Myrotvorets et l’assassinat de Daria Douguine

samedi 27 août 2022

Chronique stratégique du 27 août 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Bien avant et surtout après le « coup d’Etat » du « Maidan » de 2014 en Ukraine à l’instigation de Victoria Nuland et le vice-président américain d’alors Joe Biden, nous avions documenté le caractère maléfique et fasciste des forces qui se trouvent actuellement aux commandes en Ukraine.

Samedi dernier, avec l’assassinat professionnel, à quelques kilomètres de Moscou, de Darya Douguine (dont nous combattons par ailleurs la vision philosophique et géopolitique), un cap est franchi.

L’ambassadeur russe à l’ONU

L’ambassadeur russe à l’ONU, Vasily Nebenzia.

L’ambassadeur russe à l’ONU, Vasily Nebenzia, a brandi la photo de Daria Douguine postée sur Myrotvorets, un site ukrainien qui publie depuis 2014 les données personnelles de plusieurs milliers d’individus désignés comme des « ennemis » et des « collabos » des « terroristes » (russes). Petit détail : depuis l’assassinat de Douguine, sa photo sur Myrotvorets est estampillée « liquidée » !

D’après l’éditorial de la revue américaine Executive Intelligence Review (EIR) du 26 août, « il est désormais établi que la fondatrice de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, et le porte-parole de l’Organisation LaRouche, Harley Schlanger, figurent également sur la liste des cibles de Myrotvorets, tout comme l’ancien analyste de la CIA Ray McGovern et l’ancienne membre du Congrès Tulsi Gabbard ».

Page du site ukrainien Myrotvorets sur Darya Dugine estampillé "liquidé".
Page du site ukrainien Myrotvorets sur Helga Zepp-LaRouche, présidente de l’Institut Schiller.

Or, ces quatre personnes font également partie des 71 personnes (comprenant une dizaine de Français dont Jacques Cheminade, Eric Denécé, Thierry Mariani, Nicolas Dupont Aignan, Marine Le Pen, etc.) figurant sur une autre « liste noire » (lire à ce sujet notre précédente chronique) la plus récente, publiée le 14 juillet par le « Centre pour contrer la désinformation », organisme officiel dépendant du Conseil national de Sécurité ukrainien sous la houlette de la présidence du pays.

Parlant de l’assassinat de Douguine, Nebenzya a déclaré :

Pour illustrer à quel degré de russophobie on arrive, je cite une fois de plus les propos tenus l’autre jour par l’ambassadeur d’Ukraine au Kazakhstan, Pavel Vrublevsky. Après le meurtre de Darya Douguine, il a déclaré ouvertement : ‘Nous essayons d’en tuer le plus possible. Plus nous tuons de Russes maintenant, moins nos enfants auront à en tuer. C’est tout.’

Glazyev

Pour sa part, Sergey Glazyev, l’ancien conseiller du président Poutine aujourd’hui en charge de la planification économique de l’Union économique eurasienne (depuis des décennies un ami proche de l’Institut Schiller), a cité Andrii Yermak, le chef du bureau présidentiel de Volodymyr Zelensky à Kiev : « Notre tâche est de faire en sorte que non seulement la génération actuelle de Russes le paient, mais aussi leurs enfants et petits-enfants. »

Glazyev a ajouté : « Huit heures plus tard, la fille d’Alexandre Douguine, Darya, a été tuée..... Si l’on considère que le SBU et l’administration Zelenski sont, en fait, des sous-branches de la CIA et du MI6 (britannique), cet assassinat odieux commis par leurs agents a pour but évident de faire monter l’échelon de la guerre..... Cet assassinat a rendu impossible les négociations que [le président turc Recep Tayyip] Erdogan recherche et que le premier ministre israélien propose. Avec leurs crimes provocateurs contre l’humanité et le monde russe, les agences de renseignement américaines et britanniques exacerbent, étendent et approfondissent le conflit avec l’aide du SBU [Service de sécurité de l’Ukraine] afin d’intensifier les hostilités, avec de nombreuses victimes. La réponse à ces crimes ne peut être qu’une mobilisation rapide et décisive de toutes les forces du monde russe pour une victoire rapide en Ukraine dans la guerre hybride mondiale déclenchée contre nous par Washington et ses satellites. »

Rappelons ici que Timothy Snyder, professeur à l’université de Yale, spécialiste de l’Europe de l’Est et plus particulièrement de l’Ukraine, et ne cachant pas sa haine virulente de Lyndon LaRouche, écrivait en avril 2014 dans la revue de BHL La Règle du Jeu, que « La personne clé de l’Eurasianisme et de la politique ukrainienne au Kremlin est Sergei Glazyev, un économiste qui, comme Douguine, tend à combiner le nationalisme radical avec la nostalgie du bolchévisme ».

La mise en garde de l’OFPRA

En France, en 2018, la division information, documentation et recherche (DIDR) de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dans un rapport de 11 pages intitulé « Myrotvoretsk », une plateforme collaborative en ligne répertoriant "Les ennemis de l’Ukraine", évoque les menées criminelles du Centre Mirotvoretsk ukrainien.

Ce dernier qui affiche (une ironie ?) comme adresse Langley, aux USA (ville où se trouve le siège de la CIA...) et Varsovie, capitale de la Pologne, se présente comme un

Centre de recherche des signes de crimes contre la sécurité nationale de l’Ukraine, la paix, l’humanité et le droit international — Informations destinées aux autorités chargées de l’application des lois et aux services spéciaux sur les terroristes, les séparatistes, les mercenaires, les criminels de guerre et les meurtriers pro-russes.

Anton Guerachenko, ancien conseiller du ministre de l’Intérieur et créateur du Centre Myrotvorets.

Selon l’OFPRA, le Centre Myrotvorets fonctionne comme un centre collaboratif en ligne fondé en 2014 par Anton Guerachenko, conseiller d’Arsen Avakov, à l’époque ministre de l’Intérieur ukrainien, chouchou de Washington et surtout géniteur et mécène financier de la brigade néo nazie Azov.

Comme nous l’avons documenté ailleurs, Arsen Avakov a ses entrées à Washington où il a signé un « protocole d’accord » de coopération avec le FBI pour la lutte contre la « cybersécurité »…

Créé avec le soutien de hackers issus du mouvement de combattants volontaires ‘Narodny Tyl’ (Front National), il collabore avec le ministère de l’Intérieur, le Service de sécurité (SBU) et le Service des gardes-frontières ukrainiens, et est dirigé par Roman Zaitsev, membre du SBU, précise l’OFPRA.

Myrotvorets traite chaque jour des milliers de courriels qu’il reçoit dénonçant des supposés traîtres et collaborateurs ennemis. En 2015, le site a publié les noms de quatre personnalités clés de l’opposition ukrainienne.

En quelques mois, tous les quatre sont tués ou se suicident de manière suspecte : le 26 février 2015, Alexander Peklushenko est retrouvé mort par balles, précise l’OFPRA ; le 28 février 2015, Mikhail Chechetov ’tombe’ de la fenêtre de son appartement du 17e étage. Le 15 avril, Oleg Kalachnikov est tué dans la rue, et le 16 avril 2015, le journaliste Oles Buzina est abattu devant son immeuble.

Comme le précise de son coté le site Eurasieexpress.fr :

Sur la ’fiche’ d’Oles Bouzina, il est précisé qu’elle a été postée par ’l’agent 404’ le 14 avril 2015, et qu’il a été ’liquidé dans la cour de son immeuble à Kiev’ le 16 avril. Il faut savoir que ce site a été officiellement promu par Anton Guerachenko, conseiller du ministre de l’Intérieur Avakov, à la fin de l’année dernière : ’Aujourd’hui, déclarait-il, grâce au travail minutieux de dizaines de volontaires, il a été rassemblé plus de 7500 profils de terroristes, de séparatistes et de leurs complices. Le travail de collecte d’informations à leur sujet ainsi qu’au sujet de leurs connaissances présumées et de leurs contacts continue… Je prie instamment tous ceux qui sont en possession d’informations sur les terroristes et les séparatistes de les faire parvenir directement sur le site de Centre Mirotvorets.’

En 2016, les choses se corsent lorsque Myrotvorets publie les noms et les informations personnelles de 4508 journalistes crédités par les autorités « rebelles » du Donbass… Il s’agit alors de reporters de CNN, d’AFP, de Reuters, de la BBC, du New York Times, de Vice et d’Al Jazeera, tous accusés en vrac par Kiev de « collaborer » avec les « terroristes » (les pro-Russes).

Arsen Avakov (à droite).

Comme le confirme RFI, à l’époque, Avakov soutient ouvertement le site Myrotvorets.

La terreur provoquée est telle qu’en mai 2016, l’ambassadeur de l’UE en Ukraine, Jan Tombinski, est obligé de déclarer lors d’une conférence de presse que Myrotvorets « viole les normes internationales de protection des données personnelles et met en danger les journalistes ». D’après l’OFPRA, Tombinski « prie les autorités ukrainiennes de veiller à ce que les données soient instamment retirées du site ».

Ensuite, le 13 mai 2016, suite aux pressions de la communauté internationale et du gouvernement ukrainien, Myrotvorets annonce la fermeture de son site. Dès le 19 mai, toutefois, celui-ci opère de nouveau, Anton Guerachenko affirmant qu’il bénéfice du soutien des médias ukrainiens et constitue une source d’information à part entière.

Le 2 juin 2016, la représentante pour la liberté des médias auprès de l’OSCE, Dunja Mijatovic, déclare que la publication de données par Myrotvorets constitue une menace pour la sécurité des journalistes accrédités dans le Donbass, dont certains ont déjà reçu des menaces. Le même jour, les ambassadeurs du G7 réunis à Kiev publient une déclaration commune faisant état de leur profonde inquiétude et exhortant Myrotvorets à effacer toutes les données personnelles de son site. L’ONG Reporters sans frontières (RSF) exige que des mesures sévères soient prises à l’encontre de ceux ayant contribué à la publication des données relatives aux journalistes.

La même année, au cours du talk-show ukrainien Shuster Live, Guerachenko précise aux journalistes que « s’ils font honnêtement leur travail, en disant la vérité, ils n’auront rien à craindre »...

Allons-nous, pays occidentaux, continuer à envoyer des milliards de dollars et des armes de plus en plus offensives à ces tueurs ? Partageons-nous réellement leurs valeurs ?

Pour explorer et discuter d’une vraie alternative à cette descente aux enfers qui prépare des guerres de haute intensité dans toute l’Europe, inscrivez-vous dès aujourd’hui à la conférence de l’Institut Schiller les 10 et 11 septembre, « Inspirer l’humanité pour survivre à la plus grande crise de l’histoire mondiale ».

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