Au cœur des tensions au Proche et Moyen-Orient, l’enjeu de l’eau

mardi 15 mai 2018

La Syrie, et en particulier le plateau du Golan, est devenue la semaine dernière le théâtre du conflit entre Israël et l’Iran, guerre par procuration de l’empire financier de la City et de Wall Street qui perçoit comme une menace insupportable l’idée que la fin de la guerre en Syrie ouvre la voie à un processus de détente dans la région ; d’autant plus que les Nouvelles Routes de la soie promues par la Chine attendent derrière la porte, prêtes à offrir aux différents acteurs de la région une « plate-forme » d’entente et de coopération autour de projets de développement communs.

C’est ainsi que les éléments les plus extrémistes autour de Netanyahou ont été poussés dans une logique de confrontation, logique qui est loin d’être approuvée par l’ensemble des institutions israéliennes, comme nous l’avons vu suite au discours du Premier ministre israélien sur le prétendu programme nucléaire secret iranien. Le JDD relate que jeudi dernier, alors que plusieurs ministres auraient appelé à la poursuite des frappes contre les forces iraniennes, l’ancien général israélien Amos Yadlin s’est inquiété de cet excès de confiance : « C’est une dangereuse dérive. Si nous sommes amenés à encore agir, faisons-le avec prudence et humilité ».

Les événements de lundi, avec les massacres de Gaza, ont montré que le gouvernement d’Israël est en effet engagé dans une fuite en avant tragique et très dangereuse. « Gaza : habitants enfermés entre mer et barbelés, sans eau ni travail, se faisant assassiner par l’armée israélienne lorsqu’ils manifestent sur leur territoire et désarmés », a écrit Jacques Cheminade sur son compte Twitter. « Israël doit revenir aux sources du judaïsme : ’Reçois tout homme avec un beau visage’. »

Le plateau du Golan et l’ennemi commun, le désert

Le plateau du Golan, territoire de 1150 km2 (un peu plus que le département du Val d’Oise), seul point de contact entre Israël et la Syrie, s’est retrouvé au centre de l’affrontement entre Israël et l’Iran les 8 et 9 mai dernier. Le plateau se situait en territoire syrien jusqu’à ce qu’Israël l’occupe en 1967, à l’issue de la guerre des Six-Jours, où Israël affronta l’Egypte, la Jordanie et la Syrie. Et, tandis qu’il signa un traité de paix avec la Jordanie et l’Egypte, rétrocédant le Sinaï à cette dernière, Israël est resté en état de guerre avec la Syrie, et la Knesset (le parlement israélien) a voté l’annexion du plateau du Golan en 1981, malgré les condamnations de l’ONU.

Dans son article du 11 mai, Le Monde explique que si l’intérêt militaire est évident, « derrière la maîtrise du plateau du Golan, c’est aussi la maîtrise des ressources en eau, rares et convoitées dans une région traversée de larges zones désertiques, qui se joue. Avant même la guerre des Six-Jours, la Syrie, le Liban, la Jordanie et Israël se disputaient la maîtrise des lacs et des cours d’eau ».

Car le Golan constitue un véritable château d’eau stratégique, d’où proviennent une partie des affluents du Jourdain et de Tibériade. C’est d’ailleurs un différent sur la gestion des cours d’eau qui avait été à l’origine de la guerre de 1967. En effet, le bassin du Jourdain est partagé entre quatre pays : Israël, Jordanie, Syrie et Liban, auxquels il faut ajouter les territoires palestiniens de Cisjordanie. « A lui seul, le Golan (avec divers cours d’eau et nappes phréatiques) fournit un peu plus de 250 millions de m3 d’eau douce par an à Israël », écrit Le Monde. Ce qui représente 20 % des ressources d’eau d’Israël, dont le territoire est constitué à 60 % de désert (les 80 % restant proviennent du dessalement de l’eau de mer).

Le Plan Oasis de LaRouche

A l’époque de la guerre des Six-Jours, beaucoup étaient conscients que seule une réponse commune aux pays de la région pouvait être apportée face à cet ennemi commun que représente le désert. En cette même année 1967, le pape Paul VI – que Charles de Gaulle rencontra justement au Vatican – publiait son encyclique Populorum progressio, où il défendait l’idée que « le développement économique est le nouveau nom de la paix ».

Huit ans plus tard, l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche présentait son « Plan Oasis », un ensemble de grands projets de développement économique pour l’Asie du Sud-Ouest, avec une attention particulière pour le Proche-Orient. Ce plan, qui était issu des discussions entre LaRouche et des responsables et dirigeants israéliens et palestiniens au cours de l’année 1975, partait du principe que le problème de vie ou de mort à résoudre par Israël, la Palestine et tous les autres États de cette région, était celui de l’eau. La solution au problème était le dessalement de l’eau de mer, grâce à l’utilisation de petites centrales nucléaires le long des côtes et des fleuves de cette région qui pourraient être importées depuis les États-Unis, l’Europe, ou la Russie. Aujourd’hui, la Russie vient de mettre en eau une petite centrale nucléaire flottante, l’Akademik Lomonosov, qui ferait très bien l’affaire. De plus, les pays fournisseurs des centrales pourraient aussi fournir le combustible et assurer la maintenance de ces équipements, tout en permettant un transfert des technologies.

Par ailleurs, nous savons aujourd’hui, grâce notamment aux travaux du physicien français Alain Gachet (« l’homme qui fait jaillir l’eau des déserts »), qu’il existe des solutions à travers l’hydrographie souterraine, c’est-à-dire la prise en compte des quantités immenses – jusqu’alors ignorées – de rivières souterraines pouvant s’étendre sur des dizaines de milliers de kilomètres carré, issues de l’infiltration des eaux de pluies, et qui attendent sous les déserts que les hommes creusent des puits.

L’apport de l’eau et des infrastructures, permettant le développement de capacités agricoles et industrielles, ainsi que les structures sociales qui y sont associées – logements, écoles, hôpitaux, villes et centres culturels – devaient poser les bases pour un développement économique et une paix durable.

La solution à deux États pour Israël et la Palestine serait alors cimentée par une coopération économique pour résoudre le problème crucial de la région : l’accès à l’eau. Le Plan Oasis prévoyait aussi la construction de canaux reliant la Méditerranée et la mer Rouge à la mer Morte, aux confins d’Israël, la Cisjordanie et la Jordanie, pour rétablir son niveau et, grâce au dénivelé de 400 mètres entre ces deux points, générer aussi de l’électricité.

Il est intolérable de voir des vies continuer à être sacrifiées sur l’autel d’une géopolitique mondiale dont personne n’a aucun bénéfice à tirer, sauf une poignée d’oligarques à Londres et à New York. Les ressources et les moyens de les développer dans l’intérêt de tous existent. Leur mise en œuvre dépend de la volonté politique, et avant tout celle de dirigeants et de citoyens en Occident de ne plus se laisser déterminer par les lignes de fractures – ethniques, religieuses ou culturelles – qui sont manipulées par ces oligarques, et de s’élever à la hauteur des intérêts de l’humanité.

Cela implique de rejeter définitivement la logique de confrontation avec la Russie et la Chine, et de se mettre autour d’une table avec ces deux nations, et d’autres, afin d’envisager comment nous allons coopérer dans le cadre des Nouvelles Routes de la soie. L’exemple de la Corée est là pour nous montrer que c’est tout à fait possible.