Etre, ou ne pas être :
une question galactique

mardi 9 août 2011

Une vidéo de Cody Jones, de l’équipe scientifique du LaRouchePAC, au sujet de la corrélation entre les cycles galactiques et de l’évolution de la vie sur Terre.

Transcription

L’Humanité est-elle unique sur cette planète, ou ne serions-nous que de simples bêtes ? Voilà une question qui s’avère existentielle aujourd’hui, étant donné les derniers évènements au Japon et dans le Pacifique, le long de la ceinture de feu [qui connaît la plus forte concentration de séismes, volcans et tsunamis, NDT].

Si, comme le demandent ces monétaristes, disciples d’Adam Smith, nous continuons à agir comme de simples créatures darwiniennes, nous efforçant de survivre en recherchant le plaisir et en évitant la douleur, sans autre choix que d’accepter qu’une minorité privilégiée jouisse au maximum de ses plaisirs, tandis que la majorité survit en minimisant autant que possible ses souffrances, alors nous sommes destinés, tels des bêtes, à subir le même sort que les espèces qui nous ont précédés et celles qui nous succèderont. Or nous savons que presque 99% des espèces ayant existé sur cette planète ont disparu.

Mais si nous reconnaissons que l’on peut conférer à l’homme une identité supérieure, au-delà des simples perceptions sensorielles de son enveloppe mortelle, une identité qui puisse s’incarner dans les plus grands accomplissements des arts classiques et de la science, alors il nous faut accomplir notre mission, non pas dans ce qui est, mais dans ce qui doit devenir.

Pour mieux comprendre ce que nous allons devoir affronter, il nous faut remonter aux étoiles ; devenir, non pas astrologues, mais archéologues de notre galaxie, et observer comment l’influence des processus galactiques et intergalactiques sur terre nous permettra de voir ce qui pourrait nous arriver dans l’avenir.

Commençons par le cycle d’environ 62 millions d’années, découvert à partir de prélèvements fossiles de biodiversité marine rassemblés par les chercheurs John Sepkowski et David Raup, pendant la période s’étalant sur 542 millions d’années dénommée Phanérozoïque.

Un groupe de scientifiques dirigé par Richard Muller découvrit, à partir de ces données, que les changements dans la biodiversité, mesurée en nombre de genres distincts de créatures, augmentait et diminuait suivant un cycle de 62 millions d’années, sans qu’aucune cause ni corrélation avec d’autres processus sur terre n’aient été déterminées.

Les astrophysiciens Mellot et Medvedev, de l’université du Kansas, émirent alors l’hypothèse que ce cycle pouvait correspondre au cycle théorique de 60 millions d’années environ, du déplacement de notre système solaire, au-dessus et en dessous du plan galactique le long de son orbite autour de la Voie lactée.

Cependant, ce nouveau cycle théorique ne nous offre de moments singuliers qu’à des intervalles de trente millions, soit entre deux points d’éloignement maximal du système solaire par rapport au plan galactique, au nord comme au sud, ou encore au point de rencontre avec ce même plan...

Pourquoi alors un cycle de 62 millions d’années et non de 30 ? Ce que Mellot et son équipe proposèrent alors, c’est de connecter ce cycle de biodiversité de 62 millions d’années aux positions de notre système solaire uniquement dans la face nord de notre galaxie. L’idée étant que, notre galaxie semblant se déplacer du sud au nord à la vitesse de 200 km/sec, en direction d’un plus grand amas d’étoiles situé, de notre point de vue terrestre, dans la constellation de la Vierge, il se formerait, sur cette face nord, une onde de choc plus dense en radiations cosmiques et électromagnétiques, que notre système solaire rencontrerait alors tous les 60 millions d’années environ.

L’intensification des rayonnements liée aux changements dans la biodiversité est ici décrite de manière simpliste et cinématique, mais comme nous le clarifierons par la suite, il existe un nombre bien plus grand de processus associés dynamiquement avec ce cycle, qui ne peuvent être réduits à de simples causes mécaniques.

Toutefois, le modèle précédent n’est pas la seule hypothèse de ce genre. Reprenant cette idée que l’intensification des rayonnements cosmiques changerait en fonction des cycles galactiques, le scientifique Nir Shaviv et ses collaborateurs explorèrent les données géologiques terrestres pour déterminer le cycle d’exposition de la Terre aux rayonnements cosmiques. Ils corrélèrent l’accroissement du taux d’isotope de potassium 41 mesuré dans les météorites de fer-nickel trouvées sur terre, avec l’accroissement de radiations cosmiques suspecté d’apparaître, d’après leurs propres calculs, chaque fois que le système solaire traverse un des bras spiraux de la Voie lactée, tous les 143 millions d’années environ.

Les bras de la galaxie, où sont présents des amas d’étoiles dans lesquels les explosions et les super nova sont bien plus fréquentes, seraient alors le siège de radiations cosmiques plus intenses et énergétiques.

Cependant, quelque chose de bien plus sinistre se cache derrière ces 62 millions d’années de variation de la biodiversité, alors que notre système solaire oscille autour du plan de la galaxie : une corrélation évidente entre le cycle galactique et les périodes de grandes extinctions sur terre.

Les cinq grandes extinctions connues dans le passé se sont toutes produites dans la même zone générale des cycles de 62 millions d’années, et avec un système solaire allant dans la même direction par rapport au plan galactique. En outre, quatre de ces cinq extinctions massives concordent avec les périodes de rayonnement cosmique accru, coïncidant avec les 143 millions d’années du mouvement du système solaire à l’intérieur des bras spiraux galactiques. Il y a donc une correspondance évidente entre les mouvements de notre système solaire dans la galaxie et les périodes de grandes d’extinction de masse... ce qui devrait nous amener à la question cruciale : à quel moment du cycle galactique se situe actuellement notre système solaire ?

A l’heure actuelle, on estime que notre système solaire se situe dans la face nord à trente années-lumière au-dessus du plan galactique, précisément dans ce lieu de l’espace-temps coïncidant sur notre trajectoire avec ces périodes d’extinctions massives intervenues dans le passé.

Ceux qui se targuent d’être compétents en matière d’histoire géologique et biologique de notre planète me rétorqueront peut-être : « Vous ne faites ici que de simples corrélations entre les cycles galactiques, l’augmentation des flux de radiation cosmique et les changements et extinctions dans la biodiversité, mais cela n’est que pure coïncidence, car nous savons ce qui a causé les grandes extinctions : elles proviennent pour la plupart de forces terrestres géologiques et climatologiques. Elles ne sont en aucun cas dépendantes les unes des autres et encore moins de nature galactique. »

Voyons ce qu’il en est.

Premièrement, afin de nous rafraîchir la mémoire et poser les bases de notre étude sur les radiations cosmiques, regardons de plus près ces périodes les plus dramatiques de l’histoire du vivant que sont les cinq grandes extinctions de masse.

Commençons par la plus récente, intervenue il y a 65 millions d’années, qui vit disparaître près de 50 % des genres distincts de créatures sur la planète. On la connaît sous le nom d’extinction K-T, car elle se situe dans la période de transition Crétacé-Tertiaire, et demeure célèbre pour avoir vu la disparition des dinosaures.

La meilleure analyse sur les causes de cette extinction suggère la combinaison de deux facteurs : le premier serait l’impact d’un astéroïde colossal dont le cratère formerait actuellement la partie supérieure de la péninsule du Yucatán au Mexique et qui, bien qu’il soit d’origine cosmique, n’est associé ni à un phénomène périodique ni aux radiations cosmiques.

Le second facteur proviendrait des mouvements tectoniques et de la dérive et rupture des plaques continentales de grande ampleur, associées à des périodes d’éruption massive dans les trapps (vastes plateaux continentaux constitués d’épais dépôts de roches basaltiques) du Deccan, une région volcanique à l’ouest de l’Inde qui aurait alors rejeté dans l’atmosphère une quantité gigantesque de gaz toxiques.

L’extinction suivante, qui élimina 48 % des espèces à la fin du Trias, il y a 200 millions d’années, aurait été provoquée par l’éruption magmatique de la région atlantique centrale, une éruption superficielle due à la rupture du continent Pangée [1], recouvrant de lave près de 11 millions de km2 de territoire et dispersant dans l’atmosphère divers gaz qui modifièrent le climat.

Il y a 250 millions d’années, à la fin du Permien, la plus anormale de toutes les extinctions élimina près de 83 % des genres distincts de créatures, 96 % dans les mers et 70 % des vertébrés sur terre. Cette annihilation massive de la vie est associée aux gigantesques éruptions volcaniques dans les trapps de Sibérie, ainsi qu’aux fortes perturbations géologiques dues à la formation du super-continent Pangée.

Plus loin, il y a 370 millions d’années, l’extinction de la fin de l’ère dévonienne vit la disparition de 50 % des genres et 70 % des espèces, causée par un brutal refroidissement sur l’ensemble du globe.

Enfin, durant la plus ancienne des cinq grandes extinctions, à la fin de l’Ordovicien il y a 445 millions d’années, 57 % de tous les genres disparurent suite à une intense activité tectonique des plaques continentales et océaniques, accompagnée de variations très importantes du niveau des océans.

Ainsi, l’activité volcanique, le mouvement des plaques tectoniques, la dérive des continents, les refroidissements climatiques, les ères glaciaires ou encore les impacts d’astéroïdes, sont souvent considérés comme des facteurs directement responsables des grandes extinctions, mais sans chercher aucune relation causale commune, et encore moins un rapport avec les rayonnements cosmiques ou les processus galactiques, entre ces facteurs pour les expliquer.

Cependant, en s’extirpant du temple obscur de la science moderne populaire que les grands prêtres académiciens gardent jalousement, on découvre qu’un grand nombre de recherches fondamentales ont déjà vu le jour, qui font le lien entre ces divers facteurs géologiques, les cycles galactiques et les diverses formes de radiations cosmiques.

Je vais ici vous en citer quelques-unes :

En tentant de mettre au point des systèmes de détection et de préventions des tremblements de terre, Saumitra Mukherjee, le directeur du Département d’application d’instruments de mesure géologique de l’Ecole des sciences environnementales à l’université Nehru de New Delhi, en Inde, se rendit compte qu’il existait justement une corrélation entre les séismes et les variations dans le flux de rayonnements cosmiques ainsi que dans le champ magnétique terrestre.

Il observa, premièrement, que les variations de l’activité solaire, qui se manifeste par des éjections coronaires massives de plasma, peuvent déclencher des changements dans l’environnement électromagnétique terrestre, provoquant à la fois des phénomènes sismiques, des variations brutales de températures et des chutes de neige ; et, deuxièmement, que ces changements dans l’environnement électromagnétique terrestre semblent coïncider avec les explosions stellaires intergalactiques et galactiques.

Ces explosions provoqueraient en effet des changements dans l’activité du champ magnétique solaire, augmentant de ce fait le flux de radiation cosmique sur terre, corrélée à une activité sismique plus intense et à d’importants changements climatiques.

A droite, la magnétosphère comme bouclier de protection contre le vent solaire

Ces travaux recoupent ceux du fameux astrophysicien danois, Henrik Svensmark, qui, sur la base de ses propres recherches et de celles d’autres scientifiques tels l’astronome Nis Shaviv, développa une théorie reliant l’augmentation du flux de rayonnements cosmiques à des périodes de refroidissement terrestre global, ceci en corrélant l’augmentation du flux de radiation cosmique avec le mouvement de notre système solaire à travers les bras spiraux de la galaxie.

Dans ces bras spiraux, les radiations cosmiques s’intensifieraient ainsi du fait des explosions d’étoiles et de supernova, dont l’origine proviendrait de l’interaction de notre galaxie avec d’autres structures extragalactiques avoisinantes, tel l’immense nuage de Magellan ou encore la ceinture de Gould, une région de notre galaxie particulièrement dense en formation d’étoiles, dans laquelle notre Système solaire ferait actuellement une excursion.

De même, dans son article intitulé Tremblements de terre de grande ampleur, Nova et environnement de rayonnements cosmiques, Yu Zhen-Dong, de l’Institut de recherche sur la protection environnemental de Wuhan (Chine), montre, sur la base de données collectées depuis les années 30, que certaines périodes d’accroissement de l’activité sismique – identifiées lorsqu’on enregistre plus de dix séismes de magnitude 7 minimum sur une période de deux mois – seraient en corrélation avec l’observation de rayonnements provenant d’explosions stellaires ou nova.

Dans un récent article, il établit une correspondance entre le séisme de magnitude 8 enregistré en 2005 dans la ville chinoise de Wenchuan, et la hausse brutale, au niveau du sol, de l’intensité de rayonnement cosmique juste avant le séisme. Il constate enfin le même genre de correspondance pour huit autres séismes majeurs en Chine durant ces cent dernières années.

Dans le même registre, un groupe de scientifiques japonais a publié un article intitulé Des éruptions volcaniques violentes déclenchées par les rayonnements cosmiques, établissant une corrélation entre les violentes éruptions volcaniques au Japon ces trois cents dernières années, et des périodes d’intense exposition aux rayonnements cosmiques, elles-mêmes liées aux variations d’activité solaire. Selon ces chercheurs, les pics de rayonnements sur terre correspondraient à des périodes d’activité minimale du soleil, du fait que lorsqu’il est plus calme, le soleil ne fait plus office de bouclier pour la Terre et laisse ainsi passer les rayonnements cosmiques dans l’environnement terrestre.

Cela expliquerait alors la recrudescence d’activité volcanique, du fait que ces rayonnements cosmiques induiraient une nucléation dans le magma riche en silicium et déclencheraient alors les éruptions. Une hypothèse qui, du point de vue des relations entre les rayonnements cosmiques, les variations d’activité dans l’environnement Terre-Soleil et les changements climatiques globaux, concorde avec celle du scientifique Svensmark, mentionnée plus haut.

Mais il y a bien plus sur cette relation entre les radiations cosmiques, l’activité volcanique et les montées massives de magma dans les océans et sur les continents. Au Canada, un groupe de chercheurs a réalisé de nombreuses analyses sur les grandes roches volcaniques de Providence, de vastes étendues similaires aux trapps du Deccan et de Sibérie mentionnés plus haut, provenant du refroidissement d’une grande quantité de magma il y a 3,5 milliards d’années.

Ils mirent en évidence différents cycles de plusieurs millions d’années, notamment un, d’environ 170 millions d’années, s’étalant sur les 1,6 milliard d’années passées, ainsi qu’une constellation d’autres cycles distincts d’environ 60 millions d’années, éparpillés sur une période de 3,5 milliards d’années.

Ces cycles devraient bien entendu attirer notre attention sur ceux de 62 et 143 millions d’années associés au mouvement de notre système solaire dans la galaxie. Afin d’accréditer la thèse d’une relation entre les cycles galactiques et les processus associés aux transformations de la croûte terrestre, précisons que ce groupe d’astrophysiciens dirigé par Mellot, à l’origine du modèle mettant en parallèle les changements dans la biodiversité avec le déplacement du système solaire autour du plan galactique, a mis en évidence l’existence d’un cycle de presque 62 millions d’années, lié à l’augmentation, sur terre, d’isotopes de strontium associés à l’expansion du fond océanique, ainsi qu’à l’activité et au soulèvement des plaques tectoniques.

Il observa aussi que lorsque la proportion d’isotopes de strontium 87 augmente par rapport au strontium 86, la biodiversité tend à diminuer proportionnellement. Selon cette hypothèse, l’augmentation du flux de rayonnements cosmiques serait également liée à l’expansion magmatique des fonds océaniques et au soulèvement des plaques tectoniques.

Il en ressort que tous ces processus auxquels on attribue l’origine des extinctions sur la planète, allant de la tectonique des plaques et de la dérive des continents, aux volcans et autres éruptions de magma ou coulées de laves, ainsi qu’aux ères glaciaires, semblent liés aux cycles du mouvement de notre système solaire dans la galaxie, et particulièrement les cycles de 62 et 143 millions d’années, le dénominateur commun demeurant les rayonnements cosmiques. Mais rien n’est encore vraiment clair sur le véritable rôle à attribuer à chacun de ces facteurs.

Ayant en tête ce qui vient d’être discuté, voyons où se situe notre système solaire par rapport à ces cycles galactiques. Nous nous trouvons actuellement dans la zone qui, par rapport au cycle de variation de la biodiversité et d’oscillation autour du plan galactique décrit auparavant, correspond à la période des cinq grandes extinctions. Un calcul plus précis nous positionne à environ trente années-lumière du plan galactique, sur la face nord de la galaxie, indiquant que nous avons traversé le plan galactique il y a environ trois millions d’années.

Nous nous dirigeons vers le nord de la galaxie, considéré théoriquement comme le siège d’intense flux de rayonnements cosmiques, dû à l’onde de choc de rayonnement provoqué par le mouvement de la galaxie vers le nuage extragalactique de la Vierge. Or, les cinq extinctions sont toutes intervenues dans une phase cyclique de la biodiversité correspondant en théorie au mouvement du système solaire vers la face nord de notre galaxie. Mais aussi, concernant les bras spiraux, nous sommes restés ces quelques derniers millions d’années dans ce que nous appelons le bras d’Orion, une excroissance du bras spiral Sagittaire-Carène.

Il est important de noter ici que, suivant les études de Svensmark, la densité d’étoiles est 80 % plus forte à l’intérieur des bras spiraux qu’à l’extérieur, et que cette intensité sur terre est dix fois plus influencée par notre passage dans ces bras spiraux que par les variations d’activité solaire.

Avons-nous là le fin mot de l’histoire ? Se pourrait-il réellement que la terre et la vie qui y règne soient laissées à la merci de ces forces galactiques et de leur bombardement destructeur, en espérant, pour garder un semblant de continuité, que quelques espèces survivent après chaque grande extinction ? Pourrions-nous mettre en évidence une raison ou une intention, dans l’ensemble de ce processus, ou faut-il que la vie soit emportée par les effets de ces cycles, en attendant soit l’ultime explosion de notre soleil, soit la collision de la Voie lactée avec une autre galaxie, évènements censés se produire dans quelque cinq milliards d’années, brève échéance si on la considère du point de vue des processus extragalactiques.

Afin de dépasser la simple interprétation cyclique de l’histoire de notre planète par ces changements galactiques, corrélés aux variations de la biodiversité, il nous faut considérer ces cycles comme de simples projections des processus intervenant au sein d’un univers de type riemannien et vernadskien, un univers où coexistent ces espaces-phases multiplement interconnectés que sont la créativité humaine consciente et volontaire (la noosphère), le vivant (la biosphère) et le non vivant (l’abiotique), chacun possédant ses propres caractéristiques spatio-temporelles, mais tous subsumés par le principe de créativité universelle, ou anti-entropie universelle...

Les différentes caractéristiques spatio-temporelles de ces espaces-phases se révèlent lorsque, par exemple, une mesure ou une analyse qui s’avère cyclique et périodique d’un certain point de vue, cache en réalité un processus de développement et de croissance, comme nous l’observons avec la courbe de variation de la biodiversité, qui, bien qu’elle ait une périodicité reliée théoriquement aux mouvements périodiques dans la galaxie, exprime pourtant clairement une fonction de croissance subsumant l’ensemble du processus.

Cependant, on pourrait tout aussi bien interpréter cette courbe de la biodiversité comme une simple combinaison ou addition de ces deux processus de croissance continue et d’extinctions périodiques indépendants l’un de l’autre.

Alors que l’histoire de l’ensemble de la biosphère s’avère en réalité un processus global de développement non linéaire, évoluant par sauts discontinus, vers des niveaux d’organisation du vivant plus complexes.

Ces sauts évolutifs vers des états d’organisation supérieurs coïncident avec les périodes de grandes extinctions. En d’autres termes, ces périodes d’extinctions de masse dans le cycle galactique sont en même temps l’occasion d’une explosion soudaine dans l’accroissement des capacités de développement et d’action de la vie sur la planète, chaque phase de développement posant alors les bases et la plateforme pour la phase ultérieure, qualitativement supérieure, de la biosphère.

Par exemple, c’est au début de la phase d’extinction, à la fin de l’Ordovicien, que l’on a pu voir la première migration de plantes, des océans vers la terre ferme, ce qui révolutionna la biosphère dans son ensemble en générant un environnement électromagnétique totalement nouveau.

Car la présence de plantes sur terre favorisa la formation de nuages, qui changèrent le climat en permettant la retenue d’eau et la formation de précipitations sur les continents, et créèrent les conditions d’existence du circuit électrique terrestre global, oscillant dans la gamme de résonance de 10-30 Hz de Schumann, essentiel dans la régulation des fonctions cérébrales par exemple.

C’est durant la période d’extinction suivante, à la fin du Dévonien, qu’apparurent les amphibiens, puis les reptiles, représentant la première colonisation du continent terrestre par des créatures vertébrées.

Cela signifiait que la biosphère, en elle-même, avait la capacité de transporter sur la surface de la croûte terrestre des quantités de matière biogénique plus importantes et en plus forte concentration.

On retrouve le rôle de ces créatures dans la dissémination des graines et des bactéries par leur consommation et leurs sécrétions, accroissant globalement le taux d’expansion de la biosphère.

Dans les deux cas mentionnés ci-dessus, le mouvement des plantes, puis des animaux, nécessita le développement de structures plus complexes, telles que les poumons, la peau, et des systèmes vasculaires plus complexes, capables de maintenir l’hydratation interne, de même que le développement de meilleures capacités de nutrition, de captation et de stockage d’énergie, étant donné l’environnement plus exigeant sur terre, par rapport à celui plus calme et passif des mers et des océans.

Une grande partie de ces nouvelles capacités furent mises en œuvre par une sorte de relation symbiotique, une forme de coopération entre différentes espèces et même, plus globalement, entre règne animal et végétal, représentant l’évolution de la vie vers des niveaux de complexité et de spécialisation de plus en plus élevés.

La relation entre le règne fongique et le végétal, dont la survie dépend de leurs échanges réciproques de nutriments, en est un exemple.

D’autres révolutions vers des états de niveau qualitativement supérieur dans la dynamique de la vie apparurent au cours des grandes extinctions suivantes, créant ces plateformes d’évolutions successives et posant les fondations pour l’une des plus importantes percées dans l’histoire du vivant, celle qui, suite à l’extinction des dinosaures, vit la rapide colonisation de la planète par les créatures plus complexes et diversifiées que sont les mammifères.

Grâce à leur métabolisme élevé (près de dix fois celui des dinosaures) et à leur système de régulation interne de température, les mammifères ont pu évoluer et se développer sous les climats les plus extrêmes et variés. En témoigne le fait que l’on en retrouve aujourd’hui une grande variété du pôle Nord jusqu’à l’équateur.

Mais pour cela, les mammifères avaient besoin d’une source de nourriture plus dense en énergie, que l’on trouve dans l’apparition de nouvelles herbes et de plantes portant des fruits énergétiquement plus riches, les angiospermes, qui ont fini par s’étendre sur toute la planète et prendre la place des plantes moins développées et plus primitives qu’étaient les gymnospermes.

Par cette symbiose, la biosphère généra d’elle-même les moyens de son expansion sur une plus grande partie de la planète, y accroissant sensiblement l’intensité du flux de matière biogénique.

Tout ceci dans le but, semble-t-il, de créer les conditions nécessaires à l’émergence de l’homme, il y a environ 2 à 3 millions d’années, au moment précis où notre système solaire traversait le plan galactique pour la dernière fois, se dirigeant depuis vers cette phase particulière du cycle galactique mentionné plus haut.

J’insiste une fois de plus sur le fait que quand nous mesurons ce qui se manifeste à l’échelle de notre galaxie du point de vue de l’espace phase supérieur du vivant, nous obtenons l’image d’un processus ontologiquement non linéaire et anti-entropique.

Ce qui s’apparente au premier abord à de simples phénomènes périodiques, se trouve être de longues vagues successives d’évolutions croissantes dans un espace phase supérieur. Pourquoi donc, en effet, devrions-nous supposer que le processus périodique soit premier et que le développement anti-entropique ne soit qu’un épiphénomène ?

Ceci soulève une autre question sur la nature des rayonnements cosmiques liés à ces longs cycles galactiques et extragalactiques.

Considérant ce qui a été dit au sujet du développement anti-entropique de la vie sur terre, la question est de savoir si ce phénomène est dû à de simples effets cinématiques et mécaniques de bombardements de rayons, comme beaucoup de chercheurs qui osent aborder le sujet tendent à l’interpréter, ou s’il existe quelque chose de plus fondamental dans la nature de ces radiations cosmiques, qui reste à déterminer.

Heureusement, avec mes collaborateurs du groupe de chercheurs larouchistes, nous sommes dans une position unique pour approcher ce sujet plus profond, en raison d’une disposition épistémologique qui nous a menés à combiner les recherches relatives aux processus galactiques, tout juste naissantes, avec les travaux du bio-géochimiste Vladimir Vernadski et du biologiste Alexander Gurvitch, et des héritiers de leur tradition de pensée et de révolution scientifique. Brièvement, ce que Gurvitch a découvert, c’est que les processus internes des organismes vivants tels que la croissance, la différentiation des cellules et la régulation interne, sont tous contrôlés et mus par ce qu’il appela le rayonnement mito-génétique, des rayonnements biologiques mesurés dans le spectre ultraviolet, générés au sein des cellules, dont il détermina l’ADN comme source d’émission.

Gurvitch voyait cette radiation comme intrinsèquement connectée à ce qu’il identifia comme le « champ biologique » propre au vivant, analogue selon lui au champ gravitationnel relativiste d’Einstein.

Les travaux de Fritz Popp et d’autres montrèrent ensuite que les effets de ces bio-radiations pouvaient couvrir une large partie du spectre électromagnétique, et que les effets régulateurs étaient uniquement causés par l’activité interne d’un simple organisme, mais s’étendaient aussi entre les organismes, et je maintiendrais alors l’idée que la biosphère entière de Vernadski peut être vue comme un champ unique bio-radiant, intimement connecté au domaine plus large des radiations cosmiques galactiques et extragalactiques.

C’est donc du point de vue d’un champ intégré de rayonnement cosmique, et de la corrélation entre processus terrestres et cycles galactiques et extragalactiques, que l’on doit aborder l’histoire de l’évolution de notre planète.

Dès lors, nous devons nous demander : comment faut-il comprendre ces périodes, dans l’histoire de nos galaxies, de recrudescence de formation d’étoiles, comme celle dont on a réussi à mesurer l’impact sur terre il y a deux à deux milliards et demi d’années, correspondant à l’apparition de quantité d’oxygène produite par la vie, et dont les conséquences atmosphériques et biologiques ont fondamentalement révolutionné la nature de notre planète ?

Ou encore cette période, il y a deux ou trois millions d’années, qui vit l’émergence de l’homme, durant laquelle une supernova explosa dans notre voisinage, avec de sérieuses présomptions sur l’existence d’une autre au même moment. Cette période s’accompagna d’un refroidissement brutal et des plus grands écarts de température jamais enregistrés, que l’on attribue à une forte augmentation des rayonnements cosmiques.

C’est à cette époque qu’apparut l’isthme de Panama connectant l’Amérique du Nord à celle du Sud, modifiant l’organisation des courants océaniques et, par conséquent, les caractéristiques électromagnétiques de la planète. Sa formation fut le résultat d’une activité tectonique et d’éruptions volcaniques liées, selon nos observations, à un accroissement des rayonnements cosmiques. C’est précisément à ce moment, il y a trois millions d’années, que nous traversions le plan galactique vers la partie nord.

Il est donc évident que l’homme est apparu dans une période de transformation terrestre et galactique corrélée à une augmentation des rayonnements cosmiques.

Tout ceci nous amène à la question posée par la naissance, en 1054, de la nébuleuse du Crabe, qui est certainement, dans notre galaxie et même au-delà, l’entité astronomique connue des scientifiques la plus anormale et la plus intense énergétiquement.

Ce qui nous ramène à la question réelle... :

Où allons-nous désormais ?

Arrêtez-vous une seconde et réfléchissez au fait que nous ne nous sommes plus désormais situés sur la Terre ou dans notre galaxie, mais que nous avons, dans les limites de notre compréhension actuelle, englobé dans notre esprit le processus d’évolution de la galaxie comme un tout unique, chose qu’aucun animal ne peut faire. Bien que la biosphère s’avère être un processus anti-entropique de développement, aucun animal, pris individuellement en son sein, ne peut prendre conscience de ce développement ni intervenir de manière créative pour changer volontairement l’état de développement de l’univers. Cette qualité est, en réalité, l’apanage de l’homme créateur et s’exprime par ses découvertes scientifiques fondamentales, transmises à travers l’histoire et la culture.

Et si l’homme continue à soulever les bonnes questions et à mettre en évidence les bons paradoxes, alors nous nous rendrons compte qu’en tant qu’humanité, nous parviendrons non seulement à une meilleure compréhension des processus de notre galaxie et au-delà, mais aussi à les maîtriser et les exploiter un jour pour notre propre bien, consolidant encore cette relation particulière entre l’homme et l’univers.

Ayant cette idée en tête, nous ne voyons plus l’homme créateur comme une chose dans l’univers, subissant passivement les phénomènes, mais plutôt comme l’incarnation de ce principe de créativité englobant la galaxie et l’univers tout entier.

Ainsi, nous ne devrions plus dire que notre avenir est inscrit dans les étoiles, mais bien plutôt que l’avenir des étoiles est inscrit en nous-mêmes.


Nicolas de Cues :
au cœur même de notre humanité créative


Par Christine Bierre

Certains se demanderont pourquoi accompagner ce travail de Cody Jones sur l’évolution de l’univers depuis 542 millions d’années, d’un article sur Nicolas de Cues et en particulier, sur son ouvrage, Le Traité du Béryl [2] ?

Il n’est pas rare de nos jours que des férus de philosophie et de métaphysique connaissent le nom de Nicolas de Cues. Mais combien sont-ils ? Se comptent-ils par dizaines, centaines, voire quelques milliers à travers le monde ? Et puis, de Cues était un cardinal, ayant vécu entre 1401 et 1464. En quoi un théologien a-t-il pu contribuer à ce sujet hautement scientifique, bien avant que l’église en soit venue à accepter la validité de la Science ?

Ce sont ces certitudes souvent assenées, malheureusement, par des sources tout à fait officielles de l’enseignement public et religieux, que cet article compte commencer à ébranler. Nicolas de Cues est d’abord la figure la plus éclatante de la Renaissance européenne.

Homme de droit, ses conceptions politiques furent totalement en avance sur son temps : les êtres humains étant pour lui non seulement doués de raison, contrairement aux animaux, mais libres et égaux entre eux, il proposa un modèle de démocratie républicaine dans lequel l’autorité ne pouvait être légitime que si les peuples lui apportaient leur consentement.

Il fut aussi un grand scientifique. Bien avant Copernic, c’est lui qui remit l’hypothèse héliocentrique de notre système planétaire à l’ordre du jour, contre Ptolémée.

Mais c’est sa réévaluation de la mesure de la circonférence par Archimède qui illustre la force de ses conceptions géométriques. Car, là où Archimède avait tenté de comprendre la nature de la circonférence avec des droites, obtenant son fameux Pi (la constante de tout cercle entre sa circonférence et son diamètre), en inscrivant et circonscrivant un cercle dans un polygone dont les côtés sont divisés à l’infini (ci-dessous), le Cusain démontra que si ce procédé permet d’approcher la mesure du cercle, il s’en éloigne absolument car il y a incompatibilité essentielle entre la nature courbe du cercle et celle d’un polygone dont la multiplication des côtés produit aussi une figure totalement angulaire !

Nicolas de Cues établit ainsi la supériorité du cercle, engendré par une action de rotation, face aux polygones, et découvre ainsi les nombres transcendantaux. Ces conceptions se traduisirent par une foule d’applications utiles pour l’homme, notamment en mécanique, dans la construction de machines.

Par sa reprise de l’approche de Platon et de la géométrie grecque, tout en les portant plus loin, en les plaçant dans le contexte d’un univers dynamique défini par une physique de croissance anti-entropique, Nicolas de Cues est le fondateur de la science moderne, après l’âge de ténèbres qui sévit en Europe suite à l’effondrement de l’Empire romain. Ses travaux ont inspiré toute une lignée de grands savants par la suite. Parmi eux Johannes Kepler, dont les réflexions de Cues, attirant l’attention des futurs astronomes sur l’impossibilité de l’existence des cercles parfaits dans la nature, se trouvent dans les livres où Kepler décrit le processus de découverte de ses trois lois astronomiques.

On trouve aussi le grand Leibniz, dont la découverte du calcul différentiel, dont le concept se trouve déjà à l’état embryonnaire chez le Cusain, permit de résoudre les problèmes posés justement par la mesure du mouvement elliptique, de croissance non-uniforme, décrit par les planètes autour du soleil.

Mais ce sont ses conceptions philosophiques qui nous intéressent ici, conceptions sous-jacentes d’ailleurs à toute son œuvre scientifique et politique. Clarifions dès le départ, pour les esprits laïcs que nous sommes, que ces grands génies de la Renaissance, philosophes, savants, artistes, n’opposaient pas la foi à la raison, mais considéraient, au contraire, que l’homme avait non seulement la liberté, mais aussi le devoir, d’utiliser ses pouvoirs créateurs, à l’image de ceux de Dieu, pour découvrir les lois de l’univers et utiliser leurs découvertes dans l’amélioration du commun des mortels.

Ainsi, pendant que des géomètres apprenaient à maîtriser le point à l’infini sur un plan projectif et que les peintres utilisaient cette perspective sur leurs toiles pour émerveiller les hommes avec de belles métaphores visuelles, les architectes redécouvraient l’importance des courbes complexes – la chaînette – pour la construction d’ouvrages lourds,tels le dôme de la cathédrale de Florence, et un grand ingénieur, Léonard de Vinci, inventait une foule de machines pour remplacer le travail manuel des hommes et aussi celui des bêtes de somme par la force mécanique.

La Renaissance, ce fut le rejet de l’obscurantisme, une ère où les hommes ont voulu connaître la grande perfection des lois de notre univers physique, qu’ils ont attribuée à l’intention d’un Dieu créateur dont ils pouvaient être, eux-mêmes, par le développement de leur propre esprit créateur, l’image vivante.

C’est très précisément ce que Nicolas de Cues explique dans un autre ouvrage, Des Conjectures [3], où d’entrée de jeu il affirme :

Les conjectures [les hypothèses] doivent procéder de notre esprit comme le monde réel émane de la raison divine infinie. (…) La raison humaine est donc la forme du monde des conjectures, comme la divine est celle du réel.

Puis, dans Le Traité du béryl :

… de même que Dieu est le créateur des êtres réels et des formes naturelles, de même l’homme est le créateur des êtres de raison et formes de l’art qui ne sont rien d’autre que des similitudes de son intellect, de même que les créatures sont les similitudes de l’intellect divin.

Pour ce qui nous concerne, nous rejoignons ces grands génies de la Renaissance, dans la recherche d’un principe créateur dans l’univers qui donne une cohérence à l’ensemble, anime son développement – dans la tradition de Cues, la définition de Leibniz de Dieu n’est pas loin d’un moteur infini qui n’a jamais cessé d’engendrer et crée constamment par fulgurations – et par rapport auquel nos propres pouvoirs créateurs sont consubstantiels.

Le Traité du béryl

Voyons en quoi ce Traité du béryl peut nous aider à comprendre le processus de développement universel que nous présente le travail de Cody Jones.

D’abord ce texte, tout comme d’autres travaux présentés récemment par de jeunes collaborateurs scientifiques de LaRouche, tels celui de Sky Shields sur les travaux de Sergueï Poulinets sur les précurseurs de séismes, fait apparaître un univers qui non seulement n’est pas le produit du hasard, comme la plupart des experts le prétendent aujourd’hui, mais, au contraire, semble s’organiser avec intelligence, créant de lui-même les conditions de son propre développement.

Or, par quoi débute le Traité du béryl ?

Il faut d’abord être attentif au fait que le premier principe est Un ; et selon Anaxagore, on l’appelle intellect.

Nicolas de Cues nous montre ensuite à l’aide d’une image le processus de gradation par lequel ce premier principe Un, intellectif, engendre ou déroule à partir de lui-même tout ce qui est.

Une ligne horizontale ab représente l’étendue de la création depuis la vérité première en a, vers le rien, le non être, en b. A côté nous avons une autre droite, ab, avec un point c au milieu. Par un mouvement d’enroulement de b vers a, utilisant c comme point d’appui, Cues représente « le mouvement par lequel Dieu appelle les créatures du non être à l’être ».

Dans ce mouvement cb produit, avec ca, de nombreux angles, depuis le plus obtus où la ligne se rapproche de b, jusqu’au plus aigu, lorsqu’il s’approche de a.

Cues dit de l’angle le plus obtus, qu’il est « de l’être » ; de celui qui va vers le milieu de deux extrêmes, qu’il est « de vie » ; et enfin, l’angle aigu, qu’il est « de pensée ».

L’angle aigu participe davantage à l’actualité de l’angle et à sa simplicité et il est plus semblable au premier principe. Et il est présent dans tous les autres angles, à savoir l’angle de vie et d’être ; de même l’angle de vie et présent dans l’angle d’être. (…) [La ligne] ab, en tant que similitude de la vérité, contient en elle tout ce qui peut être déployé, et le déploiement se fait grâce au mouvement.

Remonter aux causes

Mais allons plus avant dans les problèmes posés aux savants par l’analyse des phénomènes qu’ils constatent dans l’évolution de l’univers. Cody Jones souligne à plusieurs reprises que confrontés à des phénomènes qui semblent tous très différents, les savants, éduqués aux conceptions mécanistes selon lesquelles nous vivons dans un espace vide, où les objets se livrent à des interactions entre eux, faisant ressembler l’univers à une table de billard, ou à la ville de Paris aux heures de pointe !

Où est donc cet Un, cette idée une décrite par Nicolas de Cues, qui donne cohérence aux phénomènes observés dans l’évolution de la vie ? Nous ne connaissons pas encore la solution au problème en question.

Mais voici les pistes que donne le Cusain, dans son De Conjectures, pour pouvoir remonter à la cause de phénomènes qui se présentent d’abord à nos sens, limités et forcément erronés, cause qui, comme celle qui produit les orbites des planètes, n’est accessible qu’aux pouvoirs de notre pensée. A l’origine de tout, dit-il, il y a le Dieu créateur, la plus simple des unités qui précède toutes les autres ; ensuite, il y a l’intelligence, qui procède directement de la première unité et devient la racine qui engendre les suivantes : l’âme rationnelle, et la dernière, la plus grossière, le corps.

C’est à mesure qu’on remonte vers l’unité, qu’on s’approche de la vérité, dit Cues. Par vérité il entend non une simple abstraction mais la cause des processus que nous constatons ensuite par nos sens.

La différence entre le niveau de la pensée au stade de l’âme rationnelle et celui de l’intelligence, nous clarifie le sens dans lequel il faut chercher. En effet, plus on progresse vers le corps, on passe de l’unité à la multiplicité. L’âme rationnelle est une forme de connaissance analytique, qui décortique et sépare, contrairement à l’intelligence, où l’on remonte vers l’unité qui permet de transcender les séparations particulières, voire même les oppositions, qui semblent insurmontables du point de vue de l’âme rationnelle.

Ainsi, par exemple, alors que l’âme rationnelle divise les nombres en pairs et impairs, et déclare incommensurables le diamètre du cercle avec sa circonférence et le côté du triangle avec sa diagonale, tous deux des irrationnels, le domaine de l’intelligence, comparé par Cues à celui de nombres irrationnels ou transcendantaux en mathématiques, transcende ces opposés et ces différences pour les inclure dans une unité d’ordre supérieur.

La coïncidence des opposés

Venons-en maintenant à la question de la coïncidence des contraires, qui est au cœur du Traité du béryl, et nous ramène à nouveau vers la thèse principale du travail de Cody Jones.

Bien qu’au départ, Cody nous présente le processus de grandes extinctions de la vie au cours des 542 millions d’années qui nous ont précédés, comme une suite de données, vers la fin, il révèle que ce processus de crises gravissimes de l’existant, a été à chaque fois surmonté par une phase supérieure, plus complexe, de la vie. (Voir le premier graphique de cette page montrant la période du Phanérozoïque)

S’agit-il donc d’un bête cycle, qui se répète à l’identique tous les 62 millions d’années, comme une horloge qu’on aurait remontée une fois pour toutes ? Il semblerait, au contraire, que nous soyons devant autre chose, car si les extinctions se succèdent, l’émergence à chaque fois d’ordres plus complexes pour leur succéder, nous amène vers une courbe de croissance très forte du flux biogénique sur notre planète, comme si l’évolution choisissait une direction spécifique, un sens !

Mais pouvons-nous comprendre cette succession des crises et de sauts qualitatifs, comme engendrés par le même processus ? Ne sommes-nous pas là devant des phénomènes qui se contredisent ?

En effet, Aristote dont la connaissance se situe au niveau de l’âme rationnelle, n’aurait jamais pu comprendre un tel processus comme découlant d’une unité. Fondateur de la logique, il est le principal défenseur du fameux « principe de non-contradiction » dont le postulat est que « A » ne peut jamais être « non A » en même temps.

Mais Cues se situe aux antipodes d’Aristote sur cette question comme sur la plupart, et défend la « coïncidence des opposés ». Voici comment il explique dans le Traité du béryl dont ce concept est la thèse centrale, comment deux opposés du même type peuvent se trouver quelque part en même temps.

« Je me suis souvent tourné vers la coïncidence des opposés, dit-il, une vision intellectuelle, qui dépasse la puissance de la raison », telle que définie par l’âme rationnelle.

Pour aborder ce concept, Cues fait appel à « un miroir et une énigme », le miroir de saint Paul dans les épitres aux Corinthiens, « aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face-à-face », où il incite les hommes à un perfectionnement intérieur, seule façon d’acquérir une vraie connaissance qui sans cela ne peut que rester obscure.

Et c’est au moyen d’un béryl, d’un cristal que Cues aborde ce thème : « Le béryl est une pierre brillante, blanche et transparente » à laquelle on « donne une forme à la fois concave et convexe et celui qui regarde à travers elle appréhende ce qui était d’abord invisible. »

En regardant par l’un des côtés du béryl, on voit les choses de façon maximale, et de l’autre côté, on regarde les choses du point de vue minimal. Mais c’est en réalisant que ce qui est minimal peut toujours être moins et que ce qui est maximal peut toujours être plus, que l’on réalise, au moyen du béryl, ce qu’on ne trouve pas dans le béryl, c’est-à-dire qu’il y a un principe de l’indivisibilité, premier principe ou Dieu, qui précède la divisibilité, qu’elle soit maximale ou minimale, et où les deux se trouvent ensemble avant de venir à être.

Et Cues de poursuivre avec l’énigme que voici :

Prends une baguette dans tes mains et plie-là au milieu. Soit la baguette ab et son milieu c. Je dis que le principe de la surface et d’un angle de surface est une ligne. [par une action de rotation !] Que la baguette soit donc comme une ligne, et qu’elle soit pliée au point c, que cb soit mobile et qu’on le déplace vers ca. Dans ce mouvement, cb joint à ca produit tous les angles qu’il est possible de former. Or, il n’y aura jamais d’angle si aigu qu’il ne puisse être plus aigu jusqu’au moment où cb fait une ligne continue avec ca. Quand donc tu vois au moyen du béryl l’angle qui peut être formé maximal en même temps que minimal, ta vue ne s’arrêtera pas sur un angle mais sur une ligne simple qui est le principe des angles, qui est le principe des angles à deux dimensions, l’indivisible selon tout mode de division selon lequel tous les angles son divisibles. En voyant cela, tu vois comme à travers un miroir et une énigme, le premier principe absolu.

Ainsi, ajoute-t-il plus loin, « l’angle qui est aussi bien maximal que minimal doit se trouver avant les deux angles et après la ligne simple, mais on ne peut la repérer », car c’est un principe d’engendrement qui n’est pas de l’ordre du visible. Et nous voici devant le même principe, entre le zéro et la quantité, de l’infinitésimal de Leibniz !

On voit alors comment des contraires du même type se trouvent ensemble avant le processus d’engendrement et comment, par la suite, ils peuvent être des moments différents, voire même opposés, au sein d’un même processus.

Pour ce qui est du problème posé par l’évolution de l’univers, Cody Jones remarque que les larouchistes sont mieux armés pour comprendre ce que peut être ce Un en développement, car ce processus de croissance anti-entropique par sauts qualitatifs, non linéaires, vers un univers de plus en plus complexe, correspond tout à fait à la description que fait le savant russe Vladimir Vernadski de l’évolution de notre univers, par une progression intelligente, par bonds successifs, depuis ses éléments abiotiques, vers la vie et vers le règne de la pensée qui permettra à l’homme de transformer l’univers de façon volontaire et délibérée.

Mais c’est aussi en examinant les processus créateurs de la pensée humaine qu’on peut découvrir ces conceptions, la façon dont, plongée dans une crise par la remise en question d’une vérité qu’elle croyait acquise, la pensée se retourne sur elle-même, pour découvrir les nouvelles conjectures qui lui permettront de faire un saut qualitatif dans sa compréhension de l’univers, dans l’amélioration des conditions de vie de la société humaine, dans son dialogue aussi avec d’autres individus de son espèce.

De là, dit Nicolas de Cues, l’homme mesure son propre intellect en fonction de la puissance de ses œuvres, et à partir de là il mesure l’intellect divin, de même que la vérité est mesurée au moyen de son image.

Mais y a-t-il une raison, ou une nécessité qu’une telle loi gouverne notre univers ? C’est peut-être la plus belle partie du Traité du béryl, car le Cusain nous explique que Dieu, ou ce principe créateur, n’agit pas par nécessité mais bien par liberté, pour sa propre joie et celle de l’univers !

Revenons au début et complétons le cercle :

Il te faut être attentif au fait que le premier principe est Un ; et selon Anaxagore, on l’appelle intellect. C’est par lui que toutes les choses viennent à l’être, de façon à ce qu’il se manifeste lui-même. Car l’intellect se réjouit de montrer et de diffuser la lumière de sa propre intelligence. Donc l’intellect créateur, parce qu’il se fait lui-même la fin de ses propres œuvres, afin que sa gloire soit manifestée, crée des substances connaissantes qui puissent appréhender sa propre vérité, et le créateur se présente à elles de façon à ce qu’elles puissent l’appréhender de manière visible. C’est la première chose à savoir, et tout ce qui doit être dit est contenu en celle-ci de manière enroulée.


[1Dans son ouvrage intitulé La Genèse des continents et des océans, publié en 1912, le météorologue et astronome allemand Alfred Wegener décrit la Pangée, littéralement « toutes les terres », comme un super-continent rassemblant la quasi-totalité des terres émergées, qui a existé avant leur dérive.

[2Nicolas de Cues, Le Traité du béryl, première traduction française par Maude Corrieras, Editions Ipagine, 111 p., 19,50 €.

[3Nicolas de Cues, Les conjectures, texte traduit avec introduction et notes par Jean-Michel Counet, Les Belles Lettres, 340 p., 39 €