La maladie du romantisme

mardi 12 juillet 2016

[sommaire]

Deux couchers de Soleil

Acte premier

Narrateur : Sur une plage d’Andalousie, un samedi soir, à la tombée de la nuit...

Elle : Qu’est-ce que c’est calme ! En plus, il fait moins chaud quand le soleil se couche.
Lui : C’est clair, ça fait du bien... T’as vu comme le soleil va vite quand il se couche ? Et les couleurs changent vite aussi.
Elle : C’est clair, c’est beau.

Narrateur : 8 minutes de silence passent...

Lui : Ah, ça y est le soleil est presque couché, plus que quelques minutes avant la nuit.
Elle : Ouais, c’est vraiment beau, j’passerais ma vie ici.
Lui : Moi aussi, mais profitons-en car lundi, retour à Paname city, au boulot !
Elle : Tais toi, parle pas de ça, profitons du moment présent.
Lui : T’as raison, je t’aime mon amour.
Elle : Moi aussi.
Lui : Ça y est le soleil est parti, il s’est couché.
Elle : On pourrait en faire autant, non ? Tu ne penses pas ? On va se coucher ?
Lui : Ok.

Sommaire :

Introduction

Nous vivons une époque qui dépasse tous les précédents historiques. Le destin de la civilisation se joue sur la scène chancelante de l’architecture bancaire qui, telle une tour de Babel moderne, est condamnée à s’effondrer depuis qu’on a commencé à l’édifier, il y a quatre décennies. Dominées par la panique et leur cupidité, les élites politiques et financières envisagent le pire : l’austérité, la réduction de la population, la guerre ; nourries par leur mépris du peuple, elles se précipitent vers la fuite en avant.

Ce mépris n’est cependant pas propre aux dominants. Il s’est étendu à tous les hommes : mépris envers leurs semblables, mépris et dégoût envers eux-mêmes. Les individus sont poussés à renoncer à tout espoir pour un monde plus juste, à rejeter ce qui pourrait apparaître comme tel, en le considérant au mieux comme un doux rêve irréalisable, au pire comme un horrible mensonge. Ils deviennent des fuyards apeurés qui courent se réfugier vers un univers qui les soulage de cette disharmonie entre ce qu’ils sont – un être moral pensant – et le monde médiocre qui les entoure. Cette fuite devient un processus d’auto-destruction, car elle appelle à un soulagement toujours plus pressant – tel l’accroc aux drogues dures – , via le recours à une culture mêlant sexe, sang et mort, dans une violence de plus en plus sourde et brutale.

Pourtant aujourd’hui le cinéma, la radio, la télévision et le cyberespace ne suffisent plus à soulager les frustrations. Pire : ce dernier exacerbe les mauvaises émotions en les socialisant, préparant les actes imaginés dans le virtuel à se réaliser dans le monde réel. C’est ce qu’ont montré plusieurs massacres et actes terroristes inspirés par des jeux vidéos violents et relayés sur les réseaux sociaux.

Ce type d’événements extrêmes, les attentats suicides, auparavant réservés aux lieux lointains du Moyen-Orient, apparaissent désormais avec la même violence près de chez nous, dans nos sociétés occidentales. Alors, pourquoi les citoyens ne réagissent-ils pas ? Parce que les médias et leurs maîtres financiers, qui constituent une partie intégrante de cette opération visant à fabriquer des suicidaires tueurs, maintiennent, par leur bonne humeur « su-sucre » hypocrite, le système de croyances en place ; ils maintiennent et alimentent ainsi une dynamique de masse qui, si elle n’est pas vite inversée, entraînera notre civilisation dans une chute fulgurante, comme la Grèce antique fut conduite à son propre effondrement, principalement à partir de l’époque de Périclès et des guerres du Péloponnèse.

Nous voulons montrer dans ce dossier que, bien plus qu’un problème lié à la libéralisation des armes à feu, la cause du problème évoqué ci-dessus est à attribuer aux médias. Et surtout... à une maladie culturelle. Helga Zepp-LaRouche, présidente de l’Institut Schiller qui œuvre pour une renaissance économique et culturelle, la qualifia de « romantisme émotionnel ». Cette maladie ne peut être saisie qu’en tant que processus dynamique et sur une longue étendue historique. Nous nous concentrerons ici sur les deux derniers siècles, période pendant laquelle le courant romantique s’est développé et a progressivement infesté l’Europe et le monde, l’écartant toujours plus loin de l’héritage grec et judéo-chrétien qui avait permis, grâce à la fertilité de la science et de l’art classique, d’augmenter la qualité d’organisation économique, politique et sociale de la société humaine, qualité pouvant être mesurée par l’évolution de ce que l’économiste Lyndon LaRouche nomme « le potentiel de densité démographique relatif » (capacité d’accueil d’un territoire donné, par tête et par kilomètre carré).

La destruction de l’homme et de l’art par l’art et par l’homme

par Bruno Abrial

La génération des 25-40 ans, – celle née environ entre 1975 et 1990 –, a été jetée dans une société qui affiche une opposition manifeste avec la beauté et la simplicité de la nature. De façon similaire, la masse populaire, de plus en plus appauvrie, semble être promise à un conflit insoluble avec les classes riches, qui ont allègrement profité d’un système économique abandonné à une loi de la jungle financière. Cet état des choses s’inscrit dans la continuité du changement de paradigme culturel et économique commencé dans les années 1960, et incarné par la génération du baby-boom.

Les décisions prises par les dirigeants politiques des États-Unis et d’Europe, suite à la disparition des grands leaders tel que J.F. Kennedy, Martin Luther King et De Gaulle, ont non seulement manqué de vision, mais ont entraîné le monde dans une longue crise stratégique et économique. Qu’Armstrong ait posé un pied sur la lune en 1969, en aboutissement au projet Apollo lancé par JFK en 1961, alors que la société américaine avait déjà perdu, à ce moment-là, la capacité d’accomplir une telle prouesse, est caractéristique de cela. L’arrêt des programmes d’exploration de l’espace dans nos pays occidentaux, l’anéantissement de toute perspective de développement cohérent Nord-Sud – espoir que nourrissaient les meilleurs républicains dans le monde d’après-guerre –, ont obscurci l’horizon ; pire, la guerre au Vietnam dans les années 1960 et la menace constante de conflit thermonucléaire ont offert à la jeune génération d’alors un ciel de plus en plus orageux en guise de futur.

C’est cet ensemble qui constitua un terrain suffisamment boueux et glissant pour qu’opère le changement de paradigme vers un pessimisme culturel. L’individu, privé de toute identité liée à l’histoire et la culture universelle, est réduit à un être hédoniste, n’appréhendant son identité que par des sentiments existentialistes.

Retour à l’état de nature

Folie ! Folie !
C’est un délire insensé
Pauvre femme seule
Abandonnée dans ce désert populeux
Que l’on appelle Paris.
Que me reste-t-il à espérer ?
Que dois-je faire ?
Jouir des plaisirs !
Périr dans la volupté des tourbillons !
Jouir des plaisirs !

Violetta, dans la Traviata de Verdi

De nos jours, tout jeune individu parvenu à l’âge adulte, ayant réussi à garder une certaine capacité d’auto-réflexion, malgré la culture abrutissante dans laquelle nous baignons dès notre plus tendre enfance, se pose naturellement les questions existentielles – « Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? » Mais ces questions semblent se perdre dans un espace vide infini, et se répéter en un écho éternel. L’individu est incapable de localiser en lui-même ce qui est nécessaire pour y répondre. Ces questions sont refoulées et il fuit tout regard en lui-même. Il regarde autour de lui, voit la misère, les guerres, la famine ; il voit la cupidité, l’irresponsabilité et l’égoïsme des hommes. Il essaye de regarder plus loin, vers l’avenir ; mais le brouillard est beaucoup trop dense, et tenter de scruter l’horizon représente une tension insoutenable. Alors, il se contente d’agir « à sa mesure », au sein du cercle restreint de ce qu’on appelle les « amis », ou la « famille ». Mais, dans cette société malade, même les « amis » sont souvent plus préoccupés par eux-mêmes que par leurs proches, et au fil des jours, ces comportements individuels constituent une oppression émotionnelle de plus en plus difficile à supporter.

Tout justifie que l’homme est mauvais, qu’il est dominé par ce qu’il possède et surtout par ce qu’il voudrait posséder, et que la civilisation corrompt d’autant plus ses sentiments mauvais. Tout justifie que la société humaine n’est qu’une vaste comédie. Un retour à la nature est nécessaire, pour se purifier de tout l’artifice de cette comédie, et retrouver un certain sentiment d’harmonie, l’insouciance et la liberté que l’on avait enfant et que la civilisation nous a fait perdre…

Vers authentiques d’un jeune pèlerin en quête d’harmonie :

Flâner sur ces chemins à un rythme exagérément lent me permettait d’intégrer le paysage de tout mon être. J’étais les arbres, les buissons de mûres (qui depuis Lugo n’avaient jamais cessé d’orner le chemin), les champs d’herbe, le petit vent frais, le soleil, les chants d’oiseaux, le meuglement des vaches, les chiens se reposant à l’entrée d’une vieille demeure paysanne, les poules qui picorent dans la cour, l’odeur du fumier mais surtout des bouses de vaches… Je prenais le temps de m’arrêter pour observer un convoi de fourmis, pour caresser un âne piteusement attaché dans un champ, pour manger des mûres dont je n’arrivais pas à me lasser, pour sentir les odeurs de la forêt... 
(…)
Le béton des rues, les trop rares espaces verts ; le bruit de la circulation, des travaux et de la foule ; l’air pollué par l’industrie et le transport, aux parfums chimiques et nauséabonds ; la nourriture artificielle, souvent fade et mauvaise pour la santé ; plus de contact avec la nature ou très peu ; des déplacements dans des véhicules fermés à des vitesses contre-nature et bien souvent assourdissantes pour l’extérieur…
Nos sens étouffent, les gens sont malades, le monde est malade…

Le mécontentement que nous inspire le mauvais usage que nous faisons de notre liberté morale et le défaut d’harmonie spirituelle de nos actes, engendre aisément une disposition d’esprit dans laquelle nous nous adressons aux êtres dénués de raison comme à une personne, et dans laquelle, comme s’ils avaient eu véritablement à lutter contre la tentation d’un état contraire, nous leur faisons de leur éternelle uniformité un mérite et nous envions leur tranquille comportement. En de tels instants il nous convient de considérer la prérogative de notre raison comme une malédiction et un mal, et d’éprouver un sentiment si vif de l’imperfection de nos œuvres réelles que nous omettons d’êtres justes à l’égard de nos aptitudes et de notre destination. Nous ne voyons alors dans la nature privée de raison qu’une sœur plus heureuse qui est restée à la maison maternelle, d’où dans l’ardeur de notre liberté nous nous sommes échappés pour nous élancer dans des contrées étrangères. Nous éprouvons une aspiration douloureuse de nous y retrouver dès l’instant où nous avons commencé à faire l’expérience des tourments de la culture, et dans la terre étrangère et lointaine de l’art nous entendons la voix touchante de notre mère. Aussi longtemps que nous fûmes de simples enfants de la nature, nous avons possédé le bonheur et la perfection ; nous sommes devenus libres et nous avons perdu l’un et l’autre. Il en résulte une double et très inégale nostalgie vers la nature, une nostalgie de son bonheur, une nostalgie de sa perfection. L’homme sensible seul se plaint d’avoir perdu le premier ; l’homme moral seul peut déplorer avoir perdu la seconde.

Friedrich Schiller, Poésie naïve et sentimentale

Parvenu à ce stade, il se laisse peu à peu gagner par un dégoût viscéral pour tout ce qui représente l’idée de progrès. Il est ainsi poussé à se retirer du monde (en tous cas à se retirer de l’esprit toute idée d’y intervenir pour l’améliorer), et à partir dans une quête infinie, à la recherche de ce sentiment absent d’harmonie. Cette quête, même si elle peut prendre corps dans le monde réel, se fait dans des lieux hors du monde et du temps, des lieux et temps imaginaires, évoquant les sentiments de l’insouciante enfance : les légendes moyen-âgeuses des princes héroïques, des belles princesses amoureuses, des combats chevaleresques… Ce romantisme, qui mime le retour à la nature, abonde dans la culture actuelle, dans les univers surréalistes des jeux vidéo, de la bande dessinée et des mangas, des films d’Hollywood, ou même de la littérature, tel que Le Seigneur de Anneaux, Harry Potter, etc…

Puisqu’il n’y a pas d’accord entre l’individu et le monde, l’individu recherche l’accord en lui-même, dans une communion temporaire, c’est-à-dire de court terme, avec la nature.

On retrouve ainsi notre jeune pèlerin, se complaisant dans l’identité empruntée d’un poète déchu, abandonné par une société corrompue, à l’image des poètes romantiques du XIXe siècle ; il compose et murmure ses vers tandis qu’il flâne au bord de la rivière, et se languit du jour où on finira par le remarquer, où on comprendra que lui a de la sensibilité, du talent, et de l’amour à donner. Ce jour où une belle femme dans une longue robe blanche, trempant gracieusement ses pieds nus dans la rivière, entendra son murmure lyrique, et se laissera silencieusement envoûter par son irrésistible charme romantique, comme une douce rose blanche qui accepte d’être cueillie avec une timidité toute empreinte de pureté…

Mais le rêve s’évanouit, et la vie doit continuer parmi les hommes ; le malaise, qui reste comme un arrière-goût amer, doit être noyé dans un flot d’expériences sans continuité et sans développement ; d’une expérience sensuelle vers une nouvelle expérience sensuelle ; une éternelle insatisfaction, nourrie par un ennui mélancolique s’alourdissant.

Et, faute de satisfaction morale, faute de développement d’une véritable identité trouvant le sens de son existence dans l’histoire, il doit y substituer une identité – ou de nombreuses identités différentes – acceptable(s) auprès de l’opinion ; un masque, qui puisse procurer l’illusion à l’intérieur comme à l’extérieur d’une personne en accord avec elle-même et avec le monde (pour « garder la face »). Il faut donner aux autres l’impression qu’il est une personne épanouie, sociale, et donc populaire, afin de cacher la disharmonie intérieure qu’il ne parvient jamais à soulager. Ainsi, dans des termes donnant raison à Adam Smith, il s’engage dans la mécanique de la recherche du plaisir et de la fuite du désagréable et de la douleur ; il devient quelqu’un qui « processe », qui calcule, fait des affaires, joue son rôle, et porte son beau masque sous les lumières scintillantes des lustres.

Un masque d’artifice, pour des relations sociales d’artifice, dans une société d’artifice. Le jeu et la danse battent leur plein, dans la volupté des tourbillons. Et, parmi la foule dansante, certains masques sont plus remarqués, de part leur belle allure, la richesse éblouissante dont ils sont ornés, etc… La foule les adule, elle vient auprès d’eux pour se faire mettre en valeur, et pour trouver une protection. Parmi la foule dansante, des groupes d’affinité et de pouvoir se sont formés, des « familles » ; et chacun, selon les cercles où il aura été introduit, se définira par rapport à ses « amis » et à ses « ennemis ».

Notre jeune pèlerin est devenu, tandis qu’au départ il en vomissait l’idée, un rouage de la mécanique implacable de la comédie humaine. Mais il n’y pense plus ; il fuit ses réflexions intérieures comme la peste et se jette en avant dans la mondanité, dans les expériences d’un soir, dans la destruction lente de lui-même. Et si la mélancolie ne s’est toujours pas estompée – au contraire – il a fini par l’accepter, et même par s’y complaire.

Jacques Cheminade, lors d’une conférence à Paris :

Avant, la mélancolie était considérée comme un des deux péchés majeurs. C’est quand on n’est plus capable de participer au monde, qu’on ne croit plus au monde, et qu’on se retire en soi. Maintenant, songez, quand vous êtes mélancoliques, que la mélancolie est utilisée comme un soulagement, un pardon de vos souffrances : c’est encore pire !
Ah ! Avant la révolution française, on l’avait déjà, avec le fameux poème d’André Chénier : « Douce mélancolie, aimable mensongère…

Dans de telles dispositions morales, la quête visant à soulager ce sentiment tenace d’insatisfaction se transforme progressivement en une suite effrénée d’expériences sensuelles de plus en plus violentes, mêlant le sexe, le sang et la mort. Il recherche de plus en plus un état d’ivresse sensuelle proche de l’inconscience, une perte du lien avec le monde réel (hébéphrénie). L’imaginaire est projeté dans une rivière d’effluves sensuels qui, sous l’effet multiplicateur des drogues, se transforme en un torrent enragé.

Aujourd’hui, l’imaginaire de tout adolescent ou jeune adulte trouve des médiums extrêmement sophistiqués, promus en toute hypocrisie au nom du développement de sa créativité, dans lesquels il se laisse happer très vite, comme par une drogue. En effet, les écrans à haute définition lui offrent une entrée inespérée dans le monde cybernétique des jeux vidéo et des réseaux sociaux internet, où il n’est plus nécessaire de parler aux gens face à face, et de devoir endurer la pénibilité des rapports sociaux. Elles lui procurent le meilleur trip qui soit, plus puissant que l’héroïne : incarner un personnage, version hollywoodienne du héros surhumain (comme ‘Halo3’), et jouer, en réseaux, à flinguer son prochain, en exprimant un retour à la nature d’une bestialité sans précédent.

L’art de la laideur comme culture d’empire

Mais ce qui se trouve derrière l’écran, c’est le paradigme établi peu à peu sur le corps meurtri de l’idée de république, et d’une belle culture optimiste qui fait que les hommes ne se conçoivent pas comme des bêtes, mais comme des êtres d’idées, c’est-à-dire capables de résoudre les grands défis de l’époque, d’améliorer l’univers dans lequel ils vivent, d’améliorer la qualité de leur propre espèce, comme celle des autres espèces vivantes, au sein d’une nature (la biosphère) qui ne demande qu’à s’étendre.

Le poète Friedrich Schiller disait que la beauté peut être définie comme « liberté dans les apparences », c’est-à-dire une harmonie entre la loi naturelle et les actes des hommes. Mais pour qu’une telle idée prenne corps dans le monde politique et économique, il faut qu’il y ait une culture favorisant l’ennoblissement du caractère des citoyens par l’éducation des belles émotions – ce qui, comme l’avait compris Schiller, avait manqué au peuple français au moment de la révolution de 1789. Ce type de caractère est précisément ce qu’ignore – et détruit – notre société aujourd’hui, au moyen des médias de masse.

Suite à la mort de Franklin Roosevelt en avril 1945, la décolonisation des pays du Sud qu’il avait souhaitée et le développement Nord-Sud et Est-Ouest par de grands travaux d’infrastructures pour l’eau, l’électricité et les transports, furent littéralement mis à sac. Comment ? Par le revirement brutal de la politique stratégique des États-Unis, impulsé par le largage en août 1945 des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, puis par l’assassinat de JFK et le lancement de la guerre au Vietnam. Un nouveau paradigme impérial, monstre engendré par les utopistes britanniques tels Bertrand Russell et H.G.Wells, aspirant à un Etat mondial, fut construit sur les ruines des Etat-nations.

A un tel empire libéral, que ces utopistes voulaient nommer « démocratie », ou « mondialisation », devait correspondre une culture à l’image des « pains et des jeux » de la Rome ancienne, c’est-à-dire une culture qui évoquerait et développerait chez l’individu ses plus basses émotions, celles le rabaissant à l’état d’animal. Le Congrès pour la Liberté de la Culture (CLC), fondé en 1950 grâce aux financements de la CIA, la fondation Rockefeller, et autres intérêts financiers, joua le rôle de promouvoir les artistes (peintres, écrivains, musiciens, etc.) véhiculant à travers leurs œuvres un pessimisme sur la nature humaine. Toute conception de beauté universelle, telle que la définissait Schiller, devait être exclue : l’art n’est qu’une question de goût (« c’est comme tu le sens », « chacun son feeling ») [1]. Ainsi, il y a l’art au goût raffiné pour les gens éduqués, les élites, et l’art « pop » vulgaire, pour les masses populaires.

Écoutons Friedrich Schlegel, apôtre de l’école romantique deux siècles avant notre ère, exprimer cela : « Le manque de caractère semble être le seul caractère de la poésie moderne ; la confusion, le dénominateur commun de ses masses ; l’illégitimité, l’esprit de l’histoire ; son scepticisme, le résultat de sa théorie. » L’art n’a aucun but, si ce n’est d’être intéressant pour celui qui le « consomme », au moins au moment où l’acte de consommation a lieu. Le sujet de l’œuvre importe peu pour l’audience – on pourra d’ailleurs autant traiter une chose que son contraire – seul est recherché un effet, si possible fort (un bon « trip »). Le compositeur romantique Richard Wagner exprimait très bien cela en disant que si le spectateur quittait la salle en laissant son siège complètement trempé, il considérait son œuvre comme réussie… « Mais à travers chaque plaisir, continue Schlegel, l’appétit se fait de plus en plus grand. Toute satisfaction entraîne une plus grande demande, et l’espoir d’une satisfaction finie devient de plus en plus distant. Le nouveau devient vieux, le rare devient vulgaire, les piqûres de la tentation deviennent atténuées. »

Mais, prise dans une telle culture, la société se transforme-t-elle en conglomérat informe, somme aléatoire d’expériences sensorielles toutes différentes, sorte d’orgie mondaine éternelle ? Ou bien prend-elle une certaine direction, comme guidée par une main invisible ? Autrement dit, peut-on éternellement cacher le malaise intérieur en soignant l’apparence extérieure ? Persister à maintenir un tel état doit forcément conduire à ce que la laideur entretenue à l’intérieur trouve corps dans le monde sensible. L’art, si on peut encore l’appeler ainsi, va donc devenir le purgatoire du malaise de la société ; un culte de la laideur qui exhibe le mal-être, la médiocrité, la morbidité, et qui banalise ainsi les sentiments les plus lâches des hommes.

Une chose qui nous aura « intéressée » aujourd’hui deviendra ennuyeuse demain, et il faudra donc que l’on se satisfasse avec une nouvelle chose, d’une laideur plus grande. Schlegel dit que « le sens d’identité devient plus faible, le besoin d’art diminue, et la molle insensibilité tourne à une impuissance contrariante. Le goût affaibli n’accepte finalement plus de nourriture autre que des crudités dégoûtantes, jusqu’au point où tout meurt, en un point final de total néant. »

A ce point, les scènes du théâtre de Jan Fabre – art au goût « raffiné » à en croire les élites – qui fut à la fête lors du festival d’Avignon de 2005, illustrent d’elles-mêmes la question.

Jan Fabre : « J’ai voulu montrer la vulnérabilité de l’homme, les humeurs qui nous habitent, et je les fais voir, afin de dire que nous sommes faits comme cela. Nous ne sommes pas ces corps que l’on veut nous vendre, sans odeur et sans chair. »

Jean-Baptiste Deau, sur evene.fr, écrit : « Purificateur, rédempteur, le sang créateur mais aussi douleur, cruauté, blessure, tous les angles, tous les tabous et les passions sont ici examinées. Ode au sang, Jan Fabre entame véritablement une ode au corps, le recentrant dans notre histoire, replaçant la chair au cœur de notre humanité. »

La laideur, la souffrance, le sang, le corps dans son expression la plus charnelle, accomplissent donc une œuvre de purification, une sorte de flagellation émotionnelle qui justifie de se complaire dans la bestialité la plus basse. De plus, comme cette délectation morbide est faite en public – auquel prenait part le ministre de la culture d’alors, M. Donnedieu de Vabres – le spectateur (qui, si toutefois il n’est pas malade, devrait normalement trouver cela insupportable) est ainsi poussé à franchir les barrières interdites. Ceci est, et a toujours été, le berceau culturel du fascisme.

Comme le dit Lyndon LaRouche, une fois que l’on a décidé de ne plus résister à cette force invisible, tous les chemins, aussi différents qu’ils puissent être, mènent à la même destination : l’enfer. Ici, l’enfer doit être vu comme la conséquence, une sorte de trappe, vers laquelle tout individu qui erre dans le purgatoire en niant son propre être moral pensant est irrésistiblement attiré.

Le passage à l’acte de Pekka-Eric Auvinen, qui fusilla ses camarades dans un établissement scolaire de Finlande en novembre 2007 – événement qui ne fut malheureusement pas le seul – , ne représente que la manifestation extrême mais logique d’un processus de destruction du potentiel pensant créateur que tout jeune adolescent a en soi, pour en faire un tueur suicidaire, haïssant l’humanité [2].

Au lieu de terminer d’une façon aussi atroce dans cette école tranquille de Jokela en Finlande, faisant ainsi écho aux carnages des finals des tragédies classiques telles Hamlet ou Jules César de William Shakespeare, Pekka-Eric aurait dû avoir le droit de découvrir et de développer son propre potentiel créateur, et de le mettre à contribution pour le bien de l’humanité. Il aurait dû avoir le droit de découvrir que le propre de l’homme, contrairement aux animaux, est de pouvoir briser les chaînes d’un système apparemment fermé, de sortir des règles du jeu. Nous ne sommes pas nés avec la malédiction génétique nous condamnant à rester enfermés dans le cycle souffrance/plaisir/ennui ; l’acte de découverte et de transmission d’un principe scientifique ou artistique auparavant inconnu, acte dont seul est capable l’esprit humain, transcende tous les systèmes pré-établis, aussi bien huilés qu’ils soient. C’est au nom de cette distinction fondamentale entre les êtres humains et les animaux que les jeux vidéo violents devraient être simplement interdits.

Agapé

Le plus souvent, lorsque les gens sont amenés à considérer les massacres de Jokela, Virginia Tech, ou Colombine, même s’ils sont choqués par la violence des actes, ils cherchent à les banaliser d’une manière ou d’une autre : « de toute façon, il y a toujours eu de la violence… » Dans tous les cas, nul ne se demande comment un jeune de 17, 18 ou 20 ans peut être amené à envisager un tel acte, puis à le réaliser. Et surtout, nul ne se demande comment nous avons nous-mêmes pu accepter de voir une violence si extrême comme « normale ».

Cela pose une question plus générale : si nous voulons rendre à notre société son humanité, et par la même occasion redevenir nous-même humains, n’est-il pas nécessaire que nous prêtions attention à la souffrance physique et morale qui est infligée à la plus grande partie de la population mondiale ? Ce qui est fait au plus petit d’entre les miens, n’est-ce pas à moi qu’on le fait ?

Évidemment, il ne s’agit pas ici du sentiment propre au « bon samaritain » (par exemple, le milliardaire Bill Gates) qui fait œuvre de charité le samedi, prie à la messe le dimanche, et retourne prendre part toute la semaine au festin orgiaque, sur le cadavre de la raison humaine. Ce sentiment romantique, cette hypocrite culpabilité infeste même l’Eglise catholique d’aujourd’hui, elle qui porte pourtant en son sein l’image écorchée vive du sublime de l’homme, celui qui souffrit et mourut pour que les individus s’élevassent à la dignité d’hommes… Il s’agit du principe d’agapé socratique, ou de charité chrétienne, qui inspira les plus belles avancées de la civilisation européenne moderne, comme la création de l’Etat-nation souverain en France et en Angleterre suite au Concile de Florence en 1439, la paix de Westphalie de 1648 selon le principe d’avantage d’autrui, et la création de la république constitutionnelle américaine, en 1776-1789, défendant les droits inaliénables de tous les êtres humains que sont « la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». La culture actuelle des 68tards est au contraire celle de la recherche du plaisir, dans la droite lignée des principes de « liberté et propriété » du libéralisme philosophique britannique.

Cette conception du bonheur que l’Amérique porte en elle, la plus haute valeur universelle jamais défendue par une institution terrestre, est intimement liée à l’idée de l’homme qui se pousse à la frontière de lui-même. C’est la raison pour laquelle toute société qui ne se pose plus de défis d’exploration du monde est une société qui renie sa propre humanité. Généralement, les gens, et surtout les « baby-boomers », réagissent très cyniquement au sujet du projet d’exploration de Mars, défendu par Lyndon LaRouche et Jacques Cheminade. « C’est burlesque », « c’est de la science-fiction », « cela prouve leur incrédibilité… » Ces gens sont comme des musiciens qui, ayant viré le chef d’orchestre, s’adonnent à une orgie musicale sans principes – un libre-échangisme musical – et méprisent la rigueur scientifique des œuvres de compositions classiques de Beethoven et ses semblables. Finiront-ils par remarquer que le nouveau chef d’orchestre porte une chemise brune et lève le bras bien haut ?

Il revient donc à notre génération de ne pas suivre la même voie que nos parents : il nous faut abandonner l’idée que l’art est un moyen d’échapper à la réalité, afin que nous ne nous rendions pas compte trop tard que cela était en réalité un moyen de nous asservir à un système barbare et autodestructeur. L’art ne peut donc pas se contenter de n’être qu’un reflet de la société telle qu’elle est : il doit, de manière scientifiquement rigoureuse, être le reflet dans le monde sensible de ce que l’homme peut devenir s’il décide de briser ses chaînes mentales. L’artiste doit chercher à éveiller chez l’autre le sentiment d’amour pour l’humanité, l’étincelle créatrice, qui le guide lui-même dans sa création.

Généralement, ceux qui ont la chance de contempler une peinture classique, comme les œuvres de De Vinci ou de Rembrandt, ne savent pas saisir l’idée (en tant qu’objet intellectif), que voulait communiquer l’artiste. Les étudiants des beaux-arts sont souvent les plus handicapés, car leurs études leur apprennent à théoriser un art sans idées universelles, un art où seules des sensations, des impressions, peuvent être créées chez le spectateur. Raison et émotion sont deux sœurs ennemies, et elles se prêtent à leur activité propre : la science pour l’une et l’art pour l’autre.

Un jour, l’une de ces étudiantes, face au tableau de Domenico Ghirlandaio (1449-1494) – Le vieillard et l’enfant –, sembla presque révulsée : cela n’était pas « agréable à regarder. »

Certes, on ne peut pas dire que le nez du vieillard soit beau… Mais cela le rend-il laid pour autant ? Cela rend-il laid le tableau ? Au contraire, la laideur de son nez ne sert-elle pas une idée supérieure ?

Qu’exprime le regard que le vieillard porte vers l’enfant, et celui que l’enfant porte vers le vieillard ? Imaginons le même tableau où le vieillard aurait un beau nez… Imaginons-le sans la fenêtre ni l’ouverture qu’elle offre au monde…

Est-il possible de créer une telle œuvre sans aimer profondément l’humanité ?

La maladie du romantisme : quelles origines, quels symptômes ?

Par Sébastien Périmony

D’où vient le romantisme ?

Académiquement parlant « le courant romantique est un ensemble de mouvements artistiques et littéraires qui s’épanouira en Europe dès le début du XIXe siècle sur la base d’un rejet du classicisme et du rationalisme du siècle précédent. » Continuons : « Le romantisme, en France, se développe sous la restauration et la monarchie de Juillet, par réaction contre la régularité classique et le rationalisme philosophique des siècles précédents. Il se caractérise par une libération de l’art et du moi. Il est une réaction des sentiments contre la raison, cherchant l’évasion dans le rêve, dans l’exotisme et le passé. Il exalte le goût du mystère et du fantastique médiéval. Il réclame la libre expression de la sensibilité, et prônant le culte du moi, affirme son opposition à l’idéal classique, universel. »

« On le sait, l’imagination des auteurs de la Renaissance et du siècle classique s’est particulièrement attachée à l’antiquité grecque. C’est chez Euripide, Eschyle ou Sophocle que les tragédiens du Grand Siècle puisaient leurs sujets. Au début du XIXe siècle, les références changent. Désormais, les références à l’antiquité apparaissent désincarnées, trop codifiées pour rejoindre les nouvelles générations. Au contraire, il s’agit de montrer des passions aussi ardentes que possible, d’autant plus que la réalité sociale, surtout après l’aventure napoléonienne, ne permet plus de les vivre. Aussi, les romantiques aiment-ils plonger leurs personnages dans les époques passées où les passions étaient les plus vives. À ce titre celle qu’on trouve décrite dans le Lorenzaccio de Musset ou Les Cenci de Stendhal, illustre bien la logique romantique : des débauches, des meurtres désespérés, des incestes crapuleux, tout cela dans un décor qui esthétise la violence. Cependant, c’est sans doute le Moyen-Âge qui a le mieux inspiré les romantiques. Un Moyen-Âge de fantaisie la plupart du temps, où les joutes et les tournois, les princesses et leurs chevaliers, forment un monde évidemment peu respectueux de la réalité historique. Par ailleurs, il n’est pas artificiel de tracer une analogie entre ce goût pour l’histoire, fréquent chez les romantiques, et la nostalgie que plusieurs d’entre eux - nommons Lamartine, et même s’il se situe au-delà du mouvement, Baudelaire - ont éprouvé pour leur enfance. Cela rappelle qu’il est dans la nature du romantisme de magnifier ce qui ne peut revenir, de chérir ce qui est désormais inaccessible. »

Ci-dessous nous pouvons voir une caricature de Benjamin Roubaud (1811-1847) qui donne une idée assez juste de l’image qui s’attachait aux romantiques dans le public et du mauvais goût dont on les taxait : sous la bannière « Le laid c’est le beau », on reconnaît Gautier, Eugène Sue (accroché au mât), Dumas, Balzac, Vigny et consorts. Lamartine, à droite de la bannière, bénit nonchalamment le cortège. Malgré le bon sens de la population et de quelques intellectuels quant au ridicule de la culture romantique de l’époque, ce courant deviendra quasi hégémonique dans le siècle, légitimant ainsi le repli sur soi-même, le désengagement politique, la recherche, ou l’acceptation, du malheur, en opposition complète avec les idéaux classiques.

Ci-dessous nous pouvons voir une caricature de Benjamin Roubaud (1811-1847) qui donne une idée assez juste de l’image qui s’attachait aux romantiques dans le public et du mauvais goût dont on les taxait : sous la bannière « Le laid c’est le beau », on reconnaît Gautier, Eugène Sue (accroché au mât), Dumas, Balzac, Vigny et consorts. Lamartine, à droite de la bannière, bénit nonchalamment le cortège. Malgré le bon sens de la population et de quelques intellectuels quant au ridicule de la culture romantique de l’époque, ce courant deviendra quasi hégémonique dans le siècle, légitimant ainsi le repli sur soi-même, le désengagement politique, la recherche, ou l’acceptation, du malheur, en opposition complète avec les idéaux classiques.

De nos jours, le concept romantique « le laid c’est le beau » a été remplacé par nos artistes modernes par « le rien c’est le beau ». Et aujourd’hui encore toute personne relativement saine d’esprit, mais qui par inadvertance se retrouverait à contempler les œuvres d’art moderne qui se trouvent à la Tate Gallery de Londres, ne pourrait s’empêcher de rire nerveusement, se demandant pourquoi son cerveau s’est brusquement arrêté devant de telles œuvres !

Comme à l’époque, le rejet de la beauté et de l’universel est imposé comme culture d’Empire, favorisant l’individualisme au détriment du projet commun, le concept au détriment du principe.

Ainsi le romantisme, en tant qu’art, n’est donc plus un art pour tous, universel, mais un art de tous où tout un chacun exprime son ressenti sur des sujets réels ou de fiction (romanesque), de manière vraie ou non !! Un culte de l’opinion, du ressenti. En 1830, Heinrich Heine, se trouvant devant la cathédrale d’Amiens, dit à son ami : « Cher Alphonse, les hommes dans ces vieux temps avaient des convictions, nous autres modernes, nous n’avons que des opinions, et il faut plus que cela pour dresser un dôme gothique ».

Le rejet de la réalité physique du monde (universalité), et de l’être moral qui recherche la vérité (spiritualité) [3], fit ses premières victimes dans la destruction de la grande Grèce classique. Ainsi, après le meurtre de Socrate, les sophistes menèrent-ils la Grèce à sa propre fin, par le lancement de guerres préventives dans le Péloponnèse... comparables aux guerres actuelles au Moyen-Orient ! Pour les sophistes, et particulièrement pour Adimante dans La République de Platon, « puisque le paraître vient à bout même de la vérité et se montre souverain pour le bonheur, c’est dans cette direction qu’il faut entièrement nous tourner ». La vérité ? Elle importe peu. Seules importent la rhétorique et la manipulation ; seules importent les opinions. Il en sera de même dans les périodes de l’Histoire qui suivront. Le romantisme romain de la culture du pain et des jeux sera soutenu par une politique de mercenariat, de pillage, de colonisation. Le Moyen-Âge, ainsi que la période des grandes guerres de religion (1492-1648) seront également un terrain fécond pour les artistes romantiques, qui pour se faire accepter « à la cour », seront les apôtres de l’indifférence politique face aux souffrances que subissent les peuples malmenés par ces régimes aristocratiques.

Toutefois, sur la base du Traité de Westphalie (1648) qui mit fin aux guerres de religion, sur la notion du pardon des offenses et de l’avantage de l’autre (individus ou nations), vont se re-développer en Europe les meilleurs principes de la civilisation greco-chrétienne. Et ce particulièrement en Allemagne avec la résurgence de la pensée grecque en opposition à la tradition romaine, à travers un courant d’humanistes dont Gotthold Ephraïm Lessing (1729-1781) et Moses Mendelssohn (1729-1786) seront les précurseurs. Lessing écrira L’éducation du genre humain, ou encore Nathan le sage. Ces textes fondateurs de la période des classiques de Weimar appellent au dialogue des civilisations, et font écho à La paix de la foi, écrit par le fondateur de la renaissance européenne, le cardinal Nicolas de Cues (1401-1464). Moses Mendelssohn retraduira quant à lui le Phédon de Platon, dont le sujet central est l’amour de l’humanité, la notion d’agapé. C’est également dans cette continuité historique que naîtront les plus grands génies de la musique classique dans la tradition de Bach et Mozart, tels Beethoven, Schubert, Schumann, Brahms, Mendelssohn, etc. Comme tous les génies, ou hommes géniaux, ces gens participeront à cette éducation du genre humain dont Lessing a posé les principes : une culture anti-romantique.

Prenons l’exemple de l’opéra de Mozart L’enlèvement au Sérail, qui nous raconte l’histoire d’une prisonnière chez les « barbares » turcs : le père de son fiancé a tué le père du Turc qui la tient en captivité. Le jeune fiancé, fortement épris de sa belle, décide de prendre le risque de la sauver des mains de ce monstre infâme. Mais au moment même de s’échapper, le Turc les attrape tous les deux. Pour un allemand de l’époque qui regarde cette pièce, la fin est inévitable : le Turc va les torturer et les garder en prison toute leur vie. Mais Mozart, qui ne s’attache pas à l’opinion populaire, conclura sa pièce d’une tout autre manière : il montrera le Turc capable de pardon, les laissant partir. Par la transmission de cette idée profonde, celle du pardon des offenses, à une population qui pouvait être amenée à lancer une croisade contre la Turquie, Mozart fait une intervention politique, en ennoblissant le caractère de ses auditeurs.

Pourtant, c’est au beau milieu de cette renaissance classique, que le courant romantique va être promu en Allemagne, et aussi en France. Pourquoi ? Comme arme culturelle de l’oligarchie, pour maintenir la population dans ses illusions, dans une nostalgie des temps passés, dans l’individualisme. Le Hollywood de l’époque ! Et il est pour nous crucial aujourd’hui d’étudier le « poète de la révolution américaine », Friedrich Schiller, et de comprendre pourquoi lui et Heinrich Heine, amoureux de notre pays, mirent tant d’espoir – en vain – dans notre Révolution française. Schiller espérait que le succès de la révolution américaine (1776-1789) contre l’oligarchie britannique impérialiste, allait se répandre en France. Et c’est à la suite de cet espoir malheureusement déçu qu’il écrivit Les lettres sur l’éducation esthétique de l’homme. Il y expliqua : « le plus parfait des arts est de construire la liberté politique ». Et ce par « l’ennoblissement du caractère de chaque individu ». Il avait en effet reconnu la cause de cet échec :

La tentative par les Français, d’affirmer les droits sacré de l’être humain et de gagner pour eux-mêmes la liberté politique, a seulement révélé leur incapacité et leur faiblesse, et a plongé, non seulement ces gens mécontents, mais également une partie significative de l’Europe et un siècle tout entier dans un retour à la barbarie et à l’esclavagisme. (...) Le moment était le plus favorable, mais il a trouvé une génération dépravée, qui n’a pas su apprécier ce moment, et l’utiliser. (dans une lettre à Augustenborg)

Voilà le rôle que se donna Schiller pour l’humanité en son temps, et que nous nous donnons aujourd’hui : « créer des citoyens pour une constitution, avant de créer la constitution pour les citoyens ». Et pour se faire, il écrira une tragédie pour presque chaque nation d’Europe (Jeanne d’Arc pour la France, Guillaume Tell pour la Suisse, Don Carlos pour l’Espagne, etc.). Répétons-le et comprenons-le bien : c’est contre cette tradition prométhéenne, schillerienne, dans laquelle l’homme est capable de s’élever à des niveaux supérieurs par le progrès dans les sciences et les arts, que le courant romantique allait être utilisé comme arme culturelle.

La meilleure étude sur le courant romantique allemand est celle de Heinrich Heine dans son livre L’école romantique [4]. Tel un médecin – ou pour être plus polémique, tel un médecin légiste – , Heine y décortique, démembre, autopsie, et met en relief les limites de ce courant de pensée qui a envahi l’Allemagne au début du XIXe siècle. Les pères fondateurs de ce courant en Allemagne sont les frères Schlegel [5] qui sonneront les trompettes des troubadours pour réveiller la poésie médiévale, romanesque. C’est un retour à la glorification de la chevalerie religieuse, qui s’était exprimée le plus clairement dans Titurel (XIIIe siècle en Allemagne), Perceval de Chrétien de Troyes et Lohengrin (également poème allemand de la fin du XIIIe siècle). Histoire de cour et de courtoisie, de rois et de chevaliers intègres en perpétuel combat au nom de l’amour. Pour Heine :

Quand Homère peint l’armure d’un héros, ce n’est justement rien d’autre qu’une bonne armure, qui vaut tant de bœufs. Mais lorsqu’un moine du Moyen-Âge décrit dans son poème les robes de la Sainte Vierge, on peut être sûr qu’il conçoit sous ces robes autant de vertus, qu’un sens particulier se cache sous ces saints voiles de la virginité immaculée de Marie, qui est bien raisonnablement chantée comme la fleur de l’amandier, puisque son fils en est le noyau. Tel est le caractère de la poésie médiévale, que nous appelons romantique.

Les frères Schlegel, qui arrivent dans l’après Lessing, vont imposer leurs critiques du passé : « Monsieur, laissez-moi analyser tous vos défauts, faisant ainsi l’éloge de mes qualités, et de votre petitesse faire ma grandeur ».

Heine dira d’ailleurs au sujet des Frères Schlegel qu’ils sont « si fort pour nier, mais si faibles pour affirmer ». Ils prôneront un retour à la simple poésie naïve du Moyen-âge et créeront ensemble la revue Athénäum entre 1798 et 1800, se posant en défenseurs du romantisme contre le classicisme. Ecoutons-les :

Friedrich Schlegel dans son Entretien sur la poésie :

Une est la raison, et la même pour tous ; mais de même que chaque homme a une nature et un amour qui lui sont propres, chacun porte en soi sa propre poésie.

Ce qui revient à dire ce que l’on disait au début : le romantisme n’est plus une science pour tous mais une science de tous ; un divorce entre universalité et subjectivité. Mais il va plus loin :

c’est là le commencement de toute poésie : suspendre la démarche et les règles de la raison raisonnante et nous replonger dans la belle confusion de la fantaisie, dans le chaos originaire de la nature humaine. (...) Il faut qu’on puisse progresser (…) par des voies diverses. Que chacun suive strictement la sienne avec une joyeuse assurance, sur le mode le plus individuel, car nulle part plus qu’ici, où il s’agit de ce qu’il y a de plus haut, ne compte davantage les droits de l’individualité – pourvu qu’elle soit ce que ce mot désigne : unité indivisible, vivante cohésion interne.

Pour son frère August : « le poète n’a pas à écrire pour tous (…). Il peut à son gré limiter son audience, et il ne lui convient pas de lui reprocher son incompréhensibilité s’il n’est intelligible que pour la classe de lecteur à laquelle il destine son œuvre ».

A ce propos faisons un détour par le Prologue aux poèmes saturniens de Paul Verlaine :

(….)
Cependant, orgueilleux et doux, loin des vacarmes
De la vie et du choc désordonné des armes
Mercenaires, voyez, gravissant les hauteurs
Ineffables, voici le groupe des Chanteurs
Vêtus de blanc, et des lueurs d’apothéoses
Empourprent la fierté sereine de leurs poses :
Tous beaux, tous purs, avec des rayons dans les yeux,
Et sous leur front le rêve inachevé des Dieux !
Le monde, que troublait leur parole profonde,
Les exile... A leur tour ils exilent le monde !
C’est qu’ils ont à la fin compris qu’il ne faut plus
Mêler leur note pure aux cris irrésolus
Que va poussant la foule obscène et violente,
Et que l’isolement sied à leur marche lente.
Le Poète, l’Amour du Beau, voilà sa foi,
L’Azur, son étendard, et l’Idéal, sa loi !
Ne lui demandez rien de plus, car ses prunelles,
Où le rayonnement des choses éternelles
A mis des visions qu’il suit avidement,
Ne sauraient s’abaisser une heure seulement
Sur le honteux conflit des besognes vulgaires
Et sur vos vanités plates ; et si naguère
On le vit au milieu des hommes, épousant
Leurs querelles, pleurant avec eux, les poussant
Aux guerres, célébrant l’orgueil des Républiques
Et l’éclat militaire et les splendeurs auliques
Sur la cithare, sur la harpe et sur le luth,
S’il honorait parfois le présent d’un salut
Et daignait consentir à ce rôle de prêtre
D’aimer et de bénir, et s’il voulait bien être
La voix qui rit ou pleure alors qu’on pleure ou rit,
S’il inclinait vers l’âme humaine son esprit,
C’est qu’il se méprenait alors sur l’âme humaine.

Paul Verlaine (1844-1896), Prologue aux poèmes saturniens

Ce courant romantique allemand commencera sous l’aristocratie littéraire de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832). Lui-même est au sommet de la pyramide des poètes allemands de l’époque. Même s’il a de bonnes relations avec les frères Schlegel, qui le vénèrent pour avoir une place à la cour, il ne les reconnaîtra jamais pour la valeur dont eux-mêmes se prétendent. Il en est de même pour Schiller qui ne daignera jamais, selon Heine, répondre à leurs critiques [6].

Si l’on accorde aux frères Schlegel d’avoir introduit dans la culture allemande le concept de « laideur esthétique », la glorification de l’inconscient et du rêve est à mettre au crédit de leurs contemporains, Novalis (1772-1801) et Ludwig Tieck (1773 – 1853). Ce dernier est l’auteur de nombreux contes fantastiques et a également traduit en allemand le Don Quichotte de Cervantès à propos duquel Heine remarquera qu’ « il est assez plaisant que ce soit justement l’école romantique qui nous ait donné la meilleure traduction d’un livre qui stigmatise de la plus réjouissante manière sa propre folie ».

L’unique œuvre de Novalis, Heinrich von Ofterdingen, parle d’elle-même et nous ne résistons pas à vous en transmettre ici le début :

Les parents sont déjà couchés, ils dorment, au mur la pendule bat sa mesure uniforme ; le vent mugit et secoue les fenêtres ; la pièce est parfois éclairée par la lune.

Le jeune homme reposait inquiet sur sa couche, songeant à l’étranger et à ses récits. Ce ne sont pas les trésors qui ont éveillé en moi cette envie ineffable, se disait-il, loin de moi tout désir de possession : c’est la fleur bleue que j’aspire à admirer. Elle est toujours présente à mon esprit et je ne peux imaginer rien d’autre dans mes pensées. Jamais encore je n’ai été aussi troublé : comme si jusqu’alors j’avais rêvé ou que j’ai j’étais passé en dormant dans un autre monde ; car dans le monde où je vivais jusqu’ici, qui se serait soucié des fleurs, et jamais je n’ai alors entendu parler d’une passion aussi étrange pour une fleur.

Dans cette nouvelle, Novalis décrit l’amour d’un jeune homme pour « la fleur bleue », symbole par excellence des romantiques allemands. Il y mélange, la réalité, le rêve, le présent, le futur, le passé, manière à ce que le lecteur ne puisse plus différencier les différents niveaux de l’histoire. Par ces moyens stylistiques propres aux romantiques, la division entre existence et illusion, imagination et réalité, rêve et réalité est effacée et engendre la confusion des sentiments, un état psychédélique. Novalis disait lui-même que son but était que « le monde devienne un rêve, que le rêve devienne le monde ».

Mais le débat de l’époque, particulièrement en Allemagne, ne se résume pas simplement au romantisme contre le classicisme, mais également à l’opposition entre matérialisme et idéalisme. Ce combat est représenté, à un certain niveau, par l’opposition entre Fichte (1762 – 1814), dont l’idéalisme transcendantal ira presque jusqu’à le faire nier l’existence de la matière, et Schelling (1775 – 1854), grand romantique, qui écrira une Philosophie de l’identité recherchant les liens entre le monde idéal et le monde réel, entre l’humain et la nature. Le lecteur comprendra ici toute la difficulté auquel se trouverait confronté un esprit cartésien qui voudrait ranger d’un coté les romantiques et de l’autre les classiques. C’est ce même Schelling qui inspirera au départ toute la philosophie d’un certain Hegel, qui, par la suite, l’éclipsera pour développer ses propres conceptions. Au centre de tous ces débats philosophiques en Allemagne, il existe également un débat politique entre la France et l’Allemagne. August Schlegel, par exemple, se fera remarquer par sa critique de la poésie française, qui pourrait se résumer en ces quelques mots : « il n’y a pas de poésie française ». Ces attaques contre la France le rapprochent d’autres poètes romantiques anti-français comme Schelling et l’un de ses disciples Joseph Gorrës, apôtre du nationalisme allemand.

Le romantisme et ses symptômes

Sortons donc du cartésianisme. Essayons de définir ce que pourrait être un art qui aurait pour but d’élever à la dignité d’homme, tous les individus de l’espèce humaine, comme le disait Lazare Carnot. Ou encore de se poser la question comme Heine : « Qu’est ce qui forme le plus haut degré de l’art ? ». Sa réponse : « Ce qui forme aussi le degré le plus élevé dans toutes les autres manifestations de la vie : la liberté de l’esprit qui a conscience de lui-même ».

Soulignons d’abord que le romantisme n’est pas une période de l’histoire déterminée, comme le voudraient nos chers académiciens, mais plutôt une façon de penser, de concevoir l’univers qui nous entoure, de percevoir la nature même de l’homme. Comme le souligne Percy Bysshe Shelley dans son essai En défense de la poésie, on peut même dire qu’il a toujours existé des romantiques :

La guerre civile, les dépouilles de l’Asie et la prédominance fatale des armes macédoniennes d’abord, puis des armes romaines, furent autant de symboles de l’extinction ou de la suspension des faculté créatrice en Grèce. Les écrivains bucoliques, qui trouvèrent un patronage sous les tyrans lettrés de Sicile et d’Egypte, furent les derniers représentants de son règne si glorieux.

En effet, ces poètes bucoliques, ou romantiques, ne recherchent que leur plaisir, indépendamment des conditions politiques, indépendamment de la morale et par-dessus tout indépendamment du but premier de la poésie qui pour Shelley est « le perfectionnement moral de l’homme » pour atteindre le « Beau, comme la relation entre le plaisir le plus élevé et sa cause ».

Ainsi, nous affirmons que même si la vision de la lune et des constellations d’étoiles nous envahit d’un sentiment d’infini dans lequel nous pouvons rester contemplatif, jamais la lune, ni les étoiles n’ont été aussi belles que depuis que nous en connaissons la place dans le système solaire, leurs relations avec les autres astres, et les principes qui les font exister. En somme que le romantique est celui qui s’attriste derrière sa vitre un dimanche d’automne pluvieux sans penser que la nature prépare déjà le coquelicot qu’il cueillera au printemps pour l’offrir à sa promise !

Mais tout comme le romantisme n’est pas un courant historique précis, le romantisme peu prendre également plusieurs formes. Il n’y a pas que le romantisme noir d’un Baudelaire mais aussi un romantisme joyeux, d’épanchement total sur la nature, qui l’encense et l’idolâtre en tant que telle, le plus souvent en opposition avec la société humaine. Comme dans les cultes mystico-hindouistes, les romantiques se fondent et se confondent dans la nature jusqu’à entrer « en communion » avec elle et ...disparaître.

Schiller illustre très bien cet aspect du romantisme dans La poésie naïve et sentimentale, lorsque il cite le poète allemand Heinrich Von Kleist (1777-1811) :

Ô Monde, tu es le tombeau de la vraie vie.
Souvent, un instinct ardent me porte à la vertu,
De mélancolie mes joues ruissellent ;
Mais l’exemple l’emporte et toi aussi, flamme de la jeunesse.
Bientôt vous séchez mes nobles larmes.
Un homme véritable doit se tenir loin des hommes.

Schiller répond :

Mais si l’instinct poétique de Kleist le conduit hors du cercle étroit des relations sociales et le mène dans la solitude féconde de la nature, l’angoissante image de son siècle le poursuit et, hélas, ses chaînes également. [Ce qu’il fuit est en lui, ce qu’il cherche est pour toujours hors de lui]

L’amour certes, mais inaccessible s’il vous plaît !

Prenons trois exemples pédagogiques :

Tout d’abord, intéressons-nous à Rousseau (1712-1778) qui « dévoré du besoin d’aimer sans jamais l’avoir pu bien satisfaire, se voyait atteindre aux portes de la vieillesse, et mourir sans avoir vécu. ». Les cinq premières lettres de sa Nouvelle Héloïse sont à elles seules un cours très pédagogique sur le romantisme. Rousseau plonge son lecteur dans un sentiment d’insatisfaction permanente, dans un constant inachevé, à travers l’histoire de deux amants épris d’un amour chaste et enflammé où l’un va et vient entre l’envie d’aimer et l’envie de mourir sans jamais être capable de choisir entre les deux. C’est l’histoire d’un enseignant qui tombe amoureux de son élève : « Il faut vous fuir (…) ou plutôt il fallait ne vous voir jamais. » ; « Il faut tout fuir et vivre seul au monde, quand on n’y peut vivre avec vous. » ; « Il faut que j’aime avec transport, ou que je meure de douleur.  »

Tandis que la vertu de l’étudiante séduite refrène l’appétit sensuel de l’enseignant, l’intention première de ce dernier se révèle à chaque lettre : il veut consommer ! « Malheur à qui ne sait pas sacrifier un jour de plaisir aux devoirs de l’humanité ! » Ainsi Rousseau ne cesse de montrer le côté sensuel de l’homme, qui malgré toute la philosophie qu’il peut acquérir n’en ai pas moins dirigé par le plaisir terrestre, la consommation de l’idéal dans le plaisir réel.

L’œuvre Paul et Virginie de Jacques Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814) restera quant à elle une pièce « oubliable » dans l’histoire de la littérature ! C’est l’histoire de deux enfants, Paul et Virginie, nés ensemble sur une île, et qui grandiront dans un lieu paradisiaque. « Déjà leurs mères parloient de leur mariage sur leurs berceaux ». L’essentiel du livre est consacré à la description de la beauté de l’île où nos jeunes tourtereaux vont grandir ensemble. Là-bas, « un grand silence règne », « tout est paisible, l’air, les eaux, la lumière », « le jour doux éclaire le fond [du] bassin », « le soleil ne luit qu’à midi ». « Dès l’aurore ses rayons en frappent le couronnement", », « les pics s’élevant au dessus des ombres de la Montagne, [paraissant] d’or et de pourpre sur l’azur des cieux. ». Évidemment l’amour naîtra entre eux. Pourtant, par un concours de circonstance, Virginie devra repartir en Angleterre : c’est la rupture. Quand enfin elle reviendra, le sort se jouera de leur amour et fera mourir Virginie sur la plage devant les yeux de Paul, impuissant, à cause d’une tempête. Point final !

Voilà certes une histoire tragique, mais sans aucun principe supérieur. On est loin de la mort de Jeanne d’Arc de Schiller, au nom de son amour pour Dieu et pour son pays ; ou de l’amour de Fidelio pour la justice et pour son Florestan (ainsi que pour tous les autres prisonniers) dans l’opéra de Beethoven. Une version moderne et filmée de Paul et Virginie, The blue lagoon, (le Lagon bleu), met en scène tous les ingrédients de l’œuvre de Bernardin de Saint Pierre, à un détail près : – c’est ça Hollywood – : à la fin ils seront sauvés, se marieront et certainement... auront beaucoup d’enfants !

L’œuvre de Goethe (1749-1832), Les souffrances du jeune Werther, est également un classique du romantisme. L’histoire d’un homme qui s’éprend d’une jeune et jolie jeune femme nommée Charlotte, mais qui malheureusement est déjà promise à un autre. Mais notre homme possède trop de délicatesse pour fracturer le cœur vertueux de son aimée et lui avouer son amour, et pas assez de volonté pour s’éloigner d’elle. Il deviendra donc « son meilleur ami ! » et s’installera chez elle, attendant le retour de l’heureux élu. Quand celui-ci reviendra et enfin épousera Charlotte, notre homme n’aura la force de partir, et le manège d’un ménage à trois commencera. Cela jusqu’au dénuement inéluctable : le suicide du jeune amoureux sur ces derniers mots : « Ah ! Si j’avais eu le bonheur de mourir pour toi Charlotte, de me dévouer pour toi ! je mourrais courageusement, je mourrais joyeusement (...) Je veux être enterré dans ces habits ; Charlotte, tu les as touchés, sanctifiés (...) Ce nœud rose que tu portais sur ton sein quand je te vis pour la première fois au milieu de tes enfants (Oh ! embrasse les mille fois, et raconte-leur l’histoire de leur malheureux ami) (...) Ah ! Comme je m’attachai à toi ! Dès le premier instant, je ne pouvais plus te laisser (...) Minuit sonne, ainsi soit-il donc ! Charlotte, Charlotte, adieu, adieu ! ».

A la lecture de ce chef d’œuvre du romantisme, beaucoup de jeunes gens sensibles et sans repères se suicidèrent. Car il était dit à l’époque : « Que dans cette avant-garde de l’esprit romantique, il est presque attendu d’un artiste qu’il devienne fou ou meure jeune. ». Ceci n’est pas sans rappeler les destins tragiques, mais surtout médiatiques des stars de notre jeunesse comme Kurt Cobain, Amy Winhouse ou même Bertrand Cantat.

Le romantisme français

Par Maria Carmel

Revenons sur l’essai de Schiller intitulé La poésie naïve et sentimentale, et sur ce qu’il dit du poète Kleist : « Son âme hypersensible s’épanche adorablement au spectacle de scènes et de coutumes champêtres. Il fuit volontiers le vain fracas de la société et trouve dans le sein de la nature inanimée l’harmonie et la paix qui lui manquent dans le monde ». Là réside l’une des marques du romantisme français : la fuite du monde et de la société. « J’habite avec un cœur plein dans un monde vide » disait François-rené, vicomte de Chateaubriand (1768-1848). Cependant l’apaisement trouvé dans une nature placée sous l’égide de Dieu semble précaire car les thèmes d’une solitude vécue comme souffrance ou comme ennui sont récurrents. Car l’ennui est la conséquence de l’âme romantique.

Alphonse Louis de Prat de Lamartine (1790-1869), Le lac, dans Les méditations poétiques, 1820 :

Mes méditations sont l’expression d’un cœur qui se berce de son propre sanglot.

Paul Verlaine, Promenade sentimentale, dans les Poèmes saturniens, 1866 :

J’errais tout seul, promenant ma plaie
Au bord de l’étang, parmi la saulaie
Où la brume vague évoquait un grand fantôme vague se désespérant.

Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe, 1848 :

Tout me lasse, je remorque avec peine mon ennui avec mes jours et je vais partout baillant ma vie.

De fait, plutôt que de procurer une satisfaction, une plénitude, ce narcissisme isolé se teint souvent d’un misérabilisme où le moi se plaît à se déprécier :

Lamartine, L’isolement Méditations poétiques :

Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons.
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie.
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

Qu’est-ce que cette mélancolie où l’on pressent une forme de lyrisme un peu emprunté ? Pourquoi un tel mal de vivre, une telle propension à la solitude de la part de personnes qui, comme Chateaubriand ou Lamartine ont été des hommes actifs en société, Chateaubriand en tant que diplomate, Lamartine en tant que député ?

Aux regards croisés de l’Histoire, notamment des événements récents de la Révolution et de l’histoire plus particulière de ces hommes-là, on constate qu’ils sont tous, les Alfred de Musset, Alphonse de Lamartine, François-René de Chateaubriand, Alfred de Vigny, des aristocrates plus ou moins désargentés, qui ont en tout cas perdu la position de marque et les prérogatives qu’ils avaient sous l’ancien régime, bien qu’ils jouent encore un rôle sous la monarchie restaurée.

Ainsi les complaintes mélancoliques auxquelles ils se livrent semblent alors sous-tendues de mauvaise foi. La solitude qu’ils recherchent dans la nature, accompagnée d’un dédain presque palpable pour la société de leurs contemporains, traduit en réalité la rancœur qu’ils ont à l’égard de la classe bourgeoise montante avec son fameux pragmatisme dans les affaires. Et si ces romantiques s’en remettent à la Nature et à Dieu, c’est surtout pour prendre le contre-pied d’une classe bourgeoise qui, ne s’encombrant plus de fatalisme chrétien, s’emploie à satisfaire sans retenue, avec libéralité, ses plaisirs et ses ambitions pendant son séjour sur Terre.

Balzac fera ce commentaire très juste : « Les royalistes sont romantiques, les libéraux classiques ou voltairiens ».

C’est pourquoi on découvre à la lueur de l’histoire, que la solitude peinte par ces poètes, leur rupture métaphorique avec la société, est en réalité l’écho d’une rupture plus profonde entre les classes d’une société nouvelle : aristocrates déchus, bourgeois arrivistes, monarques restaurés qui font plus ou moins alliance avec les précédents. Une pétaudière d’ambitions en somme !

Et la classe populaire est encore la grande laissée-pour-compte, car si la révolution a déclenché une sorte d’ascenseur social qui permet à une classe moyenne de naître, rompant ainsi l’immobilisme de la société de l’ancien régime, la classe populaire pauvre représente encore une proportion importante de la population. Voilà bien la faillite des principes théoriquement amenés par la Révolution française. L’idée d’une république garante de la justice et de la liberté n’est plus qu’un vague souvenir.

Cette liberté civique et responsable que Schiller préconisait pour la France révolutionnaire devient cette liberté toute libérale où chacun a l’égal droit de faire fortune, cette liberté quantifiable, toute de calcul, où la fraternité oubliée laisse place aux principes ramenés d’Angleterre par Voltaire : « Liberté et propriété ». C’est le bonheur, tel que défini par John Locke, de faire des affaires, où la liberté d’être se dégrade et se réduit en liberté d’avoir.

Ainsi le romantisme qui voulait de prime apparence ramener la sensibilité, la religion, l’idéalisme en réaction au matérialisme empirique des Lumières, se révèle être teinté d’affectation, faussé en quelque sorte par des rancœurs, des ambitions non avouées. Et effectivement, très vite, le bonheur tout sensualiste et matérialiste qui avait été énoncé par les philosophes des Lumières dans des milieux assez élitistes et réservés de salons d’initiés réapparaît très vite au XIXe siècle comme principe central, plus répandu, plus démocratiquement partagé. Balzac décrit très justement encore dans le début de La fille aux yeux d’or, comment toute la population parisienne se meut selon l’unique et double principe de « l’or et du plaisir » autour duquel se déroule tout un jeu mesquin d’ambitions et de jalousies.

La fracture des classes, déjà en vigueur sous l’ancien régime, mais qui se jouait alors entre de gros blocs, le clergé, l’aristocratie, le peuple, devient un type de fracture plus infime entre les individus. L’ambition appartient à tout un chacun. C’est ici le germe de l’individualisme. Et le poète malheureux, amoureux de sa solitude est en réalité l’emblème de cette société qui se fractionne de plus en plus en individus isolés, qu’ils soient poètes ou pas.

Les romantiques de la 2ème génération, les Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, ne sont pas de même nature. Issus eux-mêmes de la classe bourgeoise, ils ont un rejet, un dégoût plus profond pour celle-ci. Baudelaire dans Les fleurs du mal méprise ceux qui ne sont guidés que par le dieu de l’ « Utile », en somme les tenants du matérialisme bourgeois. En effet, la généralisation de la course au bonheur terrestre s’accompagne d’un athéisme croissant qui n’était qu’à l’état de germe au 18ème siècle et le propre d’une élite. Ainsi les mœurs bourgeoises libérales telles qu’elles se généralisent, prennent appui et justification sur les découvertes scientifiques faites au XVIe siècle par Kepler et Galilée, à savoir que la Terre et donc l’Homme ne sont plus au centre du monde, qu’il n’est plus si évident qu’il y ait un Dieu créateur qui ait mis l’homme au centre de la création. L’homme serait-il apparu sur Terre de manière arbitraire, par hasard ? Les anciens repères de la tradition morale judéo-chrétienne sont remis en cause, le sens de l’existence se teint d’incertitude et de malaise. Les principes moraux du Bien, du Mal, de la justice, de l’injustice qui découlaient de la croyance en Dieu sont ébranlés et deviennent relatifs. Si l’existence est un non-sens, l’exercice du Bien, de la Justice apparaît comme absurde :

Verlaine, L’Angoisse, Poèmes saturniens :

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs,
Nourriciers, ni l’écho vermeils des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants

Je ris de l’Art, je ris de l’Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu’étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même œil les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu, j’abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L’Amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux
Mon âme pour d’affreux naufrages appareille

Wilde dira aussi que « l’artiste ne doit pas avoir de préférences morales ». Ainsi s’appuyant sur la mort scientifique de Dieu et partant de l’universel, la classe bourgeoise moyenne se débarrasse de toute morale encombrante pour satisfaire sans complexe ses plaisirs et ambitions. Et les poètes, par effet de miroir encore, sont définitivement désintéressés de la société à laquelle ils appartiennent.

Les principes universels du Bien, du Mal, du Juste et de l’Injuste sont remplacés par les principes empiriques palpables du plaisir et de la souffrance qui se déploient sur une toile de fond de néant et d’ennui…

Chez Baudelaire, la souffrance et l’ennui sont des thèmes centraux et le moyen d’y échapper est de sombrer dans une sorte d’ivresse proche du rêve et de l’inconscience. On pense à la manière dont Baudelaire fait naître des parfums qui émanent de la chevelure de sa compagne, des espaces imaginaires et exotiques au sein desquels il fuit la réalité. Il est également à noter que la 2ème moitié du XIXe siècle voit les artistes se livrer de plus en plus à la consommation de stupéfiants ou de substances hallucinogènes pour exercer leur art : Baudelaire chante l’ivresse dans la 4ème partie des Fleurs du Mal intitulée Le vin.

Charles Baudelaire, Le spleen, Les fleurs du mal, 1857 :

Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L’ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l’immortalité.
Désormais tu n’es plus, ô matière vivante !

Baudelaire, le poète maudit, comme on le nomme, est l’expression de ce courant romantique qui par manque d’idéal, a cherché la vérité dans ses opinons jusqu’à mourir d’ennui de lui-même sur un fond de musique wagnérienne. Il est intéressant de noter aussi chez Baudelaire, l’usage des drogues, qui selon lui « permet aux hommes de se transcender pour rejoindre l’idéal auquel ils aspirent ». Il traduira dans Les paradis artificiels l’œuvre Confessions d’un anglais mangeur d’Opium du toxicomane anglais Thomas de Quincey. Un idéal sans raison, un fantasme sans moyens de production, impossible et inaccessible, s’obtiendra par des moyens détournés comme la drogue.

Ennui, souffrance, plaisirs passagers, sont les nouveaux vecteurs de l’existence humaine mis en avant par des philosophies de plus en plus noires. Schopenhauer dit que « sa vie est comme un pendule qui oscille à droite à gauche, de la souffrance à l’ennui », propos dans lequel on relit le pessimisme affecté de Voltaire qui alors était peu popularisé : « L’homme est né pour vivre dans les convulsions de l’inquiétude ou de l’ennui » (Candide) ou dans sa version cynique : « Vivons tant que nous pouvons, mais la vie n’est que de l’ennui ou de la crème fouettée ».
On lit au travers de ces vecteurs de l’existence une vision mécaniste et très réductionniste de la réalité. Encore une fois, la science atomiste des Lumières ré-émerge : celle qui dit que la réalité n’est qu’immobilité ou mouvement. Immobilité, ennui ou néant, mouvement, souffrance ou plaisir sont les principes premiers de l’existence et de ces données empiriques naissent les idées comme l’énonçait La Mettrie dans son Homme machine.

Mais bien que la souffrance, la solitude, le plaisir aux marges de l’inconscience soient la toile de fond de la poésie de Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, il existe encore une quête de l’Idéal.

La 3ème génération de poètes du 19ème siècle consacrera la mort de l’art. C’est l’époque du décadentisme, du symbolisme avec des poètes comme Théophile Gautier, Huysmans, Wilde. L’Idéal disparaît ; la nature, qui était essentielle au romantisme de la 1ère génération est placée sous le signe du dégoût.

A cette époque, les artistes commencent à bénéficier plus officiellement d’un statut social qui est une sorte de consécration stigmatisée d’êtres fantaisistes se démarquant dans une société du calcul. L’isolement, la souffrance réelle de Baudelaire ne sont plus que joués théâtralement, être artiste revient à jouer un rôle, l’art substantiellement n’a pas vraiment de qualité. Wilde dit : « l’art est inutile, l’art n’a aucune influence sur nos actes, il anéantit tout désir d’agir ; il est magnifiquement stérile ». L’art devient une activité de dilettantisme pour de jeunes privilégiés désœuvrés. Écoutons Théophile Gauthier (1811-1872) : « Je ne suis rien, je ne fais rien, je ne vis pas, je végète, c’est pourquoi n’étant bon à rien je me suis mis à faire des vers ». A vrai dire, l’artiste fait de sa marginalité artificielle d’artiste l’essence même de sa poésie. C’est l’apparat, le clinquant, le toque qui prime sur le sens. Déjà Baudelaire faisait l’éloge du maquillage. Huysmans dira qu’il veut faire de lui-même une œuvre d’art et effectivement, ces artistes sont avant tout des originaux qui s’habillent de manière fantasque : c’est l’époque des dandys, des élégants, tout de noir vêtus, avec haut de forme et cigare en main, qui montrent plus qu’ils vont dans des salons littéraires parisiens qu’il ne font vraiment de la poésie. Le dandy c’est celui que l’on prénomme aussi « le petit crevé » car il pense rendre sa souffrance surjouée plus vivante en grimant son visage de poudre blanche, ce qui n’est pas sans rappeler les gothiques extrémistes d’aujourd’hui qui font résider toute leur souffrance morbide sur leurs visages palis.

En définitive cette identité toute contenue dans l’apparence extérieure qui s’inscrit uniquement dans un jeu social surfait masque un néant intérieur que personne n’ose affronter. Les poètes romantiques sont comme des prophètes de malheur, emblématiques de la faillite de la société de cette fin du XIXe siècle où le libéralisme et la conquête bourgeoise ont bien piétiné l’idéal républicain. C’est une période où la corruption des politiques avec des hommes d’affaires éclatent. Les artistes se posent comme figures isolées là où l’ambition personnelle, politique ou sociale règne.

Aujourd’hui nous en sommes encore là ! La « star » n’existe que par ce qu’elle représente en terme de statut, elle est là pour être enviée ou adulée. L’ambition la pousse, et comme par écho elle pousse aussi le politique. Nous sommes entrés dans l’ère de la plus infâme comédie. Les politiques ne sont plus que des ravaleurs de façade, papillonnants, grisés sur la scène de leur propre réussite et ayant définitivement évacué la réalité.

Rupture de l’artiste avec l’art.
Rupture du politique avec la population.
Rupture de chacun avec tous.

(…)
Chers voisins, quand vous entendrez tout ce vacarme et ce tintamarre, prenez garde. Messieurs les Français, ne vous mêlez pas des affaires que nous réglons chez nous en Allemagne. Il pourrait mal vous en cuire. Gardez-vous de vouloir attiser le feu ; gardez-vous de vouloir l’éteindre ; vous pourriez très bien vous brûler les doigts. Ne souriez pas, prenez au sérieux le conseil d’un rêveur qui vous met en garde contre les kantiens, les fichtéens et les philosophes de la nature. Ne riez pas, fantasque qui espère dans le domaine phénoménal la même révolution que celle qui s’est produite dans le domaine de l’esprit. La pensée précède l’acte, comme l’éclair précède le tonnerre. Je veux bien que le tonnerre allemand soit aussi un allemand à sa manière, qu’il manque un peu de vivacité et mette un peu de lenteur dans sa grondante progression ; mais il finira par arriver, et quand vous entendrez un craquement comme vous n’en avez jamais entendu dans toute l’histoire universelle, sachez que le tonnerre allemand aura atteint enfin son but. Les aigles, en entendant ce bruit, tomberont mort du haut des cieux, et dans les plus lointains déserts d’Afrique, les lions rentreront humblement, la queue entre les pattes, dans leurs royales cavernes. Il se jouera alors en Allemagne un drame auprès duquel la Révolution française vous semblera une innocence idylle. Aujourd’hui, je vous l’accorde, tout est assez calme. Et si tel ou tel gesticule de manière un peu vive, n’allez pas croire que ce soit eux qui, un jour, pourraient être de véritables acteurs. Ce ne sont que des petits chiens qui traînent dans l’arène vide en échangeant des aboiements et des morsures, avant l’heure où viendra la troupe des vrais gladiateurs, ceux qui vont combattre à mort.

Et cette heure viendra. Les peuples se regrouperont en cercle autour de l’Allemagne comme sur les gradins d’un amphithéâtre, afin d’assister aux jeux grandioses. Et vous les Français, je vous conseille de ne pas souffler mot, et par-dessus tout de bien vous garder d’applaudir. Nous pourrions bien nous méprendre et vous faire tenir tranquilles à notre façon peu civile, et pour tout dire plutôt rugueuse ; car si dans le passé, au temps où nous étions encore dans un état d’abattement servile, il nous est arrivé de pouvoir vous dominer, nous le pourrions bien plus encore cette fois dans l’ivresse arrogante de notre jeune liberté – vous savez bien vous-même tout ce qu’on est capable de faire dans cet état, et vous n’êtes plus dans cet état – prenez garde ! Je vous aime bien, et c’est pour cela que je vous dis cette vérité amère. Vous avez plus à redouter de l’Allemagne libérée que de la Sainte Alliance toute entière avec ses Croates et ses Cosaques. Car, premièrement, on ne vous aime pas en Allemagne, ce qui est presque inconcevable, tant vous êtes aimables et tant vous vous êtes donné de mal, quand vous y étiez, pour plaire au moins à la meilleure et à la plus belle moitié du peuple allemand. Et si cette moitié vous a aussi aimés, c’est aussi celle, précisément, qui ne porte pas d’armes et dont l’amitié vous chaut donc peu. A dire vrai, je n’ai jamais pu comprendre ce qu’on vous reproche. Un jour, dans une brasserie de Goettingue, j’ai entendu un jeune Allemand déclarer qu’on devait se venger des Français parce qu’ils avaient décapité Conradin von Staufen, à Naples. Je suis sûr que vous avez oublié cette histoire depuis longtemps. Mais nous, nous n’oublions rien. Vous verrez bien que, quand l’envie nous prendra d’en découdre avec vous, nous ne manquerons pas de bonnes et justes raisons. En tout cas, je vous conseille d’être sur vos gardes. Quoi qu’il se passe en Allemagne, que le docteur Wirth ou le prince von Kiritz viennent au pouvoir, soyez toujours prêts à intervenir, restez tranquillement à votre poste, le fusil à la main. Je vous aime bien, et j’ai eu très peur il y a quelques temps, quand vos ministres ont envisagé de désarmer la France…

Malgré tout votre romantisme, vous êtes des classiques nés, et vous connaissez donc l’Olympe. Parmi les dieux et les déesses nues qui s’amusent là-haut dans le nectar et l’ambroisie, vous voyez une déesse qui, bien qu’environnée de gaieté et d’amusement, porte toujours une cuirasse, et garde un casque sur la tête et une lance dans la main. C’est la déesse de la sagesse.

Histoire de la religion et de la philosophie en Allemagne, Henri Heine (1797-1856)

Quels sont les remèdes ?

Par Sébastien Périmony

Le principe de Prométhée dans l’histoire

Extrait du texte « Quel rôle doit jouer la culture », du dossier sur le Congrès pour le Liberté Culturelle :

« Cependant dans une société où une poignée de personnes maintient les autres à l’état de bétail humain, la classe dirigeante, à l’instar de l’empereur romain Dioclétien, prend soin d’ordonner que ceux que l’on entend condamner à ce statut reçoivent une éducation en rapport avec le rang qui leur est assigné. Cela implique qu’aucune société vouée à maintenir sa population au rang de bétail humain, ou de singes, ne souhaite attirer l’attention sur l’existence des pouvoirs mentaux qui placent les êtres humains au dessus de la bête. Durant toute la civilisation européenne, depuis la Grèce antique, l’intention de réduire une bonne partie de la population à ce rang s’est traduite de façon systémique par ce qu’on appelle le "réductionnisme philosophique", exprimé dans la tradition des adversaires des pythagoriciens, comme les éléates, les sophistes et les euclidiens radicaux.

On trouve une illustration célèbre de cette question dans le Prométhée enchaîné du dramaturge grec Eschyle. Les dieux maléfiques de l’Olympe de Zeus capturent Prométhée, l’enchaînent à un rocher et le torturent sans cesse afin de l’amener à renoncer à son intention d’apporter la connaissance de principes physiques universels aux êtres humains, que Zeus entend maintenir à l’état de bêtes déshumanisées. Cette question, telle qu’elle posée dans le Prométhée enchaîné d’Eschyle, s’est avérée la plus importante de l’histoire de l’ensemble de la civilisation européenne, depuis au moins sa fondation dans la Grèce antique.

Il en va du droit, pour l’individu, de découvrir et de connaître, expérimentalement, des principes physiques universels vérifiables, et de les appliquer pour changer la relation de l’homme à la nature, de façon à accroître le potentiel de densité démographique relatif à l’espèce humaine. Autrement dit, il en va du droit de connaître et de pratiquer, cette vérité que le Zeus satanique d’Olympe et son oligarchie détestent le plus férocement. Il s’agit, pour l’humanité, du droit de bénéficier des bienfaits du progrès, d’améliorer la condition de l’individu humain dans le sens le plus large et le plus profond qu’implique cette notion. Il s’agit de la notion d’Agapé exprimée par le Socrate de Platon, en opposition aux personnages historiques que sont Glaucon et Thrasymaque, dans son dialogue La République.

La transmission de la connaissance de principes physiques universels définis expérimentalement, d’une personne à une autre, et d’une génération à la suivante, exprime le caractère immortel du rôle de l’individu mortel dans la société.

Le combat de Prométhée est au cœur de notre programme politique. Très peu de jeunes de notre génération en ont entendu parler. Il est pourtant un témoin de la bataille qui se déroule depuis des millénaires dans notre civilisation, car comme dirait Mr LaRouche, Zeus fut le premier des nazis. Ainsi la première strophe de la tragédie d’Eschyle résume, à elle seule, le combat :

Pouvoir : Nous voici sur le sol d’une terre lointaine, cheminant au pays scythe, dans un désert sans humains. Héphaïstos, à toi de songer aux ordres que t’a dictés ton père (Zeus), et, sur ces rochers aux cimes abruptes, d’enchaîner ce bandit dans l’infrangible entrave de liens de bon acier. Car de ton apanage, du feu brillant d’où naissent tous les arts, il a fait larcin pour l’offrir aux mortels. Pareille faute doit se payer aux dieux. Qu’il apprenne donc à se résigner au règne de Zeus et à cesser ce rôle de bienfaiteur des hommes.

Tout est dit dans les premières lignes : Prométhée, pour avoir aimé les êtres humains, et leur avoir donné le feu, symbole de la découverte des principes universels « dont ils apprendront les arts sans nombre », sera condamné à perpétuité à la torture sur un rocher ! . Durant toute la pièce sera donnée à Prométhée l’occasion de revenir sur sa décision, de reconnaître sa soi disant faute et ainsi de se sauver lui-même. Mais comme il le dit : « Tout cela, moi, je le savais ; voulue, voulue a été mon erreur – je ne veux point contester le mot. Pour porter aide aux hommes, j’ai été moi-même chercher des souffrances. »

Mais Eschyle ne s’arrête pas là. et A travers la voix de Prométhée, il va éduquer les hommes sur leur propre histoire, leur propre nature à progresser pour accroître leur capacité de peuplement. Ainsi Prométhée a montré aux hommes, en plus de l’utilisation du feu, les maisons de briques ensoleillées, car ils vivaient comme des fourmis, dans des grottes isolées du soleil ; le travail du bois ; la science ardue des levers et des couchers des astres ; les nombres ; l’assemblage des lettres ; la soumission des bêtes pour leur labeur au service des hommes ; le véhicule aux ailes de toiles pour courir les mers ; les remèdes pour leurs maladies et les trésors de la Terre comme le bronze, le fer ou l’or.

Cette tragédie classique doit être comprise comme une seule et unique métaphore, une seule idée, qui nous permet de comprendre le combat entre le principe oligarchique et le principe prométhéen, qui a parcouru les siècles depuis. Il en donne également une résolution, la transmission des arts et des sciences, d’un individu à l’autre, d’une génération à la suivante pour faire de l’oligarchie une espèce en voie de disparition. Eschyle fut l’un des premiers penseurs classiques, universels, et c’est d’ailleurs sur cette base que se développera la civilisation grecque ensuite, la tradition pythagoricienne et platonicienne. Cela peut déjà nous donner une idée de quel est le rôle de la culture classique, quelle est sa fin, unique : l’élévation de l’humanité à des niveaux supérieurs d’existence.

Alors certains pourraient nous dire, mais qu’est ce que cette « histoire », ce « mythe » a à voir avec la réalité ? A ces sceptiques nous répondrons : la mort de Socrate, de Jésus Christ, de Jeanne d’Arc, de Jaurès, de Kennedy, de Martin Luther King, et de tous les inconnus qui ont mené un combat prométhéen, pour donner aux hommes plus de connaissance et donc plus de dignité, de liberté.

Rappelons en effet que Socrate s’est fait assassiner par le parti démocrate d’Athènes de l’époque, alors dominé par les sophistes. La philosophie de ces derniers ? « L’homme est mesure de toute chose ». Autrement dit chacun a sa propre vérité, sa propre philosophie, en opposition complète avec la recherche de la vérité que proposait Socrate. Platon lui-même risquera sa vie à plusieurs reprises pour essayer de mettre en place des Républiques, comme à Syracuse, où une poignée d’individus maintenaient la majorité au rang de bétail humain.

Culture universelle et le mouvement de jeunes de LaRouche et Cheminade

J’appelle les vivants, je pleure les morts, je brise la foudre.

Ainsi, à travers l’histoire de l’homme, la maladie du romantisme n’a eu de cesse de légitimer la non intervention de l’individu dans les affaires humaines. La maladie du romantisme n’a eu de cesse d’interdire aux hommes le courage d’engager leurs émotions intimes et légitimes dans le politique, dans la responsabilisation de chacun envers tous. En réalité, pour la plupart d’entre nous, il ne s’agit pas réellement d’une indifférence vis-à-vis des souffrances d’autrui ; mais c’est plutôt le dégoût des manœuvres de l’oligarchie pour contrôler les masses, et notre propre impuissance à arrêter cette ignoble injustice, qui nous poussent à accepter le précepte du libéralisme philosophique britannique, définissant l’homme comme mauvais, puisque dominé par ses instincts. On accepte alors l’idée que l’homme, depuis toujours, n’est qu’un animal, qu’il est même bien souvent pire, et que, finalement, il vaut mieux se contenter de cultiver son jardin, au pire, ou agir au niveau local, au mieux…

Il est temps, pour toi qui parviens au terme de ce dossier, de réaliser enfin combien cette conception de l’homme est sotte. Un simple regard sur notre histoire (bien sûr, libérée de l’idéologie libérale qui pollue les cours académiques) te prouvera la capacité de l’esprit humain à dépasser un soi-disant état fixe de la nature, grâce aux découvertes scientifiques, et à améliorer qualitativement et quantitativement les processus qui agissent dans le monde, qu’ils soient de l’ordre du non vivant, du vivant ou du pensant. De même, un simple regard sur les périodes où fleurirent les plus grands progrès de la civilisation, te révélera comment l’art est un moyen de communiquer et de partager les conceptions les plus profondes concernant l’homme et la nature, et de développer un processus social qui traverse toutes les couches de la société. C’est le cas dans la Grèce Classique entre Solon et Platon, à Florence puis dans toute l’Europe lors de la Renaissance… Avoue que tu as, au fond de toi, l’intuition de cette bonne impulsion qui existe en l’homme… Seulement, de même que Zeus a torturé Prométhée, de même que Socrate a été exécuté par le parti démocrate d’Athènes, de même que les œuvres de Heine et Schiller ont été défigurées ou tout simplement interdites aux masses, l’environnement dans lequel tu vis tous les jours t’interdit d’exprimer cette impulsion.

Car, comme nous l’avons vu, il est urgent que tu reconnaisses que le romantisme n’est pas une maladie en soi, mais qu’il s’agit d’une véritable arme culturelle utilisée par des élites soucieuses de maintenir les citoyens au rang de simples sujets : en leur fournissant du rêve, elle peut tranquillement les détourner des responsabilités. « Faites l’amour ! Nous, on fait la guerre ! » Cette division entre l’homme et la société, entre la vie émotionnelle privée et la vie publique, a été à l’origine des barbaries du XXe siècle, comme l’avait pressenti Heine dans son « Histoire de la philosophie et de la religion en Allemagne » (cf. encadré), et elle est bien proche de mener le XXIe siècle vers quelque chose de pire encore, si nous ne faisons rien.

Ici et maintenant, les raisons objectives pour réaliser un changement de paradigme culturel, qui inverse celui des quarante dernières années, sont sans équivoque. Déjà en 2007, l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Alan « bulle » Greenspan déclarait, dans ses vœux de fin d’année délivrés le 31 décembre 2007 : « quelque chose d’inattendu va arriver et nous clouer au sol ». A l’effondrement imminent du système monétaire et financier international s’ajoute une politique de déstabilisation globale, une fuite en avant des intérêts de la City de Londres et de Wall-Street. Vers quoi ? Vers une politique de chaos et de guerre mondiale : en Lybie, en Ukraine, en Syrie et en Irak ; maintenant en mer de Chine, en Pologne et en Roumanie où ont lieu des déploiements militaires américains sans précédent depuis la guerre froide voire depuis la Seconde guerre mondiale. Toutes ces déstabilisations visent justement à saboter le potentiel révolutionnaire qui s’ouvre à nous avec la chute de la tour de Babel financière et l’émergence des BRICS, synonymes d’un nouvel ordre économique mondial plus juste, basé sur la protection et le développement de cette bonne impulsion que tout homme a en lui.

Ce qu’aujourd’hui les impérialistes et les va-t-en-guerre haïssent le plus, c’est une culture optimiste de jeunes révolutionnaires patriotes, comme le représente notre mouvement de jeunes au niveau international, qui non seulement n’ont pas peur de leur force apparente mais qui surtout sont animés par une culture du beau, de la découverte et de la transmission. Car, de nos jours, combien de jeunes n’ont pas peur de critiquer la mondialisation financière et lui opposer un projet constructif à l’échelle d’une nation et de l’humanité ? Combien de jeunes se contentent de rejoindre les mouvements d’extrême gauche et alter mondialistes, qui par l’absence de vision pour l’avenir se condamnent à l’impuissance ? Combien de jeunes, et de gens en général, se contentent de n’agir que sur les conséquences ? Nous pourrions dire que l’humanitaire (agir sur les conséquences) est l’humanisme (agir sur les causes) ce que le romantisme (agir selon un ressenti irraisonné) est au classicisme (agir selon une raison passionnée).

Notre mouvement de jeunes lance le défi à notre génération de ne plus avoir peur de faire quelque chose de beau pour les autres, d’engager sa raison et ses émotions dans la redécouverte de principes physiques, comme celle de la gravitation universelle de Kepler, ou d’engager son identité dans l’interprétation d’une œuvre de Bach tel Jesu, meine freude ou du Requiem de Mozart. Autrement dit : « ne te contente plus d’avoir un cerveau wikipédia » !

C’est à ce prix qu’un changement de paradigme culturel pourra avoir lieu pour redonner une chance à la civilisation humaine de continuer sa progression vers des niveaux supérieurs d’existence. Et d’éviter le chaos et la perte inutile de millions de vies humaines, comme ce fut le cas au XXe siècle. Sors donc de Facebook, de tes rave party ou de tes joints, et rejoins-nous chaque jour dans le monde réel. Afin de nous aider à redonner à la population le courage de faire face à la situation tragique dans laquelle est le monde aujourd’hui, et par la même occasion à retrouver une estime d’elle-même. De notre engagement politique d’aujourd’hui dépend que demain nous continuions à entendre les cris de détresse et de souffrance inutiles, ou que nous entonnions plutôt ensemble des Odes à la joie.

Deux couchers de Soleil

Acte second

Narrateur : Sur une plage d’Andalousie, un samedi soir, à la tombée de la nuit...

Lui : C’est fou ce que le Soleil va vite, quand il se couche.
Elle : Mais le soleil est déjà couché.
Lui : Comment ? Qu’est-ce que tu racontes ?
Elle : Ben oui ! Tu sais que la lumière se déplace à la vitesse de 300 000 Km/s et que le soleil, lui, se trouve à 147 000 000 Km… Humm ! Tu n’as plus qu’à compter maintenant.
Lui : Alors attends : 147 000 000 Km à la vitesse de 300 000 Km/s, donc si je divise disons 150 000 000, c’est plus simple, par 300 000, cela nous donne... attends, je supprime les zéros, donc disons 1500 divisé par 3, ça fait 500.
Elle  : 500 quoi ?
Lui : Des Km par des Km/s cela nous donne des secondes, 500 secondes. Ce qui fait en minutes 500/ 60 … 8 minutes et 20 secondes.
Elle : Donc ?
Lui : Oulala, attends je viens de découvrir quelque chose : c’est que le soleil, ou disons la lumière du soleil met environ 8 minutes pour arriver jusqu’à notre planète terre. Ce qui veut dire, waouh, c’est fou, que ce que nous voyons en ce moment a 8 minutes de retard par rapport à la réalité. Et donc comme tu le disais, le soleil est déjà couché. Ah ! L’univers m’épatera toujours !
Mais comment tu sais ça d’abord ? Où est-ce que tu as appris ça ? C’est passionnant.

Elle : J’ai vu ça à l’académie de LaRouche, la semaine dernière, ils organisent des pédagogiques sur Johannes Kepler et comment il a découvert le principe de gravitation universelle, c’est-à-dire comment marche notre système solaire. Ils font ça tous les samedis soirs pour que les jeunes puissent refaire la découverte par eux-mêmes, c’est vraiment passionnant et pas si dur que ça.
Lui : Ça doit être vraiment exquis de refaire une telle découverte, je ne savais pas que c’était possible. En tout cas, vivement lundi, j’vais raconter tout ça à Julien, un collègue, il adore l’astronomie, il est toujours devant son PC et je le vois souvent regarder les étoiles, la galaxie et tout ces trucs. Il ne va pas en revenir.
Elle : Si tu veux samedi prochain on peut y aller ensemble….

Narrateur : S’en suivra une discussion jusqu’au milieu de la nuit. Aurore expliquera à Sébastien toutes les hypothèses de Kepler, ses erreurs, comment il a trouvé, etc., etc. Sébastien, lui, qui adore contempler la nature, s’émerveillera de savoir qu’elle est encore plus belle, quand on en comprend son organisation, son harmonie.


[1« On ne se trompera jamais si l’on recherche quel idéal un homme se fait de la beauté dans les mêmes voies que celles où il donne satisfaction à son instinct de jeu. Tandis qu’aux jeux d’Olympie les peuples grecs prennent plaisir à des joutes où sans répandre de sang l’on rivalise de force, de vitesse, de souplesse, ainsi qu’à la compétition plus noble des talents, le peuple romain se délecte à l’agonie d’un gladiateur abattu ou de son adversaire lybien. » Lettre 15, Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme de Schiller. Aujourd’hui la jeune plèbe romaine est isolée, chacun derrière son écran et l’arène est virtuelle. Mais comme à l’époque, le jeu favorise l’empire, et l’empire favorise le jeu. (lire également la note 2 de la Lettre 15 de Schiller).

[2Pekka-Eric, qui avait des profils sur YouTube et sur MySpace, avait écrit : « Ne blâmez pas les films que je regarde [‘Tueurs nés’, ‘Réservoir Dogs’, ‘Saw’, etc.], la musique que j’écoute [‘Nine Inch Nails’, ‘Hatebreed’, ‘Dodsmack’, etc.], les jeux auxquels je joue [‘Counterstrike’, ‘Battlefield2’, etc.], ou les livres que je lis [1984 d’Orwell, Brave New World d’Aldous Huxley, Nietzsche, etc.]. La vérité, c’est que je ne suis qu’un animal. » « Nous sommes un cancer sur cette planète et notre nombre doit être réduit. Je suis préparé à mourir pour ma cause. Moi, comme sélecteur naturel, je vais éliminer tous ceux qui ne me semblent pas aptes, les déchets de la race humaine et les échecs de la sélection naturelle. Ceci est ma guerre, la guerre d’un seul contre l’humanité, les gouvernements et les masses imbéciles de ce monde… L’humanité est surévaluée [il portait cette dernière phrase sur son tee-shirt le jour où il massacra 8 personnes avant de se suicider]. »

[3Sur cette question du lien entre universalité et spiritualité, lire le texte de Mr LaRouche : « Le défi de la paix : pour un chrétien, par exemple » : http://www.solidariteetprogres.org/orientation-strategique-47/analyses/Le-defi-de-la-paix-pour-un.html.

[4Heinrich Heine : Die romantische schule ( de l’école romantique) est paru en 1835 avec deux objectifs, donner aux français sa vision de l’histoire littéraire allemande, et aux allemands un programme littéraire.

[5August Wilhelm Von Schlegel (1767 – 1845 ) et Friedrich Von Schlegel ( 1772 – 1829 ), qui sera marié à la fille de Moses Mendelsshon.

[6Il serait intéressant à l’avenir d’étudier plus en profondeur les relations entre Goethe et Schiller et leurs relations avec le courant romantique.