De la Lune à Mars : la nouvelle science économique

mercredi 10 mars 2010

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Nous publions ici la traduction d’une vidéo passionnante de 30 minutes, réalisée aux Etats-Unis par le Comité d’action politique de Lyndon LaRouche

L’espèce humaine est créatrice, de façon instinctive. Aucun animal n’est créateur. Seule l’espèce humaine est créatrice. Les processus vivants sont créateurs ; la vie est créatrice, mais elle ne l’est pas consciemment. Même le monde dit inanimé, est créateur. L’évolution des étoiles, des systèmes stellaires est un processus créateur. Mais la différence est que l’homme est créateur individuellement. Et c’est la créativité délibérée de l’homme qui façonnera le futur du Système solaire, et au-delà.

Lyndon LaRouche, 4 décembre 2009

L’industrialisation de l’espace devrait devenir un aspect central de la planification économique nationale dans les années à venir, si l’on espère retrouver une véritable croissance économique sur Terre.

L’économiste Lyndon LaRouche a proposé pour la politique spatiale l’objectif d’une mission habitée vers Mars utilisant des moteurs de fusées à fusion thermonucléaire, et avec une durée de vol d’une semaine ou moins. De nombreuses étapes devront être franchies pour cela, dont l’industrialisation de la Lune et le développement de l’énergie de fusion. Mais ce seront là les marqueurs d’un progrès plus général : la création d’une culture associée à une société dans laquelle l’espèce humaine n’est plus cantonnée à la Terre. Le but de l’exploration spatiale n’est pas de s’emparer de territoires ou de piller des matières premières pour la Terre. Il s’agit au contraire d’opérer un changement dans la relation entre l’homme et l’univers, permettant de développer de nouveaux principes nécessaires pour améliorer la vie ici sur Terre.

Un tel changement exige une autre compréhension de ce qu’est la « science économique ».

Mesurer la valeur économique

La science de l’économie physique commence par considérer le développement de toute une nation comme un seul processus physique couvrant des cycles d’investissement dans l’équipement pour au moins deux générations. Toute planification économique doit partir de la question suivante :

Où voulons-nous être dans cinquante ans, et que devons-nous faire aujourd’hui pour y arriver ?

Contrairement aux statistiques financières, une véritable notion de profit physique montre que les grands projets constituent une part nécessaire à la croissance économique nationale. On observe d’ailleurs un phénomène similaire dans la biosphère, dont la croissance au cours de l’histoire s’effectue par des sauts évolutionnaires relativement rapides et à grande échelle.

Comme le biogéochimiste Vladimir Vernadski l’a montré au début du XXe siècle, l’évolution de la biosphère est gouvernée, non pas à l’échelle darwinienne de changements aléatoires dans des organismes individuels, mais à une échelle planétaire. L’évolution est dirigée selon une augmentation constante de la migration biogénique des atomes à l’échelle planétaire – c’est-à-dire selon le taux auquel la matière vivante consomme, transforme et redistribue la matière, au cours du processus de croissance et de développement.

Bien que la production totale d’énergie de la biosphère augmente avec le temps, elle n’est pas simplement consommée par la multiplication d’organismes.

L’histoire de la biosphère est marquée par l’augmentation de la densité de flux énergétique, grâce au développement de technologies plus efficaces pour concentrer et utiliser cette énergie afin d’accomplir plus de travail biogéochimique, comme c’est le cas dans la photosynthèse des plantes, ou dans la concentration de fonctions supérieures dans le système nerveux central, complexe et à forte intensité énergétique, chez les mammifères.

Puisque la raison créatrice a donné à l’humanité la capacité de diriger volontairement sa propre évolution, nous avons surpassé la biosphère en termes d’augmentation de ce que Lyndon LaRouche appelle le potentiel de densité démographique relative de l’humanité. Sous l’influence d’une nouvelle force géologique – la culture humaine – la migration biogénique d’atomes augmente sur la Terre elle-même et, en puissance, dans tout le Système solaire.

Les pré-conditions matérielles qu’avait créées la biosphère pour la croissance et l’amélioration de l’espèce humaine doivent être recréées et augmentées par l’activité humaine. Par conséquent, il faut consacrer une part grandissante de l’activité économique totale à des investissements à long terme mettant en œuvre les avancées scientifiques dans la production et l’infrastructure – investissements capitalistiques à long terme qui assurent les conditions matérielles des générations futures. L’économie physique, tout comme la biosphère, est déterminée « du haut vers le bas ».

La « triple courbe » de LaRouche

Comme le niveau de l’économie physique de la nation (production et distribution de biens physiques, infrastructure) a été subordonné, depuis quarante ans, à des valeurs de plus en plus temporaires et fictives d’instruments financiers et monétaires, leurs taux de croissance relatifs ont de plus en plus divergé.

On a remplacé une économie basée sur la production par le mythe d’une économie basée sur la consommation.

Dans ce système, la profitabilité des valeurs monétaires et financières dépend de la réduction des coûts physiques associés à l’infrastructure, à la production et à la recherche et développement. Privé des entrants nécessaires représentés par les coûts de ces investissements physiques qui créent le potentiel pour la croissance future, le système s’est effondré.

Les mesures de réduction des coûts pour économiser de l’argent s’avèrent les plus coûteuses. Pourtant, en tant que nation souveraine, les Etats-Unis ont le pouvoir d’émettre du crédit à long terme en prévision de l’accroissement futur de la richesse nationale que cela permettra. Autrement dit, le domaine dans lequel il convient de mesurer la valeur économique s’étend au-delà des conditions apparentes du moment, à au moins une ou deux générations dans le futur – et c’est ce futur qui doit informer les décisions que nous prenons aujourd’hui.

Reste à savoir comment on mesure la valeur économique réelle. Dans la comptabilité monétariste du libre-échange britannique, l’argent est traité avec des plus et des moins, c’est-à-dire comme ce qu’on appelle en physique un nombre scalaire : sa valeur ne peut qu’augmenter ou diminuer, en dépit du fait que de nouvelles découvertes changent qualitativement les valeurs économiques physiques qu’on mesure. Ainsi, dans le Système britannique, un dollar dépensé dans un casino n’est pas différent d’un dollar dépensé pour une usine sidérurgique ou pour le programme spatial.

Par contre, le véritable Système d’économie politique américain repose sur l’économie physique, donnant une priorité nationale à l’agriculture, à l’industrie et à l’infrastructure.

Considérons l’exemple de David Lilienthal, qui dirigeait à l’époque de Franklin Roosevelt le projet de développement de la vallée du Tennessee (TVA), le grand projet public d’aménagement de l’eau et de production d’électricité mis en chantier pendant la Grande dépression. Voici ce qu’il écrivait sur l’importance du TVA dans l’accroissement de la productivité de cette région et au niveau national, grâce à la nouvelle dynamique économique ainsi créée :

Le coût de ces travaux de développement apparaît dans les livres du TVA, suivant la terminologie comptable, comme des "dépenses nettes" ; mais les avantages en découlant se manifestent dans le bilan de la région et de la nation. Et comme ce fut le cas des dépenses publiques en améliorations à travers le pays depuis l’époque de Henry Clay, on prévoyait que les dépenses seraient remboursées aux contribuables, non pas directement en dollars, mais indirectement en avantages économiques.

David E.Lilienthal, TVA, Democracy on the March (1944)

Aujourd’hui, le programme spatial représente potentiellement le moteur le plus puissant pour produire de tels avantages. Un programme de colonisation de la Lune et de Mars, basé sur la fusion thermonucléaire, nécessitera d’importants investissements nationaux à long terme, faisant appel à une force de travail qualifiée qui se fait de plus en plus rare, à des technologies qui n’existent pas encore, et à des connaissances qu’il reste à découvrir. Relever ces défis exige non pas une approche à petits pas, mais une mission scientifique pour développer rapidement les qualifications et les technologies nécessaires pour s’attaquer simultanément à de multiples problèmes, relevant de domaines fondamentaux de la connaissance. Que faudra-t-il pour perfectionner l’activité industrielle et la production alimentaire dans l’espace ? Quels sont les effets biologiques de missions de longue durée au-delà du champ gravitationnel et magnétique de la Terre ? Dans combien de temps pourrons-nous rendre opérationnelle la fusion thermonucléaire ?

Un programme à marche forcée, alimenté par la découverte scientifique, sert à organiser les énergies et les qualifications, disait John Kennedy. Et là où les qualifications font défaut ou n’existent pas encore, nous les créerons. En mettant sur pied les Civilian Conservation Corps, dans les années 1930, Franklin Roosevelt montra comment on peut inspirer des légions de jeunes gens peu instruits et sans qualifications pour les faire participer à une mission nationale et leur donner les moyens de l’accomplir.

Au cours des dernières décennies, des experts de l’aérospatiale ont été recrutés par Wall Street pour concevoir les instruments financiers complexes que nous appelons aujourd’hui « titres toxiques ». Dans le cadre de la mission Lune-Mars, ces chercheurs pourront se remettre à concevoir des fusées.

Augmenter les dépenses nationales dans l’éducation, la recherche et développement, et l’infrastructure de pointe augmente le coût physique total de l’économie. Mais si on concentre ce coût dans des investissements dans l’amélioration du processus physique, par de nouvelles qualifications et de meilleures technologies – par une plus forte intensité capitalistique – on réduit le coût physique par tête, et on augmente le profit physique pour la société dans son ensemble. C’est la seule forme de véritable profit en économie.

Le but général de la mission est de pousser l’astrophysique, la microphysique, la science biologique et les connaissances humaines bien au-delà des limites actuellement prévisibles au cours du siècle à venir. En travaillant simultanément dans l’espace et sur Terre à réaliser ces percées coordonnées dans la découverte de nouveaux principes, lorsque nous aurons établi la première colonie scientifique sur Mars, nous aurons révolutionné plusieurs fois la science et l’économie sur Terre.

Compte tenu des retombées économiques, un projet apparemment si cher ne coûte en réalité pas un sou.

Un programme scientifique à marche forcée

N’oublions pas les leçons du projet Apollo des années 1960. Ce fut un exploit technologique surpassant tout ce qui l’avait précédé dans l’histoire. Mais son plus grand impact fut de frapper l’imaginaire, source ultime de la richesse physique.

En 1961, contre l’avis de plusieurs de ses propres conseillers, le président Kennedy lança un défi de taille à la nation américaine : mettre un homme sur la Lune avant la fin de la décennie. Afin de réaliser cette tâche monumentale, il fallait mettre au point de nouveaux moteurs de fusée dix fois plus puissants que tous ceux qui existaient alors.

Il fallait créer de nouveaux vaisseaux spatiaux, plus complexes que toute machine construite jusqu’alors, et capables de se rejoindre dans l’espace, de maintenir la communication avec la Terre sur une distance de quelque 370000km, et de ramener les membres de l’équipage sur Terre avec une rentrée dans l’atmosphère à des vitesses plus grandes et des températures plus hautes qu’on n’ait jamais expérimentées. On ne savait même pas encore si les êtres humains pouvaient s’activer dans l’espace plusieurs journées d’affilée. On connaissait mal les conditions sur la Lune, ni même si un vaisseau pouvait atterrir sur la surface lunaire sans être englouti par la poussière lunaire. Jusque-là, sur sept tentatives américaines d’envoyer des sondes non habitées sur la Lune, cinq avaient échoué.

Au moment où John Kennedy engagea la nation américaine à envoyer un homme sur la Lune, les Etats-Unis n’avaient pas encore mis un homme en orbite autour de la Terre.

Mais la mission était clairement définie, et la nation se mobilisa en conséquence. Au plus fort du programme, plus de 400000 personnes travaillaient directement sur Apollo, dont 90% dans l’industrie. Des milliers de scientifiques, ingénieurs et techniciens hautement qualifiés travaillaient sous la direction de la NASA qui accorda des millions de dollars sous forme de bourses aux universités pour en former des milliers d’autres. Presque tous les aspects du programme présentaient de nouveaux types de problèmes qu’il fallait résoudre au plus vite pour respecter le calendrier.

Ce fut l’ingéniosité d’un secteur industriel ouvert à la science, conjuguée à la mission assignée par le gouvernement à travers la NASA, qui assura la réussite de l’alunissage et alimenta la dynamique nationale de croissance économique réelle – une réussite exemplaire du Système d’économie politique américain d’Alexander Hamilton. Alors que l’industrie, l’université et le gouvernement se penchaient simultanément sur des problèmes scientifiques et techniques, les percées dans un domaine se répercutaient rapidement aux autres. Grâce à la connexion étroite entre l’industrie de base et la R&D de pointe, des progrès majeurs ont été enregistrés en amont dans le secteur de la machine-outil, au grand bénéfice des secteurs de l’économie civile en aval.

De nouvelles industries dans la microélectronique, les communications et les matériaux de pointe ont fourni de nouveaux emplois, tout en accroissant la productivité de l’économie dans son ensemble. Le crédit d’impôt à l’investissement mis en place par Kennedy pendant cette période favorisait l’investissement dans les équipements et les machines.

Pris dans l’optimisme du programme Apollo, des investissements privés ont souvent précédé les contrats du gouvernement, les sociétés dépensant leurs propres budgets de R&D en prévision de l’engagement des pouvoirs publics dans l’espace. Contrairement à l’absurde théorie de l’offre et de la demande du marché, c’est l’investissement productif qui génère la « demande ».

Nombreux étaient les dirigeants du programme Apollo qui l’envisageaient non pas comme un but en soi, mais comme un premier pas vers la nécessaire présence de l’homme dans le Système solaire. James Webb, administrateur de la NASA de 1961 à 1968, parlait de « la maîtrise de l’espace et de son utilisation pour le plus grand bien de l’humanité ». La vaste infrastructure humaine et technique construite pour Apollo devait servir de fondement pour la station spatiale, un avant-poste lunaire et la mission habitée vers Mars.

Dans le discours où Kennedy annonçait le programme lunaire, il proposait d’accélérer en même temps le programme de fusées nucléaires, afin d’obtenir un jour « le moyen d’une exploration de l’espace encore plus excitante et ambitieuse, peut-être au-delà de la Lune, peut-être au bout du Système solaire ».

La fusée propulsée par la fission nucléaire fut le projet de recherche-et-développement le plus avancé du programme spatial. Utilisant la fission pour chauffer l’hydrogène liquide pour l’étage supérieur d’une fusée voyageant au-delà de l’orbite terrestre, elle aurait été l’étape technologique naturelle conduisant aux moteurs à fusion – la clef pour le vol interplanétaire au-delà de la Lune, prévue pour les missions après Apollo.

Pourquoi la fusée nucléaire ? La réponse est simple : une fois qu’on est dans l’espace, les carburants chimiques ont des limites. Le principe de la densité de flux énergétique s’applique autant à la fusée qu’à toute autre partie de l’économie productive, depuis la production d’électricité jusqu’à la conception d’une machine-outil.

En première approximation, la densité de flux énergétique renvoie à la densité d’énergie mesurée par la quantité de travail utile que permet de réaliser une masse donnée de carburant. Avec la découverte d’un principe physique nouveau, exprimé dans la fission nucléaire, nous avons gagné non seulement un accroissement de la densité énergétique, mais aussi un changement dans la puissance transformatrice du processus lui-même. La fusion représente la prochaine étape nécessaire de la maîtrise de la nature par l’homme.

Les réacteurs expérimentaux à fusion que nous avons aujourd’hui utilisent de puissants aimants ou des lasers pour fusionner le deutérium et le tritium – les isotopes lourds de l’hydrogène, l’élément le plus léger. A des températures de l’ordre de la centaine de millions de degrés, la plus grande part de l’énergie produite par la fusion se trouve dans des particules électriquement neutres, les neutrons, qu’on ne peut pas contrôler directement. Mais dans une réaction entre l’hélium-3 (disponible sur la Lune) et le deutérium (abondant dans l’eau de mer), la quasi totalité de l’énergie est produite sous forme de particules à haute énergie ayant une charge électrique et pouvant donc être contrôlées par des champs magnétiques, ce qui signifie qu’on peut utiliser pratiquement toute l’énergie produite. Ainsi, l’hélium-3 est le « Saint Graal » des combustibles à fusion, et la clé pour ouvrir tout le Système solaire à l’homme.

Le passage des réactions chimiques à la fission nucléaire est, pour l’espèce humaine, un saut nécessaire vers des densités de flux énergétiques plus élevées. Le passage de la fission à la fusion sera tout aussi important que la découverte du feu par l’homme préhistorique.

Au sein de la NASA, tout projet sérieux de voyage habité vers Mars allait de pair avec le programme de fusée nucléaire, puisqu’on reconnaissait que tout vol habité vers la planète rouge nécessiterait la propulsion nucléaire. Ce qui n’était qu’un rêve quelques années auparavant, se dessinait comme une réalité imminente. Si l’on avait pu aller sur la Lune en moins d’une décennie, Mars ne semblait plus aussi éloigné. Nombre d’études officielles examinaient diverses options pour les tout premiers survols ou atterrissages sur Mars dès le début des années 1980. Et les projections les plus conservatrices mettaient l’homme sur la planète rouge pour l’année 2000.

L’état d’esprit qui régnait à la NASA était que faire l’impossible est un impératif national.

La plupart des grands investissements du programme Apollo ont été consentis dans les cinq années suivant l’annonce du projet par Kennedy. Au moment de réaliser ce défi, huit ans plus tard, une bonne partie de l’infrastructure humaine et technologique qui l’avait rendu possible, avait déjà été jetée par-dessus bord avec les projets avancés comme la fusée nucléaire.

Pourtant, toutes les grandes études économiques d’Apollo depuis les années 1970, soulignent les effets multiplicateurs pour toute l’économie, des nouvelles technologies et des nouvelles qualifications développées pour le programme spatial. Pour le dire simplement, la rentabilité du programme spatial a dépassé celle de toute autre activité économique légale.

Le programme Apollo était-il « non soutenable », comme le prétendent certains, et sa réalisation, une anomalie due uniquement aux conditions de la Guerre froide ? Les fondamentaux de l’économie physique démontrent le contraire : les investissements dans le programme spatial et le crédit d’impôt à l’investissement appliqués par le président Kennedy furent à l’origine de la dernière véritable vague de croissance économique des Etats-Unis.

Un peu moins de quarante ans après l’arrêt du programme Apollo, l’économie postindustrielle de réduction de coûts, de privatisation et de dérégulation, promue comme le modèle de ce qui est « soutenable », s’est effondrée.

Percées de l’avenir

Il n’y a pratiquement aucun exemple d’un observatoire ou d’une sonde envoyés dans l’espace qui n’aient entraîné la découverte d’un nouveau paradoxe dans notre compréhension de l’univers. Les observations faites au cours d’une seule année ont redéfini notre connaissance de la forme de l’héliosphère qui entoure le système solaire et de la nature de la magnétosphère de la Terre, et confirmé la présence d’eau sur la Lune. Serons-nous surpris de voir qu’à l’avenir, les découvertes les plus importantes viendront de l’exploration spatiale ?

Le Système solaire, sans parler de l’univers, abonde en anomalies astrophysiques et autres qui n’attendent que nos esprits inquisiteurs pour les explorer. Sur cette seule base, on peut affirmer que le nombre de découvertes fondamentales que l’humanité réalisera au cours de ses premiers pas vers la colonisation de Mars, nous assurera des percées scientifiques majeures dans la science terrestre.

Si la recherche sur la fusion est liée à une mission de voyage habité interplanétaire, cela nous projettera à la pointe même de la science, laissant entrevoir des principes fondamentaux de la matière à l’échelle microphysique, ainsi que leur connexion aux phénomènes à l’échelle de l’astrophysique – après tout, la fusion se produit naturellement dans les étoiles. Le vol à l’aide de la fusion ouvrira aussi un domaine expérimental entièrement nouveau, en rendant possible un phénomène qui ne s’est jamais produit dans l’univers connu : la création d’un champ gravitationnel artificiel par l’accélération constante à travers l’espace cosmique.

L’aspect le plus fondamental d’une mission habitée vers Mars est aussi le plus difficile : y faire parvenir les êtres humains vivants. On sait depuis longtemps que l’apesanteur prolongée dans l’espace entraîne des effets physiologiques délétères. Perte de densité osseuse et de tonus musculaire, problèmes cardiaques, etc., sont parmi les difficultés connues, qui impliquent de nombreux paradoxes. Au début, on pensait que la perte de densité osseuse et de tonus musculaire découlait simplement d’effets attribués à l’atrophie, du fait de l’inaction de l’organisme en microgravité et de l’absence de poids. Toutefois, des expériences montrent que d’autres facteurs entrent aussi en jeu. Par exemple, la limitation artificielle de la charge pondérale chez des êtres humains et des souris sur Terre ne reproduit pas pleinement cet effet (souris suspendues par la queue) et, inversement, forcer des astronautes à soutenir des charges en cours de vol spatial, ne s’y oppose pas.

On pourrait partir de différentes hypothèses pour explorer cette question. Les plus intéressantes sont celles touchant aux propriétés électromagnétiques de la matière vivante et sa réaction aux modifications de l’environnement radiatif, ainsi qu’aux rapports isotopiques. On sait, par exemple, que protéger complètement des organismes de l’environnement radiatif normal entraîne des problèmes de croissance.

Par contre, on sait qu’une perte de densité de l’os pelvien chez la femme se produit au cours du traitement du cancer du col de l’utérus par radiothérapie. Par ailleurs, les recherches sur l’application de champs magnétiques pour accélérer la guérison d’os cassés ont été fructueuses. Il est probable que des processus similaires entreront en jeu lors de séjours de longue durée hors du champ gravitationnel de la Terre. Tout ceci indique un rôle potentiellement important pour les phénomènes électromagnétiques et nucléaires dans la biologie spatiale – ainsi que leur importance pour la vie ici.

On peut s’y attendre du point de vue d’une théorie de champ unifié : après tout, l’électromagnétisme existe-t-il séparé de la gravitation ? Que créons-nous, en fait, lorsque nous créons un champ gravitationnel artificiel associé à une accélération de 1G ? Si la gravité artificielle est réellement de la gravité, quels seront ses effets sur la matière ? Quelle sera sa composante électromagnétique ? Et son effet sur la matière vivante, et sur l’espace-temps lui-même ?

La maîtrise de ces questions nécessitera un éventail d’expériences complètement nouvelles, soumettant des instruments soigneusement construits ainsi que des échantillons de matière vivante à une accélération constante, s’éloignant de la Terre ou y revenant. Les connaissances que nous tirerons des réponses à ces questions mèneront certainement à de prodigieuses percées et de nouvelles approches au moins pour le sida, le cancer et la virologie en général – sujets relevant de phénomènes électromagnétiques, gravitationnels, nucléaires et quantiques qui restent peu étudiés.

Les enjeux des voyages interplanétaires habités, dans des vaisseaux accélérés par la fusion nucléaire, sont de nature encore plus fondamentale et promettent des retombées économiques et technologiques encore plus importantes que celles du programme Apollo des années 1960.

Ceci nous amène au domaine de l’économie et de la politique : l’organisation de la société humaine. L’espèce humaine doit comprendre, et c’est là la tâche de l’éducation, que les différentes étapes vers le devenir d’une espèce spationaute – industrialisation de la Lune, développement de l’énergie de fusion, colonisation de Mars – ne sont pas optionnelles. Les problèmes sur Terre ne sont pas de nature locale. Les percées scientifiques fondamentales nécessaires pour s’attaquer à ces problèmes résident, tout comme la réponse à leurs origines, dans les étoiles.