Venezuela, Iran, Chine, Corée : les va-t-en guerre américains menacent la réélection de Trump

mercredi 1er mai 2019, par Karel Vereycken

Trump pris en otage par trois va-t-en guerre ?

Aux Etats-Unis, après une longue enquête, le procureur « indépendant » Robert Mueller a finalisé son rapport sur le soi-disant scandale du « Russiagate », une vaste machination politico-médiatique visant à paralyser la présidence américaine, bâtie sur une prétendue « collusion » entre les équipes de Trump et une Russie accusée de s’ingérer dans le processus électoral de la plus grande démocratie occidentale.

Ainsi, ce dossier, dépourvu de la moindre preuve, vient de faire pschitt.
On aurait espéré qu’une fois libéré de ce chantage permanent orchestré par Wall Street et les Britanniques, Donald Trump puisse enfin accomplir le mandat pour lequel il a été élu.

Car le peuple américain, autant que les peuples européens, ne supporte plus une mondialisation financière qui ne cesse d’enrichir les 1 % du sommet au détriment de la grande majorité.

Après le retour des vétérans des guerres d’Irak et d’Afghanistan, des conflits qui ont coûté des milliards et n’ont nullement rétabli la paix ou la sécurité des intérêts américains dans le monde, les électeurs de Trump lui ont donné mandat d’en finir avec « les guerres sans fin ».

Seulement, pour tenir cette promesse, au lieu de s’aplatir devant les gros donateurs républicains qui ont financé sa campagne ou le puissant lobby des « chrétiens évangélistes », qui soutiennent sans réserve une extrême droite israélienne va-t-en guerre, Trump va devoir faire preuve de caractère.

S’il veut à nouveau capter le vote populaire, et pas seulement celui des « faiseurs de roi », il doit couper au plus vite les ailes des éléments les plus fous et les plus belliqueux de son administration : le néoconservateur John Bolton, mais aussi le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’Etat, ancien patron de la CIA, Mike Pompeo, deux « chrétiens évangélistes » qui haïssent la Russie et la Chine.

Alors que tous les analystes compétents pointent du doigt l’implication des pays du Golfe et du wahhabisme saoudien, Pompeo, sur la base de rapports de renseignements incompétents, affirme désormais que l’Iran est la « principale force mondiale derrière le terrorisme ». Du coup, les Etats-Unis viennent d’inscrire les Gardiens de la Révolution, une force militaire d’élite de 130 000 personnes, sur la liste des organisations terroristes. Sans surprise, l’Iran a immédiatement riposté en inscrivant sur sa propre liste de terroristes, tous les soldats américains déployés dans le monde.

Chez Pompeo et Pence, cette animosité envers l’Iran s’accorde à leurs convictions « religieuses ». En effet, pour la plupart des « évangélistes chrétiens » américains dont ils font partie, la reconstruction du « grand Israël » évoqué dans la Bible, l’éclatement d’un grand conflit militaire et la reconstruction du temple de Salomon sont trois signes avant-coureurs de la « seconde venue du Christ » qui signalera la fin des temps…

Mal connus en France et en Europe, précisons que ces « sionistes chrétiens » sont à mille lieux du sionisme historique, laïc et quasi-socialiste, des pères fondateurs de l’Etat hébreu. Sur les 100 millions d’évangélistes que comptent les Etats-Unis, environ un tiers, c’est-à-dire 30 millions, se disent « sionistes chrétiens ».

C’est donc six fois plus que les cinq millions de juifs américains, représentés par des organisations comme l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le plus puissant et le plus influent des lobbies israéliens aux Etats-Unis… Ainsi, lorsqu’on parle du « lobby israélien » américain, c’est surtout de ces évangélistes chrétiens qu’il est question !

Or, en 2016, pour remporter l’investiture républicaine, Trump a choisi, ou dû accepter, de faire équipe avec le « sioniste chrétien » Mike Pence, son candidat à la vice-présidence. C’est donc pour « tenir sa promesse » envers ces fous religieux que Trump a pris des décisions dont il ne mesure sans doute pas à quel point elles menacent la paix mondiale.

En premier lieu, au grand dam des Européens et de la Chine, il a rompu l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Or, dès 2014, suite à la chute du prix des hydrocarbures (décidée par Ryad et Washington), l’Iran chiite, tout comme le Venezuela et l’Algérie, a vu ses revenus s’effondrer.

Aujourd’hui, accusé de tous les maux, frappé de sanctions et dévasté par des inondations gravissimes dont personne ne parle, l’Iran pourrait reprendre son programme nucléaire militaire. Ce qui risquerait, comme l’affirme le Canard enchaîné, d’inciter son frère ennemi, l’Arabie saoudite sunnite, à produire sa propre force de dissuasion nucléaire.

Ensuite, en mai 2018, en violation totale du droit international, Trump a décidé de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem. De plus, il a invité des pasteurs évangéliques américains à venir « bénir » l’ambassade lors de la cérémonie d’ouverture à laquelle assistaient sa fille et son gendre.

Enfin, au nom d’un droit inexistant, le président américain a accordé à Israël la souveraineté territoriale sur le Golan, un territoire syrien et en partie libanais, riche en eau et en hydrocarbures. A cela s’ajoute que Washington a tout fait pour faire réélire Netanyahou, lui aussi se croyant mandaté « par Dieu » et menaçant régulièrement de frapper l’Iran si les Etats-Unis tardent à le faire.

Quant à John Bolton, le conseiller national à la Sécurité de Trump, il est, lui, non pas un fou religieux mais un faucon néoconservateur endurci. Alors que Trump mourait d’envie de se voir attribuer le Prix Nobel de la paix pour sa médiation dans le conflit nord-coréen, Bolton a réussi à saboter le sommet de Hanoï en exigeant de la Corée du Nord qu’elle adopte le « modèle libyen » et livre l’ensemble de son armement aux Etats-Unis. Quand on sait que c’est précisément le sort peu enviable réservé par les Occidentaux à Kadhafi qui a poussé la Corée du Nord à se doter d’une force de dissuasion, on comprend pourquoi Kim Jong-un a claqué la porte des négociations…

Bolton et Pompeo ont également décrété la guerre aux régimes « néo-marxistes » et « athées » d’Amérique centrale et du Sud. Dans le collimateur, le Venezuela mais aussi Cuba et le Nicaragua. Selon des rumeurs manifestement délirantes, le Venezuela chercherait lui aussi à se doter de l’arme atomique, notamment avec l’aide du Hezbollah et de l’Iran !

Dans un scénario digne d’une série télévisée sur le Moyen-âge, Bolton et Pompeo, à coups de sanctions, d’embargos et de coups tordus, font le siège du Venezuela, dont l’approvisionnement électrique a été fortement perturbé par des actes de sabotage.

Son président Maduro se dit prêt à entamer sans condition un dialogue direct avec un Trump qu’il juge sincère. En laissant revenir librement dans le pays Juan Guaido, un opposant fabriqué de toutes pièces pour l’occasion et adoubé par Washington comme « président par intérim », Maduro n’est pas tombé dans le piège.

Ce qui n’empêche pas la situation de s’aggraver de jour en jour. Après la livraison d’aide humanitaire par la Chine et l’envoi de quelque 200 conseillers militaires par la Russie, Bolton et Trump sont montés au créneau. Toute ingérence étrangère (à part la leur) dans la région sera vivement combattue ! Evoquant la fameuse doctrine Monroe (dont le contenu a été dévoyé par l’ajout du « corollaire Roosevelt » au début du siècle dernier), tout le continent appartiendrait en quelque sorte aux Américains (du Nord) ! Pour Pompeo, la Russie a donc clairement violé le droit américain.

En résumé, ce n’est qu’une fois le pouvoir américain purgé de ces éléments que les Etats-Unis pourront conclure des accords de paix avec la Russie ou participer au grand projet chinois de la Nouvelle Route de la Soie.