Rester dans l’OTAN ? la France s’interroge

lundi 23 mai 2022, par Karel Vereycken

[sommaire]

Le fantôme de Charles de Gaulle réapparaît toujours en période de crise. C’était déjà ce que disaient en substance le penseur américain Lyndon LaRouche et son ami Jacques Cheminade dans leur ouvrage La France après De Gaulle paru en 1981.

Et du fait même que le 7 mars 1966, de Gaulle ait informé le gouvernement américain de sa décision de quitter le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), remettre en question le rôle de la France dans cette Alliance n’est pas considéré comme un tabou ou un acte anti-patriotique, bien au contraire.

Plusieurs voix françaises de premier plan ont récemment manifesté leur opposition à une alliance militaire « devenue folle » et prise sur le fait d’organiser un coup d’État militaire à l’échelle mondiale contre de nombreux gouvernements démocratiquement élus, y compris ceux de ses propres membres.

Ce jeudi 26 mai à 17h, l’Institut Schiller consacrera une visioconférence ouverte à tous à ce sujet (s’inscrire sur le site de l’Institut Schiller)

Chronologie sommaire

11 mars 2021.

Dans une lettre ouverte à Jens Stoltenberg, publiée sur le site du magazine Capital, plusieurs hauts gradés de l’Armée regroupés au sein du Cercle de Réflexion Interarmées, s’insurgent contre le projet OTAN 2030 qui affaiblit la souveraineté de la France. Ils y affirment :

Vous voudriez, pour l’avenir, justifier l’outil militaire de cette alliance en le transformant en un instrument politique, incontournable, de gestion de vastes coalitions internationales, au profit d’une véritable gouvernance planétaire, allant même jusqu’à passer outre les décisions de l’ONU et écrasant les souverainetés nationales ! Alors non, Monsieur le Secrétaire général ! Il faut stopper ce train fou, avant qu’il ne soit trop tard !

Source : Capital.fr.

8 mai 2021.

Eric Denécé.

Eric Denécé, le directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), présentant ses réflexions pour une nouvelle politique étrangère lors de son intervention à la visioconférence de l’Institut Schiller, affirme :

Il est indispensable que nous quittions le commandement intégré de l’Alliance atlantique et revenions à la situation d’avant 2008. Cette organisation collective, qui a, par le passé, pleinement joué son rôle, n’a d’autre raison d’être depuis la fin de la Guerre froide que de satisfaire les intérêts américains. Certes, quitter l’organisation intégrée ne nous apportera rien, mais y demeurer nous conduit à assumer des positions collectives qui sont contraires à nos intérêts.

Source : Institut Schiller.

19 septembre 2021.

Xavier Bertrand.

Xavier Bertrand, candidat à l’élection présidentielle, appelle à « un sommet extraordinaire de l’Otan » et évoque un retrait de la France du commandement intégré de l’alliance. Il faut lors de ce sommet « poser cette question de confiance aux Américains : est-ce que vous nous respectez, où va l’alliance ? », a-t-il affirmé à l’occasion de son passage au Grand Jury sur RTL, LCI et Le Figaro.

La question est de savoir si, pour les Américains, nous comptons aussi, ou si nous sommes en deuxième division ? Et si la réponse ne nous satisfait pas, je souhaite mettre sur la table la question de la participation de la France au commandement intégré de l’Otan.

Source : Huffington Post.

6 décembre 2021.

Plusieurs députés de la France Insoumise déposent une Proposition de résolution N° 4767 invitant le Gouvernement à retirer la France de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord..

L’exposé des motifs précise :

Cette proposition de résolution questionne l’intérêt de la France à être membre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Seule alliance militaire intégrée au monde, l’OTAN, dont la fondation en 1949 a entraîné celle en 1955 du Pacte de Varsovie, avait vocation à disparaître à la fin de la Guerre froide. Elle n’a au contraire eu de cesse depuis trente ans de vouloir justifier son existence, au risque d’exacerber les tensions. Entérinée sommet après sommet, l’extension permanente de ses champs d’action a amené l’OTAN à intervenir, par exemple, dans les Balkans, en Afghanistan ou encore en Libye. En dépit des résultats désastreux de cette dérive, qui a notamment favorisé les conditions d’émergence de groupes armés potentiellement terroristes, l’OTAN continue d’affirmer qu’elle est une ’alliance défensive, qui ne représente une menace pour aucun pays’, et qu’elle ’garantit la liberté d’un milliard de personnes’.

Source : Assemblée nationale.

2022

11 février 2022.

Dans une tribune publiée par Marianne, Peter Dittus et Hervé Hannoun, tous deux anciens membres de la Banque des règlements internationaux (BRI), en qualité de secrétaire général et de directeur général adjoint, et auteurs du livre OTANexit, plaident pour une sortie de la France du commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.

La crise ukrainienne actuelle est le révélateur des graves périls auxquels la France s’expose en étant arrimée à une organisation de sécurité collective défensive placée sous le commandement des États-Unis et devenue expansionniste », dénoncent-ils.

Source : Marianne

13 février 2022.

Roland Dumas.

Publication sur le site les-crises.fr d’un long entretien d’Olivier Berruyer avec l’ancien ministre français des Affaires étrangères Roland Dumas, où ce dernier, en tant que témoin oculaire des évènements de 1991, confirme que les Occidentaux avaient promis de ne pas élargir l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie. Pour Dumas, l’OTAN a trahi les promesses d’une paix durable dès cette époque :

L’OTAN reste l’OTAN. Le Pacte de Varsovie a été dissous, ce qui était prévu dès le début de la paix. Mais l’OTAN n’est pas dissous et on le réarme, au contraire.

Source : Les Crises.fr

25 février 2022.

Maurice Gourdault-Montagne.

Tribune du diplomate et ancien ambassadeur Maurice Gourdault-Montagne, ancien secrétaire général du Quai d’Orsay et ancien conseiller de Jacques Chirac entre 2002 et 2007, dans Le Figaro, où il s’inquiète :

Ne sommes-nous pas des somnambules, comme en 1914 ? (...) Nous sommes irrésistiblement entraînés par une dynamique qui peut nous échapper au moindre dérapage provoqué par une fausse manœuvre ou un malentendu sur le terrain ou encore une provocation isolée (…) Une conférence générale sur la sécurité impliquant l’Otan et la Russie et prévoyant un système de garanties de sécurité avec un nouveau régime de contrôle des armements, est plus que jamais nécessaire.

Source : Le Figaro

10 mars 2022.

Dans un communiqué publié sur son site, Jacques Cheminade, le président de Solidarité & Progrès, met en garde :

Si l’Ukraine était admise dans l’UE, cela reviendrait à y admettre les forces de l’OTAN. En effet, l’UE est liée à l’OTAN par le titre V, article 21 et 42 du Traité de l’UE. Sur les 27 pays membres de l’UE, 21 font partie du commandement intégré de l’OTAN, au sein duquel la France est revenue en 2008. Depuis 2002, les relations entre l’UE et l’OTAN se sont intensifiées. Notamment, par la déclaration conjointe du 10 juillet 2018, le président du Conseil européen, le président de la Commission européenne et le secrétaire général de l’OTAN ’conviennent de renforcer la coopération entre l’UE et l’OTAN (...) sa qualité, son étendue et son intensité’. Plus précisément, les signataires encouragent ’la participation la plus large possible des Etats membres de l’UE qui ne font pas partie de l’Alliance aux initiatives de celle-ci’. On ne peut être plus clair et la Russie en tire les conclusions qui s’imposent.

Source : jacquescheminade.fr

25 mars 2022.

Mahaut de Fougières, responsable politique international de l’Institut Montaigne, un groupe de réflexion proche du syndicat patronal Medef, s’inquiète, dans un article publié en anglais, de l’hostilité croissante des candidats à la présidentielle à l’égard de l’OTAN.

Source : Institut Montaigne.

27 mars 2022.

S’exprimant devant l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a précisé sa conception de la Défense nationale. Assumant une forme d’héritage du gaullisme, il a défendu sa vision d’une France militairement indépendante, en particulier du géant américain. « Il n’y a personne en Europe à part votre serviteur qui dit que l’avenir de la défense, de sa patrie (...) c’est de sortir de l’Otan et de sortir de cet engrenage militaire », a-t-il précisé. Pour lui, c’est à l’ONU de devenir le « seul organe légitime pour assurer la sécurité collective ». Il refuse donc toute construction d’une « défense européenne » qu’il assimile à « une guerre contre la Russie ».

Source : Les Echos.

Avril 2022.

Georges Kuzmanovic.

Huit des douze candidats à l’élection présidentielle prônent la sortie de la France du commandement intégrée de l’OTAN, voire sa dissolution. Les seuls à vouloir y rester sont Emmanuel Macron (LREM), Valérie Pécresse (LR), Yannick Jadot (EELV) et Anne Hidalgo (PS), qui ne totalisent que 20 % des électeurs inscrits au premier tour. Opposés à l’OTAN également, de nombreux candidats à la candidature, dont George Kuzmanovic (RS) et François Asselineau (UPR).

Dans un dossier, le quotidien Libération en donne un aperçu.

Pour France24, être pour ou contre l’OTAN a été « le débat surprise » de l’élection présidentielle française. D’après le journaliste sud-américain Benjamin Norton, cité par le quotidien chinois Global Times, la France est le pays d’Europe capable de « défier » l’OTAN.

Sources : Europe1, France24, Global Times.

6 avril 2022.

Le Monde s’offre un long article moralisateur sur « les erreurs des candidats à la présidentielle sur la France dans l’OTAN ».

Source : Le Monde.

12 mai 2022.

Henri Guaino.

Dans une tribune publié par Le Figaro, Henri Guaino, ancien Commissaire au Plan et ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, avertit que si la diplomatie ne reprend pas le dessus, « nous marchons vers la guerre comme des somnambules ».

Il y souligne les orientations suicidaires d’une UE sous influence de l’OTAN :

Au lieu de faire entendre sa voix pour éviter cette folie et arrêter les massacres, l’Union européenne emboîte le pas des États-Unis dans l’escalade de leur guerre par procuration. Mais que feront les Européens et les États-Unis au pied du mur de la guerre totale ? Avec les obus nucléaires et les armes nucléaires tactiques de faible puissance, la marche n’est plus si haute.

Source : Le Figaro.

18 mai 2022.

« L’entrée dans l’Otan, ça pose un vrai problème, on peut l’empêcher ! » a lancé Henri Guaino le 18 mai sur Europe 1. Pour lui, pas de doute : la France devrait mettre son veto à ces adhésions. Ce n’est « pas un veto sec, c’est un veto qui doit se mettre dans le cadre d’une négociation sérieuse, d’un cessez-le-feu, d’une négociation sur la neutralisation de l’Ukraine », a-t-il précisé.

Marine Le Pen.

Pour sa part, Marine Le Pen, qui, lors de sa campagne, avait appelé à un rapprochement stratégique entre l’OTAN et la Russie après la fin des hostilités, se confie sur France Inter : « Aujourd’hui, (...) les annonces d’élargissement de l’Otan, les annonces d’élargissement de l’Union européenne n’ont pas vocation, à mon sens, à permettre de trouver les solutions de la paix. »

La lecture de la tribune de M. Guaino conforte mon inquiétude sur le risque de nous voir entraînés dans une guerre qu’en réalité personne n’aura voulu et qui, par un effet mécanique, entraînera toute une série de pays dans un conflit qui, de fait, deviendra mondial.

Sources : Europe1, Sudouest

Les solutions

Si, pour certaines de ces personnalités, leur prise de conscience, bien que tardive, est bien réelle, il nous reste à les convaincre de se mobiliser pleinement pour les solutions.

Pour Solidarité & Progrès et son président Jacques Cheminade, depuis la dislocation de l’URSS en 1991, l’OTAN a perdu sa « raison d’être » et devrait être dissoute. Pour ce faire, comme le réclame la pétition de l’Institut Schiller (à signer en ligne), il faut convoquer de toute urgence « une grande conférence internationale » permettant d’instaurer une « nouvelle architecture de sécurité commune » en s’inspirant du Traité de Westphalie de 1648, qui mit fin à la guerre de Trente Ans.

Comme alors, cette « sécurité indivisible » commune, où celle de chacun dépend de toutes les autres, sera le fruit d’un « tout nouveau paradigme garantissant le développement économique de chaque nation sur la planète ».