Décryptage

Le « dernier G7 », vu de Chine

mercredi 16 juin 2021, par Karel Vereycken

Le Dernier Souper du G7

Le journal chinois Global Times du 13 juin 2021 rapporte qu’un tableau cartonne sur les réseaux sociaux en Chine.

Pastiche de La Cène (L’Ultima Cena ou « le dernier souper »), célèbre fresque de Léonard de Vinci de 1497, cette œuvre burlesque intitulée « Le dernier G7 », signée Bantonglaotang, a tourné en boucle sur la plateforme Sina Weibo pendant le sommet du G7, en Cornouailles.

Caricature de 1898.

Reprenant l’œuvre de Léonard qui représente Jésus annonçant à ces disciples que l’un d’entre eux va le trahir, Bantonglaotang a remplacé les têtes des apôtres par celles de neuf animaux symbolisant chacun un pays du G7.

Au centre de la table, un gâteau décoré aux contours de la Chine, référence à une célèbre caricature (ci-contre) du XIXe siècle montrant les puissances coloniales européennes se partageant la Chine comme on partage un gâteau.

En surplomb, figure cette inscription, « Grâce à ceci nous pouvons encore diriger le monde ». Par les gestes et les attributs de chaque animal, l’artiste dévoile la motivation de chacun dans son opposition virulente à la Chine.

Au centre du tableau, à la place de Jésus, l’Oncle Sam (l’aigle américain) devant une imprimante, transformant du papier toilette en dollars. Sur la table, une feuille indique l’évolution du budget fédéral américain, passé d’abord de 2 à 4, puis de 4 à 6 et depuis un mois, à 8 trillions (8000 milliards) de dollars !

A ses pieds, un crochet en fer rappelant l’esclavage et l’oppression raciale ayant contribué à la naissance du capitalisme américain. A droite de l’aigle américain, un loup gris coiffé d’une casquette décorée du drapeau italien. Dans l’original de Léonard, il s’agit de l’apôtre saint André. Ici, l’Italie (qui a signé un protocole d’entente avec la Chine) semble décliner l’offre américaine de partir en croisade contre la Chine. Elle refuse également que son voisin, un chien akita incarnant le Japon, ne remplisse son verre avec du thé radioactif ! Une partie de la population chinoise n’apprécie pas que le Japon déverse l’eau (en réalité, faiblement) radioactive de Fukushima dans l’océan.

Un kangourou représente l’Australie, pays qui coopère étroitement avec les Etats-Unis pour contenir la Chine, tout en essayant de profiter au maximum de contrats commerciaux avec Beijing. D’où l’image du kangourou fermement cramponné à sa bourse, tout en essayant de ramasser les dollars sur la table. Derrière lui, un pied à sérum indique qu’il est sous perfusion de la Chine...

Totalement à droite de Jésus (donc à gauche pour le spectateur), l’aigle noir de l’Allemagne impériale. Devant lui sur la table, des boîtes de vaccins AstraZeneca et du Remdesivir (deux produits contraversés). Derrière, des bouteilles d’oxygène rappellent éventuellement que la santé de l’industrie automobile allemande dépend fortement du marché chinois, à ce jour 39 % de ses ventes au niveau mondial.

A l’autre bout de la table, la France, représenté par le coq gaulois coiffé d’un chapeau napoléonien. Pour suggérer que notre pays cherche plutôt son propre intérêt que celui des Etats-Unis, l’artiste a figuré le coq en train d’écrire sur une feuille « Vive la France ! »

Plus proches de Jésus, le Royaume-Uni (un lion) et le Canada (un castor serrant dans sa patte une petite poupée qu’on croit être Meng Wanzhou, la fille d’un des directeurs de Huawei, emprisonnée pour des motifs obscurs au Canada).

Accroupi devant, à l’extrême droite, un éléphant, lui aussi sous perfusion (avec l’eau du Gange...), faisant la manche (l’Inde, dont le PM a été invité au G7).

Enfin, au premier plan, une petite grenouille verte offrant un peu de cash dans l’espoir de s’acheter une place parmi les convives. Il s’agit de Taïwan, dont le délire indépendantiste, encouragé par les Occidentaux, irrite les autorités de Beijing.

L’image a fait un tabac sur les réseaux sociaux chinois. Elle nous apprend à quel point l’arrogance occidentale peut irriter un peuple qui, petit à petit et en travaillant dur, a su se tirer de la pauvreté et de l’arriération.

Certes un peu acerbe, le tableau nous rappelle brutalement que le dialogue doit commencer par le respect mutuel. Espérons, en effet, pour le bien de tous, qu’il s’agit du « dernier souper ».