Dix ans après la crise financière : l’urgence d’un nouveau Bretton Woods

vendredi 31 août 2018

L’appel-pétition lancé mi-août par l’Institut Schiller, et relayé par Solidarité & progrès, auprès des dirigeants Trump, Poutine, Xi Jinping et Modi pour un nouveau Bretton Woods, circule actuellement en plusieurs langues dans le monde entier (Merci de le signer en ligne ICI). Un débat sur l’imminence d’une nouvelle crise monétaire émerge en différents endroits de la planète, dans le contexte de l’anniversaire de la crise de 2008 et des grandes tensions internationales, et il est essentiel pour vous lecteurs d’en être conscient et de tout faire pour faire avancer les choses dans ce sens.

En Russie, face aux sanctions imposées par les États-Unis et par l’Union européenne, les discussions vont bon train parmi les responsables politiques, les économistes et les analystes, sur la nécessité de se libérer du dollar américain. Et certains d’entre eux pensent qu’il faudrait un « nouveau Bretton Woods », bien qu’ils considèrent qu’un tel nouveau système monétaire international devrait émerger autour de la Russie et de la Chine, sans les États-Unis. Si l’intention se comprend, nous verrons pourquoi c’est une erreur.

Le journaliste Yuri Skidanov, par exemple, publie une tribune intitulée « Un nouveau Bretton Woods est nécessaire » dans la Parlamentskaya Gazetta, dans laquelle il estime qu’il faudrait « établir dans les transactions entre les pays participant au système anti-dollar, un Yuan convertible – cette monnaie étant la plus largement utilisée, et faisant déjà partie des monnaies de réserve du FMI ».

« Il existe des bases solides pour créer un tel système de nouveau Bretton Woods », continue Skidanov. « La part des BRICS à eux seuls dans le commerce mondial est d’environ 25 %, et si on ajoute la Turquie, l’Iran, le Vietnam et d’autres opposants au monopole du dollar, la nouvelle unité de mesure représentera 40 % du commerce global, comparé aux 12 % des États-Unis ».

Même si l’on peut comprendre les raisons poussant les Russes dans cette voie, compte tenu des sanctions imposées contre les entreprises russes faisant des affaires en dollar, il n’est pas envisageable de créer une nouvelle architecture sans la participation des États-Unis. En effet, comme l’a affirmé l’économiste américain Lyndon LaRouche, seule une alliance des quatre grandes puissances que sont la Chine, les États-Unis, l’Inde et la Russie permettra de court-circuiter la domination des cartels financiers anglo-américains.

A lire aussi

Nouveau Bretton Woods : discerner le vrai du faux, identifier l’enjeu fondamental

Par ailleurs, plusieurs dirigeants russes comprennent bien que la non-coopération entre les États-Unis et la Russie signifie la guerre. Et c’est précisément ce que veulent les néoconservateurs et leurs compères financiers de Londres et de Wall Street, qui tentent actuellement de déloger Trump de la Maison-Blanche et de réorienter la politique étrangère américaine dans une logique de confrontation contre la Russie et la Chine. C’est ainsi que Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, fait tout son possible pour couper l’herbe sous le pied au sentiment anti-américain en Russie, en montrant qu’il n’y a pas d’autre voie possible que le dialogue et la coopération, enclenchés lors du récent sommet d’Helsinki entre Trump et Poutine.

Débat en France sur le danger de nouvelle crise financière

Prenant le prétexte des dix ans de la crise financière de 2008, une série de publications contribue à rouvrir en France la boîte de Pandore, qui avait été très vite refermée suite à la mise en garde par Jacques Cheminade contre le prochain « tsunami financier », pendant la campagne présidentielle de 2017.

Lors du Grand débat BFMTV/CNEWS, Jacques Cheminade avait mis en garde contre le prochain « tsunami financier » (à 4:55)

L’édition de septembre du magazine Alternatives économiques titre à sa une « 10 ans après la crise, faut-il encore avoir peur de la finance ? » De son côté, France Culture consacre la semaine du 27 au 31 août à un ensemble d’émissions, reportages et débats sur le thème « 2008-2018, la grande crise… 10 ans après ».

Cela a le mérite d’exister, même s’il ne s’agit que d’analyses et de décorticages du problème sans apporter de solutions. Par ailleurs, d’aucuns seraient en droit de s’étonner que Jacques Cheminade n’ait pas été invité à s’y exprimer…

Plus intéressant encore, le rapport publié par le Secours catholique-Caritas France « la finance aux citoyens : mettre la finance au service de l’intérêt général », avec la collaboration de l’économiste Gaël Giraud, et qui constate que dix ans après la crise des subprimes et de la faillite de Lehman Brothers, rien n’a été fait pour mettre fin à l’orgie spéculative. Au contraire, le sauvetage des banques casino transatlantiques a été perpétué par les programmes d’ « assouplissement quantitatif » des banques centrales, faisant gonfler leurs bilans et alimentant de nouvelles bulles spéculatives, tandis que la pauvreté et le chômage n’ont cessé d’augmenter des deux côtés de l’Atlantique.

Dans son introduction, le rapport rappelle que la dérégulation financière a commencé au début des années 1970, dès lors que les accords de Bretton Woods ont été abandonnés, au profit d’un système de changes flottants. C’est à partir de là que la finance s’est découplée de l’économie réelle, entraînant l’apparition de produits financiers de plus en plus complexes et spéculatifs, et que les États, privés des moyens de crédit public dont ils disposaient pendant les Trente glorieuses, ont dû s’endetter auprès de marchés devenant chaque jour plus opaques, irrationnels et criminels.

« Ainsi, actuellement 55 % de la dette française est détenue par des investisseurs étrangers, 18 % par des assureurs français et 7 % par des banques françaises », lit-on dans le rapport, qui montre également que depuis que la dette publique a été « mise au marché », l’endettement n’a cessé d’augmenter. Rappelons à ce sujet que Jacques Cheminade avait souligné pendant la campagne présidentielle que la France a payé 1400 milliards d’euros d’intérêts sur la dette depuis 1979.

Si l’on doit se féliciter que le rapport préconise la séparation des banques de dépôt et d’affaires et le rétablissement d’un « crédit dirigé », il ne propose malheureusement aucune stratégie internationale pour y parvenir.

Le pouvoir des idées

Alors qu’en Occident l’omerta persiste autour du combat de 40 ans de Lyndon LaRouche, de sa femme Helga et de Jacques Cheminade, en faveur d’une nouvelle architecture financière internationale, à l’autre bout du monde on n’hésite pas le prendre comme référence, d’autant plus depuis que le président chinois Xi Jinping a lancé l’Initiative une ceinture et une route (ICR) en septembre 2013. Mahmud Ali, chercheur universitaire indien travaillant à l’Institut des Études chinoises à l’Université de Malaisie à Kuala Lumpur, rappelle justement dans une tribune le travail de longue haleine des LaRouche, à travers les campagnes, conférences et publications de l’Institut Schiller, pour les Nouvelles Routes de la soie, autrement nommées le « Pont terrestre mondial » :

« En janvier 1997, Lyndon LaRouche s’est adressé à une conférence à Washington, exhortant l’administration Clinton à parrainer un ‘nouveau système de Bretton Woods’, à réorganiser l’économie mondiale pour prévenir les cycles d’expansion et de récession, et à reconnaître le mérite du programme du ‘Pont terrestre mondial’ », écrit Ali. Cette idée, qui intéressait à l’époque beaucoup de monde, en particulier en Chine, en Russie et en Inde, n’avait pas pu être mise en œuvre à cause de la crise économique asiatique, des guerres américaines contre le terrorisme suite aux attentats du 11 septembre, puis de la crise financière. « Néanmoins, des graines avaient été semées dans les cercles intellectuels fébriles de l’après-guerre froide », souligne Ali. « Les idées développées au cours des nombreuses conférences de l’Institut Schiller ont commencé à se transformer en cadres politiques au début du XXIe siècle ».

Ce sont les idées qui changent le monde. Nous autres Français devrions retrouver foi en cela et rejeter définitivement la petite voix de la conscience populaire qui nous dit : « On ne peut rien faire ». Aujourd’hui, les conditions sont réunies, étant donnée l’imminence d’une nouvelle crise majeure, pour amener les solutions dans le débat public.