Déconfinement : l’oligarchie des incapables fait diversion

mardi 12 mai 2020

Chronique stratégique du 12 mai 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Ce lundi, au premier jour du déconfinement, le désir de changement est toujours là, et n’a d’égal que les tentatives des forces réactionnaires pour s’en emparer.

Comme à la suite de la crise financière de 2008-2009, tout est bon pour empêcher un débat sur le véritable enjeu, que les citoyens parviennent à distinguer confusément à travers le brouillard médiatique : la nécessité de créer un nouvel ordre financier et monétaire international, qui nous extraie des griffes des pirates financiers, et permette aux pays d’organiser l’effort commun pour répondre aux défis de la santé publique et du sous-développement.

Le discrédit du gouvernement Macron-Philippe est au plus haut, les deux tiers des Français estimant qu’il n’a pas été à la hauteur. A force de jouer sur la peur et sur l’infantilisation, tout en se montrant incapable de fournir les masques, tests de dépistage et autres équipements médicaux, le gouvernement a préparé un véritable cocktail Molotov social prêt à lui sauter à la figure. D’autant plus qu’en ne mobilisant pas les moyens pour faire face à la double crise sanitaire et économique, il laisse le champ libre aux divers comportements irrationnels et anarchiques et aux démagogues qui tenteront de s’en servir.

Gueule de bois économique

Pour ceux qui ont dormi pendant toute la période du confinement, bercés par le ronron franco-français des journaux télévisés, la situation économique mondiale et nationale a de quoi sonner comme un réveil brutal. La pandémie de Covid-19 a mis l’économie mondiale à plat ; l’année 2020 devrait voir une contraction du commerce international entre 13 % et 32 %, selon les scénarios optimistes ou pessimistes. En conséquence, les cours du pétrole ont chuté, et le risque est grand désormais d’une rupture de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et de famines sur tous les continents, pouvant causer jusqu’à 300 000 morts par jour, comme l’a souligné David Beasley, le directeur exécutif du World Food Program des Nations unies.

Au premier trimestre 2020, le Produit intérieur brut (PIB) français a baissé de 5,8 %, soit la plus forte chute depuis 1949. La situation française est pour l’instant la pire de l’ensemble de la zone euro (-3,8 % en moyenne, et -4,7 % pour l’Italie), mais la Commission européenne prévoit une chute de 7,4 % du PIB de l’UE en 2020, qui frappera plus durement les pays méditerranéens tels que la Grèce, l’Italie et l’Espagne. En France, on s’attend à une contraction de 15 % du PIB français entre avril et juin, dépassant de loin la prévision précédente de -8 % sur laquelle le gouvernement s’était appuyé. Le nombre de Français s’inscrivant au chômage a bondi de 7,1 % en mars, la plus forte hausse depuis 2009.

« Jamais l’économie n’a connu une récession aussi profonde et aussi rapide en temps de paix », affirme l’économiste François Lenglet dans le supplément week-end du Parisien. Et si les mesures prises par la Banque centrale européenne et par les États (300 milliards d’euros de garanties des prêts par l’État français) ont permis d’éviter une faillite en chaîne des entreprises, « il n’est pas certain que cela permette d’empêcher une crise financière et, à terme, une crise monétaire », souligne-t-il. En effet, la politique de « bazooka monétaire » (entre 6000 et 7000 milliards injectés au niveau mondial) n’a permis que de repousser le problème dans le temps : « Il faut imaginer qu’une bonne partie de cette aide (…) ne sera pas remboursée. Les États vont récupérer ces dettes et les passer aux banques centrales qui les garderont sous sarcophage, comme des déchets radioactifs, en espérant que cela tienne jusqu’à ce que la croissance reparte. Mais c’est de la fiction ! » conclut Lenglet. Une analyse très juste, comme savent le faire la majorité des économistes, mais qui manque cruellement de solutions.

Ultralibéralisme et anarchie

Les gardiens du temple ultralibéral, aidés par un débat scotché sur les problèmes, en profitent pour désigner l’État comme fautif en enfonçant le couteau dans la plaie des lourdeurs bureaucratiques. « Pandémie de bureaucratie », écrit Jacques-Olivier Martin, le rédacteur en chef du Figaro Économie, (un quotidien qui a touché 6 456 112 € d’aides de l’État en 2015, en troisième position derrière Libération et Aujourd’hui en France...) ; « La bureaucratie, l’autre virus français », ironise Alix Dorveaux dans Valeurs actuelles. « Dans ces circonstances imprévisibles, la France s’est montrée telle qu’elle est : un pays trop administré pour être efficace, un État trop centralisé pour être réactif, un peuple trop gâté pour savoir être stoïque », fulmine de son côté Hervé Gattegno, le directeur de la publication du JDD (1 149 031 € d’aide de l’État en 2015).

Si le « virus bureaucratique » est en effet un problème, il devra être soigné au même titre que les autres virus – financier, malthusien et géopolitique –, comme l’écrit Jacques Cheminade dans son texte « Principes d’un combat pour la France et pour l’humanité ». Ne pas identifier clairement les causes et les multiples dimensions de la crise, ne peut qu’alimenter la confusion et jeter les millions de citoyens en colère dans la gueule des différents loups qui ne manquent pas d’errer partout. Il suffit de surfer un peu sur les réseaux sociaux pour voir combien les théories conspirationnistes les plus folles exercent un puissant attrait sur une population qui a perdu toute confiance en l’autorité publique, et même en la science. Un anarchisme, couplé à un hédonisme irrationnel, se répand ainsi à travers le monde occidental, à l’image des milliers de personnes qui ont manifesté (souvent sans masques) contre le confinement, aux États-Unis, en Allemagne, etc.

A lire aussi

Principes d’un combat pour la France et pour l’humanité

Chimère écologique

La distraction la plus dangereuse et la plus pernicieuse est sans doute l’illusion d’un « monde d’après écolo ». D’une part car il est promu avec les énormes moyens des grandes firmes financières internationales, et d’autre part car il revête les apparences d’un « changement de paradigme » en prenant les gens par les bons sentiments, tout en garantissant aux élites possédantes que l’ordre monétaire établi demeurera. Quoi de plus pratique en effet que de substituer la « méta-crise » de la biodiversité à la dégradation de l’hôpital public, au manque de moyens des personnels soignants, à la destruction systématique du travail humain, et au pillage du tiers-monde ?

A lire aussi

La « finance verte », bouée de sauvetage ultime du Titanic financier ?

Cette « transition écologique », dont tous les acteurs politiques se gargarisent, va d’ailleurs à contre-courant des attentes des Français, puisque, comme le montre un sondage Ifop Fiducial publié dans le JDD, la protection de l’environnement ne vient qu’en huitième position de leurs priorités (45%), après la santé (81%), l’éducation (54%), la lutte contre le chômage (51%), le relèvement des salaires et du pouvoir d’achat (50%), la lutte contre la précarité (48%), la sauvegarde des services publics (46%) et la sécurité et la lutte contre le terrorisme (46%).

Ainsi, le journal Le Monde – dont les deux actionnaires majoritaires Xavier Niels et Matthieu Pigasse ne se distinguent pas particulièrement par leur humanisme – se livre tout entier à la cause. Le 4 mai, le quotidien du soir a publié une tribune signée par 90 patrons du CAC40, appelant à « mettre l’environnement au cœur de la reprise économique ». Et l’édition du 7 mai accorde pas moins de quatre pages à une longue interview de Nicolas Hulot, et à sa déclaration « 100 principes pour un nouveau monde » — cent petites phrases creuses et pompeuses, commençant toutes par « le temps est venu », et dont on se demande si l’ancien ministre les a écrit avec sérieux, cynisme ou bêtise niaise...

Hulot désigne bien la crise comme « une seule et même crise » cumulant les crises « écologiques, climatiques, sociales, économiques et sanitaires », puis il se dilue dans des déclarations lyriques et souvent lunaires contre les inégalités, le déterminisme social, pour l’humanisme et la solidarité envers les « humbles et les invisibles ». Et en guise de seule solution un peu concrète, l’on a droit à l’idée de « taxer de manière plus importante les revenus qui ne sont pas issus du travail », plat maintes fois réchauffé de la taxe sur les transactions financières, qui serait justifiée au sein d’un système régulé et donnant la priorité au travail humain, mais qui fait figure de mauvaise blague dans un système dominé par les pyramides de Ponzi, le shadow banking et les produits dérivés financiers…

Sans surprise, le tapis rouge déroulé à Hulot par Le Monde coïncide avec l’offensive lancée le 8 mai, à en croire Les Echos, de la création par une vingtaine d’élus marcheurs d’un neuvième groupe parlementaire étiqueté « Écologie, démocratie, solidarité ». Il pourrait fédérer une cinquantaine d’élus, et priver de sa majorité absolue une majorité qui, depuis 2017, a permis à l’exécutif de rester maître de l’agenda. Parmi eux Aurélien Taché (LREM, Val d’Oise), connu pour ses sorties polémiques sur l’islam et la laïcité, ainsi que Guillaume Chiche (LREM, Deux-Sèvres), qui porte la fibre sociale au sein de l’aile gauche de la majorité ; mais aussi Matthieu Orphelin (ex-LREM ; Maine-et-Loire), l’écologiste proche de Nicolas Hulot... Aidés par l’ancienne ministre socialiste Delphine Batho (Deux-Sèvres), ils pourraient être suivis par un certain nombre de collègues moins médiatiques. On est rassuré, la finance verte, contre laquelle nous avons mis en garde, que ce soit avec Hidalgo ou avec Hulot, est en marche.

Ne vous faites donc pas avoir, cher lecteur, par toutes ces campagnes de détournement et de confusion. La réalité, que les Gilets jaunes ont commencé à comprendre, est que l’État est pris en otage par une oligarchie des incapables, collée à la finance folle comme une moule à son rocher. Seule la reprise en main des instruments de crédit nous permettra de nous en libérer, en rétablissant une banque nationale, orientée par un Conseil national du crédit sous contrôle citoyen, et donnant au peuple et à son gouvernement un levier pour répondre réellement au manque de moyens.

Vous venez de lire notre chronique stratégique « Le monde en devenir ». ABONNEZ-VOUS ICI pour la recevoir sans limitation. Vous aurez également accès à TOUS les dossiers de ce site (plus de 400 !)...

Pour y voir plus clair, n’hésitez pas à vous procurer notre nouveau dossier : « Le New Deal Vert » (ci-contre).

Solidarité & Progrès, sans a priori ni préjugés, a mené l’enquête. Quelle étrange manoeuvre financière peut mettre en réseau des acteurs aussi divers que Greta Thunberg, Anne Hidalgo, Michael Bloomberg, Emmanuel Macron, Christine Lagarde, Larry Fink de BlackRock, Cécile Duflot, Mark Carney, Pascal Canfin, Arnold Schwarzenegger, Laurence Tubiana, Ségolène Royal ou encore le Prince Charles d’Angleterre ?

Vous pouvez dès à présent commander ce dossier : Le New Deal vert : Sortir du piège de la finance verte - 150 pages, 30 €.