Revue de livre

Louis Pasteur et les Enragés

mercredi 21 décembre 2022, par Agnès Farkas

Bicentennaire de Louis Pasteur

Les Enragés
par Paola Nicolas,
Editions du Globe,
06/10/2022
220 p., 20 €

Il y a 200 ans, le 27 décembre 1822, naissait Louis Pasteur.

C’était un mois avant le décès du médecin Edward Jenner, qui réussit à induire une immunité artificielle contre la variole grâce à son vaccin.

Un siècle après lui, Louis Pasteur expérimente la vaccination contre la rage, qui changera à jamais l’approche biologique de la médecine.

Dans ce roman nourri par une enquête scientifique, Paola Nicolas nous entraîne dans un fait divers qui prend sa source au cœur des laboratoires de Louis Pasteur et raconte la longue croisade de la science moderne face à l’obscurantisme.

Au-delà du difficile cheminement de la découverte du vaccin contre la rage, les médecins et les chercheurs du futur Institut Pasteur ont dû faire face à divers intérêts particuliers : la population, qui espère pouvoir soigner ses proches, le politique avec ses calculs électoraux, porté par des médias à la recherche du sensationnel, ainsi qu’une caste de médecins enferrée dans ses habitudes, qui refuse encore de se soumettre aux précautions d’hygiène les plus élémentaires.

Le 26 novembre 1886, le journal L’Intransigeant titre : « On a tué le jeune Jules Rouyer. » Tout le monde s’enrage autour du patient mordu par un chien, depuis les chercheurs qui espèrent sauver l’enfant grâce à leur découverte, jusqu’aux contradicteurs pour qui la maladie n’est due qu’à une prédisposition naturelle. « Le germe ne devient pathogène que le jour où nous tombons malades », dit Michel Peter, qui intentera un procès contre Pasteur suite à la mort de Jules Rouyer, un enfant de 12 ans vacciné par les médecins Emile Roux et Jacques-Joseph Grancher.

Selon Michel Peter, un médecin « anti-vaccinateur », il existe deux formes de rage, « la rage de laboratoire » et « la rage naturelle qui guérit naturellement ». Si cette dernière rend malade, c’est qu’on porte déjà la maladie en soi, affirment ses amis, qui « vantent la bonté intrinsèque [de la nature, ndlr] » ou soutiennent que la maladie « purge l’organisme des enfants de ses principes morbides ».

Pour guérir la rage, Peter et ses amis frottent les plaies provoquées par des morsures de chien enragé avec de l’ail pilé et du citron.

Ce médecin va engager un procès contre les laboratoires de Pasteur dans une ambiance politique délétère. En effet, Georges Clemenceau, député du Var et médecin, espère tirer profit d’une défaite de Louis Pasteur face à Michel Peter pour se faire élire contre son opposant politique Charles de Freycinet, un ami de Léon Gambetta. Rappelons que Clemenceau est le protecteur et l’introducteur dans la vie politique du général Boulanger, un revanchard qui tient lui aussi à en finir avec Pasteur.

Si nous savons aujourd’hui qui a remporté ce procès historique, le récit romancé de cette aventure scientifique fait découvrir au lecteur les doutes et les convictions de chacun des acteurs. Paola Nicolas donne une couleur inattendue à un fait historique en suivant pas à pas chaque personnage dans son parcours émotionnel, où tous, parents et chercheurs autant que leurs contradicteurs, font face à une maladie dont l’issue est la mort.

A offrir aux mordus de la découverte !