Vers l’Alliance des 4 puissances ; L’Europe doit rejeter l’Europe-Empire

lundi 7 décembre 2009, par Helga Zepp-LaRouche

Texte du message vidéo diffusé le 4 décembre lors d’une conférence des altermondialistes russes à Moscou.


Chers amis,

Je crois que la plupart d’entre vous reconnaîtront avec moi que la faillite du système de la mondialisation aujourd’hui est supérieure de plusieurs ordres de grandeur à celle de l’économie planifiée du communisme entre 1989 et 1991. Ceux qui prétendent que le pire est déjà derrière nous mentent. Ce qu’on voit maintenant est simplement ce qu’on appelle en anglais un deuxième souffle : lorsqu’on est au bout du rouleau, on mobilise toutes ses forces pour un tout dernier effort.

Vingt-huit mois après l’éclatement de la crise systémique en juillet 2007, l’économie casino est plus agressive que jamais. Les banques sont encore plus grandes qu’avant l’effondrement de Lehman Brothers, suite aux mégafusions de différentes entités. Les transactions à haut risque ont repris de plus belle. Qu’est-ce qui s’est passé ? On a injecté des quantités immenses de liquidités pour sauver les banques, mais c’était une action condamnée d’avance puisqu’elles sont irréversiblement en faillite. Rien qu’en Amérique, 23 000 milliards de dollars de liquidités ont été injectées dans le système, et il y a eu des sommes comparables en Europe. Mais tout cela n’a pas ralenti la chute libre de l’économie réelle.

De nouvelles bulles ont été créées, l’immobilier commercial est à deux doigts de l’effondrement, de même que le marché des credit default swaps, soit des swaps sur défaut de crédit. A cela vient s’ajouter un nouveau danger, et il est énorme : le portage en dollars. C’est-à-dire que le prochain mégacrash n’est plus qu’une question de temps, et alors nous nous trouverons devant le danger – faute de changement majeur – le danger d’une descente dans le chaos et une hyperinflation comme en Allemagne de Weimar en 1923, mais à l’échelle mondiale cette fois-ci.

Comme mon mari Lyndon LaRouche l’a déjà expliqué dans son discours sur vidéo, [*] l’accord conclu début octobre entre la Russie et la Chine représente le début potentiel d’un nouveau système de crédit. D’autres nations souveraines devraient s’y joindre. Si la Russie, la Chine, l’Inde – et on espère bientôt les Etats-Unis – coopèrent dans ce sens, cela peut effectivement mener à un nouveau système de crédit.

Je voudrais aborder le rôle de l’Europe dans ce contexte. Tant que les nations européennes seront emprisonnées dans le corset de l’UE, l’Europe n’a aucune chance de vaincre la crise. La bureaucratie de l’UE à Bruxelles prétend le contraire, ils disent que l’intégration européenne est nécessaire pour permettre à l’Europe de s’affirmer en puissance régionale contre d’autres puissances régionales émergentes dans le monde, mais il n’en est rien.

De plus, il est faux de dire, comme le font habituellement les défenseurs de l’UE, que ceux qui la critiquent sont des europhobes. On peut très bien être pour l’Europe dans le sens où l’entendait de Gaulle : une Europe des patries.

Le problème avec l’UE, c’est que depuis le traité de Maastricht au plus tard, elle se développe en un véritable empire. Si on regarde l’évolution de la situation depuis la chute du Mur en 1989 et les manipulations de Margaret Thatcher avec sa campagne sur le « Quatrième Reich », celles de François Mitterrand qui a même menacé de faire la guerre si l’Allemagne n’acceptait pas de renoncer au mark, et celles de Bush Senior, qui voulait amener l’Allemagne à s’auto-endiguer, alors on constate en rétrospective, que tous ces efforts pour intégrer l’Allemagne réunifiée dans l’UE avaient pour objectif essentiel de restreindre le rôle de l’Allemagne dans le développement économique de l’Union soviétique, puis de la Russie.

En 1991, l’occasion se présentait de fonder les relations Est-Ouest sur une base complètement nouvelle et d’organiser un véritable ordre de paix pour le XXIème siècle, puisqu’il n’y avait plus d’adversaire. Toutefois, précisément à cette époque, les néoconservateurs dans le premier gouvernement Bush, autour de Cheney, Bush, Shultz et Rumsfeld entendaient établir la doctrine du « siècle américain », et faire de la relation spéciale entre l’Angleterre et les Etats-Unis, le commencement d’un nouveau gouvernement mondialiste. La conséquence en était la première guerre du Golfe.

Au cours des huit années de la présidence de Bill Clinton, la réalisation de cette idée d’empire mondial a été en quelque sorte suspendue, mais la mondialisation sur les plans économique et financier s’est développée à une vitesse fulgurante. En 1996, par exemple, Richard Perle a mis la politique dite de rupture nette (Clean break) à l’ordre du jour, par le biais du premier ministre israélien Netanyahou. Elle prévoyait, en gros, d’écarter, au moyen de changements de régime d’une manière ou d’une autre, tous les gouvernements hostiles à ce nouveau gouvernement mondialiste.

En janvier 2001, mon mari Lyndon LaRouche avertit que la nouvelle Administration Bush se trouverait confrontée à tant de difficultés économiques qu’elle pourrait être tentée d’orchestrer un genre d’« incendie du Reichstag ». Et justement neuf mois plus tard, le 11 septembre 2001, voilà ce qui s’est passé. Le lendemain, Cheney se présenta devant des journalistes de la presse internationale pour prétendre qu’il était clairement établi que Saddam Hussein et l’Irak étaient responsables des attentats. C’était le prétexte de la guerre lancée plus tard contre l’Irak et bien sûr aussi pour la guerre d’Afghanistan.

C’est sur cet arrière-fond qu’il faut considérer le traité de Maastricht que l’UE a adopté. Il ne s’agissait pas seulement d’endiguer l’Allemagne réunifiée en l’ancrant dans l’Union européenne, mais aussi de la politique de réforme imposée à la Russie — ce qui a amené dans les années 1990 à la désindustrialisation brutale que nous savons. En vertu de ce traité, l’Allemagne devait renoncer au mark et accepter l’union monétaire et l’euro. Helmut Kohl disait à l’époque qu’il était convaincu qu’une union monétaire sans union politique ne fonctionnerait jamais. Mais à travers différentes manoeuvres bien perverses – y compris l’assassinat d’Alfred Herrhausen, le chef de la Deutsche Bank — il a fini par l’accepter. Et force est de constater que, depuis cette époque, l’UE est devenue une sous-structure de la mondialisation.

Le comportement de Bruxelles et de la Commission européenne depuis l’éclatement de la crise en 2007 montre qu’elle ne s’est pas écartée d’un iota du paradigme néolibéral. La nouvelle ministre des Affaires étrangères, Mme Ashton, dispose de 8000 collaborateurs qui ont potentiellement plus de pouvoir que tous les gouvernements des pays membres, et ils tiendront un grand rôle en matière de politique étrangère et de défense. La Commission a clairement indiqué son intention de perfectionner le libre-échange, insistant sur la conclusion du cycle de Doha. Elle a admis que dans le domaine de la santé, la politique de l’UE est orientée sur la pratique britannique dite QALY, soit le calcul de la qualité des années de vie, qui donne les traitements en priorité aux gens qui pourront être vite réintégrés dans la vie professionnelle, et tant pis pour les enfants et les vieux pour qui ce n’est pas le cas, et qui recevront moins de soins. On se dirige vers la politique que les nazis appelaient « Tiergarten 4 », et qui mena à la définition des « vies non digne d’être vécue ».

Le monstre que l’UE est devenue est le plus évident dans le domaine de l’agriculture. En Allemagne, par exemple, un tiers des producteurs de lait ont déjà dû cesser leur activité et bien d’autres risquent de faire faillite dans les semaines et les mois à venir, à cause de la politique de prix de l’UE. De toute évidence, l’objectif de celle-ci est de remplacer les exploitations familiales par des complexes agro-industriels.

J’irai jusqu’à prévoir que si l’Union européenne maintient la politique néolibérale actuelle, qu’on en arrivera, avec l’aggravation de la crise, à une révolte contre l’UE – pas seulement de la part de certains pays membres, mais aussi de ces catégories socio-professionnelles qui ne pourront survivre avec une telle politique.

Tant que l’Europe s’en tient à la politique actuelle, elle n’a pas les instruments nécessaires pour protéger l’industrie ou l’intérêt général, parce que le pacte de stabilité et le soi-disant frein à l’endettement – inscrit entre-temps aussi dans la constitution allemande – privent les gouvernements des moyens de prendre des mesures nécessaires pour vaincre la crise économique, par exemple à travers la création de crédit productif. Si l’Europe persiste dans cette voie, quoi qu’il arrive ailleurs dans le monde, elle sombrera dans un nouvel âge des ténèbres.

Mais il existe bel et bien une alternative. Si cet accord se réalise entre la Russie, la Chine, l’Inde et, espérons-le, les Etats-Unis, alors les nations européennes pourront se joindre, en Etats souverains, à ce nouveau système de crédit. Dès lors, je vois un rôle tout à fait positif pour l’Allemagne, la France, l’Italie et les autres pays européens. A titre d’exemple, les petites et moyennes industries en Allemagne disposent de moyens et d’équipements industriels qui seraient cruciaux pour le développement de l’Eurasie.

Je pense que c’est la bonne voie à suivre, de manière à assurer le développement optimal de chaque pays d’Eurasie, d’Afrique, d’Amérique latine, en nation souveraine. C’est une idée développée par Nicolas de Cues, selon laquelle la concordance dans le macrocosme n’est possible que si tous les microcosmes se développent au mieux.

Or, dans son dernier rapport annuel, l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) écrit que 1,2 milliard d’hommes ont faim tous les jours. Ca, je pense, est la véritable honte de la mondialisation. C’est pourquoi vaincre la faim et la pauvreté – surtout en Afrique et en Amérique latine – doit figurer parmi les nouvelles taches de la coopération entre républiques souveraines.

Nous devons nous donner des objectifs communs, comme M. LaRouche l’a déjà indiqué. La conquête spatiale représente le prochain défi, où l’humanité peut s’unir à un niveau supérieur. La direction que nous allons prendre – vers le chaos et le déclin ou bien vers un nouvel ordre économique mondial – voilà une décision qui, selon toute prévision, devra être prise dans les semaines et les mois à venir. Et je pense que nous devons répondre à ce défi avec courage et confiance.

Merci beaucoup.


Vidéos :


[*L’intervention de Lyndon LaRouche lors de cette même conférence n’est pas encore disponible en français. Vous pouvez visionner la vidéo en anglais sur le site du LaRouchePAC