme de temps que d’importance, elle se situe à la tête de toutes les branches de l’industrie, elle tire moins de bénéfice de la découverte et de l’invention que presque toutes les autres. La charrue, d’origine très ancienne ; et les moissonneuses batteuses, ou autres inventions modernes sont, à ce jour, les principales avancées dans l’agriculture. Même la plus ancienne d’entre elles, la charrue, n’aurait pu être conçue sans qu’une conception préalable ait été établie et mise en pratique : je veux dire la conception ou l’idée de substituer d’autres forces de la nature à la puissance musculaire de l’homme. Ces autres forces aujourd’hui utilisées sont principalement la force de l’animal, la puissance du vent, du courant et de la vapeur.

Grimper sur le dos d’un animal et faire en sorte qu’il nous transporte n’est pas si évident. Je pense que le dos d’un chameau ne nous aurait jamais suggéré une telle chose. Mais cela était néanmoins quelque chose de grande importance. La première occasion où cela fut mentionné est lorsqu’ « Abraham se leva tôt, sella son âne » (Genèse XXII : 3) avant de sacrifier Isaac en holocauste ; mais l’allusion à la selle indique que l’idée de monter un animal était en usage depuis un certain temps ; car il est fort probable qu’ils montaient sans selle dans un premier temps, au moins jusqu’à l’invention de la selle.

L’idée, une fois conçue, de monter un animal, devait bientôt être étendue aux autres espèces. Nous trouvons par conséquent que lorsque le serviteur d’Abraham se mit à la recherche d’une femme pour Isaac, il prit dix chameaux avec lui ; et lors du voyage de retour « Rébecca et ses servantes se levèrent, montèrent sur les chameaux et suivirent l’homme » (Genèse XXIV : 61).

Le cheval aussi, en tant que monture, est mentionné très tôt. La Mer Rouge passée, Moïse et les enfants d’Israël chantèrent « je chante pour Yahvé car il s’est couvert de gloire, il a jeté à la mer cheval et cavalier » (Exode XV : 1).

Voyant que les animaux pouvaient porter les hommes, il devint rapidement évident qu’ils pouvaient également porter d’autres charges. Ainsi, nous trouvons que Joseph et son frère, lors de leur première visite en Egypte, « chargèrent le grain sur leurs ânes et s’en allèrent » (Genèse XLII : 26).

Il devint aussi évident que les animaux pouvaient être utilisés pour tirer des charges, en plus de les porter sur leur dos ; et donc des charrues et chariots furent utilisés assez tôt pour être mentionnés à plusieurs reprises dans les livre de Moïse (Deutéronome XXII : 10 ; Genèse XLI : 43 ; XLVI : 29 ; Exode XIV : 25).

« Cette puissance [du vent] a été appliquée aux vaisseaux à voiles au moins depuis l’époque du prophète Esaïe. »

De toutes les forces de la nature, je pense que le vent contient la plus large quantité de puissance motrice - c’est-à-dire le pouvoir de déplacer les choses. Prenez n’importe quel lieu de la surface terrestre - l’Illinois, par exemple ; toute la puissance exercée par la totalité des hommes, des bêtes, de l’eau courante, de la vapeur, au-dessus et sur lui, n’équivaudra pas la centième partie de celle exercée par le souffle du vent sur le même endroit. Et pourtant il n’a pas acquis, jusqu’à maintenant dans l’histoire du monde, une valeur proportionnelle de puissance motrice. Il est largement utilisé, de manière avantageuse, dans la navigation, pour le déplacement des voiliers. Ajoutez à ceci quelques moulins à vent, quelques pompes et c’est à peu près tout. Le fait qu’il n’y ait jusqu’à maintenant aucune manière de le contrôler, de le diriger ; qu’il soit également aussi imprévisible - tantôt si doux qu’il peut à peine soulever une feuille, tantôt si brutal qu’il peut détruire une forêt entière - représente sans aucun doute une difficulté insurmontable. Jusqu’à maintenant, le vent n’a pu être apprivoisé, sa force n’a pu être domestiquée, et il est possible que ceci soit à l’avenir l’une des plus grandes découvertes à faire. Que les difficultés de contrôler cette puissance soient très grandes est illustré par le fait qu’elles ont été perçues et qu’on ait tenté de les résoudre depuis plus de trois mille ans ; car cette puissance a été appliquée aux vaisseaux à voiles au moins depuis l’époque du prophète Esaïe.

Pour ce qui concerne les courants comme force motrice, c’est-à-dire son application aux moulins et autres machines par l’intermédiaire de la « roue à eau » - une chose maintenant bien connue et largement utilisée, mais qui n’est pas mentionnée dans la bible, même si l’on pense qu’elle était utilisée par les romains. Le langage de notre Sauveur « deux femmes moudront au moulin, etc. » indique que, même dans la ville densément peuplée de Jérusalem, il y avait alors des moulins opérés par la force humaine - puisqu’il n’y avait à cette époque rien d’autre que la force humaine pour les faire tourner.

L’usage avantageux de la vapeur est sans aucun doute une découverte moderne. Pourtant, déjà deux mille ans avant aujourd’hui, la puissance de la vapeur avait non seulement été observée, mais un jouet ingénieux avait été fabriqué et mû par elle à Alexandrie, en Egypte. Ce qui semble étrange est que ni l’inventeur du jouet, ni personne longtemps après lui, n’ait constaté que la vapeur puisse mouvoir une machine utile aussi bien qu’un jouet.