Golfe d’Oman : les faucons anglo-américains veulent leur guerre

mardi 18 juin 2019

Chronique stratégique du 18 juin 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Les attaques du 13 juin contre les tankers pétroliers norvégien et japonais dans le golfe d’Oman, confirment les craintes que nous exprimions dans notre chronique du 22 mai sur la préparation d’un « incident du golfe du Tonkin » dans le Moyen-Orient.

Quelques heures après les attaques contre le « Front Altair » et le « Kokuka Courageous », le secrétaire d’État américain Mike Pompeo accusait déjà Téhéran, en présentant pour seule preuve une vidéo de très mauvaise qualité montrant soi-disant une vedette iranienne retirant une mine non explosée de la coque du tanker japonais. Le lendemain, le président Trump, qui navigue entre son électorat et les faucons de son administration, reprenait les accusations sans fondement de Pompeo ; et ce matin, le ministre américain de la Défense a annoncé l’envoi de 1000 troupes supplémentaires dans la région.

Même les médias français – opportunément plus lucides lorsqu’il s’agit de l’Iran que de la Syrie, le Venezuela, la Chine ou la Russie – mettent en doute la crédibilité du scénario présenté par les Américains. « L’équipage du Kokuka Courageous (…) n’a pas parlé de mines flottantes ou ventouses mais d’un ‘objet volant’ qui aurait tiré sur le navire », écrit par exemple le Journal du dimanche, qui rapporte également la comparaison faite par Téhéran entre ces attaques et les incidents du golfe du Tonkin. « En 1964, Washington avait affirmé qu’un destroyer américain avait été la cible de torpilleurs nord-vietnamiens. Ce mensonge, reconnu par la NSA en 2005, avait servi de prétexte au déclenchement de la guerre du Vietnam », rappelle l’hebdomadaire.

Outre-Rhin, le ministre des Affaires étrangères Heiko Maas, qui se trouvait à Téhéran deux jours plus tôt, a affirmé que la vidéo ne suffisait pas à prouver une quelconque complicité iranienne dans les attaques. De son côté, suite à la réunion à huit clos du Conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire général Antonio Guterres a appelé à ouvrir une enquête impartiale et indépendante.

Vendredi, peu de temps après son intervention, Donald Trump est apparu sur Fox News pour dire qu’il reste prêt à rétablir le dialogue avec les Iraniens, dès lors qu’ils le souhaiteront. Notons par ailleurs que les attaques contre les pétroliers sont survenues au moment-même où le Premier ministre japonais Shinzo Abe tentait de jouer, avec le soutien du président américain, le rôle de médiateur dans la crise entre l’Iran et les États-Unis.

Londres contre la nouvelle dynamique asiatique

Alors, cui bono ? Il est évident que le crime profite aux faucons américains tels que Mike Pompeo et John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale, dont on sait qu’ils sont tous deux impliqués dans tous les récents mauvais coups contre la stabilité et la paix mondiales – dont la tentative de coup d’État au Venezuela, le sabotage des négociations avec la Corée du Nord, ainsi que les tensions avec l’Iran, la Russie et la Chine. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, a désigné quant à lui « l’équipe B », en référence au quartet composé de John Bolton, Benjamin Netanyahou, le prince héritier saoudien Mohamed bin Sultan et le prince héritier émirati Mohamed bin Zayed.

Toutefois, plutôt que vers Washington, Ryad, Abou Dabi ou Tel Aviv, c’est davantage vers Londres que nos regards devraient se tourner. Rappelons qu’il est désormais de notoriété publique que ce sont les services britanniques, avec la complicité du FBI, du département américain de la Justice et du clan Obama-Clinton, qui ont lancé dès 2015 la chasse aux sorcières contre Trump, le « Russiagate », dans une tentative d’assurer la victoire électorale d’Hillary puis la destitution de Donald Trump – la principale motivation étant de maintenir la politique étrangère de la Maison-Blanche dans le giron de l’impérialisme anglo-américain et d’empêcher toute détente et entente avec la Russie et la Chine (Pour approfondir, lire l’article « Derrière le Deep State, c’est Londres qui veut destituer Trump », publié en août 2017).

Ainsi, en dépit du chaos politique qui règne actuellement au Royaume-Uni, et faisant peu de cas de sa participation passée aux accords nucléaires conclus avec l’Iran, le gouvernement britannique, par la voix du secrétaire d’État aux Affaires étrangères Jeremy Hunt, a apporté tout son soutien aux accusations américaines contre Téhéran.

Plusieurs éléments montrent que les élites britanniques s’orientent de plus en plus ouvertement dans une stratégie hostile à la dynamique de coopération qui émerge en Asie autour de la Russie et de la Chine – dynamique qui vient de se renforcer ces dernières semaines, à travers le second forum de la Ceinture et la Route à Beijing, la conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques, la réunion de l’Organisation de la coopération (OCS) de Shanghai à Bichkek, capitale du Kirghizstan, et enfin le sommet de la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance (CICA) en Asie à Douchambé, capitale du Tadjikistan.

Face aux menaces et aux caprices de l’axe Londres-Washington, ce qu’on appelait par le passé « le triangle stratégique Russie-Inde-Chine » (RIC) ne peut que se renforcer. Les trois présidents de ces grandes puissances envisagent d’ailleurs de se retrouver dans ce format lors du G-20 d’Osaka fin juin.

Le 13 juin, le journaliste Marc Urban révélait sur la BBC l’existence d’un plan en cours d’élaboration par le gouvernement britannique visant à attribuer une nouvelle mission aux forces spéciales britanniques, qui comprennent le Special Air Service, le Special Boat Service et le Special Reconnaissance Regiment. Surnommé « Special Operations Concept », ce plan sera dirigé explicitement contre la Russie. Dans un autre article paru sur le sujet, le Guardian cite le général Sir Carleton-Smith, le chef d’État-major des Armées britanniques, qui affirmait la semaine dernière que les régimes autoritaires, sans nommer directement la Russie ou la Chine, utilisent « l’espace hybride » existant entre la guerre et la paix, par la désinformation, la subversion et les cyberattaques.

Selon Marc Urban, les forces spéciales seront chargées de monter une opération, en pays balte ou en Afrique, afin de découvrir et identifier des activités secrètes russes, puis d’engager contre elles des actions sur place, avec la complicité des forces locales.

L’ambassade russe à Londres a immédiatement réagi, alertant sur l’atteinte que de telles opérations menées au-delà des limites de l’auto-défense porteraient au droit international : « Il s’agirait non seulement d’un pas supplémentaire vers la destruction délibérée de l’ordre mondial fondé sur le droit international, mais aussi d’un risque majeur de voir ses opérations ‘hybrides’ se transformer en conflits armés à part entière à la suite de diverses coïncidences et malentendus », lit-on dans le communiqué de l’ambassade.

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