Intervention au Technopôle de Rennes-Atalante (Orange, Thomson, Alcatel...)

mercredi 24 octobre 2012

Face à la torpeur financière, soyons les éclaireurs du travail humain

Par Fabien Ramel


C’est l’histoire d’un atelier, celui de la France. A sa source, l’optimisme des défis scientifiques et technologiques et l’exigence de répondre à l’indispensable progrès de la société. Chaque jour, il sculpte le territoire par les voies de fer, de la terre, de l’air et de la mer. Aux profondeurs de la mécanique, de la chimie, de l’électronique, il puise ses ressources pour hausser la condition des hommes ; ceux-là même, qui, architectes et bâtisseurs de l’ensemble, acquièrent l’estime du travail industrieux et la fierté des prodigieux changements qu’il féconde.

L’atelier laisse pénétrer en son sein un chant douceureux aux accents séduisants. Une des ses ampoules vient à griller puis une autre est brutalement éteinte. Des machines disparaissent tandis que d’autres ne savent plus être manipulées ou fonctionnent encore mais au ralenti. L’atelier se vide. Ça y est, plus rien ! Pourtant un bruit strident et frénétique semble avoir colonisé tout l’espace : la cupidité réclame un nouvel aliment, son repas est terminé.

Déterminés à mobiliser les employés du Technopôle « Atalante » de Rennes, site pionnier dans les TIC (Technologies de l’Information et des Télécommunications) depuis les années 1980, Alexandra et moi-même, militants de Solidarité et Progrès, sommes allés distribuer tôt le matin la pétition pour un Glass-Steagall global, aux portes de l’entreprise Orange, voisine de Thomson et Alcatel actuellement soumises à des plans de licenciements. Deux matins de suite, panneaux autour du cou affichant « Pour Hollande, le faux Glass-Steagall, c’est maintenant ! Ici, on à le Vrai ! », les salariés ont bien accueilli notre impertinente insistance.

Le lendemain, à l’occasion d’une table d’information posée devant le restaurant d’entreprise, nombreux ont été ceux qui ont reconnu notre obstination de longue date à défendre le principe d’une stricte séparation des banques de dépôts de celles qui spéculent ainsi que l’ambition d’un renouveau industriel autour de grands projets. Devant notre panneau provocateur « Qui ne coupe pas les banques en deux cet automne, n’aura plus d’Orange à Noël. », on y a entendu : « Ah oui, votre tract pour couper les banques en deux, on en a parlé avec les collègues », ou encore « vous parliez déjà de séparer les banques dans un clip de campagne passé à la télé pendant les élections ! » mais aussi « je sais de quoi vous parlez, mon mari va perdre son boulot chez Thomson ».

Parmi les nombreux ingénieurs et techniciens présents, plusieurs ont manifesté un véritable intérêt pour la perspective de grands travaux et de nouvelles conquêtes technologiques. Les plus enthousiastes ont acheté nos journaux et nos dossiers pour mieux connaître cette politique.

Avec ces salariés inquiets et désemparés face au quotidien, nous avons discuté du défi de briser les chaînes monétaires qui conduisent aujourd’hui au chaos social et à la guerre, en montrant que seuls des projets de développement et de coopération assurant la paix et l’essor du moyen Orient, du bassin Méditerranéen, de l’Afrique et de l’Eurasie pourraient sortir l’Europe de sa torpeur financière mortelle.

Il est devenu clair à ce point-ci que le jeu du foulard budgétaire auquel François Hollande se livre et accélère en soutenant le pacte d’austérité (TSCG), installe la France dans la trahison sociale, l’abandon des grands projets (Canal seine Nord, lignes LGV) ainsi que l’extinction contrôlée de l’emploi industriel.

Ni les quelques emplois d’avenir ou ceux des contrats de générations ni la création de la Banque Publique d’Investissement, distribuant de maigres prêts et garanties aux PME, laissant mourir les plus faibles ou « les canards boiteux », ne pourront assurer le grand chantier qui s’impose pour renverser les 30 ans de destruction économique.

On le voit bien ! L’avalanche de plans sociaux qui frappe le pays ne pourra être stoppée en jetant quelques cailloux sur son passage. Après PSA, Doux, Thomson et Arcelor, c’est Alcatel qui est frappé de plein fouet. Dans ce dernier cas, le responsable s’appelle « Programme Performance », du nom du plan d’économie de 1,25 milliards d’Alcatel-Lucent, touchant tous les domaines, Recherche & Développement comprise. En France, 1430 emplois seront détruits, et sans doute plusieurs centaines en Bretagne où se trouvent 1800 des 9000 emplois que compte l’Hexagone.

Fini le temps où la performance reposait sur l’alliance entre défi scientifique et technologique et essor industriel porté par des compagnies telles qu’Alcatel ou Thomson, à l’époque stimulées par une politique d’État volontariste. Cette fois, c’est celle de l’ogre spéculatif qui prévaut alors que le titre d’Alcatel bondit à l’annonce du plan social.

Peut-être s’agit-il d’un prélude au « désendettement compétitif », concept Moscovicieux préparé pour être administré à la France.

La tour télécom dominant le technopôle de Rennes-Atalante.

C’est cette logique de gestion purement financière au sein des entreprises et de l’État, qui a provoqué la chute progressive de la filière des TIC à Rennes et dans l’Ouest en général, laissant des sociétés de services et de commercialisation au poste de pilotage de l’ensemble. Thomson, Alcatel ou bien encore Orange sont nées d’initiatives ambitieuses tirées par l’élan des 30 glorieuses. L’État décida en effet, de leur confier la mission de développer depuis la recherche fondamentale jusqu’aux produits finis, des technologies nouvelles, aussi bien dans le domaine du spatial, des télécommunications, de l’informatique et du traitement d’image.

Notre défi aujourd’hui est d’être, de nouveau, les éclaireurs du travail humain de demain et de rouvrir grandes les portes de l’Atelier. Car quand une mécanique destructrice prend le contrôle de nos vies, de notre travail et de notre génie il faut y jeter son grain de sable pour l’arrêter. Alors essayez, il y a d’autres « Atalante » près de chez vous !